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Point de presse de M. Jean-Marc Fournier, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, et Mme Lucie Charlebois, ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie

Version finale

Le jeudi 8 février 2018, 9 h 18

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Neuf heures dix-huit minutes)

M. Fournier : Merci beaucoup d'être là. Je suis avec ma collègue Lucie pour vous parler de la loi sur le cannabis dont elle est responsable, mais aussi de la façon dont on peut arrimer les projets de loi, autant à Ottawa que ceux à Québec. Hier, la ministre Wilson-Raybould a appelé à respecter la loi fédérale, et aujourd'hui j'appelle le gouvernement fédéral au respect du partage des compétences de notre Constitution.

Le Québec compte affirmer et exercer ses compétences. Le pouvoir en matière criminelle n'est pas le pouvoir en matière civile ou commerciale. Notamment, en 2005, la Cour suprême, dans l'arrêt Rothmans, Benson & Hedges contre la Saskatchewan, la Cour suprême a rappelé que le pouvoir de légiférer en droit criminel peut être exercé et interprété uniquement pour interdire des actes et non pour autoriser des actes. Ottawa peut interdire cinq plants et plus à domicile, mais ce n'est pas à lui d'autoriser zéro, un, deux, ou trois, ou quatre plants. Cela revient aux provinces.

Certains pourront prétendre qu'en vertu de la règle ou de l'interprétation de la règle sur la prépondérance des lois, qu'il y aurait un conflit d'application entre nos lois provinciales et fédérales. Or, comme la loi fédérale prévoit que quatre plants ou cinq plants et plus ne sont pas autorisés, zéro, c'est moins que cinq, et il est possible, à zéro, de respecter la loi fédérale. Donc, il n'y a pas un conflit d'application puisqu'à zéro plant à domicile on respecte et la loi fédérale et la loi provinciale.

Il n'y a pas de conflit d'objectif non plus. L'objectif de la loi fédérale n'est pas l'autorisation de la culture personnelle à domicile. C'est, et je cite le sommaire du projet de loi fédéral, protéger la santé et la sécurité publique par l'établissement d'exigences strictes. C'est exactement ce que fait notre projet de loi, le projet dont s'occupe Lucie.

Je veux conclure en disant que nous reconnaissons la légitimité d'agir du gouvernement fédéral en la matière, suite à l'élection et au vote démocratique qui a eu lieu, mais cette action doit s'exercer dans le cadre de leur champ de compétence. Le Québec va continuer d'affirmer et d'exercer ses compétences. Nous le faisons avec légitimité, dans le respect de notre population. Nous souhaitons le respect de nos compétences et le respect de la volonté des Québécois, exprimée démocratiquement et légitimement par l'Assemblée nationale.

La conclusion de ce petit point est simplement d'appeler tout le monde à une collaboration, à un fédéralisme qui coopère et non pas à un fédéralisme qui veut donner des leçons. Il y a une possibilité de bien s'entendre si on se respecte les uns et les autres. On espère que ce respect sera réciproque. Voilà, on est prêts à prendre vos questions.

Mme Prince (Véronique) : Est-ce que vous avez l'impression que le fédéral vous menace un peu dans ce dossier-là?

M. Fournier : Il faut savoir que Mme Wilson-Raybould ne dit pas tout à fait la même chose que sa collègue Mme Petitpas, qui, elle, semblait être plus ouverte à la question du respect des provinces. Ceci étant, il est clair que les mots qui ont été utilisés hier appelaient à une mise au point de notre part. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.

M. Cormier (François) : Donc, pour vous, il n'est pas question de reculer, c'est zéro.

M. Fournier : C'est clair, et ça, je pense que ma collègue pourrait le dire plus que moi. Je tiens aujourd'hui à simplement affirmer que nous allons exercer nos compétences, mais je crois pouvoir dire, parce qu'elle l'a souvent dit, il y a eu beaucoup de consultations au Québec sur le sujet, que la proposition qu'on fait est celle qui est la volonté des Québécois. Et on l'exprime avec légitimité, avec nos compétences à l'Assemblée nationale, et c'est ce à quoi j'appelle au respect aujourd'hui.

M. Cormier (François) : Vraiment des Québécois? Je veux dire, quand vous consultez, vous ne consultez pas les Québécois. Vous consultez des lobbys, vous consultez des gens, mais pas les Québécois directement.

Mme Charlebois : Non, attention, il y a eu une consultation de la population, hein? Il y a eu une tournée, on a fait huit régions. On a eu 12 800 personnes qui nous ont répondu à un questionnaire sur Internet. On a eu des gens qui sont venus en commission parlementaire, qui représentent... Moi, quand je parle à un élu municipal, je pense que je parle à quelqu'un qui représente la population. Bien, c'est un membre du peuple qui représente d'autres membres du peuple.

