(Douze heures quarante-neuf minutes)
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Merci beaucoup. Donc, oui, je suis Jean-Sébastien Dufresne, du Mouvement
Démocratie nouvelle, une organisation qui milite au Québec pour la réforme du
mode de scrutin depuis 1999.
Donc, ça fait très longtemps, hein, au
Québec qu'on parle de réforme du mode de scrutin. Ça fait longtemps aussi que
les Québécoises et les Québécois la veulent, ils veulent cette réforme-là. Et
très souvent ça alimente le cynisme, le fait qu'il y ait des promesses qui
soient faites, des promesses qui soient reniées par la suite. Et je crois que
les Québécoises et les Québécois sont un peu fatigués, hein? Ça alimente, là,
leur cynisme à l'égard de la classe politique.
Et ce qui est vraiment intéressant de ce
qu'on va vous annoncer aujourd'hui, c'est qu'on a voulu prendre acte de ce
cynisme-là. On a vu ce qui s'est passé à Ottawa avec Justin Trudeau, hein?
Malgré une promesse quand même assez claire, malgré les consultations publiques
qui ont aussi assez claires dans leurs résultats, il y a eu un recul, là, de la
part de Justin Trudeau, et ce qui a déçu beaucoup de gens, particulièrement ici,
au Québec.
Alors, nous, au MDN, ce qu'on a fait
depuis deux ans, on a travaillé à mobiliser l'ensemble des partis politiques.
Vous voyez derrière moi, donc, les chefs de plusieurs de ces formations-là. À
l'origine, il y avait également le Parti libéral qui participait à ces
rencontres-là. Donc, on a mobilisé pendant plusieurs mois, plusieurs années, en
fait depuis deux ans, pour en arriver à dégager certains principes qui
faisaient consensus quand vient le temps de parler de quel devrait être un mode
de scrutin à préconiser pour le Québec.
Donc, ça a été quand même une grande
démarche sur plusieurs années. En décembre 2016, on avait une conférence presse
ici avec des représentants des partis et des élus qui se sont entendus sur
certains principes, mais aujourd'hui on revient maintenant avec les chefs, donc
on élève un peu le niveau et on vient surtout, suite à une tournée de
consultation qui s'est faite à l'automne dernier, donc une tournée qu'on a
appelée Chaque voix compte!... On s'est rendus dans différentes régions
avec des représentants des partis également. Il y a un rapport de cette
tournée, avec des recommandations, qui est rendu public aujourd'hui, donc qui
est disponible sur le site chaquevoixcompte.com, que vous pouvez aller
consulter.
Et aujourd'hui ce qu'on annonce, bien, c'est
des éléments de consensus entre les partis. Donc, oui, certains principes qui
devraient diriger le choix d'un mode de scrutin, mais surtout le plus grand engagement,
c'est de présenter, de déposer un projet de loi dans la première année d'un
mandat, donc d'ici le 1er octobre 2019, donc de pouvoir arriver à déposer
un projet de loi qui respecterait, là, les principes, notamment, donc, de
refléter le plus possible le vote populaire de l'ensemble des Québécoises et
des Québécois. Donc, c'est quand même important de dire qu'on veut faire en
sorte que le vote qui s'exprime à la grandeur du Québec se reflète dans la
composition de l'Assemblée nationale, d'assurer un lien significatif entre les
électeurs, les électrices et les élus, viser le respect du poids politique des
régions, favoriser la stabilité de gouvernement par des mesures encadrant les
motions de censure, offrir un système accessible dans son exercice et sa
compréhension, et finalement contribuer à une meilleure représentation des
femmes, des jeunes et des communautés ethnoculturelles. Donc, c'est des
principes qui font vraiment consensus entre les partis, entre aussi les
partenaires de la société civile qui ont participé à cette démarche-là.
Donc, on est vraiment très fiers
aujourd'hui, à l'approche des élections, de pouvoir montrer, avoir ces chefs
derrière moi qui vont chacun à tour de rôle prendre la parole, et par la suite
on va aussi signer, donc, cette entente, cette déclaration conjointe. Donc, il
faut le dire, ça n'arrive pas souvent, hein? C'est arrivé en décembre 2016,
qu'on a eu les représentants des partis, mais là d'avoir vraiment les chefs qui
se commettent sur un enjeu qui se doit être un enjeu qu'on doit traiter hors et
loin de toute conjoncture et de toute ligne partisane... Parce qu'on le sait, c'est
la représentation de la population, c'est la représentation démocratique, et
les Québécoises et les Québécois, je crois, veulent... demandent plus de leurs
élus par rapport à cet enjeu-là, et c'est pour ça, je crois, qu'on est en droit
d'exiger qu'il y ait cet engagement et qu'on va s'assurer de veiller à ce que
cet engagement soit respecté suite aux prochaines élections.
Alors, je commencerais en passant la
parole au chef de l'opposition officielle, le chef du Parti québécois,
Jean-François Lisée.
M. Lisée
: Merci
beaucoup. Il y a des moments, dans la vie d'une nation, où il faut dépasser la
partisanerie, surtout que la nation développe trop de cynisme face à l'ensemble
de ses élus. Il y a beaucoup de raisons à ça, mais, si on peut ensemble,
aujourd'hui, dire qu'un des outils de lutte contre le cynisme, c'est de
rétablir la légitimité de la représentation nationale et de faire en sorte que,
lorsque les gens vont voter et lorsqu'ils regardent le résultat du vote, ils
disent : Oui, ça, c'est à peu près comme ça qu'on a voté, oui, je suis
représenté correctement dans cette Assemblée, au pouvoir ou dans une des
oppositions... Et le temps est venu de faire en sorte que, collectivement, nous
franchissions ce pas.
