(Neuf heures trente-cinq minutes)
M. Paradis (Lévis) : Bon
vendredi matin, tout le monde. Merci d'être là. Ça fait que, là, on va y aller
sur le dossier qui nous occupe, c'est le reportage d'Enquête, diffusé
hier soir, sur l'apparence de favoritisme et les méthodes autocratiques du ministre
de la Santé, Gaétan Barrette, un reportage troublant, un reportage inquiétant,
un reportage qui réclame maintenant des réponses à des questions. Il y a des fonctionnaires
qui ont eu le courage de parler à des journalistes pour dénoncer les méthodes
du ministre. Ce sont des sonneurs d'alerte. Alors, je les félicite. J'en
profite pour inviter tous les autres qui ont des situations à dénoncer à se
manifester. C'est comme ça qu'on apprend, c'est comme ça qu'on améliore les
choses, c'est comme ça qu'on comprend ce qui se passe aussi.
M. le ministre de la Santé, on l'a dit
souvent et on le remarque dans ses interventions, le ministre de la Santé pense
qu'il sait tout, qu'il connaît tout. Entre vous puis moi, on n'est pas loin de
ce qu'on a déjà appelé le complexe de Dieu, là. Je sais, je connais, j'ai vu et
je décide. C'est ça qu'on a aussi appris dans le reportage, qu'on a confirmé
dans ce reportage-là. Enquête rapporte que le ministre a accordé un
nouveau permis de radiologie à un radiologiste de Saint-Jérôme malgré un avis
contraire et unanime du comité d'experts. Bien, le comité d'experts, là, se
base sur des analyses sérieuses. Ce n'est pas un oui ou un non griffonné sur un
bout de papier. Ce sont des documents sérieux où tout a été analysé.
Le ministre a fait fi de cet avis-là. Le
ministre a accordé le nouveau permis de radiologie au projet du Dr Guité.
Eh bien, là, on a découvert qu'un certain Éric Rousseau a géré le dossier. Pour
obtenir le nouveau permis, le Éric Rousseau en question s'est enregistré, en
2015‑2016, au Registre des lobbyistes pour influencer le ministre, les
sous-ministres, les cadres. Ça, c'est le mandat. Vous irez le lire, il est
écrit. Influencer le ministre, c'est son mandat. On peut vérifier. Qui est Éric
Rousseau? Bien, au départ, c'est une bonne connaissance du ministre, une très
bonne connaissance du ministre. Ils se connaissent depuis longtemps.
Quelques faits. Premièrement, Éric Rousseau
était directeur général adjoint de la Société des radiologistes de l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont à l'époque où Gaétan Barrette était radiologue dans cet
hôpital. C'est le premier élément. Deuxième, en 2012, Éric Rousseau a témoigné
en faveur de Gaétan Barrette et de son épouse dans le cadre d'une poursuite
intentée contre 12 autres radiologistes de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Lors
du procès, Éric Rousseau a admis en cour que Gaétan Barrette lui a fourni des
références positives lorsqu'il a postulé sur un poste dans un réseau de
cliniques de radiologie et que c'était grâce à lui qu'il a obtenu le permis.
Au surplus, sur les réseaux sociaux, Éric
Rousseau est un fervent partisan de Gaétan Barrette. Éric Rousseau partage
régulièrement des publications partisanes du ministre et du Parti libéral.
C'est assez étonnant pour un cadre du réseau de la santé. Moi, je trouve ça
étonnant. Éric Rousseau a obtenu un emploi-cadre dans le réseau de la santé, en
janvier 2017, comme adjoint à la direction des services multidisciplinaires au
CISSS des Laurentides.
Alors, faites la compilation, là. C'est le
Dr Guité et Éric Rousseau qui ont eu le permis de radiologie à Saint-Jérôme,
malgré l'avis défavorable. Ça aussi, c'est assez étonnant. Au final, bien, le
ministre s'est trompé. Il a dû annuler sa décision il y a quelques semaines. Là,
maintenant, il doit écouter ses experts. Il y a un résultat à ça, puis c'est le
résultat patients, des citoyens en général. La nouvelle clinique de radiologie
à Saint-Jérôme est retardée. Bien, ce sont les patients des Laurentides qui
sont pénalisés.
Il y a d'autres éléments. Enquête
rapporte aussi que le ministre n'a pas d'explication sérieuse sur le projet de
pédiatrie en Montérégie qui va être retardé après les élections. Est-ce que le
projet a été retardé pour des raisons politiques? Bien, moi, je pose la
question, et la question se pose. Le ministre dit qu'une adjointe n'a pas
envoyé une lettre importante et que personne ne s'en est rendu compte pendant
un an. Sérieux, là, c'est un méchant oubli, là. Là, on est dans le registre de
l'incompétence. Tu ne le sais pas pendant un an pour un projet aussi important.
