(Douze heures cinq minutes)
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Alors, merci. Merci d'être là. Ce matin, bien sûr, on avait convié le parti gouvernemental à une interpellation concernant les pensions alimentaires. Vous savez qu'en 1998 ma collègue de Crémazie avait déposé un projet de loi pour que les...
Une voix: ....
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): ... - en 2008, oui - avait déposé un projet de loi pour que les pensions alimentaires ne soient plus considérées comme du revenu. On a récidivé, avec la législature actuelle, avec le projet de loi n° 198, et, comme, bien sûr, le projet de loi n'a jamais été appelé dans ces deux ans... dans les deux ans précédents, on a fait le choix d'avoir une interpellation ce matin. Il y a des rendez-vous incontournables pour le ministre à court terme, le budget, bien sûr, qui s'en vient, et le deuxième plan de lutte à la pauvreté. Donc, pour nous, les pensions alimentaires pour enfants sont un droit des enfants, et il faut faire en sorte que le gouvernement enlève cette considération que ce soit un revenu, que ce soit pour les gens sur la sécurité du revenu, que ce soit pour l'obtention de prêts et bourses, l'aide juridique et... il m'en manque un...
Une voix: L'aide au logement.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): L'aide au logement. Alors quatre volets, quatre lois donc qui doivent être modifiées pour faire en sorte que les enfants, les jeunes, aient droit à leur pension alimentaire, ce qui leur permettrait de conserver les conditions de vie, le plus possible, qu'ils avaient avant la séparation de leurs parents. On a noté bien sûr de l'insensibilité, je pense, de la part des représentants du gouvernement, appuyée sur le fait que, selon eux, le fait qu'au fil des ans le revenu des familles monoparentales, le revenu des familles sur la sécurité du revenu avait augmenté, ça diminuait conséquemment l'obligation de reconnaître les pensions alimentaires pour enfants. À notre avis, ce n'est pas une réponse responsable, ce n'est pas une réponse cohérente avec le fait que, depuis quatre-vingt-dix-sept, les pensions alimentaires sont défiscalisées, donc ça ne doit pas être considéré comme du revenu. Et il est temps que le gouvernement du Québec mette ces lois à jour avec les droits reconnus dans le cadre des pensions alimentaires.
Mme Thibeault (Josée): Avez-vous senti une ouverture du ministre Hamad quand il a dit, entre autres, que, pour ce qui est du revenu gagné, 14 000 $, c'était seulement 7 $ de l'heure, et donc il faudrait peut-être rajuster ça?
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Je vous dirai honnêtement que c'est peut-être le seul endroit où il a pris la peine de prendre des notes et de faire signe à ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qu'il voulait reparler de cette question, qu'il en tiendrait compte. Il nous l'a dit d'ailleurs à la fin aussi, quand il est venu nous saluer. Donc, on espère que ce petit bout de chemin qu'il envisage faire, je le souhaite, ait un effet qui se répercute aussi dans les autres dossiers qui sont tout aussi importants, sinon je pense qu'on passe à côté... on passe à côté de l'objectif qu'on avait. Et il faut faire en sorte que le prochain budget, il faut que le plan de lutte à la pauvreté... ce qu'on a entendu en consultation sur le terrain, témoignent de ce qu'on a entendu, parce que les gens sont venus nous le dire dans à peu près toutes les régions du Québec.
M. Moalla (Taïeb): Est-ce qu'on a une petite idée des sommes par famille qui peuvent être perdues? Une famille...
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Bien, par exemple, une femme qui reçoit une pension alimentaire de 400 $ par mois pour un enfant, donc il y en a 300 qui sont considérés comme du revenu. Alors, à ce moment-là, elle est pénalisée. Et cet argent ne va pas aux enfants, bien sûr, parce que c'est le Trésor qui ramasse ça. Oui, Mme Desjardins?
Mme Desjardins (Lorraine): En 2006, la ministre de l'époque, Mme Courchesne, avait fait un rapport justement sur les montants que ça pouvait représenter, l'exemption complète. Et on parlait à ce moment-là, pour trois programmes - parce que ceux de l'aide juridique n'étaient pas compris - pour l'aide financière aux études, pour l'aide sociale et pour l'aide au logement, on parlait de 46,5 millions de dollars, en 2004.
Une voix: ...
Mme Desjardins (Lorraine): Oui, pour l'année 2004.
Mme Thibeault (Josée): Conservés par l'État, 46,2 millions...