Très longtemps, on a vécu dans un système
de bipartisme où, finalement, c'était compliqué de convaincre les députés
d'accepter qu'il y ait des députés de liste en plus d'eux-mêmes. Nous ne sommes
plus en bipartisme, nous sommes pour de bon en multipartisme, et il faut donc
adapter notre système politique. Alors, oui, avec le chef de la CAQ, François
Legault, Alex Tyrrell, du Parti vert, avec Gabriel Nadeau-Dubois, des gens
qui ont travaillé avec nous, de notre côté, Sylvain Pagé et Véronique Hivon
avant, avec ce travail magnifique que vous avez mené avec une constance et une
volonté depuis des années, nous sommes à ce consensus non unanime, non unanime,
malheureusement, mais nous représentons ensemble une forte majorité de la
population. Et moi, premier ministre le 1er octobre, je serai très heureux
de travailler avec le chef de l'opposition officielle.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Lisée
: Quelle
que soit la combinaison, quelle que soit la combinaison, nous allons faire en
sorte que l'élection d'octobre 2018 soit la dernière qui déçoive, la dernière
qui déçoive et qu'on en ait une en 2022 où les gens disent : Oui, ça
représente la volonté politique. Et, si ça signifie que les Québécois nous imposent
de travailler ensemble parce que les majorités ne sont pas aussi fortes, bien,
ce sera l'expression de la volonté populaire, et nous nous y plierons. Et c'est
l'acte de foi que nous faisons tous ensemble aujourd'hui de redonner plus de
pouvoir aux électeurs, aux électrices dans le respect des régions. Et ça, c'est
très important. Nous ne voulons pas qu'il y ait une liste nationale qui vienne
compenser les dysfonctions de la répartition électorale, nous voulons que ces
listes soient régionales, dans la métropole, dans la capitale et dans chacune
des régions, pour aussi redonner aux régions la capacité d'être correctement
représentées dans l'expression de leur volonté. Merci beaucoup.
Le Modérateur
: Merci,
M. Lisée. M. le chef de la CAQ, M. François Legault.
M. Legault
: Oui,
bien, bonjour, tout le monde. Je veux saluer Jean-François, chef du Parti
québécois, et Sylvain, je veux saluer Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de
Québec solidaire, Alex Tyrrel, chef du Parti vert, Jean-Sébastien Dufresne,
président du Mouvement Démocratie nouvelle, et mon collègue Simon
Jolin-Barrette, qui a travaillé sur ce projet de loi... pas ce projet de loi,
mais cette entente qui deviendra un projet de loi.
On le sait, ça fait longtemps au Québec
qu'on parle d'une réforme du mode de scrutin. Il y a eu des états généraux qui
ont commencé en 2002 puis qui ont fini en 2003. Pour moi, on n'est plus à
l'étape des débats, on est à l'étape de l'action, on est à l'étape que ce
projet devienne une réalité. Il y a un consensus qui commence à se dégager,
d'ailleurs on en a la preuve ici aujourd'hui. Je pense que c'est une excellente
nouvelle. Parce qu'on le sait, sur les enjeux importants, la population
s'attend à ce qu'on collabore davantage, qu'on travaille davantage ensemble,
qu'on fasse preuve de plus d'ouverture. Et, même s'il y aura toujours des
choses importantes qui vont nous séparer, je pense que les Québécois sont tannés
de la vieille politique, et ce qu'on annonce aujourd'hui, c'est un pas dans la
bonne direction.
Donc, je suis heureux, aujourd'hui, de
réitérer mon engagement. Si nous sommes élus le 1er octobre, un
gouvernement de la CAQ va déposer un projet de loi dans la première année de
son mandat et un gouvernement de la CAQ va mettre en branle une réforme du mode
de scrutin pour être adoptée dans son premier mandat.
Donc, je pense que le système actuel nous
a bien servis, mais il montre de plus en plus ses limites. Les citoyens sentent
que leur vote compte de moins en moins. Le statu quo vient nourrir le cynisme
au Québec. La proportionnelle mixte, c'est un système qui a fait ses preuves
dans plusieurs États dans le monde, qui va donner plus de poids à chaque vote.
C'est un bon compromis pour nos régions, c'est un bon compromis pour notre
démocratie, c'est un bon compromis pour le Québec. C'est pour ça que je suis
heureux que ça fasse partie du programme puis des priorités d'un éventuel
gouvernement de la CAQ.
Donc, en terminant, je tiens à souligner
le travail exceptionnel du Mouvement Démocratie nouvelle. Vous pouvez compter
sur nous.
Le Modérateur
: Merci,
M. Legault. Je cède maintenant la parole à M. Gabriel Nadeau-Dubois,
co-porte-parole de Québec solidaire.
M. Nadeau-Dubois : M. Lisée,
M. Legault, M. Tyrrell, M. Dufresne, bonjour à tous et à toutes.
D'abord, je veux commencer par saluer le travail exceptionnel qu'a fait ma
collègue Manon Massé sur ce dossier-là. Je suis ici aujourd'hui en tant que son
porte-parole parce que c'est elle qui a travaillé sur cet enjeu-là, c'est elle
qui va prendre formellement l'engagement pour Québec solidaire. Vous savez que
des raisons de santé assez sérieuses l'empêchent d'être parmi nous aujourd'hui.
C'est elle qui devait représenter Québec solidaire cet après-midi, et c'est son
absence qui explique en partie, d'ailleurs, le manque un peu troublant de parité
dans notre prise de parole de cet après-midi.
Je voudrais commencer par saluer également
l'esprit de collaboration dans lequel se sont déroulées les discussions animées
par le Mouvement Démocratie nouvelle. Je suis très honoré d'être ici au nom de
ma collègue pour prendre l'engagement de respecter cette entente de la part de
Québec solidaire. C'est d'autant plus un honneur d'être ici que, lorsque Québec
solidaire a été fondé il y a 12 ans, ça faisait partie des raisons d'être,
ça faisait partie de l'ADN politique de Québec solidaire que de souhaiter de
manière urgente une réforme du mode de scrutin au Québec. Ça aura pris beaucoup
plus de temps que ce qu'on souhaitait, mais il y a des bonnes raisons de croire
qu'aujourd'hui on y est et que la prochaine élection générale sera la dernière,
au Québec, à se tenir avec le mode de scrutin actuel.
