(Neuf heures cinq minutes)
M. Blanchette : Alors,
bonjour, tout le monde. Je vous présente M. Marc Plourde, de dos. Marc est président-directeur
général de la Fédération des pourvoyeurs du Québec; M. Jean Boudreault, qui est
président de la Fédération québécoise des saumons d'atlantique; M. Gilles
Lapierre, Aviateurs Québec; M. Alain Tardif, président de l'Association des
pourvoyeurs du Nord.
Mesdames messieurs, je suis ici ce matin
pour saluer l'engagement des intervenants qui vous communiqueront de nouveaux
éléments en lien avec la pêche au saumon dans le Nord-du-Québec. Rappelons que
cette décision relative à la pêche au saumon atlantique dans les zones 23 et 24 — on
a des cartes si jamais les gens sont intéressés par ça — est en
vigueur depuis le 1er avril dernier. Il y a eu un appui à cette résolution-là.
Les consultations se sont faites en 2015, mais il y a deux organismes qui ont
été concertés dans le Nord. Il s'agit du Comité conjoint de chasse, pêche et
piégeage, le CCCPP, et la Table régionale faune qui est une table pour le
Nord-du-Québec.
J'ai eu l'occasion de le dire cette semaine
et je le réitère, il y a deux raisons qui ont motivé cette décision. La
première, c'est pour répondre à notre besoin de données scientifiques qui sont
nécessaires pour assurer la conservation du saumon atlantique de l'Ungava. Je
rappelle que c'est quatre rivières sur les 111 rivières à saumon du
Québec. Considérant que les populations de saumon du Québec ont un statut
préoccupant, selon le Registre public des espèces en péril du gouvernement
fédéral, et que le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada,
qu'on appelle le COSEPAC communément, juge que nos données sur les populations
de saumon du Nunavik sont insuffisantes, il fallait poser un geste responsable
permettant de recueillir des données de pêche rigoureuses. Par ailleurs, nos
biologistes ont constaté qu'il se passe quelque chose et qu'il est important de
vérifier l'état des populations des saumons dans le Nord-du-Québec.
La deuxième raison, vous la connaissez
également, expliquant la nouvelle réglementation, c'est notre volonté de
respecter la convention de la Baie James et du Nord du Québec auprès des
Inuits. Et là j'insiste sur ce point, l'objectif du nouveau règlement n'est pas
de restreindre l'accès au Nord-du-Québec, mais plutôt d'avoir une meilleure
connaissance et un meilleur contrôle de la ressource.
L'initiative des partenaires, qui sont ici
devant vous aujourd'hui, est basée sur leur connaissance de la situation du
saumon dans le Nord-du-Québec, et sur les réalités observées dans nos rivières,
et sur nos besoins de collecte des données scientifiques pour assurer la
conservation de l'espèce. D'eux-mêmes, les partenaires ont voulu fournir une
solution face au débat qui occupe l'espace public et ainsi répondre aux
préoccupations de la population.
Et je cède sans plus tarder la parole à
Marc Plourde, le président-directeur général de la Fédération des pourvoyeurs
du Québec. Marc.
M. Plourde (Marc) : Bonjour à
tous. M. le ministre, mes chers confrères, M. Tardif de l'association des
pourvoiries et des pilotes de brousse; M. Lapierre d'Aviateurs Québec; M.
Boudreault, le président de la Fédération québécoise pour le saumon atlantique.
Donc, d'abord, je veux remercier le
ministre Blanchette de nous offrir l'opportunité aujourd'hui de rétablir les
faits et de vous présenter, avec mes confrères, le fruit de notre concertation.
D'abord, je tiens à préciser que cette demande, le ministre l'a bien exposé,
cette demande n'a pas été initiée par la Fédération des pourvoiries ni préparée
en catimini avec les gens du gouvernement. Ça a fait l'objet de consultations
en régions. Je dois dire que la notoriété des pourvoiries du Québec a été
malmenée injustement en raison du traitement médiatique assez agressif qui a
entouré cette nouvelle.
L'association entre les pourvoiries, les
clubs privés et la privation du territoire, pour nous, bien, c'est une erreur
puis ça fausse grandement le débat. C'est important pour nous de rétablir les
faits.
Il faut savoir que les pourvoiries du Québec
représentent un mode d'accès légitime aux ressources fauniques. Pour preuve,
elles accueillent annuellement plus de 425 000 personnes, à 80 %
des Québécois. Donc, on parle vraiment d'entreprises qui offrent de l'accès aux
gens du Québec et de l'extérieur.
