(Onze heures sept minutes)
Mme
Hivon
:
Alors, bonjour. Aujourd'hui est un jour important parce que nous avons déposé
une pièce législative à laquelle nous croyons profondément, par la voix de
notre collègue de Lac-Saint-Jean, qui est cette loi n° 1191, ce projet de
loi établissant un bouclier de protection budgétaire des services à
l'éducation, à l'enfance et à la protection de la jeunesse.
Alors, cette loi-là, elle vise à arrêter
de jouer à la loterie avec l'avenir de nos enfants, avec le développement de
nos enfants. Parce que ce qu'on a vu, dans les dernières années, c'est quelque
chose qui ne peut plus jamais se reproduire au Québec, c'est-à-dire de faire en
sorte que, parce qu'un enfant a eu le malheur de tirer la mauvaise année de
naissance, il soit l'objet d'une année de compressions importantes en
éducation, en petite enfance, en protection de la jeunesse et qu'il en subisse
les contrecoups pendant toute sa vie. Parce qu'on peut avoir l'air dramatique,
mais c'est dramatique. Quand vous avez cinq ans, sept ans, 10 ans, 12 ans, une
année, deux années de votre vie sans le soutien adéquat en services
pédagogiques, en orthopédagogie, en orthophonie, en soutien psychosocial, en
éducation spécialisée, ça peut faire en sorte que vous allez avoir des retards
pour toute votre vie que vous ne pourrez que difficilement rattraper et
peut-être ne jamais rattraper.
Alors, ce n'est pas vrai qu'on peut
continuer à tolérer ça au Québec, comme ce qu'on a vu se faire au cours des
dernières années, que ce soit en éducation, que ce soit en petite enfance, en
services éducatifs, que ce soit en protection de la jeunesse. Avec un gouvernement
du Parti québécois, ces choses-là vont être du passé, plus jamais ça ne va se
reproduire. Et donc on dépose ce projet de loi ambitieux, qui vise à protéger,
une loi anticompressions, c'est-à-dire que toujours au moins les coûts de système
vont être absorbés et que jamais les budgets ne vont pouvoir être réduits.
C'est une loi, donc, bouclier autour de nos enfants, autour de leur avenir.
Et je vais céder la parole à Alexandre
Cloutier. Et c'est très important, bien sûr, le rôle qu'Alexandre Cloutier a
joué. Le projet de loi qu'on dépose aujourd'hui, lui ne le dira peut-être pas,
mais c'est vraiment un legs important de notre collègue de Lac-Saint-Jean, qui
a fait énormément, vous le savez, pour le dossier de l'éducation au Québec.
C'était son cheval de bataille. C'est un cheval de bataille que nous
enfourchons tous ensemble au Parti québécois, qui va être une grande priorité,
vous allez le voir au cours des semaines et mois à venir.
Mais Alexandre a fait énormément pour
prioriser l'éducation, pour se battre pour l'éducation, pour l'école publique
au Québec, et c'est son idée, cette idée d'avoir une loi bouclier anticompressions.
Alors, on veut le remercier, je veux te remercier de cette idée très
innovatrice et qui va faire toute la différence et, sur ce, je te laisse la
parole pour expliquer le projet de loi.
La Modératrice
: Merci.
Maintenant, M. Cloutier.
M. Cloutier : Alors,
c'est une très belle présentation. Je pense même que c'est un projet de loi,
Véronique, je dirais, qui est à ton image, c'est-à-dire que ce qu'on souhaite
faire, c'est un projet qui va transcender les formations politiques.
Peu importent les gouvernements en place,
on veut établir les balises, les balises budgétaires, particulièrement pour
notre réseau de l'éducation où, malheureusement, on a vu, dans les dernières
années, des coupures importantes. Véronique vous en a parlé, mais une espèce de
yoyo budgétaire. Une année, ça va bien, on investit, on crée des programmes, on
s'enthousiasme, on met en œuvre des nouvelles mesures. L'année d'après, ça va
mal, on congédie des gens, on perd de l'expertise, on met fin à des programmes.