Ce mode de scrutin, il est désuet, il est
dysfonctionnel. Il faut le changer de toute urgence. En démocratie, il faut s'assurer
que tous les électeurs, toutes les électrices soient représentés. C'est ce que ne
permet pas le système actuel et c'est ce que devrait permettre un mode de
scrutin réellement démocratique. Et l'engagement que prennent les partis
aujourd'hui, c'est de s'en aller dans cette direction-là.
Je suis convaincu, comme les autres chefs
qui ont pris la parole aujourd'hui, que, malgré les distinctions réelles et
profondes qui existent entre nos formations politiques, bien, on va être
capables, dès la prochaine législature, de travailler ensemble pour adopter
correctement et rapidement une réforme du mode de scrutin actuel.
En terminant, je veux dire que l'histoire
politique récente nous enseigne que cette réforme-là ne sera pas facile à
mettre en place. Que ce soit au Québec ou au Canada, il y a eu trop de
gouvernements qui ont brisé cette promesse de réformer le mode de scrutin. Il y
a eu trop d'échecs, il y a eu trop de cynisme. La classe politique québécoise,
à partir d'aujourd'hui, n'a plus le droit d'échouer sur cet enjeu fondamental.
Il faut maintenant faire honneur à notre parole, il en va de la crédibilité de
nos institutions politiques. Notre capacité de respecter l'entente
d'aujourd'hui va peser lourd dans la confiance que nos concitoyens et concitoyennes
vont investir à partir de maintenant dans notre démocratie. Merci beaucoup.
Le
Modérateur
: Merci, M. Nadeau-Dubois. M. Alex
Tyrrell, chef du Parti vert.
M. Tyrrell (Alex) :
Bien, bonjour, tout le monde. C'est vraiment un plaisir d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais remercier M. Lisée, M. Gabriel Nadeau-Dubois, M. Legault,
le MDN pour tout le travail qu'ils ont fait depuis des années maintenant.
C'est depuis 2014 que le Parti vert fait
la promotion de l'idée de bâtir un consensus à travers des partis d'opposition
en vue des prochaines élections, et on trouve que c'est très important si on
veut vraiment aller de l'avant et éviter le genre de chose qui est arrivée au
fédéral avec M. Trudeau.
On croit aussi qu'il y a un manque de
diversité des voix à l'Assemblée nationale en ce moment. Ce manque de diversité
des voix réduit la confiance envers notre système politique, augmente le
cynisme envers la politique en général et contribue à une baisse de la
participation électorale lors des élections.
Et le Québec est déjà un leader en termes
de financement des partis politiques, et donc, là, on a la chance de vraiment
être un leader dans le Canada, d'être la première province qui va adopter un
mode de scrutin proportionnel, donc c'est vraiment quelque chose de très
encourageant. Et cette entente d'aujourd'hui vise à augmenter le nombre de
femmes en politique, à maintenir le poids politique des régions — quelque
chose qui est très important pour nous — encourager la participation
démocratique, rendre le débat plus intéressant et augmenter l'intérêt envers la
politique.
On croit aussi que ce changement du mode
de scrutin devrait être accompagné d'un changement quant à la visibilité
accordée à tous les gens qui participent à la démocratie québécoise au sein des
médias.
Le Parti vert du Québec est un mouvement
de jeunesse, on a 62 % de femmes déjà comme candidates et on pense qu'on a
contribué de façon positive à cette démarche-là aujourd'hui, et donc on croit
sincèrement que la démocratie québécoise serait mieux servie avec un plus grand
nombre de partis politiques à l'Assemblée nationale.
Bien sûr, comme chef du Parti vert, j'ai
hâte d'avoir un siège à l'Assemblée nationale, j'ai hâte de débattre avec les
autres chefs à l'Assemblée nationale, mais aussi dans le débat des chefs qui
s'en vient, parce que c'est quand même quelque chose de très important pour la
démocratie. Et on souhaite aussi qu'on puisse vraiment aller plus loin avec le
consensus. Il reste quelques détails à préciser, et on espère qu'on va pouvoir
appuyer l'ensemble des conclusions du rapport du MDN qui a été publié, je
pense, aujourd'hui. Donc, merci beaucoup.
Le Modérateur
: Merci beaucoup.
On va y aller à la période de questions. Étant donné le grand nombre
d'intervenants et le grand nombre de représentants des médias, merci beaucoup
de votre collaboration pour avoir une question, une sous-question. Je cède la
parole à M. Laforest, TVA, micro de droite.
M. Laforest (Alain) :
Bonjour à vous tous. M. Legault et M. Lisée, s'il vous plaît, si vous
voulez vous approcher.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Lisée
: Moi, ça
me va.
M. Laforest (Alain) :
Non, non, ce n'est pas...
Le Modérateur
: Et — pardon,
M. Laforest — on va ensuite procéder, à la fin de la période de
questions, à la signature de l'entente.
M. Laforest (Alain) :
Parfait. Cheveux gris et dégarnis un peu obligent, j'entends parler de ça
depuis René Lévesque, moi, la réforme du mode de scrutin. Tous les partis
politiques sont presque engagés à le faire, personne ne l'a fait. Pourquoi là
ça serait la bonne fois? Si jamais, M. Legault, vous prenez le pouvoir,
qu'est-ce qui va faire en sorte que ça va changer? Parce que M. Couillard
nous a fermé la porte tout à l'heure, là, en rentrant au Conseil des ministres.