Mme Desjardins (Lorraine): Pour l'exemption complète, ce serait 46,5 millions de dollars. Ça représenterait ça. D'ailleurs, le... Oui, oui, pour... donc pour les trois programmes, l'aide juridique n'était pas calculée dans ce programme-là. Maintenant, c'est sûr que présentement il y a moins de familles monoparentales à l'aide sociale qui reçoivent une pension alimentaire, donc probablement que ça a baissé un peu.
Une voix: Ça a diminué d'autant.
Mme Desjardins (Lorraine): Pour les prêts et bourses seulement, c'est environ 3 millions de dollars par année que ça coûte.
Mme Thibeault (Josée): Est-ce que c'est des chiffres qui ont été donnés, parce que j'en ai manqué des bouts, sur le nombre de personnes qui sont visées par les demandes qui sont faites?
Une voix: 13 000 familles.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, c'est ce qu'on avait déjà donné, plus ou moins 13 000 familles, là, qui seraient... Oui, en ce moment.
Mme Thibeault (Josée): ...on s'entend.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Non, c'est pour les familles sur la sécurité du revenu, là, et monoparentales.
M. Moalla (Taïeb): La somme de 46 millions, dans un budget global, ne semble pas astronomique. C'est quoi, votre explication du fait que le gouvernement refuse, puis vous dites dans le communiqué : Deux jours avant Noël, on vote en catimini?
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Mais, en tout cas, à mon avis, il n'y en a pas, d'explication. C'est une question de volonté politique, là. On décide de faire en sorte qu'à partir du moment où, en 1997, on a dit que les pensions alimentaires ne devaient plus être reconnues comme du revenu, qu'est-ce qui fait qu'on a deux poids, deux mesures, c'est-à-dire les gens qui ont un travail, qui ont un revenu, ce n'est pas considéré comme du revenu, et, pour les personnes sur la sécurité du revenu, ce qu'il nous dit, c'est une question d'équité, avec ceux qui ne reçoivent pas de pension alimentaire? Mais, à partir du moment où on conçoit que les pensions alimentaires sont là pour les enfants, pour les jeunes, bien, là, on n'a pas, à mon avis, trop de questions à se poser, en se disant que finalement cet investissement-là, c'est aussi un investissement contre la lutte à la pauvreté.
Une voix: Oui. Oui.
M. Blanchet: Bien, en fait, de façon générale, ce qui est un peu préoccupant, c'est qu'il n'y a personne parmi les deux ministres et les deux députés qui étaient là qui avait la moindre idée de ce dont on parlait quand on parlait d'aide financière aux études, là. J'arrive avec la question de l'aide financière aux études, on me répond sur l'aide sociale. J'essaie de préciser, on me répond encore sur l'aide sociale, ce qui fait que j'ai eu somme toute zéro réponse. Le ministre aurait dû consulter avec la ministre de l'Éducation auparavant, de telle sorte qu'il y ait eu quelque chose qui ait pu sortir de cet échange-là qui malheureusement s'est avéré complètement vide. Et donc j'ai cité le... la Fédération des cégeps, j'ai cité le Parti libéral du Québec, j'ai cité le Comité consultatif sur l'aide financière aux études qui, tous les trois, demandent au gouvernement de ne pas considérer le revenu de pension alimentaire. Mais personne ne savait de quoi je parlais.
Donc, c'est assez décevant, et c'est d'autant plus préoccupant que, dans le contexte actuel, évidemment le gouvernement est exposé au risque d'un recours collectif qui pourrait lui coûter jusqu'à environ 9 millions de dollars. Il faut se questionner sur l'éthique du gouvernement, qui a décidé de procéder, de toujours s'opposer à... aux demandes des étudiantes, qui a fait des changements au règlement, parce que c'était une erreur de règlement, de phrasé, le 23 décembre, juste avant Noël, parce qu'évidemment c'est une position indéfendable. Et, à la première occasion un peu sérieuse qu'on a de soulever cette question-là, de dire: Est-ce qu'on peut en parler, est-ce qu'on peut échanger là-dessus?, bien je suis confronté à des gens qui n'ont aucune idée de ce dont on parle.
Mme Thibeault (Josée): Donc, M. Hamad était mal préparé à l'interpellation?
M. Blanchet: M. Hamad n'avait manifestement pas parlé à Mme Courchesne, parce que, sur tout le volet d'aide financière aux études, on ne parle même pas de mal préparé, on parle d'ignorance complète du dossier.