Malheureusement, on a vécu ça, dans les
premières années, particulièrement, du mandat du gouvernement libéral. Je me
souviens moi-même d'avoir mené un combat important ici, à l'Assemblée
nationale, sur la protection des organismes communautaires qui luttent contre
le décrochage, les organismes de persévérance scolaire, où on a vu disparaître
à peu près la moitié des organismes sur le territoire québécois, alors que
l'année d'avant, on célébrait le travail extraordinaire qu'ils faisaient. Moi,
j'ai vu des gens, malheureusement, être congédiés, perdre leur expertise. On
l'a vu également dans les coupures pour les postes de psychoéducateur,
technicien en éducation spécialisé. Tout ça pour dire que dorénavant, ce qu'on
souhaite, c'est vraiment un projet bouclier qui va venir protéger les crédits
du budget du ministère de l'Éducation.
Ce que vous devez savoir, c'est que le
budget... dans le fond, le projet de loi se base sur les années précédentes aux
coupures, et on a identifié, là, une hausse en éducation à la hauteur de
3,7 % pour les coûts du système, environ à 2,9 % pour le budget en
matière de famille et 2,9 % également pour le budget à la protection de la
jeunesse. Alors, essentiellement, ce que le projet vient dire, c'est on se fie
à une tierce personne, on demande au Vérificateur général d'analyser les
chiffres et de préparer le terrain pour que le budget soit en conséquence des
crédits nécessaires. Ça sera donc le Vérificateur général qui, en début de
chaque année, viendra mettre la table, indiquer, dans le fond, au gouvernement
quels sont les chiffres qui sont nécessaires pour reconduire les programmes,
donc pour assurer les crédits. Et suite à ça, bien, ça sera au ministre de
l'Éducation de répondre.
Vous aurez compris que la grande... il y a
des gens qui nous disaient : Oui, mais pourquoi le Québec, puis ça ne se
fait pas vraiment ailleurs, puis pourquoi l'éducation? Il y a quand même des
raisons historiques qui sont liées à ça. D'abord, quand même rappeler que c'est
ici, au Québec, qu'on investit le moins par habitant en éducation. Il y en a
qui disent : Oui, mais le Québec, on est plus pauvres, c'est pour ça qu'on
fait ça. Bien, bizarre, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en
Nouvelle-Écosse et d'autres provinces plus pauvres que le Québec, on choisit
quand même d'investir de manière supplémentaire. Mais je veux quand même
rappeler aussi que 3,3 milliards, c'est le chiffre du déficit d'entretien
de nos écoles au Québec. C'est immense.
Alors, évidemment, on ne peut pas réduire
l'éducation aux enjeux liés à l'argent, puis c'est bien plus que ça, le
contenu, la formation, etc., mais il n'en demeure pas moins que les sommes sont
aussi nécessaires si on veut... Là, on est dans le peloton de queue, il faut
être dans le peloton de tête. Et d'ailleurs aujourd'hui un rapport a été rendu
public, et je vais lasser ma collègue vous en dire davantage.
La Modératrice
: Merci.
Maintenant, Carole Poirier.
Mme Poirier
:
Alors, aujourd'hui, l'Institut du Québec nous a dit qu'on était les derniers de
classe. Le bouclier budgétaire que vient présenter Alexandre aujourd'hui est
important. Nous voulons nous situer au sommet, au sommet du rang des meilleurs
étudiants au Canada, mais surtout, au Québec, on veut que nos jeunes
réussissent. Et, pour ce faire, il faut assurer les budgets en matière
d'éducation, il faut assurer les budgets en matière de centres de petite
enfance, il faut assurer les budgets aussi en matière de protection de la
jeunesse. Nos enfants, c'est notre priorité. Nos enfants, c'est ce qu'on a de
plus beau. Pourquoi ne pas prioriser nos enfants au Québec? Merci.
La Modératrice
: Merci.
On va maintenant passer à la période de questions. Nicolas Vigneault,
Radio-Canada, micro de gauche.