M. Legault
: Bien,
jamais il n'y a eu un gouvernement de la CAQ, hein? Donc, on ne peut pas dire
que la CAQ n'a pas respecté sa parole de ce côté-là. Je pense que c'est important
au Québec, c'est un souhait des citoyens. Les Québécois, les citoyens n'aiment
pas cette façon de faire de la politique de façon polarisée comme s'il y avait
des bons puis des méchants puis qu'automatiquement, quand un gouvernement
propose quelque chose, bien, il faut que l'opposition s'y oppose. C'est
possible de travailler ensemble, ça fonctionne, on l'a vu avec Mme Merkel
depuis longtemps en Allemagne. C'est possible d'avoir des gouvernements qui
travaillent ensemble, des partis qui travaillent ensemble à faire avancer le
Québec. Je pense qu'on est rendus là. Ça a peut-être pris beaucoup de temps
pour certains, mais je pense qu'on est rendus là. Puis de voir aujourd'hui
qu'il y a quand même trois partis représentés à l'Assemblée nationale, quatre partis
au total sur cinq, trois partis d'opposition qui représentent actuellement une
majorité de députés puis une majorité d'appuis comme pourcentage de votes, je
pense que c'est un pas important dans la bonne direction.
M. Laforest (Alain) :
Pas de danger, M. Lisée?
M. Lisée
: Je vais
vous dire pourquoi ça a échoué dans le passé, parce qu'il faut le savoir. Ce
n'est pas que René Lévesque et Robert Burns étaient de mauvaise foi lorsqu'ils
l'ont proposé, et je dirais que ce n'est même pas que Jean Charest et Benoît
Pelletier étaient de mauvaise foi quand ils l'ont proposé. Arrivés à la
discussion au caucus, les députés sont très réticents à l'idée qu'il y aura
deux classes de députés : les députés élus dans leur circonscription qui
ont fait le porte-à-porte et des élus de liste. Alors, ça va être le même
débat.
Pourquoi est-ce qu'au Parti québécois on
dit : Cette fois-ci, on va surmonter cette réticence? Bien, d'abord parce
que, dans la proposition commune, ce sont des listes qui sont régionalisées,
donc qui sont mieux ancrées dans le réel de chaque région. Puis deuxièmement,
nous, au Parti québécois, on sait que, pour faire l'indépendance dans le
deuxième mandat, il va falloir additionner tous les députés indépendantistes en
2022, qu'ils soient du Parti québécois ou de Québec solidaire, et donc cette
addition-là est essentielle à la réalisation de notre article 1. Ce
n'était pas le cas dans le temps de M. Lévesque puis de M. Burns, il
n'y avait pas cette configuration-là. Et, nous, donc, notre volonté politique,
elle est ancrée dans le chemin qu'on veut prendre vers la victoire de
l'indépendance.
Maintenant, moi, je m'engage non seulement
à l'adopter dans le premier mandat, mais à faire en sorte que ça soit appliqué
pour l'élection de 2022.
Le Modérateur
: Merci.
M. Dion, micro de gauche, Radio-Canada.
M. Dion (Mathieu) : Mais,
une fois au pouvoir, quand vous allez réaliser que c'est ce système-là qui vous
tient en place et qui vous maintiendra en place également, est-ce que ça va
toujours être intéressant d'avoir ce mode de scrutin proportionnel? Et le «maintenir
en place dans l'avenir» est important ici. Quand vous allez réaliser qu'il va vous
maintenir encore en place, ça va toujours être pertinent? Et je vous pose la
question à M. Legault et M. Lisée.
M. Lisée
: Est-ce
que tu veux commencer, François?
M. Legault
: Non,
vas-y.
M. Lisée
:
Écoutez, moi, je pense aussi que la réalisation de notre objectif
d'indépendance passe par le recul du cynisme. Il faut avoir confiance en son
Assemblée nationale pour vouloir lui donner tous les pouvoirs, il faut avoir
confiance en sa démocratie pour avoir un autre référendum, et que, donc, c'est
plus important de rétablir la confiance — en partie, là, ça ne fera
pas la totalité — d'augmenter la confiance du peuple envers ses
institutions que de faire des calculs partisans. Alors, pour moi, ça fait
partie de ce chemin vers le rétablissement du lien de confiance indispensable à
ce qu'il y ait une majorité favorable à l'indépendance.
M. Legault
: Bien,
quand je regarde, actuellement mon principal adversaire, là, c'est le cynisme.
Et il faut être capables de penser à moyen terme, à long terme. Au-delà des
petits gains qu'on peut faire à court terme, ce qui est important, au Québec, c'est
de retrouver la confiance, de retrouver la fierté, de recommencer à faire
avancer le Québec, puis pour ça on a besoin que le plus de personnes possible
travaillent ensemble. Puis je pense que le mode de scrutin proportionnel mixte
aide, justement, à ce qu'on travaille davantage ensemble, que ça soit possible
de le faire, qu'il n'y ait pas un gouvernement qui est élu par une minorité de
Québécois qui soit capable de prendre des décisions pour une majorité. Donc,
moi, je pense, ça va dans le sens, à long terme, du mieux-être des citoyens québécois.
M. Dion (Mathieu) : Je vous
pose la question parce que les experts disent souvent que la raison pour
laquelle on en est encore là aujourd'hui, c'est parce que souvent les partis au
pouvoir vont réaliser qu'ils vont perdre des comtés avec une réforme du mode de
scrutin, donc des députés qui réalisent : Aïe! Moi, je vais perdre ma job,
tu sais. Est-ce que vous allez être prêts à sacrifier des comtés au nom de ce
mode de scrutin?
M. Legault
: Bien,
écoutez, nous, on est prêts puis on va faire le changement. C'est important de
le faire, c'est important de ne pas regarder les gains à court terme. Il y a
une pression populaire qui n'était peut-être pas là il y a 10 ans, il y a
20 ans. De plus en plus, les citoyens sont informés et de plus en plus les
citoyens veulent participer. Même s'ils s'intéressent moins, entre les
élections, à la politique, il reste que, quand même, les gens veulent être
représentés, veulent participer aux décisions, puis c'est une façon de le
faire. Donc, moi, je pense qu'un gouvernement qui ne respecterait pas cette
volonté-là des citoyens se retrouverait en difficulté à moyen terme.
