(Treize heures trente-deux minutes)
M. Polo : Alors, bonjour
à tous. Aujourd'hui, ma collègue et moi, on vient vous donner suite, là, aux questions
qui ont été posées ce matin. Puis vous avez vu les informations qui ont circulé
suite à la directive qui a été rendue publique. Je réitère ce que j'ai présenté
comme question ce matin. Ce qu'on dénote, c'est une incohérence, en fait, c'est
une non-communication entre deux ministres, surtout sur un dossier qui fait les
manchettes depuis près d'un an.
Aujourd'hui, on est, quoi, on est le 21 octobre...
21 février, ça fait déjà quatre mois que les ministres sont en poste, ça
fait quatre mois qu'ils ont l'occasion, justement, de réviser ce dossier-là. Et
ce qu'on dénote aujourd'hui et ce que la ministre de la Sécurité publique a dit
aujourd'hui, en réponse à une de mes questions, c'est qu'elle a appris tout ça
comme nous, comme le grand public, ce matin, à travers ces directives-là, et, honnêtement,
ça dénote non seulement une incohérence, mais, je devrais dire, une certaine
improvisation de sa part et de la part de son collègue ministre responsable des
Faune, Parcs et Forêts.
Mme
St-Pierre
:
Alors, bonjour. Merci d'être là avec nous. Tout d'abord, ce matin, c'est en
écoutant à la radio Bernard Drainville que nous avons appris qu'une directive
avait été envoyée, là. Elle a été envoyée le 29 janvier, donc, le jour
même où la loi entrait en vigueur. Cette directive-là est quand même assez
importante parce qu'elle invite, même ordonne aux agents de la faune à ne pas
respecter la loi. Nous, nous trouvons ça absolument grave qu'un ministère dise
à ses employés : Ne respectez pas la loi. Et je cite : «Aucune action
juridique ne doit être effectuée par les agents à l'égard de l'article 9
de la Loi sur l'immatriculation des armes à feu.»
On voit que ces deux ministères là ne se
sont pas parlé, que la ministre qui est responsable de l'application de la loi,
la ministre Geneviève Guilbault, ne parle pas à ses collègues, qu'elle ne
s'informe pas, qu'elle n'était pas au courant, qu'elle l'a appris en même temps
que nous ce matin. C'est absolument incroyable. Et elle se promenait sur tous
les plateaux de télévision, la veille de l'entrée en vigueur de la loi, pour
dire : Bien, la loi entre en vigueur à minuit, là, on va l'appliquer. Et
on se retrouve avec une directive qui ordonne aux agents de la faune de ne pas
appliquer la loi. C'est quand même inconcevable. On voit que ces ministres-là
ne se parlent pas.
Et on voit aussi que peut-être qu'il y a
une volonté aussi de se traîner les pieds dans ce dossier-là. Il y a eu plus de
400 000 inscriptions au registre depuis le 29. On demande au
gouvernement de vraiment mettre les bouchées doubles pour que les propriétaires
d'armes s'enregistrent, immatriculent leurs armes. Ça ne fait pas mal, ça ne
coûte rien et ça sauve des vies.
M. Croteau (Martin) : Soupçonnez-vous
le gouvernement Legault de chercher à saboter le registre des armes?
Mme
St-Pierre
:
Bien, saboter, je pense que le mot est trop fort. Mais cependant, vous le
savez, lorsque la loi a été adoptée, à la CAQ, il y a des députés qui sont
aujourd'hui ministres qui ont voté contre cette loi, pensons à Éric Caire entre
autres. On voit aussi que le gouvernement n'a pas multiplié les efforts de
communication. Il y a eu des entrevues, bien sûr, mais des efforts, de grands
efforts de communication dans les médias à très grande écoute, on n'en a pas
vu. On a vu des petits spots radio, mais on n'a pas vu d'efforts de
communication. Et le seul effort de communication, puis on l'avait applaudi
d'ailleurs, quand la ministre est arrivée en point de presse avec les gens de
la Polytechnique et les gens de la fédération des chasseurs pour dire :
Bon, bien, on a trouvé un compromis puis... Mais après ça, après cette belle
image-là, rien. Puis en plus, le bout du bout, là, on voit cette directive-là
qui vient dire : Bien, dans le fond, on ne l'appliquera pas, la loi.
M. Croteau (Martin) : ...le
gouvernement se traîne les pieds, donc, forcément, il n'est pas très pressé
d'appliquer la loi? Est-ce que c'est ce que vous nous dites?
Mme
St-Pierre
:
Bien, c'est ce qu'on comprend. Écoutez, ces gens-là devraient se parler. Ils
sont arrivés au pouvoir en octobre en disant qu'ils allaient changer des
choses. Ils devaient se parler. Ils savaient que la loi entrait en vigueur le
29. Il y a des briefings de ministres qui se font quand les ministres arrivent
dans leurs fonctions, des briefings qui se font sur les priorités, sur
qu'est-ce qui s'en vient, les dates, et tout, puis ça ne s'est pas parlé entre
ces deux-là, là? Bien, il y a un problème ici, là.
