(Neuf heures dix-huit minutes)
M. Fournier : Merci beaucoup
d'être là. Je suis avec ma collègue Lucie pour vous parler de la loi sur le
cannabis dont elle est responsable, mais aussi de la façon dont on peut arrimer
les projets de loi, autant à Ottawa que ceux à Québec. Hier, la ministre
Wilson-Raybould a appelé à respecter la loi fédérale, et aujourd'hui j'appelle
le gouvernement fédéral au respect du partage des compétences de notre
Constitution.
Le Québec compte affirmer et exercer ses
compétences. Le pouvoir en matière criminelle n'est pas le pouvoir en matière
civile ou commerciale. Notamment, en 2005, la Cour suprême, dans l'arrêt
Rothmans, Benson & Hedges contre la Saskatchewan, la Cour suprême a rappelé
que le pouvoir de légiférer en droit criminel peut être exercé et interprété
uniquement pour interdire des actes et non pour autoriser des actes. Ottawa
peut interdire cinq plants et plus à domicile, mais ce n'est pas à lui
d'autoriser zéro, un, deux, ou trois, ou quatre plants. Cela revient aux
provinces.
Certains pourront prétendre qu'en vertu de
la règle ou de l'interprétation de la règle sur la prépondérance des lois,
qu'il y aurait un conflit d'application entre nos lois provinciales et
fédérales. Or, comme la loi fédérale prévoit que quatre plants ou cinq plants
et plus ne sont pas autorisés, zéro, c'est moins que cinq, et il est possible,
à zéro, de respecter la loi fédérale. Donc, il n'y a pas un conflit
d'application puisqu'à zéro plant à domicile on respecte et la loi fédérale et
la loi provinciale.
Il n'y a pas de conflit d'objectif non
plus. L'objectif de la loi fédérale n'est pas l'autorisation de la culture personnelle
à domicile. C'est, et je cite le sommaire du projet de loi fédéral, protéger la
santé et la sécurité publique par l'établissement d'exigences strictes. C'est
exactement ce que fait notre projet de loi, le projet dont s'occupe Lucie.
Je veux conclure en disant que nous
reconnaissons la légitimité d'agir du gouvernement fédéral en la matière, suite
à l'élection et au vote démocratique qui a eu lieu, mais cette action doit
s'exercer dans le cadre de leur champ de compétence. Le Québec va continuer
d'affirmer et d'exercer ses compétences. Nous le faisons avec légitimité, dans
le respect de notre population. Nous souhaitons le respect de nos compétences
et le respect de la volonté des Québécois, exprimée démocratiquement et légitimement
par l'Assemblée nationale.
La conclusion de ce petit point est simplement
d'appeler tout le monde à une collaboration, à un fédéralisme qui coopère et
non pas à un fédéralisme qui veut donner des leçons. Il y a une possibilité de
bien s'entendre si on se respecte les uns et les autres. On espère que ce
respect sera réciproque. Voilà, on est prêts à prendre vos questions.
Mme Prince (Véronique) :
Est-ce que vous avez l'impression que le fédéral vous menace un peu dans ce
dossier-là?
M. Fournier : Il faut savoir
que Mme Wilson-Raybould ne dit pas tout à fait la même chose que sa collègue
Mme Petitpas, qui, elle, semblait être plus ouverte à la question du respect
des provinces. Ceci étant, il est clair que les mots qui ont été utilisés hier
appelaient à une mise au point de notre part. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.
M. Cormier (François) : Donc,
pour vous, il n'est pas question de reculer, c'est zéro.
M. Fournier : C'est clair, et
ça, je pense que ma collègue pourrait le dire plus que moi. Je tiens aujourd'hui
à simplement affirmer que nous allons exercer nos compétences, mais je crois
pouvoir dire, parce qu'elle l'a souvent dit, il y a eu beaucoup de
consultations au Québec sur le sujet, que la proposition qu'on fait est celle
qui est la volonté des Québécois. Et on l'exprime avec légitimité, avec nos
compétences à l'Assemblée nationale, et c'est ce à quoi j'appelle au respect
aujourd'hui.
M. Cormier (François) :
Vraiment des Québécois? Je veux dire, quand vous consultez, vous ne consultez
pas les Québécois. Vous consultez des lobbys, vous consultez des gens, mais pas
les Québécois directement.
Mme
Charlebois
:
Non, attention, il y a eu une consultation de la population, hein? Il y a eu
une tournée, on a fait huit régions. On a eu 12 800 personnes qui nous ont
répondu à un questionnaire sur Internet. On a eu des gens qui sont venus en
commission parlementaire, qui représentent... Moi, quand je parle à un élu
municipal, je pense que je parle à quelqu'un qui représente la population.