Le Modérateur
: Merci.
D'autres intervenants sur la question? Ça va? Mme Sioui, micro de droite.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Bonjour, ma question s'adresse à M. Lisée, M. Legault,
M. Nadeau-Dubois. Est-ce que vous souhaitez tous que le nombre de
circonscriptions, et donc de députés, reste le même, donc 125? Si oui, est-ce
que les membres de votre caucus sont prêts à faire les sacrifices qui
s'imposent, là, que ce soit d'avoir une circonscription plus grande ou de
laisser sa place à quelqu'un d'autre?
M. Legault
: Bien,
je peux commencer. Nous, c'est très clair qu'on ne veut pas augmenter le nombre
de circonscriptions. Il y en a 125 au Québec. On en a déjà plus, par exemple,
qu'en Ontario puis qu'à peu près partout, donc on ne veut pas augmenter les
coûts pour les citoyens. Donc, oui, les députés devront accepter qu'il y aura
une partie des comtés... des députés qui seront nommés à partir de comtés avec
une région qui est concernée, mais ils vont accepter ou ils vont devoir
accepter aussi qu'il y ait des listes de candidats.
Puis je pense que ça atteint un autre
objectif. Par exemple, si on parle de la parité hommes-femmes, c'est très
difficile, quand on a juste des circonscriptions, d'être certains que, dans la
moitié des circonscriptions, on soit capables d'avoir des femmes, alors que,
quand on a des listes de candidats, bien, c'est beaucoup plus facile de dire,
bien... puis moi, c'est un engagement que je prends : dans la liste de la
CAQ, il y aura parité hommes-femmes. Donc, moi, je pense qu'il doit y avoir ce
sacrifice ou ce compromis qui doit être fait par les députés.
M. Lisée
: On en a
discuté en caucus, évidemment, avant de prendre cette décision-là, qui est très
lourde de sens, y compris pour la vie future des députés, et ils comprennent
qu'il y aura 125 comtés. Il y aura 75 comtés de circonscription, ça
veut dire que les circonscriptions vont prendre du volume, un petit peu comme
les circonscriptions fédérales — donc on a déjà une pratique avec les
circonscriptions fédérales, qui sont maintenant 78, en tout cas, il y en avait
75 jusqu'à récemment, donc il y aura du travail à faire avec le DGE pour
délimiter ces circonscriptions-là — et que, dans chaque région, des
gens viendront compenser la mauvaise répartition des députés élus en fonction
du vote. Alors, oui, ils sont conscients de ça. Ça va être un changement. Mais
le changement, on connaît ça. On a changé le Québec à chaque fois qu'on était
au pouvoir, on va le faire encore une fois.
Le Modérateur
: M. Nadeau-Dubois.
M. Nadeau-Dubois : Une
réforme du mode de scrutin, ça signifie nécessairement une réforme de la carte
électorale, ça fait partie de ce que ça implique, mais c'est nécessaire pour
obtenir un système plus démocratique. Il va, oui, y avoir une période
d'adaptation, c'est vrai pour les caucus, c'est vrai aussi pour la population,
mais le résultat des courses, ça va être une démocratie plus forte et plus
représentative. Et ça, ce n'est pas seulement tous les partis politiques qui
sont gagnants de ça, c'est tous les citoyens, toutes les citoyennes du Québec.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : On reste à 125... pour vous aussi?
M. Nadeau-Dubois :
Honnêtement, la position de Québec solidaire, on est tout à fait ouverts, par
exemple, à ce qu'il y ait plus de députés. On n'aurait aucune objection à
augmenter le nombre de sièges à l'Assemblée nationale. Ça, c'est le genre de
technicalités sur lesquelles nos positions peuvent différer, mais, sur
l'essentiel, c'est-à-dire la réforme du mode de scrutin pour se diriger vers un
système mixte, donc avec une composante de proportionnalité, une composante de
représentation dans des comtés traditionnels, tout ça avec une distribution
régionale, sur ça, on s'entend, sur ça, on s'entend, et c'est ce qui est le
plus important.
Et je veux juste insister sur quelque
chose : à ma connaissance, un tel niveau de consensus n'avait jamais été
atteint. Bien sûr que l'entente ne redessine pas à l'avance la carte
électorale, mais qu'on se soit rendus aussi loin dans le consensus, c'est
exceptionnel et c'est une avancée.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Ce genre de réforme se fait par consensus,
justement. Si l'un de vos partis prend le pouvoir en octobre, est-ce que vous
êtes prêts à aller de l'avant avec la réforme même sans l'appui du Parti
libéral du Québec?
M. Nadeau-Dubois : Ce que
l'entente dit, c'est qu'on va travailler ensemble pour réformer le mode de
scrutin. Et on a quand même, dans cette entente-là, je le disais, une base
d'unité significative. Il y aura certes des débats encore à faire, mais ce
qu'il y a là-dedans, c'est déjà un consensus non seulement important, mais, je
veux dire, c'est sans précédent par rapport à ce qui s'est fait avant.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Mais, si vous avez un non? Parce que c'est vers ça
qu'on se dirige, les libéraux disent non. Est-ce que vous le faites quand même
sans les libéraux?
M. Lisée
: Moi, je
suis prêt à répondre.
M. Legault
: Moi
aussi.
M. Nadeau-Dubois : Bien,
je ne suis pas sûr de saisir la question.
M. Lisée
: Je
saisis très bien votre question, Mme Sioui. D'abord, l'absence des
libéraux aujourd'hui, c'est très triste parce que le Parti libéral s'était engagé
dans une réforme semblable il y a quelques années sous Jean Charest avec Benoît
Pelletier, et leur décision de ne pas participer jusqu'à la fin au processus — ils
étaient là au début — est une décision purement partisane de calcul immédiat.