L'exemple, donc, du passé nous apprend que
lorsqu'on ne prend pas les moyens nécessaires pour suivre adéquatement nos
ressources fauniques, bien, ça peut nous mettre dans des situations
problématiques, et c'est à ce titre-là, et c'est à cette préoccupation-là que
nous avons souhaité réagir.
On évolue aussi dans le contexte des
conventions nordiques qu'on a à mettre en oeuvre, et cela, toujours pour le
bénéfice de la ressource, des Premières Nations, mais également pour maintenir
et garantir l'accès aux Québécois aux ressources du Nord.
Donc, tu sais, la situation actuelle pouvait
être difficilement maintenue. Le ministère n'avait pas le choix d'agir, et,
dans ce contexte-là, nous, on pense que les intervenants des... les Québécois,
les non-autochtones, les gens du Sud, bien, on n'a pas le choix de travailler
ensemble et de convenir de façons de faire pour garantir à long terme notre
accès au Nord.
Donc, dans le même ordre d'idées, assurer
la consultation des pourvoiries du Nord et, en même temps, des infrastructures
de transport de brousse, bien, ce sont aussi des garanties, là, de notre
accessibilité future aux territoires nordiques. Donc, pour nous, il n'est pas
question, il n'a jamais été dans notre esprit de mettre en place l'obligation
d'acheter un forfait pour utiliser les services d'une pourvoirie, et c'est sur
ces éléments-là que les principaux intervenants se sont concertés et ont
convenu d'une façon de faire qui garantirait à la fois l'accès des Québécois au
Nord, mais également une saine gestion de nos ressources salmonicoles, donc le
saumon de l'Atlantique des rivières du Nord.
Le saumon de l'Atlantique est, en passant,
une ressource fragile qui fait l'objet de préoccupations, et c'est alors que je
vais d'inviter mon ami Jean Boudreault à venir vous présenter l'essentiel de
notre entente. M. Boudreault.
M. Boudreault (Jean) :
Merci, Marc. M. le ministre, merci de nous inviter.
Alors, écoutez, la FQSA, la Fédération
québécoise pour le saumon atlantique, vous savez, a comme mission la protection
et la conservation du saumon au Québec. Bien sûr, on représente des membres,
des membres pêcheurs, des membres gestionnaires, gestionnaires de rivières à
saumon, qui offrent des secteurs publics de pêche, surtout dans le Sud du Québec,
comme vous le savez. Donc, ce sont des secteurs à accès, donc les pêcheurs, de
façon générale, vont dans les cinq grandes régions salmonicoles du Québec. Il y
en a une sixième qui se rajoute, celle du Nord-du-Québec, bien sûr. Donc, les
cinq grandes régions permettent l'accès à plus d'une centaine de rivières à
saumon, entre 30 $ et 100 $ par jour à accès. Donc, ce sont des
droits d'accès qui sont émis, donc les pêcheurs peuvent avoir accès à leur
activité favorite de pêche au saumon.
Donc, notre fédération, donc, promeut la
mise en valeur de la pêche, le développement de la pêche, mais également un
sain équilibre entre la protection de l'espèce et la pêche. Donc, beaucoup de
pêcheurs maintenant font la remise à l'eau, donc pratiquent la remise à l'eau
pour justement conserver le saumon. Vous savez, le saumon, ce n'est pas une
espèce simple. C'est une espèce qui prend cinq ans... entre le dépôt de l'œuf
et le retour du saumon frayeur, ça prend cinq ans. Si on fait la comparaison
avec le Nord-du-Québec, c'est le double, ça va prendre environ 10 ans.
Donc, on se doit d'apporter le principe de précaution ici, au niveau du Nord. Pour
nous, c'est important. Notre fédération, les membres chez nous, c'est important
qu'on s'assure de la pérennité des stocks dans le Nord.
Donc, la situation actuelle, telle qu'elle
était, c'était un peu difficile de cumuler des données. On a maintenant un plan
de gestion au Québec qui gère le saumon, mais ce plan de gestion là est, en
partie, pour les rivières du Sud du Québec. On avait très peu de données au
Nord-du-Québec, donc on n'a pas plus faire l'application du plan de gestion
comme tel au Nord-du-Québec. Donc, le travail qu'on a fait ensemble, les
groupes de partenaires, c'est d'essayer de trouver une solution qui nous
permettait, dans le fond, bien sûr, de conserver nos populations de saumon,
d'être capable de conserver les pourvoiries puisque, s'il n'y a plus de
pourvoirie dans le Nord, on ne pourra plus avoir de données, on ne pourra plus
avoir l'essentiel, dans le fond, de protection de notre territoire et être
capable également de garder l'accès aux territoires publics. La FQSA, pour elle,
c'est un des enjeux également très, très important. C'est, au Québec que les
pêcheurs de saumon puissent avoir accès à leurs zones de pêche, à leurs
territoires.