M. Lacroix (Louis) :
Mais pourquoi, au juste, est-ce qu'ils se traînent les pieds, à votre avis?
Mme
St-Pierre
:
Bien, vous savez, il y a un lobby qui est très fort, qui est proarme, et ce
lobby-là fait énormément de pression, on le sait, sur les députés. Il y a beaucoup
d'appels téléphoniques qui se font dans les comtés. Il y a même des députés...
des candidats, pendant la campagne électorale de la CAQ, qui prenaient position
contre le registre ou qui disaient : Bien, on vous entend, puis je vais
porter votre message auprès du premier ministre, M. Legault, s'il est élu premier
ministre. Alors, il y a quand même des freins, il y a des gens, au sein de la
CAQ, qui ont voté contre, au sein de la députation, qui ont voté contre le
registre, et ça, je pense qu'aussi ça doit se parler entre eux.
M. Lacroix (Louis) :
Mais, ce matin, Mme Guilbault disait que c'était de votre faute, dans le
fond, parce que c'est vous qui n'aviez pas arrimé comme il faut...
Mme
St-Pierre
:
Ah! bien là... On a le dos très large!
M. Lacroix (Louis) :
Mais comment vous réagissez à ça? Elle a dit, entre autres, qu'un des
problèmes, c'était le manque d'outils, là, pour pouvoir appliquer par les
agents de la faune, puis qu'il n'y avait pas d'Internet, là, le problème, c'est
que vous n'avez pas mis de l'Internet mur à mur au Québec, là.
M. Polo : Regardez, je
pense qu'elle étire l'élastique un peu trop large, là, à ce niveau-là, lorsqu'elle
remonte à 2003, alors que, comme ma collègue l'a mentionné, là, ça fait quatre
mois que le gouvernement est en poste. Si la ministre en question vit très bien
avec ses nouvelles fonctions, bien, qu'elle assume aussi ses responsabilités. Et
ses responsabilités, en tant que ministre, c'est aussi de travailler avec ses
collègues pour s'assurer de la meilleure mise sur pied, la meilleure
application de ce projet de loi là et pas d'attente quatre mois plus tard pour
nous servir une vieille excuse qu'on connaît toujours, qu'on connaît très bien,
qui est celle d'accuser le gouvernement précédent de tous les maux, etc. Et
c'est la même cassette qu'ils nous répètent depuis le début de la session,
alors on va repasser, là, pour cette réponse-là de la ministre.
Mme
St-Pierre
:
Et je vais insister, avouez avec moi... Moi, j'ai déjà fait votre métier
pendant quelques années, vous le faites depuis plusieurs années, avez-vous déjà
vu ça, une directive qui dit à des fonctionnaires : N'appliquez pas la
loi, aucune action juridique ne doit être effectuée par les agents? Moi, je
n'ai jamais vu ça de ma vie. C'est grave, là, qu'on dise à des employés du gouvernement :
Ne faites pas appliquer la loi. Puis c'est écrit noir sur blanc dans une
directive qui est une ordonnance.
M. Croteau (Martin) :
Qu'est-ce que vous pensez de l'argument technique, là, l'argument qui est
avancé par Mme Guilbault au sujet des problèmes techniques? Elle dit qu'il
n'y a pas Internet en région. Pourtant, les agents de la faune, qui sont déjà
sur le terrain, contrôlent la validité des permis de chasse et le font en temps
réel avec leurs téléphones cellulaires, m'a-t-on dit à ce syndicat. Donc, est-ce
que ça efface l'argument de madame...
Mme
St-Pierre
:
Bien, c'est n'importe quoi!
M. Polo : Oui, oui, c'est
du ridicule. Honnêtement, en tout respect pour la ministre en question, qui a
beaucoup de nombreux talents, ce matin, là, ça a tourné au ridicule, son
explication puis sa réponse.
M. Lacroix (Louis) :
Qu'est-ce que vous pensez, en général, de la façon dont on a présenté
différents projets de loi? Là, entre autres, bon, il y a la Loi sur
l'immigration, là il y a une injonction, on comprend qu'il y avait peut-être un
peu de tergiversation sur le nombre de dossiers à écarter, etc. Là, ce matin,
il y a un autre dossier, celui sur les garderies, où le ministre Lacombe
n'avait pas l'air de savoir combien ça allait coûter, créer 13 500 places
en garderie. Est-ce qu'il n'y a pas un peu d'improvisation dans la façon de
présenter, finalement, les décisions du gouvernement?
Mme
St-Pierre
:
Ils veulent y aller au pas de charge. Ça, on le voit. Je vous donne un autre
exemple. Pendant la campagne électorale, le SPVM devait faire partie du projet
de loi. Le SPVM est disparu du projet de loi sur la nomination des deux tiers
par les députés de l'Assemblée nationale. Pourquoi? On ne le sait pas. Puis le
projet de loi est arrivé à grands pas à l'Assemblée nationale, excluant le
SPVM, qui est un corps de police qui compte 6 000 employés et qui
dirige... dont les activités sont sur l'île de Montréal. Et je vous rappelle
qu'il y a à peu près 2 millions de personnes qui habitent sur l'île de
Montréal. Donc, il y a quelque chose là d'incohérent. Puis vous donnez d'autres
exemples qui sont très, très bons.