Bien, c'est un membre du peuple qui représente d'autres membres du peuple.
Alors, moi, dans ma tête à moi, quand il y
a plein de gens qui me répètent la même chose, je pense que c'est légitime de
penser que c'est les Québécois qui me parlent. Et pour être une députée de
terrain, je vais parler pour mon comté, moi, je vais vous dire que la majorité
des gens, ce qu'ils me demandent, c'est zéro plant à la maison.
M. Croteau (Martin) :
Diriez-vous que les Québécois sont, en quelque sorte, une société distincte en
matière de culture du cannabis?
M. Fournier : Non, pas du
tout. Le Manitoba a une position identique. Ça dépend à chacun d'exprimer la
volonté de leur population. Ce n'est pas pour rien qu'on a système fédéral. Il
y a des différences d'une région à l'autre. Dans le cas du Québec, il y a une
nation qui compte s'exprimer avec ses compétences et ne pas les abandonner. Et,
pour répondre à votre question, les processus de consultation que nous avons,
qui sont bien reconnus et établis dans le temps, sont institutionnels et sont
reconnus par tous.
Et on n'a pas à les mettre en conflit...
On n'a pas de conflit à faire avec les autres types de consultations. Je pense
que celles que nous avons sont assez claires sur la volonté des Québécois,
exprimée lors des consultations, sur l'objectif qui est celui-là même soi-disant
du fédéral, je le répète, des conditions qui sont de protéger la santé et la
sécurité publique par l'établissement d'exigences strictes. On a les mêmes objectifs.
Notre modalité, c'est zéro plant à domicile.
M. Croteau (Martin) : Comment
ça va se régler, tout ça? Est-ce qu'il va falloir aller devant les tribunaux?
Comment ça va...
M. Fournier : On peut simplement
indiquer que la volonté, elle est claire, elle est dans le cadre de l'exercice
de nos compétences, et nous entendons les appliquer.
Si le gouvernement fédéral est respectueux
de cette volonté-là, il peut éviter de susciter un recours juridique, et c'est
à lui de prendre la décision à l'égard de son projet de loi. Mais il est
évident que le pouvoir qu'il a, en matière criminelle, est peut-être et sans
doute de pouvoir dire : Il est criminel au-delà de quatre plants, donc
cinq plants et plus, mais le pouvoir, en matière criminelle, ne lui permet pas
de dire ce qui est autorisé. Il peut dire ce qui est interdit. Et, dans ce
cas-là, donc, ça rentre dans nos compétences. Ce serait plus simple d'éviter
que deux gouvernements soient en train de donner des interprétations
différentes, alors qu'elles sont claires. Les citoyens vont sans doute espérer
la clarté, je crois.
M. Bergeron (Patrice) : Si le
fédéral conteste votre future loi, à ce moment-là, vous allez la défendre en
cour?
M. Fournier : Bien évidemment,
mais je crois que nous n'avons pas à envisager un recours juridique pour que
les procureurs de l'un et les procureurs de l'autre, avec les fonds publics qui
viennent des contribuables, aient à dépenser de l'argent là. Tous les deux, ce
qu'on veut, c'est s'assurer de la sécurité et de la santé publique, et nous, ce
qu'on propose, c'est une mesure qui est stricte, qui est dans le cadre de nos
compétences.
Pourquoi laisser entendre, notamment hier,
que le gouvernement fédéral pourrait imposer sa règle, alors qu'il n'en a pas
la compétence et qui entraîne des dépenses de fonds publics? J'appelle à un
fédéralisme coopératif, au nom des citoyens qui, des fois, disent : Je
vous paie assez, travaillez comme il faut.
Mme Prince (Véronique) :
Trouvez-vous que depuis le début, dans ce dossier-là, la collaboration du
fédéral est difficile? Est-ce que c'est dur de travailler en équipe dans ce
dossier-là?
Mme
Charlebois
:
Bien, honnêtement, il y a toujours bien des façons de voir les choses dans la
vie. Moi, j'ai eu des échanges avec Mme Petitpas Taylor dernièrement. Oui, on
aurait souhaité plus de temps, oui, on appelle à la collaboration, mais, sur
plein d'autres sujets qui touchent notamment le cannabis, je pense qu'on est à
la même place. Alors, il y a... puis, en général, il y a un respect de nos
compétences, mais là on a un sujet sur lequel on voulait faire une clarification,
c'est important.