Donc, moi, j'exprime le souhait qu'une fois qu'ils vont avoir perdu le pouvoir
le 1er octobre le Parti libéral qui restera acceptera de participer à nos
discussions pour bonifier notre proposition. Notre proposition, elle est là
pour ce qui est là, ensuite on aura des discussions sur les modalités, comme vous
venez de le voir. Mais donc j'ai bon espoir qu'après leur défaite électorale,
comme c'est souvent le cas pour un parti défait, tout à coup ils trouvent que
ce serait une bonne idée de changer le mode de scrutin. S'ils pouvaient changer
d'avis avant le 1er octobre, ce serait mieux aussi. Nous aurons tous les
quatre, le soir du 1er octobre, une forte majorité de Québécois qui auront
voté pour nous tous en sachant que nous allons avancer avec cette
proposition-là, et donc je considère que nous aurons la légitimité de
l'appliquer, même si les libéraux qui restent y sont opposés.
Le Modérateur
: On va y
aller avec M. Legault et ensuite l'autre question.
M. Legault
: Bien,
soyons très clairs, là, c'est sûr qu'on souhaite l'appui du Parti libéral,
mais, si on n'a pas l'appui du Parti libéral, à partir du moment où on a
l'appui d'une majorité de députés qui représentent une majorité de Québécois,
on va aller de l'avant.
Le Modérateur
: M. Dugas-Bourdon…
Ah! M. Dufresne, je vous en prie.
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Peut-être juste en complément, rapidement, sur ça. C'est aussi inclus dans
l'entente qu'il y a un appel aussi au Parti libéral à faire un pas et à
travailler avec les autres partis. Nous, comme mouvement de la société civile,
c'est sûr que la main est toujours tendue. On va toujours attendre, là, que le
Parti libéral voie dans ce projet-là un projet qui est dans l'intérêt de
l'ensemble de la population, y compris aussi possiblement des électeurs, des
électrices libéraux. Il faut comprendre que, dans certaines circonscriptions,
il y a des votes qui ne servent pas à élire quelqu'un, donc ils reçoivent plus
de votes, dans certains châteaux forts, qui sont des votes qui ne comptent pas,
finalement, qui pourraient compter dans un système proportionnel, donc il y a
quand même un certain intérêt là. Et, nous, ce qu'on dit, c'est que le Parti
libéral n'a pas d'opposition contre, formellement. Ils n'ont pas de position
contre, ils n'ont pas juste de position pour. Donc, nous, on va continuer à
travailler, là, à faire le travail de démarcher, donc, les partis et veiller à
ce que le consensus se bâtisse et, idéalement, avec l'ensemble des partis parce
que c'est ça qui serait la solution idéale, assurément. Mais, si on voit qu'il
y a des partis qui sont pour cette réforme-là dans l'intérêt supérieur de la
population, bien, c'est sûr qu'on va vouloir travailler avec les partis qui
sont du bon côté de l'histoire pour faire avancer cet enjeu-là.
Le Modérateur
: Micro
de gauche.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
M. Legault, êtes-vous d'accord avec la proposition de M. Lisée, là,
comme quoi il y aurait 75 députés qui seraient élus par circonscription et
50 selon la liste régionalisée?
M. Legault
: C'est
à examiner, c'est à examiner. Il doit y en avoir un certain pourcentage en
fonction de comtés délimités puis un autre pourcentage pour chaque région du
vote exprimé.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
O.K. Mais ce que M. Lisée avance, vous n'êtes pas nécessairement contre
maintenant, mais pas nécessairement pour.
M. Legault
: Pas
nécessairement pour, exactement.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
O.K. M. Nadeau-Dubois, même chose, si je comprends bien?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
comme je le dis, nous, on serait à l'aise à même augmenter le nombre de
députés. Mais je vous invite à vous concentrer sur ce qui nous rassemble, là.
Bien sûr, je l'ai dit, là, plus on entre dans les détails, plus c'est possible
de diverger, mais la base d'unité qu'on a ici, elle est sans précédent. Ce
n'est jamais arrivé que des partis s'entendent à ce point sur les grands
paramètres d'un nouveau mode de scrutin. Donc, bien sûr qu'il y aura du travail
à faire. Lorsqu'un des partis déposera un projet de loi, il y aura une
commission parlementaire. Ce projet de loi là sera discuté, il sera bonifié et,
au terme du processus, il sera adopté. C'est sûr qu'on n'allait pas faire ce
travail-là autour de la table de négociation. Ce travail-là va se faire à
l'Assemblée nationale pour aller dans les détails. Mais, grosso modo, ce qu'on
a ici, c'est une forte base d'unité, et tous les partis... selon qui sera au
pouvoir et dans quelle opposition lors de la prochaine législature, aura tout
le loisir de participer au débat puis mettre de l'avant sa position à lui, tout
simplement.
Le Modérateur
: Merci.
Micro de droite.
Journaliste
: Dans
l'éventualité où les libéraux rentrent minoritaires le 1er octobre, est-ce
que, M. Legault ou M. Lisée, vous seriez ouverts à former une
coalition pour renverser le gouvernement minoritaire libéral? Et, si oui, qui
serait le chef de qui et qui serait le vice-chef de qui?
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Lisée
: Qui
serait le vice-chef? On va commencer par négocier le vice-chef.
M. Legault
: Je ne
spéculerai pas, là, sur la proposition que vous faites, sur l'hypothèse que
vous faites. Moi, je travaille pour un gouvernement majoritaire de la CAQ.
M. Lisée
: Même
réponse.
M. Legault
: Un
gouvernement majoritaire de la CAQ?
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Lisée
: Sauf une
des trois lettres. Je garde le Q, je mets un P devant.