Une voix: Il ne comprend pas le projet de loi.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Puis je pense qu'il a fallu insister. D'ailleurs, je suis revenue en réplique en donnant les différents éléments du projet de loi. Mais c'est assez, c'est assez particulier aussi que ce soit ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qui lui explique le lien avec le salaire minimum, en lien avec l'aide juridique, là. Disons qu'il y a quelque chose, là, qui... c'est le ministre du Travail, quand même, là, alors je pense bien qu'il doit connaître les augmentations du salaire minimum et faire les liens entre les dossiers.
M. Moalla (Taïeb): M. Blanchet, le choix des mots est quand même important. Dans le communiqué, vous accusez le gouvernement de s'en prendre à ces jeunes, s'en prendre à ces femmes. C'est un vocabulaire assez fort, quand même.
M. Blanchet: Bien, je pense que c'est une situation qui appelle un vocabulaire assez fort. Si on s'y arrête un peu, ce dont le Québec a besoin, c'est un maximum de jeunes avec un maximum de diplômes pour avoir, surtout dans le contexte démographique qui s'en vient, une classe moyenne la mieux équipée possible pour faire aux défis, et là c'est les plus vulnérables : jeunes, étudiantes, chefs de familles monoparentales. Grande vulnérabilité. Dieu merci, il y en a une qui s'est dressée. Ça s'est rendu en Cour suprême, et elle a gagné. Mais on parle d'une clientèle extrêmement vulnérable, et c'est là qu'on va chercher, et si on prend l'enveloppe complète, on va chercher près de 50 millions dans les poches de ces gens-là, tandis qu'on a un ensemble d'exemples dans les finances publiques qui fait que le gouvernement fait des dépenses hautement plus fantaisistes dans d'autres secteurs.
Mme Desjardins (Lorraine): Je voudrais juste rectifier un peu. Il existe une confusion. La jeune étudiante a gagné en Cour d'appel, et le gouvernement a fait appel à la Cour suprême pour faire appel de ce jugement-là, et la Cour suprême a dit non. C'est le jugement de la Cour d'appel qui tient. Donc, la cause ne s'est pas rendue en Cour suprême. C'est juste que les juges de la Cour suprême ont dit: Non, non, on ne fait pas appel à ce jugement-là. C'est le jugement de la Cour d'appel qui est bon, là.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Puis je pense que c'est important que le langage soit ce qu'il est, parce qu'on parle de femmes, on parle majoritairement de femmes, on parle de femmes qui au cours de l'histoire ont revendiqué les pensions alimentaires, ont revendiqué qu'elles leur soient versées, ont revendiqué qu'elles soient défiscalisées, et maintenant il faut se battre pour qu'elles soient versées pour les enfants, parce que le gouvernement en garde 75 %, dans la majorité des cas, en tout cas, une bonne proposition en haut du 100 $. Alors, il me semble que, là, à un moment donné, quand on reconnaît que, comme le ministre l'a dit, le Québec, c'est un lieu où la famille est la mieux traitée, bien là, il me semble qu'il y a là un petit geste à poser, qui n'est pas mirobolant en termes de coûts mais qui donne un signal clair, par exemple, que les droits des enfants sont respectés.
Vous savez, on parle de décrochage scolaire, on parle de problèmes d'alimentation, on parle de problèmes d'exercice physique, on ne donne aucunement aux familles ou aux femmes qui ont des enfants en situation de recevoir une pension... d'avoir les moyens de répondre à ces obligations-là comme parents. Et, quand un parent verse une partie en pension alimentaire de 600 $ ou de 400$ par mois pour un enfant et que dans les faits il y en a 100 $ qui lui sont versés, il me semble que, comme société, on a des drôles de questions à soulever face à ce gouvernement-là.
M. Moalla (Taïeb): Le colloque de la fin de semaine à Lévis, certains voient dans le choix du thème, la richesse, ce n'est pas un thème naturellement associé au Parti québécois.
Est-ce que c'est un peu un virage vers le centre, voire vers la droite, de parler de ces sujets-là?
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Non. Je ne conçois pas le colloque de cette façon. Je pense que, quand on parle de distribution de la richesse, encore faut-il qu'elle existe. Alors, c'est à partir de cette préoccupation qu'on lance la réflexion auprès de nos militantes et de nos militants. Mme Marois a très clairement précisé que c'est une discussion ouverte qui fait... qui amène des questions en débat. Nos militantes et nos militants auront l'occasion d'y répondre et de nous donner des indications à cet égard.
M. Blanchet: Et, en mai, il y a un colloque sur les questions sociales et la redistribution qui va faire suite à celui-ci.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): En mai. Absolument. Merci!
(Fin à 12 h 16)