Personne n'a fait le suivi, pas même son sous-ministre. On voit dans le
reportage d'Enquête que cette importante lettre, qui restera dans les
limbes pendant un an, est signée par le sous-ministre Michel Bureau qui, par
hasard, est parti à la retraite 10 jours avant la diffusion du reportage
de l'émission Enquête.
Ce matin, qu'est-ce que je pourrais faire?
Je pourrais demander la démission du ministre de la Santé, Gaétan Barrette,
mais je ne le ferai pas, parce que le premier ministre ne veut pas, parce que
le premier ministre Philippe Couillard ne peut pas le faire avant les
prochaines élections. D'ailleurs, vous l'aurez compris, le premier ministre
Philippe Couillard tient, tient beaucoup à son tandem Barrette-Couillard. Alors,
il n'y en aura pas de demande de démission. Ce que je vais faire, par exemple,
c'est demander au premier ministre de questionner son ministre de la Santé, de
demander des comptes au ministre de la Santé. La seule façon de sanctionner
Gaétan Barrette, c'est de retirer le pouvoir au gouvernement libéral lors des
prochaines élections, c'est de mettre le gouvernement libéral à la porte. Et,
comme ça, on sanctionnera ces actions-là.
En bref, au nom des contribuables, des
patients des Laurentides, des enfants de la Montérégie, il faut aller au fond
de l'histoire, parce qu'il y a plein de questions auxquelles on n'a pas encore
répondu. Alors, on demande quoi, à défaut de la démission? On demande aujourd'hui
une triple enquête, trois enquêtes distinctes. La première, le Vérificateur
général du Québec sur le retard inexpliqué dans le dossier de la clinique de
pédiatrie en Montérégie et l'attribution du nouveau permis de radiologie à Saint-Jérôme,
première enquête; deuxième enquête, celle du Commissaire à l'éthique sur le
fait que le projet de pédiatrie a peut-être été retardé pour des raisons politiques,
parce que le projet est dans un comté du Parti québécois, Commissaire à
l'éthique, la deuxième; et la troisième, enquête du Commissaire au lobbyisme
sur les démarches d'Éric Rousseau auprès de Gaétan Barrette. Le ministre de la
Santé doit s'expliquer à la population. Ces enquêtes doivent être faites, on
doit avoir des réponses. Merci.
M. Dion (Mathieu) : Sur Éric
Rousseau, vous voyez certaines choses. Avez-vous des preuves plus concrètes
qu'il aurait pu y avoir du favoritisme? Il peut être partisan sur les réseaux
sociaux, ça ne veut pas dire que le gars obtient un permis pour ça, tu sais.
Quelles sont les... Avez-vous d'autres preuves qui vous permettent d'affirmer
ça aujourd'hui?
M. Paradis (Lévis) : Vous
savez, aujourd'hui, on vous a donné des éléments qui questionnent, auxquels il
doit y avoir réponse. Bien, moi, ce matin, je demande des réponses par le biais
de trois enquêtes, et ce sera au commissaire à aller chercher des réponses à
ces mêmes questions. Que vous les posiez, déjà, démontre l'importance d'avoir davantage
de faits et d'explications.
Alors, je laisserai au commissaire le soin
d'aller chercher ces réponses-là et de nous dire ce qu'il en est. Mais, au fait
de ces informations, de cette situation, pour chacun des trois dossiers, une enquête
est obligatoire. Ça va?
M. Dion (Mathieu) : Non,
mais... puis juste une question sur M. Barrette. Ce n'est pas son travail de
trancher, malgré ce que les experts peuvent dire?
M. Paradis (Lévis) : Vous
savez, monsieur, 36 milliards de dollars, c'est le budget de réseau de la
santé, qui s'adresse à une population, avec un objectif ultime de se rapprocher
du patient. C'est une méga équipe, avec des experts qui doivent avoir le même
objectif, qui, lorsqu'ils ont des avis à rendre, analysent la situation, se
rendent sur le terrain, proposent, tentent de voir le positif ou le négatif. On
ne peut pas agir, comme ministre de la Santé, de façon autocratique. On ne peut
pas tout savoir, avoir toujours raison, à la limite, se rapprocher d'un
syndrome qui est celui du syndrome de Dieu.
M. Dion (Mathieu) : Mais qu'est-ce
que ça vous dit sur les relations entre le ministre et les gens de son
ministère? Est-ce qu'il y a une crise de confiance qui s'est créée, vous
croyez?
M. Paradis (Lévis) : Écoutez,
ce que l'on a entendu, ce que l'on a vu répond en partie à votre question. Moi,
je salue ceux qui ont dénoncé, ceux qui aujourd'hui font qu'on demande les
enquêtes que l'on demande, ceux qui vont faire comprendre à la population que
la sanction ultime, ce sera le 1er octobre prochain. Et j'invite tous ceux et
celles qui aujourd'hui ont peut-être dit : J'ai peut-être des choses à
dire moi aussi, de devenir des sonneurs d'alerte qui sont essentiels au
système. Merci.
Des voix
: Merci.
(Fin à 9 h 44)