M. Vigneault (Nicolas) :
Deux choses. D'une part, il n'y a pas de chiffre là. Ce que je comprends, ce
qu'on comprend du projet de loi, c'est que c'est le Vérificateur général, donc,
qui va établir ce barème-là.
Mais justement est-ce qu'il risque d'y
avoir, par exemple, des gens qui disent : Bien, les coûts de système, ce n'est
pas vraiment ça? Et comment vous allez gérer tout ça? Est-ce que vous pensez
que le Vérificateur général, c'est comme la garantie dans votre projet de loi?
Mme
Hivon
: Tout
à fait. On veut vraiment un tiers externe qui va venir, justement, garantir qu'il
n'y a pas cette espèce de négociation là. Vous savez que, dans les ministères,
c'est très clair, l'établissement des coûts de système, c'est quelque chose qui
est fait de manière, je dirais, systématique, alors c'est quelque chose qui est
facilement identifiable.
L'idée, justement, c'est de ne pas pouvoir
s'en sortir, donc d'avoir un tiers externe qui va venir s'assurer
qu'effectivement la loi est respectée, donc que minimalement les coûts de
système sont intégrés et donc qu'il n'y a jamais de régression et de
compression dans le budget.
M. Vigneault (Nicolas) :
L'autre chose également, évidemment, vous dites : Il y a des années où ça
va moins bien. Ça, l'économie, bon, on ne peut pas tout prévoir. Qu'est-ce que
vous allez faire pour équilibrer un éventuel budget si vous êtes au
gouvernement? Est-ce que vous allez couper en santé? Il y a des gens qui
pourraient dire : Bien là, ça n'a pas de bon sens, si on protège
l'éducation... mais là, si on coupe en santé, on n'est pas plus avancés comme
société. Certaines personnes pourraient être...
Mme
Hivon
: Il y
a trois cas d'espèce. Progression économique, donc on ne coupera pas en
santé... Vous savez, par ailleurs, qu'on a dit que nous, on allait geler le salaire
des médecins. Évidemment que ces augmentations-là, on trouve que, dans le
contexte actuel, elles n'ont vraiment pas leur place. Donc, ça, c'est déjà
quelque chose qui est annoncé.
Vous avez le scénario où on est à peu
près, je dirais, stables, donc une croissance limitée, auquel cas, oui, il
faudra faire des efforts, mais justement on va être très rigoureux par ces
choix-là. Notamment, on pense à la rémunération des médecins. Notamment, on a
fait un gros débat hier sur les paradis fiscaux et la Caisse de dépôt. Pour
nous, c'est quelque chose de fondamental, la justice fiscale, donc ça, ça va
être évidemment une source aussi. Et, si on tombe en récession, bien, nous, on
a dit qu'en récession, comme d'ailleurs c'est permis, le déficit pourra être envisagé.
Donc, non, ce n'est pas que les gens vont
en pâtir, mais je pense que d'envoyer un signal fort pour dire haut et
clairement que nos jeunes, et l'éducation, et la petite enfance, c'est une
priorité et qu'on ne jouera jamais là-dedans, on ne jouera pas au yoyo, on ne
jouera pas à la loto, je pense que c'est fondamental.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Micro de droite, Patricia Cloutier, Le Soleil.
Mme Cloutier (Patricia) : Oui,
bonjour. J'aimerais savoir comment vous vous assurez que ce sera un réel
bouclier? Parce que, dans le projet de loi, ça dit que le ministre des Finances
peut, en cas où il décide de ne pas respecter les budgets, donner, si on veut,
les raisons pour lesquelles il ne respecterait pas. Donc, je ne vois pas, à ma
compréhension, vraiment d'engagement formel à dire que ça serait impossible,
là, de toucher au budget de l'éducation.