Alors donc, ce qui a été proposé ici,
c'est de faire, comme il se fait au Sud, d'émettre des droits d'accès, des
droits d'accès pour la pêche. Donc, les gens qui vont aller sur le territoire
pourront passer par les pourvoiries pour faire l'achat d'un droit d'accès,
comme il se fait dans le Sud du Québec. C'est exactement la même chose. Donc, à
ce moment-là, ils vont s'enregistrer, les pourvoyeurs vont faire un peu comme
les zecs saumon au Sud, donc vont simplement prendre le contact avec les gens
qui vont circuler au Nord-du-Québec pour avoir leurs coordonnées. C'est une
question de sécurité. Pour ceux qui sont allés dans le Grand Nord du Québec,
c'est immense, c'est très, très grand. Donc, on s'assure d'une sécurité. Et
quand les gens vont quitter le territoire, donc ils devront dévoiler les
captures, etc., qu'est-ce qu'ils ont.
Donc, on va avoir atteint l'objectif, pour
notre fédération, de conservation, d'un certain contrôle sans nécessairement
avoir une restriction. Les gens pourront utiliser les services d'une pourvoirie
comme un hôtel ou un restaurant et ceux qui veulent faire du camping sauvage en
tente pourront le faire également. Donc, on pense que c'est une solution...
Puis je remercie d'ailleurs les pourvoyeurs de leur ouverture de vouloir faire
cette démarche-là, parce que je pense que c'est un peu la clé, là, qui va faire
qu'on va être capable de documenter ce qui se passe dans le Nord et, dans le
fond, d'avoir un gain, tout le monde.
Alors, essentiellement, c'est le message.
Alors, bien, M. le ministre, si vous voulez conclure, ou M. Gilles…
M. Lapierre (Gilles) : M.
le ministre, mes chers confrères, moi, je représente l'association des
aviateurs du Québec. Les citoyens du Québec ont un accès précieux au Nord, mais
il faut avouer que nous, les pilotes, on a un accès un peu plus particulier
parce qu'on peut y aller avec nos appareils, les hydravions et les
hélicoptères, et on le fait depuis longtemps.
Le processus qui été annoncé et qui a été
discuté avec nos confrères les pourvoyeurs et la fédération du saumon va
permettre de continuer de fréquenter le Nord-du-Québec, mais de le faire dans
un esprit de collaboration et de solidarité avec les occupants du territoire,
je pense, les pourvoyeurs entre autres, avec qui on doit plus que composer. En
fait, souvent, on peut s'entraider. Nous, parce qu'on a des appareils qui volent,
on peut aider le pourvoyeur pour lui apporter du matériel ou des personnes; et
le pourvoyeur, dans certains cas, va nous dépanner parce que, je peux vous le
dire pour l'avoir vécu, quand tu es dans le milieu du Nunavik et que tu as une
flotte qui est brisée ou un truc comme ça, tu es content d'avoir un ami
pourvoyeur pas loin qui va t'aider ou qui va te donner du… te vendre du
carburant, qui va te dépanner.
Le processus qui vient d'être convenu avec
les copains ici, je trouve que c'est un processus qui va permettre de continuer
de profiter du Nord dans un esprit de collaboration avec les pourvoiries et
aussi avec les Premières Nations qui sont présentes là-bas et avec qui on doit
collaborer pour protéger nos ressources et protéger notre territoire. Ça fait
qu'au nom de notre président, Gilles Jean, qui est en dehors du pays et de nos
2 000 membres chez Aviateurs Québec, je vous remercie tout le monde
de cette belle collaboration. Merci, M. le ministre.
M. Blanchette : Peut-être
juste avant de procéder à la période de questions, juste préciser que le droit
d'accès sera de l'ordre de 75 $, pour les gens dans le Nord-du-Québec,
pour aller à la pêche au saumon. Et par ailleurs, il y aura un choix d'aller
entre utiliser les services d'hébergement et de restauration des pourvoyeurs ou
d'aller faire ce qu'on appelle du camping sauvage communément. Ça fait qu'on va
animer la période de questions.