Et je reviens sur la consultation que nous
avons tenue auprès des Québécois. Moi, je vous dis que les Québécois m'ont
mentionné : Soyez plus restrictifs pour le départ. S'il y a lieu d'être un
petit peu plus... de donner plus de permissions plus tard, on verra, mais, pour
l'instant, c'est ce que les Québécois nous ont demandé. Alors, c'est dans ce
sens-là où on veut aller, et mon collègue M. Fournier vient de vous faire la
démonstration que c'est possible de le faire dans le respect de chacun de nos
champs de compétence.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : M. Fournier, ça fait des mois que vous vous
promenez dans le Canada pour rétablir ou entretenir les ponts avec le reste du
pays, mais pourquoi risquer de heurter ces relations-là pour, sincèrement,
deux, trois, quatre, cinq plants de pot dans une maison? Est-ce que le combat
vaut la peine?
M. Fournier : D'abord, c'est
deux choses différentes, là, franchement.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Bien, quand même, vous faites des reproches au
fédéral, là, ce matin.
M. Fournier : Oui, bien sûr,
mais notre politique, dont je parle partout, n'est pas une politique où nous
renonçons à appliquer nos compétences. Au contraire, c'est une politique
d'affirmation et de relations canadiennes. Dans nos relations canadiennes…
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Mais est-ce que ça vaut la peine pour quelques
plants de pot dans une maison?
M. Fournier : Bien, alors,
allons-y tranquillement, là. Notre politique de relations canadiennes, c'est
d'exprimer notre vision, de prendre la place qu'on veut prendre dans le cadre
canadien. Cette place-là n'est pas l'effacement. Cette place-là, c'est de
présenter quelles sont nos positions et de les partager, et c'est ce que nous
faisons aujourd'hui. Ça ne va pas à l'encontre des objectifs qui sont communs.
Ma collègue vient de dire que, dans
plusieurs matières, il y a de la collaboration. Dans cette matière-là, hier, il
y a eu une prise de position assez claire qui va à l'encontre de nos
compétences, dans le respect de notre politique. Et, en suivi de ce que je
présente partout, il est important d'avoir des gouvernements qui travaillent
ensemble. Et, lorsqu'il faut faire des mises au point, nous n'allons pas
négliger l'occasion de les faire, justement pour exprimer la vision québécoise.
Les Québécois ont été consultés, ils expriment qu'ils veulent aussi des règles
strictes, nous allons en avoir.
Mme Cloutier (Patricia) : M.
Fournier, est-ce que vous ne pensez pas, et Mme Charlebois, qu'en laissant zéro
plant de pot, cette possibilité-là aux Québécois, vous n'allez pas montrer que
c'est juste une façon pour le gouvernement de faire de l'argent? Vous n'allez
pas laisser libre cours, si on veut, aux gens de faire pousser leur cannabis?
Mme
Charlebois
:
Bien, non, parce que, d'une part, vous savez qu'il y aura la Société québécoise
du cannabis qui vendra du cannabis à des prix qui seront compétitifs, d'une
part. D'autre part, ce qui nous est exprimé, ce n'est pas de restreindre… Puis
je vous le dis depuis le début, on ne veut pas augmenter le marché. Ce qu'on
veut, c'est prendre les gens qui sont sur un marché illicite, donc illégal,
pour les amener vers un marché licite. Alors, ce n'est pas dans le but
d'augmenter, ce n'est pas dans le but de stimuler. C'est vraiment en
protection.
Ce que les gens nous ont demandé, là, ils
ont dit : Écoutez, là, si on est sur une rue que tout le monde a son
quatre plants de cannabis et que, finalement, il n'y a pas de consommateur, qui
va les acheter, ces plants-là? Ça, c'est une chose. Ils nous ont dit aussi :
S'il y a des adolescents qui tournent dans le coin, comment on va faire pour
contrôler nos plants? Je veux dire, j'ai entendu ça. J'ai entendu des
propriétaires de logements dire : J'ai 12 logements, moi, ça va être 48
plants dehors. Avez-vous pensé à ça? Alors, ils ont dit : Pour le départ,
s'il vous plaît, soyez plus restrictifs. On aura le temps d'évaluer ça. J'ai
entendu aussi des municipalités qui auront à voir à tout ça.
Alors, il y a tout cet environnement-là
qu'il faut considérer, puis on aura plus de temps. Comme ça va vite, on va
miser, on mise toujours sur la santé publique et la sécurité des gens, et c'est
dans ces deux aspects-là qu'on recommande zéro plant.
Mme Cloutier (Patricia) :
Donc, c'est non aujourd'hui et peut-être oui dans trois ans, là?
Mme
Charlebois
:
On verra quand on reverra la…
M. Lacroix (Louis) : Le crime
organisé est en train de baisser ses prix, là. On a vu, là, ce matin…
M. Fournier : La loi est
bâtie... peut-être juste pour qu'on termine, la loi est bâtie justement pour
qu'au départ on soit stricts, pour s'assurer de la sécurité publique, et il est
prévu, après deux ans ou trois ans...