Journaliste
: Plus sérieusement,
avez-vous quand même la crainte… Dans le rapport de Mouvement Démocratie, il y
a quand même un seuil à 2 % qui est fixé. Est-ce que vous avez quand même
une crainte qu'un Parlement comme à l'italienne, par exemple, soit formé à
l'Assemblée nationale, où il y a une multitude de partis, une multitude
d'opinions puis qu'il y ait des extrêmes aussi qui se faufilent puis qui aient
des sièges?
M. Legault
: Bien,
je pense… Tu sais, on peut prendre l'exemple de l'Italie, mais, comme je disais
tantôt, on peut prendre l'exemple de l'Allemagne, on peut prendre l'exemple de
plusieurs pays. Il s'agit de voir, effectivement, à quelle hauteur on met le
minimum pour commencer à avoir des sièges.
Mais moi, je pense que c'est souhaitable,
dans le genre de société qu'on a aujourd'hui, que les politiciens puis les
partis travaillent davantage ensemble. Et, sur beaucoup de points, il y a
effectivement des idées qui sont semblables. Ça fait que je ne suis pas passé,
moi, du PQ à la CAQ puis dire : J'oublie tout ce qui était là. Il y a des
choses qu'on a en commun, puis je pense que les Québécois souhaitent qu'on soit
capables, ensemble, de faire avancer les choses, là, sans tomber dans la
caricature, là, d'un Parlement à l'italienne.
M. Lisée
: Sur le
2 %, ce n'est pas dans l'entente, O.K.? Donc, c'est le seuil d'entrée.
Dans certains pays, c'est 5 %, ça va de 2 % à 10 % selon les
pays. Ça va faire partie de la discussion. Puis effectivement ce que vous dites
sur... plus le seuil est bas, plus le nombre de partis peut être important et
donc créer des distorsions, donc on essaie... Tu sais, c'est sûr qu'on n'est
pas d'accord avec la proportionnelle pure, qui est, là, le Parlement à
l'italienne. On essaie d'avoir un compromis entre un gouvernement qui est assez
fort — le Québec représente une nation minoritaire à l'intérieur du
Canada, en ce moment, et en Amérique du Nord, il faut avoir un système qui
donne un gouvernement qui est fort — mais en même temps qui est
représentatif de la volonté. Et ça, ça va faire partie des discussions lorsque
le projet de loi sera déposé.
Le Modérateur
: Merci.
S'il n'y a pas d'autre intervenant, micro de gauche, M. Bergeron.
M. Bergeron (Patrice) :
Bonjour, messieurs. Une question : Vous dites que vous regrettez l'absence
des libéraux, mais est-ce qu'ils ont été approchés dans tout ce processus-là?
Est-ce qu'on les a aussi invités?
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Oui, bien, voilà. Ça, je peux répondre de ça. Écoutez, on a fait beaucoup de
démarchage, là, il faut nous croire, là, depuis les deux dernières années. Dans
les premières rencontres transpartisanes qu'on a tenues, il y avait des
représentants du Parti libéral. Il y avait le président de la commission
politique à l'époque, il y avait une représentante, aussi, de la ministre Rita
de Santis qui suivaient les travaux, qui étaient là, qui y contribuaient aussi
dans la réflexion, au niveau des principes notamment, qui étaient fort
intéressants. Je pense que ça a nourri, là, nos réflexions.
Mais est venu un moment où, effectivement...
quand il y a une volonté de prendre la parole plus formellement, d'avoir une
déclaration commune, d'avoir un engagement commun, c'est là que ça ne s'est pas
transposé, là, au niveau du Parti libéral. Mais, jusqu'à dernièrement, on avait
encore, là, des échanges, là, dans les derniers jours pour les informer, là,
dans le fond, en toute transparence, leur dire : Écoutez, voici ce qui se
passe, il y a des partis qui veulent avancer sur cet enjeu-là, qui entendent ce
que la population dit.
Il faut dire, hein, dans les sondages...
le dernier sondage qui a été fait au niveau du Québec suite au retrait de
Justin Trudeau disait que 83 % des répondants au
Québec — c'était la province où il y avait le plus haut taux de
réponses positives — auraient souhaité que Justin Trudeau aille
jusqu'au bout dans son projet de réforme. Donc, c'est pour dire qu'au Québec il
y a cet appétit. Alors, on comprend cet enjeu-là, on veut que ça se concrétise.
Donc, nous, on maintient, là, la
transparence avec les différents intervenants, notamment le Parti libéral, dire :
Regardez, il y a des partis qui entendent ça, qui veulent avancer. Voulez-vous
vous joindre? Voulez-vous nous rencontrer? Et cette ouverture-là, elle demeure.
Donc, nous, on est toujours prêts à travailler avec le Parti libéral. Il faut
comprendre que le gouvernement et le parti, c'est deux choses. Donc, nous,
c'est sûr qu'à travers les instances du parti on va continuer, là, à faire du
travail de représentation, comme mouvement citoyen, là, pour amener des
positions, là, au sein du parti et en espérant que ça puisse converger, là,
avec ce qu'on est en train de développer tous ensemble.
M. Bergeron (Patrice) : Puis
par ailleurs, toujours pour revenir sur la question, donc, de l'adoption de ce
nouveau mode de scrutin, vous le rappelez encore — on s'en est encore
parlé, je crois, dernièrement — il faut quand même... normalement, on
demande à avoir l'unanimité des partis quand on change les règles
démocratiques, là, à l'Assemblée nationale. Dans ce cas-ci, ça serait une
réforme majeure. Est-ce que chacun des partis s'engagerait, même s'il n'a pas,
donc, l'unanimité en Chambre, de pouvoir même l'adopter à la majorité simple,
cette réforme-là, à la majorité simple?