Alors, moi, dans ma tête à moi, quand il y a plein de gens qui me répètent la même chose, je pense que c'est légitime de penser que c'est les Québécois qui me parlent. Et pour être une députée de terrain, je vais parler pour mon comté, moi, je vais vous dire que la majorité des gens, ce qu'ils me demandent, c'est zéro plant à la maison.

M. Croteau (Martin) : Diriez-vous que les Québécois sont, en quelque sorte, une société distincte en matière de culture du cannabis?

M. Fournier : Non, pas du tout. Le Manitoba a une position identique. Ça dépend à chacun d'exprimer la volonté de leur population. Ce n'est pas pour rien qu'on a système fédéral. Il y a des différences d'une région à l'autre. Dans le cas du Québec, il y a une nation qui compte s'exprimer avec ses compétences et ne pas les abandonner. Et, pour répondre à votre question, les processus de consultation que nous avons, qui sont bien reconnus et établis dans le temps, sont institutionnels et sont reconnus par tous.

Et on n'a pas à les mettre en conflit... On n'a pas de conflit à faire avec les autres types de consultations. Je pense que celles que nous avons sont assez claires sur la volonté des Québécois, exprimée lors des consultations, sur l'objectif qui est celui-là même soi-disant du fédéral, je le répète, des conditions qui sont de protéger la santé et la sécurité publique par l'établissement d'exigences strictes. On a les mêmes objectifs. Notre modalité, c'est zéro plant à domicile.

M. Croteau (Martin) : Comment ça va se régler, tout ça? Est-ce qu'il va falloir aller devant les tribunaux? Comment ça va...

M. Fournier : On peut simplement indiquer que la volonté, elle est claire, elle est dans le cadre de l'exercice de nos compétences, et nous entendons les appliquer.

Si le gouvernement fédéral est respectueux de cette volonté-là, il peut éviter de susciter un recours juridique, et c'est à lui de prendre la décision à l'égard de son projet de loi. Mais il est évident que le pouvoir qu'il a, en matière criminelle, est peut-être et sans doute de pouvoir dire : Il est criminel au-delà de quatre plants, donc cinq plants et plus, mais le pouvoir, en matière criminelle, ne lui permet pas de dire ce qui est autorisé. Il peut dire ce qui est interdit. Et, dans ce cas-là, donc, ça rentre dans nos compétences. Ce serait plus simple d'éviter que deux gouvernements soient en train de donner des interprétations différentes, alors qu'elles sont claires. Les citoyens vont sans doute espérer la clarté, je crois.

M. Bergeron (Patrice) : Si le fédéral conteste votre future loi, à ce moment-là, vous allez la défendre en cour?

M. Fournier : Bien évidemment, mais je crois que nous n'avons pas à envisager un recours juridique pour que les procureurs de l'un et les procureurs de l'autre, avec les fonds publics qui viennent des contribuables, aient à dépenser de l'argent là. Tous les deux, ce qu'on veut, c'est s'assurer de la sécurité et de la santé publique, et nous, ce qu'on propose, c'est une mesure qui est stricte, qui est dans le cadre de nos compétences.

Pourquoi laisser entendre, notamment hier, que le gouvernement fédéral pourrait imposer sa règle, alors qu'il n'en a pas la compétence et qui entraîne des dépenses de fonds publics? J'appelle à un fédéralisme coopératif, au nom des citoyens qui, des fois, disent : Je vous paie assez, travaillez comme il faut.

Mme Prince (Véronique) : Trouvez-vous que depuis le début, dans ce dossier-là, la collaboration du fédéral est difficile? Est-ce que c'est dur de travailler en équipe dans ce dossier-là?

Mme Charlebois : Bien, honnêtement, il y a toujours bien des façons de voir les choses dans la vie. Moi, j'ai eu des échanges avec Mme Petitpas Taylor dernièrement. Oui, on aurait souhaité plus de temps, oui, on appelle à la collaboration, mais, sur plein d'autres sujets qui touchent notamment le cannabis, je pense qu'on est à la même place. Alors, il y a... puis, en général, il y a un respect de nos compétences, mais là on a un sujet sur lequel on voulait faire une clarification, c'est important.