Le Modérateur
: Merci,
messieurs. Donc, nous allons maintenant passer à la période de questions. Avant
de poser votre question, je vous inviterais à vous identifier avec votre nom
ainsi que le média que vous représentez. Merci beaucoup.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Pascal Dugas de l'Agence QMI. M. Blanchette, la solution semble
assez simple, là. Dans le fond, on fait au Nord ce qu'on faisait déjà au Sud.
Comment ça se fait que ça a pris autant de temps avant de penser à ça?
M. Blanchette : Écoutez, ce
n'est pas une solution gouvernementale, je tiens à le préciser, il s'agit d'une
solution entre les intervenants. Ces gens-là se sont concertés et ont trouvé
comment on peut regarder l'histoire, étant donné, je dirais, toute la...
comment je pourrais dire ça, le débat entourant la chose. La consultation a été
faite en 2015, je tiens à le rappeler. La mise en oeuvre, la mise en application,
c'est depuis le 1er avril 2018. Et là, devant la protestation, les gens se sont
réunis. Comment on peut donner plus accès? L'idée du 75 $ et la
non-obligation d'aller en hébergement a été faite. Les consultations ont été
prises.
Dans le fond, la préoccupation d'avoir un
meilleur contrôle sur la ressource, sur l'état de la population des saumons
d'Atlantique, était à la base de ça, puis ils en sont arrivés à ce
consensus-là, et j'en suis très content. Je tiens à mentionner que leur
concertation, leur consensus fait vraiment mon affaire, dans la mesure que ça
va donner effectivement l'accès libre à tout le monde, tous les Québécois, en
autant qu'ils puissent utiliser les services sur place, ça, c'est clair.
Mais nous, notre préoccupation, c'était
vraiment une question de ressource, de saumons dans le Nord. On voulait la
conservation à tout prix.
M. Dugas Bourdon (Pascal) : Est-ce
qu'absolument tous les acteurs sont favorables à cette solution-là? Par
exemple, les Inuits, au nord, est-ce qu'ils ont été consultés?
M. Blanchette : On a eu des
échanges avec eux. Le ministère a échangé pour dire que ça s'en venait. Je
tiens à le rappeler, c'est une intervention essentiellement privée qui s'est
prise comme décision, et les Inuits, oui, ont été informés de ça. Eux, en
autant qu'on fasse la préservation, la conservation, ils sont très heureux.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Peut-être monsieur des pourvoiries, je m'excuse, j'ai oublié votre nom...
M. Plourde (Marc) : Marc
Plourde.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
M. Plourde, est-ce que vous vous attendiez à une telle levée de boucliers, là,
à la suite de la décision qui a été prise au départ?
M. Plourde (Marc) : Si on
s'attendait à une telle...
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Disons, une telle levée de boucliers, une telle réaction dans la population,
dans les médias?
M. Plourde (Marc) : Oui, en
fait, je vous dirais, pas vraiment. On ne s'attendait surtout pas à
l'orientation que prendrait le discours sur la place publique entourant ça. On
a associé ça à une forme de privatisation des deux tiers du territoire du
Québec. On parle de quatre rivières à saumon. On est loin, là, de l'ensemble du
territoire du Nord. C'est sûr que je pense que l'exercice qu'on a fait entre
partenaires devait se faire, aurait pu peut-être se faire en amont. Ça n'a pas
été fait. Au lieu de le déplorer puis de s'en plaindre, on a décidé de prendre
nos responsabilités puis d'établir le dialogue qui s'imposait avec les acteurs
concernés.
Donc, je pense que notre objectif aujourd'hui,
nous, c'est de rétablir les faits, c'est de démontrer qu'il est hors de notre
volonté de privatiser le Nord. Au contraire, on veut s'assurer par des bonnes façons
de faire, des bonnes pratiques, par une bonne entente entre les utilisateurs du
Sud du Québec, on pourrait le dire comme ça. Bien, on pense qu'on prend nos
responsabilités puis qu'on va à la fois rassurer les Inuits et les Premières
Nations et à la fois également remplir notre responsabilité à l'égard d'une
saine gestion de ces rivières à saumons là dans le Nord-du-Québec.
Le Modérateur
: Donc,
merci à tous. C'est ce qui met fin à cette conférence de presse. Et, messieurs,
on vous garderait pour une petite photo. Merci beaucoup.
(Fin à 9 h 22)