Mme
Hivon
: C'est
vraiment notre volonté, et on va vous expliquer pourquoi il y a un peu cet
élément-là dans le projet de loi. C'est que, vu qu'on est dans l'opposition, on
est limités dans ce qu'on peut déposer comme projet de loi en termes d'impacts
financiers et budgétaires. Donc, c'était la seule manière qu'on pouvait, nous,
le déposer, et on voulait, bien entendu, déposer ce projet de loi là, marquer
le coup, espérer donc qu'il y ait cette pression-là pour que tous les partis
s'engagent au cours de la prochaine campagne électorale. Mais nous, comme on
l'a annoncé lors de la tribune au CORIM, la semaine dernière, Jean-François
Lisée et moi, c'est vraiment un bouclier. On veut qu'il n'y ait pas de
faux-fuyant, qu'il n'y en ait pas d'échappatoire.
Mme Cloutier (Patricia) : O.K.
Donc, c'est pour ça que c'est un peu différent dans ce qu'on a aujourd'hui.
Mme
Hivon
:
Légèrement, exact. Mais on est prêts à ouvrir le débat sur ça, mais nous, on
veut la totale.
M. Cloutier : On est allés
aussi loin qu'on pouvait, comme formation de l'opposition, avec le partenariat
des légistes de l'Assemblée nationale.
Mme Cloutier (Patricia) : Et
pourquoi ne pas avoir dit plus tôt, par exemple, peut-être que c'est la même
chose, mais on voudrait que le gouvernement... un pourcentage du budget soit toujours
consacré à l'éducation? Tu sais, mettons, ça pourrait être 25 % ou, je ne
sais pas, là, donner, mettons, un pourcentage de tout le budget du Québec qui
doit être consacré à l'éducation.
M. Cloutier : Bien, parce
qu'évidemment le budget est directement lié à la croissance du PIB. Donc, il
aurait été nettement plus imprévisible que le caractère identifiable des
besoins de chacun des ministères par le Vérificateur général. Ça nous
apparaissait plus prévisible de cette manière-là.
Mme Cloutier (Patricia) : O.K.
Et le premier ministre...
La Modératrice
:
Dernière question.
Mme Cloutier (Patricia) : Le
premier ministre tantôt a dit : Bien là, moi, je n'appuierai pas cette
motion-là, ce projet de loi là parce qu'il ne va peut-être pas... Il dit :
Pourquoi vous ne l'avez pas fait en santé? Pourquoi? Est-ce que vous prévoyez
le faire, par exemple, pour d'autres secteurs?
M. Cloutier : Bien, si je peux
me permettre, encore une fois, là-dessus, d'abord, Véronique vous en a parlé
tout à l'heure, là, il y a aussi déjà des engagements qui sont pris en matière
de santé, puis notre collègue Diane Lamarre pourrait vous faire la longue liste
de ce qu'on souhaite faire.
Mais, de façon... si on isole l'éducation,
il y a des raisons historiques, à mon point de vue, pourquoi le Québec
procéderait de la sorte et non pas l'Ontario ou même d'autres pays dans le
monde. Le rapport d'aujourd'hui essentiellement dit des choses assez terribles,
troublantes, à mon point de vue. Essentiellement, c'est ici qu'on investit le
moins. On a un jeune garçon sur deux qui, malheureusement, va obtenir son
diplôme au bout de cinq ans de formation. On a 3 milliards de déficit
d'entretien dans nos écoles. La rémunération des enseignants est la moins
élevée de tout le réseau de l'éducation à travers le Canada. Le taux de
diplomation est le plus bas de toutes les provinces canadiennes. À un moment
donné, on peut continuer de se mettre la tête dans le sable, mais visiblement,
même si on a fait plusieurs bons pas au Québec depuis le rapport Parent, il
n'en demeure pas moins qu'on ne peut pas continuer comme ça.
Je pense que le projet de loi qui est
déposé aujourd'hui et pour lequel, je suis certain, recevra l'appui de
plusieurs parlementaires, marquerait une différence pour la suite des choses
puis assurerait au réseau de l'éducation une prévision budgétaire. Il n'y a
rien de pire pour les gestionnaires de ne jamais savoir sur quel pied danser.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Petite précision, juste derrière, il y a M. Alain Fortier de la
Fédération des commissions scolaires du Québec, qui aimerait s'adresser à vous
en soutien à notre projet. Merci.
Des voix
: Merci.
(Fin à 11 h 21)