Et je reviens sur la consultation que nous avons tenue auprès des Québécois. Moi, je vous dis que les Québécois m'ont mentionné : Soyez plus restrictifs pour le départ. S'il y a lieu d'être un petit peu plus... de donner plus de permissions plus tard, on verra, mais, pour l'instant, c'est ce que les Québécois nous ont demandé. Alors, c'est dans ce sens-là où on veut aller, et mon collègue M. Fournier vient de vous faire la démonstration que c'est possible de le faire dans le respect de chacun de nos champs de compétence.

    Mme Sioui (Marie-Michèle) : M. Fournier, ça fait des mois que vous vous promenez dans le Canada pour rétablir ou entretenir les ponts avec le reste du pays, mais pourquoi risquer de heurter ces relations-là pour, sincèrement, deux, trois, quatre, cinq plants de pot dans une maison? Est-ce que le combat vaut la peine?

M. Fournier : D'abord, c'est deux choses différentes, là, franchement.

    Mme Sioui (Marie-Michèle) : Bien, quand même, vous faites des reproches au fédéral, là, ce matin.

M. Fournier : Oui, bien sûr, mais notre politique, dont je parle partout, n'est pas une politique où nous renonçons à appliquer nos compétences. Au contraire, c'est une politique d'affirmation et de relations canadiennes. Dans nos relations canadiennes…

    Mme Sioui (Marie-Michèle) : Mais est-ce que ça vaut la peine pour quelques plants de pot dans une maison?

M. Fournier : Bien, alors, allons-y tranquillement, là. Notre politique de relations canadiennes, c'est d'exprimer notre vision, de prendre la place qu'on veut prendre dans le cadre canadien. Cette place-là n'est pas l'effacement. Cette place-là, c'est de présenter quelles sont nos positions et de les partager, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui. Ça ne va pas à l'encontre des objectifs qui sont communs.

Ma collègue vient de dire que, dans plusieurs matières, il y a de la collaboration. Dans cette matière-là, hier, il y a eu une prise de position assez claire qui va à l'encontre de nos compétences, dans le respect de notre politique. Et, en suivi de ce que je présente partout, il est important d'avoir des gouvernements qui travaillent ensemble. Et, lorsqu'il faut faire des mises au point, nous n'allons pas négliger l'occasion de les faire, justement pour exprimer la vision québécoise. Les Québécois ont été consultés, ils expriment qu'ils veulent aussi des règles strictes, nous allons en avoir.

Mme Cloutier (Patricia) : M. Fournier, est-ce que vous ne pensez pas, et Mme Charlebois, qu'en laissant zéro plant de pot, cette possibilité-là aux Québécois, vous n'allez pas montrer que c'est juste une façon pour le gouvernement de faire de l'argent? Vous n'allez pas laisser libre cours, si on veut, aux gens de faire pousser leur cannabis?

Mme Charlebois : Bien, non, parce que, d'une part, vous savez qu'il y aura la Société québécoise du cannabis qui vendra du cannabis à des prix qui seront compétitifs, d'une part. D'autre part, ce qui nous est exprimé, ce n'est pas de restreindre… Puis je vous le dis depuis le début, on ne veut pas augmenter le marché. Ce qu'on veut, c'est prendre les gens qui sont sur un marché illicite, donc illégal, pour les amener vers un marché licite. Alors, ce n'est pas dans le but d'augmenter, ce n'est pas dans le but de stimuler. C'est vraiment en protection.

Ce que les gens nous ont demandé, là, ils ont dit : Écoutez, là, si on est sur une rue que tout le monde a son quatre plants de cannabis et que, finalement, il n'y a pas de consommateur, qui va les acheter, ces plants-là? Ça, c'est une chose. Ils nous ont dit aussi : S'il y a des adolescents qui tournent dans le coin, comment on va faire pour contrôler nos plants? Je veux dire, j'ai entendu ça. J'ai entendu des propriétaires de logements dire : J'ai 12 logements, moi, ça va être 48 plants dehors. Avez-vous pensé à ça? Alors, ils ont dit : Pour le départ, s'il vous plaît, soyez plus restrictifs. On aura le temps d'évaluer ça. J'ai entendu aussi des municipalités qui auront à voir à tout ça.

Alors, il y a tout cet environnement-là qu'il faut considérer, puis on aura plus de temps. Comme ça va vite, on va miser, on mise toujours sur la santé publique et la sécurité des gens, et c'est dans ces deux aspects-là qu'on recommande zéro plant.

Mme Cloutier (Patricia) : Donc, c'est non aujourd'hui et peut-être oui dans trois ans, là?

Mme Charlebois : On verra quand on reverra la…

M. Lacroix (Louis) : Le crime organisé est en train de baisser ses prix, là. On a vu, là, ce matin…

M. Fournier : La loi est bâtie... peut-être juste pour qu'on termine, la loi est bâtie justement pour qu'au départ on soit stricts, pour s'assurer de la sécurité publique, et il est prévu, après deux ans ou trois ans...