M. Lisée
: Oui, c'est-à-dire
que moi, je pense qu'il est important qu'il y ait plus qu'un parti qui vote
pour, hein? Donc, c'est ça, la majorité qualifiée à laquelle, moi, je pense,
c'est que... et c'est ce qu'on aura parce que moi, je crois à la bonne foi de
mes collègues chefs de parti. Donc, il y aura plus qu'un parti qui votera la
loi, c'est essentiel. Et justement, dans la discussion des modalités, moi, en
tout cas, ça me guidera, d'être sûr de ne pas être tout seul, avec le Parti
québécois, à voter cette loi-là. Il faudra certainement qu'il y ait un deuxième
et, j'espère, un troisième parti qui l'appuient.
Le Modérateur
: M. Croteau.
M. Nadeau-Dubois : Je
veux faire un ajout là-dessus.
Le Modérateur
: Oui, M. Nadeau-Dubois.
M. Nadeau-Dubois : Il ne
serait pas légitime pour un seul parti politique d'imposer une réforme du mode
de scrutin, je ne pense pas qu'il est plus légitime qu'un seul parti politique
bloque une réforme du mode de scrutin qui est désirée par la majorité de la
population au Québec depuis des années.
Le Modérateur
: M. Croteau.
M. Croteau (Martin) :
...sur cette question-là. Les réformes par consensus qui guident, finalement, les
lois électorales, et tout ça, est-ce que c'est une tradition que ça se fasse
par consensus ou est-ce une obligation? Et, autrement dit, est-ce qu'il serait
légal de changer le système électoral sans l'appui unanime des partis?
M. Lisée
: C'est
une tradition. C'est une tradition qui n'a pas toujours été respectée. Je sais
que certaines des lois proposées par le gouvernement Lévesque ont reçu
l'opposition du Parti libéral, y compris en termes démocratiques. C'est un
horizon qu'on essaie d'atteindre, mais ce n'est pas une obligation.
M. Croteau (Martin) :
Mais est-ce que, justement, sans l'appui de l'ensemble des partis, ça
n'exposerait le nouveau système à des contestations judiciaires, là,
éventuellement?
M. Lisée
: Aucune,
aucune, aucune. La Constitution canadienne permet aux provinces d'organiser
leurs élections comme ils le désirent, dans le respect des institutions
canadiennes. Donc, ça, ça ne pose pas de problème. On l'a vu dans d'autres
provinces aussi.
Le Modérateur
: Une
dernière en français.
M. Laforest (Alain) :
J'avais gardé une question pour la fin, M. Lisée.
Le Modérateur
:
Dernière, M. Laforest, s'il vous plaît.
M. Laforest (Alain) :
Oui. Vous avez écarté, tout à l'heure, la possibilité de faire une coalition
advenant un gouvernement minoritaire libéral. Dans une réforme du mode de scrutin,
il risque d'y arriver où il va y avoir plusieurs partis, puis vous devrez
former des coalitions.
M. Legault
:
Écoutez, moi, je ne veux pas spéculer. C'est ce que j'ai dit, c'est ce que je
répète, je ne veux pas...
M. Laforest (Alain) :
Mais une réforme risque d'amener cette situation-là.
M. Legault
: Non,
mais je ne veux pas... D'abord, pour 2018, pour le 1er octobre, là, la
réforme ne s'appliquera pas. Donc, c'est une situation très hypothétique de
dire : Si, en 2022, il arrivait une situation où les libéraux étaient
minoritaires... Écoutez, vous savez très bien qu'on ne répond pas aux questions
hypothétiques comme celles-là.
M. Lisée
: Même
réponse.
Le Modérateur
: On passe
en anglais, micro de gauche.
Journaliste
: The Premier has already said that he won't support this because it
will mean less power for the regions, and there are also concerns it will mean
less power for historic minorities like anglophone communities. What do you all
have to say to him?
M. Lisée
: He's completely off. I mean, the English-speaking population in Québec know that their vote is concentrated in a number of ridings. And
when you have 80% of vote for the Liberals, well, over 50%, you know, they
don't really count in the National Assembly. So, in fact, it will empower every member of every minority, and
majority, and women, and men, and regions. It's empowering, including the
English-speaking community. Mr. Couillard has been off on every issue concerning the English-speaking minority
since he came to office, he continues. And I think their calculation is that
cynicism helps the Liberals. That's how they view things. We think cynicism
hinders democracy. And what we're doing today together, despite our profound
differences, is to say that we want to re-establish a link of trust that is
greater than now between the voters and the parties in the National Assembly. And, if Mr. Couillard doesn't want to be in
this endeavor, well it says something about him and it says something about us.
M. Legault
: Yes. I think Mr. Couillard knows very well that when he says
that regions would not be well represented, it's false, it's not true. You can
have a way to make sure that, within each region, you make sure that everybody
is better represented with what we suggest than what he suggests. So, I think
that, right now, Mr. Couillard is only defending the Liberal Party instead of defending the
democracy.
Journaliste
: And you've all said that you were for this change, this electoral
change, but are you all for the same manner of doing it? Has that been worked
out yet?
M. Nadeau-Dubois : First, I want to say that, you know, and we have to be very clear
about that, everyone wins with a more democratic electoral system, especially
minorities because they form a small group of the population,
and the main advantage of a more democratic electoral
system is to give them a voice as a minority inside the National Assembly. So, everyone wins,
especially minority groups, with a more democratic system, and that's very important to point out.
For your second question, I would say : The level of consensus that we've reached with that
agreement is historic. It never happened, such a level of consensus between political parties in a
matter like the reform of the electoral system. So, of course, when the debate
is going to happen here, at the National Assembly, there are going to be
differences. We are going to debate on details and technicalities, but, on the
essential, we agree on and that's why this press conference today is that
important.
M. Lisée
: Merci beaucoup.
On va signer?
M. Legault
:
Merci, tout le monde.
Le Modérateur
: On va maintenant
procéder à la signature. Je proposerais peut-être le même ordre que l'ordre de
parole.
(Fin à 13 h 30)