M. Polo : Ce gouvernement,
qui est très fort au niveau de l'image, au niveau des paroles, au niveau des
slogans, mais, quand vous grattez un peu, puis vous le voyez, dès qu'on
commence à poser un peu des questions un peu plus pointues, c'est un gouvernement
qui commence à patiner puis c'est un gouvernement qui démontre de
l'improvisation. C'est un gouvernement qui démontre aussi de l'incohérence puis,
on le voit, même de l'incohérence entre des collègues qui sont au Conseil des
ministres aussi.
M. Lacroix (Louis) : Mme
St-Pierre, est-ce que, vous, vous partagez les propos de M. Polo, ce
matin, qui disait que, pour expliquer un peu ce qui s'est passé à la dernière
élection, le Parti libéral s'était peut-être trop éparpillé en promettant... en
fait, en ayant une foule de priorités et peut-être pas suffisamment de points
plus précis, là, sur lesquels...
Mme
St-Pierre
:
Alors là, on vous a convoqués sur le registre, j'espère que vous allez parler
du registre. Mais je pense que les...
M. Lacroix (Louis) : Ça
fait 8 min 53 s qu'on en parle.
Mme
St-Pierre
:
Oui, oui, c'est ça. Mais la campagne électorale, évidemment, on en a fait des
analyses, on fait nos propres constats, on a des réunions à ce sujet-là, moi,
j'ai participé à une réunion à Montréal pour les comtés du centre de l'île de
Montréal, il y a différents éléments. Il y a une sociologue qui a fait une
recherche disant qu'il y avait aussi une très forte volonté de changer de
gouvernement, et je pense qu'il faut faire ces constats. Nous, on va travailler
très, très fort pour la suite des choses. On regarde en avant. Puis on n'a,
bien sûr, probablement pas fait les choses comme il fallait les faire. Il faut
tirer des leçons de cela, puis regarder en avant, puis s'en aller vers 2022 qui
va venir très vite.
M. Lacroix (Louis) : ...ce
n'était pas plus facile quand on pouvait frapper sur les souverainistes? Ça
polarisait beaucoup puis c'était facile de prendre un camp ou l'autre,
finalement?
Mme
St-Pierre
:
Ça, c'est des analyses que certains journalistes font. Moi, je peux vous dire
que, pendant la campagne électorale, on y est allés de façon très sincère avec
un plan de match. Le plan de match... les Québécois ont choisi un autre plan de
match. Puis, maintenant, c'est à nous de démontrer que ce gouvernement-là, ce
nouveau gouvernement, qui se dit nouveau, marche avec aussi, peut-être, des
vieilles méthodes, arrive avec des projets de loi qui sont mal ficelés, ne met
pas en oeuvre les projets de loi qui étaient là ou qui entrent en oeuvre, dont
celui-ci qui entre en oeuvre le 29 janvier. Et je pense qu'il faut
regarder comment il travaille. Il travaille de façon très brouillonne.
M. Gagnon (Marc-André) :
Mme St-Pierre, comme vous parlez de la campagne électorale, une de vos
anciennes candidates ici, dans la région de Québec, Gertrude Bourdon, a
été vue lors d'un repas avec votre chef. Vous, personnellement, est-ce que vous
verriez d'un bon oeil que Mme Bourdon occupe des fonctions soit au sein de
l'aile parlementaire ou peut-être, même, certains la voient comme candidate,
là, peut-être dans Jean-Talon éventuellement?
Mme
St-Pierre
:
Je n'ai pas de commentaire à faire autre que mon collègue, notre chef par
intérim, peut rencontrer qui il veut, peut aller manger avec qui il veut. Cette
femme a probablement des choses aussi à dire sur la façon dont la campagne s'est
déroulée. Alors, il faut qu'il soit ouvert à entendre tout ce qu'il faut
entendre par rapport à la campagne électorale. Et moi, je ne vois pas pourquoi
M. Arcand n'irait pas manger avec...
M. Lacroix (Louis) :
...même une part de responsabilité, Mme Bourdon, dans ce qui s'est passé?
Mme
St-Pierre
:
Ah! bien, écoutez, non, je n'embarquerai pas là-dedans.
M. Lacroix (Louis) :
Mais c'était quand même une candidate vedette du Parti libéral...
La Modératrice
:
Dernière question.
M. Lacroix (Louis) :
...lors de la campagne électorale. Donc, je vous repose ma question :
Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que Mme Bourdon occupe des fonctions
au sein de votre aile parlementaire?
Mme
St-Pierre
:
Je n'ai pas à répondre à cette question-là parce que ce n'est pas dans l'air.
Bonne journée.
(Fin à 13 h 44)