Mme
Charlebois
:
Trois ans.
M. Fournier : Après trois
ans, une révision pour voir on est rendus où. Alors, ça nous semble une
approche très pragmatique. En anglais. Les cloches sonnent, alors je sais que
tu es pris. En anglais.
Des voix
: ...
M. Fournier : ...vraiment
la dernière en français parce qu'il faut aller. Excusez.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que le fédéral ne s'est pas un peu mêlé de vos affaires en disant que...
Mme Raybould a dit, bon, qu'il y a des limites à restreindre la culture du
cannabis. Ils ne se sont pas mêlés de leurs affaires.
M. Fournier : Je vous ai
bien expliqué ce que nous croyons. Nous croyons qu'il faut respecter les
compétences. Notre compétence s'applique en ces matières-là, et nous allons le
faire dans le respect de la volonté des Québécois. C'est tout aussi légitime et
démocratique de vouloir mettre, dans nos lois, dans nos compétences, la volonté
des Québécois qu'il est légitime pour le gouvernement fédéral d'agir en matière
criminelle. En anglais, oui.
Des voix
: ...
M. Fournier : Je ne vous
entends pas, excusez.
Mme Montgomery
(Angelica) : The federal Government is not
threatening to take you to court. They aren't even saying that they're going to
call you to order on this. So why have this press conference here? It's not
even clear whether they're going actually challenge the Québec law.
M. Fournier :
Well, it was clear that they said that they want to apply an interpretation to
their law that they would have the ability not just to prohibit five or more,
but even to decide the authorization, zero, one, two, three or four. And to
that aspect, what we say, it is not in their jurisdiction to do that. We have
to be clear because we want everybody to understand, the delays for the
adoption of those laws are limited, and we want to be clear at the first day.
That is the intention of
Quebeckers. We have the power to express the intention of Quebeckers. That is
what we are going to do and we ask the federal Government to respect. We
respect the fact that they've got jurisdiction in criminal law, they have to
respect the fact that we've got jurisdiction in civil law.
Mme Montgomery
(Angelica) : OK. So the federal Government is
saying that they don't want to criminalize somebody who is growing one or two
plants at home for their own use. What do you think should happen to a person
that is growing a pot plant at home?
M. Fournier :
What we are saying is in the law that we've said for… necessarily for the first
three years before the revision, and we don't know what the revision will give,
is that there is no plant at home.
Mme Montgomery
(Angelica) : Yes, but what do you think should
happen if somebody is doing that?
M. Fournier :
For us, we don't want that, so that is what we put in our law.
M. Authier (Philip)
:
…could say that you are picking a fight with Ottawa for political reasons
because you're heading into an election year, and we are low… and the Liberal
Party is low on the polls.
M. Fournier :
It's not the…
M. Authier (Philip)
:
Is this possible that you're just…
M. Fournier :
No, not at all. Not at all. I let that to commentators and those who want to
invent things. But clearly it's not the first time I come here to say that
we're going to affirm our jurisdiction.
We tabled a
policy — just going to a question that was asked
before — we tabled a policy last June 1st establishing why we've
got those jurisdictions and why we will affirm and exerce those jurisdictions.
We're going to continue to do that. And four years,
three years, two years, one year, six months before an election, we will do
that.
Mme Fletcher (Raquel) : Just to Angelica's point, though, what will the penalty be if
someone is caught growing marijuana at their home?
M. Fournier : It's like in any matter, when you've got the Criminal Code whose is
in implication, this is a sanction of the Criminal Code. And that is what the…
have to adopt, and he's going to adopt sanctions for five plants and more.
What it is of provincial
jurisdictions, like the Code de la sécurité routière, let's say, we put in our laws the sanction for having, let's say,
one, two, three or four plants. That is to us to do that.
So the jurisdictions who
have the power decide the penalty with it. It will not be a criminal act, of
course, of having one, two, three, it's going to be a provincial penalty.
Mme Fletcher (Raquel) : They'll be fined?
M. Fournier :
Yes.
La Modératrice
: Last question,
please.
M. Croteau (Martin) : Ça va
être l'équivalent d'une contravention, finalement?
M. Fournier : Pardon?
M. Croteau (Martin) : Ça va
être l'équivalent d'une contravention?
M. Fournier : Oui. C'est prévu
dans la loi, j'imagine.
Journaliste
: Dans la
loi, c'est écrit combien?
Mme
Charlebois
:
Bien, ça va se relier avec le... Comment ça s'appelle? Le code pénal.
M. Fournier : La loi sur les
infractions sommaires, j'imagine.
Des voix
: Merci.
(Fin à 9 h 34)