Mme Charlebois : Trois ans.

M. Fournier : Après trois ans, une révision pour voir on est rendus où. Alors, ça nous semble une approche très pragmatique. En anglais. Les cloches sonnent, alors je sais que tu es pris. En anglais.

Des voix : ...

M. Fournier : ...vraiment la dernière en français parce qu'il faut aller. Excusez.

M. Lecavalier (Charles) : Est-ce que le fédéral ne s'est pas un peu mêlé de vos affaires en disant que... Mme Raybould a dit, bon, qu'il y a des limites à restreindre la culture du cannabis. Ils ne se sont pas mêlés de leurs affaires.

M. Fournier : Je vous ai bien expliqué ce que nous croyons. Nous croyons qu'il faut respecter les compétences. Notre compétence s'applique en ces matières-là, et nous allons le faire dans le respect de la volonté des Québécois. C'est tout aussi légitime et démocratique de vouloir mettre, dans nos lois, dans nos compétences, la volonté des Québécois qu'il est légitime pour le gouvernement fédéral d'agir en matière criminelle. En anglais, oui.

Des voix : ...

M. Fournier : Je ne vous entends pas, excusez.

Mme Montgomery (Angelica) : The federal Government is not threatening to take you to court. They aren't even saying that they're going to call you to order on this. So why have this press conference here? It's not even clear whether they're going actually challenge the Québec law.

M. Fournier : Well, it was clear that they said that they want to apply an interpretation to their law that they would have the ability not just to prohibit five or more, but even to decide the authorization, zero, one, two, three or four. And to that aspect, what we say, it is not in their jurisdiction to do that. We have to be clear because we want everybody to understand, the delays for the adoption of those laws are limited, and we want to be clear at the first day.

That is the intention of Quebeckers. We have the power to express the intention of Quebeckers. That is what we are going to do and we ask the federal Government to respect. We respect the fact that they've got jurisdiction in criminal law, they have to respect the fact that we've got jurisdiction in civil law.

Mme Montgomery (Angelica) : OK. So the federal Government is saying that they don't want to criminalize somebody who is growing one or two plants at home for their own use. What do you think should happen to a person that is growing a pot plant at home?

M. Fournier : What we are saying is in the law that we've said for… necessarily for the first three years before the revision, and we don't know what the revision will give, is that there is no plant at home.

Mme Montgomery (Angelica) : Yes, but what do you think should happen if somebody is doing that?

M. Fournier : For us, we don't want that, so that is what we put in our law.

M. Authier (Philip) : …could say that you are picking a fight with Ottawa for political reasons because you're heading into an election year, and we are low… and the Liberal Party is low on the polls.

M. Fournier : It's not the…

M. Authier (Philip) : Is this possible that you're just…

M. Fournier : No, not at all. Not at all. I let that to commentators and those who want to invent things. But clearly it's not the first time I come here to say that we're going to affirm our jurisdiction.

We tabled a policy — just going to a question that was asked before — we tabled a policy last June 1st establishing why we've got those jurisdictions and why we will affirm and exerce those jurisdictions. We're going to continue to do that. And four years, three years, two years, one year, six months before an election, we will do that.

Mme Fletcher (Raquel) : Just to Angelica's point, though, what will the penalty be if someone is caught growing marijuana at their home?

M. Fournier : It's like in any matter, when you've got the Criminal Code whose is in implication, this is a sanction of the Criminal Code. And that is what the… have to adopt, and he's going to adopt sanctions for five plants and more.

What it is of provincial jurisdictions, like the Code de la sécurité routière, let's say, we put in our laws the sanction for having, let's say, one, two, three or four plants. That is to us to do that.

So the jurisdictions who have the power decide the penalty with it. It will not be a criminal act, of course, of having one, two, three, it's going to be a provincial penalty.

Mme Fletcher (Raquel) : They'll be fined?

M. Fournier : Yes.

La Modératrice : Last question, please.

M. Croteau (Martin) : Ça va être l'équivalent d'une contravention, finalement?

M. Fournier : Pardon?

M. Croteau (Martin) : Ça va être l'équivalent d'une contravention?

M. Fournier : Oui. C'est prévu dans la loi, j'imagine.

Journaliste : Dans la loi, c'est écrit combien?

Mme Charlebois : Bien, ça va se relier avec le... Comment ça s'appelle? Le code pénal.

M. Fournier : La loi sur les infractions sommaires, j'imagine.

Des voix : Merci.

(Fin à 9 h 34)

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