Point de presse de M. Camil Bouchard, député de Vachon
Version finale
Le lundi 14 décembre 2009, 11 h 03
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Onze heures trois minutes)
M. Bouchard: Merci. Alors, bonjour. Je vous rencontre aujourd'hui pour vous informer que je quitte l'Assemblée nationale.
En 2003, c'est à la demande personnelle de Mme Marois que j'ai accepté de faire le saut en politique, et c'est alors qu'elle est chef du Parti québécois qu'il arrive que je quitte. Alors, je vous connais un peu, là, vous allez être sans doute tentés d'y voir un quelconque message. Ne le faites pas.
Ma réflexion est amorcée depuis quelques mois. De fait, en mars dernier, alors que j'étais invité à un colloque de l'ACFAS portant sur les liens entre la science et la politique, je me suis entendu dire que j'aurai sans doute contribué à changer le monde davantage comme chercheur que comme politicien. Ça m'a occupé, le reste du trajet, en revenant à Montréal. De fait, je constate, après ces presque sept ans passés en politique, que j'aurai moins aimé faire de la politique que faire des politiques.
Je me suis présenté à nouveau lors des élections de 2008, après cinq ans dans l'opposition, avec une seule idée en tête, celle de développer et de mettre en oeuvre des politiques au sein d'un gouvernement péquiste capable d'engager le Québec dans un autre cycle vers sa souveraineté et son développement économique et social. La population en a décidé autrement. La population a choisi, et c'est son droit le plus strict, de reporter au pouvoir celles et ceux qui prétendaient qu'il ne fallait rien changer, qu'il n'y aurait pas de déficit, que nous ne perdions rien en péréquation, qu'il était irresponsable d'augmenter la TVQ, que tout allait bien grâce à leur clairvoyance. Malgré une très belle victoire dans Vachon - et là je salue mon monde, ça a été super - j'ai été quand même déçu du résultat des élections. J'ai 64 ans, et, à cet âge, peut-être quelques-uns d'entre vous peuvent-ils le confirmer, on se rend compte tous les jours que le temps devient de plus en plus précieux, et le sentiment de ne pas me sentir aussi utile que je le pourrais devient de plus en plus difficile à supporter.
Interrompre un mandat, ce n'est pas facile et ce n'est pas glorieux non plus. Je le fais parce que je ne me sens plus capable de donner ma pleine mesure et... enfin, vous me connaissez un peu, là, ce n'est pas mon genre.
Je suis aussi très inquiet du taux de non-participation lors des dernières élections. Le vrai pouvoir est entre les mains du peuple, et j'espère seulement que les gens qui ont renoncé à ce pouvoir voudront à nouveau s'en prévaloir lorsqu'ils auront été mis en présence d'enjeux fondamentaux, en présence de projets qui répondent à leurs aspirations d'une vie meilleure, d'une société plus juste, plus responsable et aussi plus productive, et je suis totalement disposé à travailler à ce projet, mais autrement qu'à l'Assemblée nationale.
La politique, dit-on, doit nous faire rêver, et vous conviendrez que le contexte actuel, imprégné d'odeurs de corruption, de malversations et de collusion, n'a rien qui puisse nous faire rêver. Et, je vous le dis bien franchement, ça n'arrange les choses en ce qui me concerne. Aussi longtemps que nous serons aux prises avec cette crise morale et éthique, le Québec fera du surplace, et il y a beaucoup mieux à faire que du surplace.
Le Québec aurait de toute urgence d'immenses chantiers à entreprendre, et je ne vous en mentionne que trois parce que je ne veux pas vous tenir ici jusqu'à demain matin, là. Mais, en éducation, la réduction du décrochage scolaire devrait nous hanter chaque jour. On doit investir ce qu'il faut pour assurer les meilleures conditions possibles d'enseignement et d'apprentissage. Et j'ai la conviction qu'une de ces conditions est de réduire à 18 ou 20 le nombre d'élèves par classe, aussi bien au secondaire qu'au primaire. Et nous avons les moyens d'offrir à nos enfants et à nos vrais bâtisseurs du Québec, c'est-à-dire à nos enseignements, la meilleure école au monde. Tout est une question de choix budgétaire, et je vous rappelle qu'en 2007 le chef du Parti libéral a fait adopter une réduction de près de un milliard d'impôt. Il aurait pu choisir autrement et investir notamment dans nos écoles. On peut faire beaucoup avec un milliard de plus par année.
Le Québec doit aussi offrir à ses travailleurs et travailleuses un système de mise à niveau de leurs compétences qui soit à la mesure des défis que pose la mondialisation. Et la façon dont Ottawa gère l'assurance-emploi est un vrai gâchis. Non seulement il n'y a même pas 50 % des assurés qui peuvent toucher une prestation, mais, en plus, une grande partie de l'argent est divertie, détournée de son usage légitime, c'est-à-dire assurer la protection et la formation des travailleurs. Si le Québec veut arriver à mieux traiter ses travailleurs en phase de transition, je pense qu'il n'a pas d'autre choix que de rapatrier la caisse d'assurance-emploi pour se donner un système intégré et performant de protection et de formation, comme on le fait partout, dans les petits pays qui réussissent à tirer leur épingle du jeu.
En santé. En santé, nous courrons à la catastrophe si nous n'acceptons pas d'investir cinq à six fois plus qu'on le fait dans les services et les soins à domicile. Cela répondrait, d'une part, aux demandes des familles et représenterait une bonne affaire du point de vue des finances publiques.
Et, en parlant de finances publiques, je pense que le Québec doit aussi revoir sa fiscalité et ses sources de revenus. Toutes les données dont nous disposons - et vous en êtes des témoins privilégiés, vous, les journalistes - toutes les données dont nous disposons témoignent d'un accroissement troublant - il y avait encore un éditorial là-dessus ce matin dans La Presse - de l'endettement des ménages, de l'endettement des familles. L'endettement met à mal non seulement la sécurité financière des familles mais contribue aussi à une attitude de repli sur soi. Lorsqu'on est endetté, on veut d'abord sauver sa peau, on est un petit peu moins généreux, on souhaite le moins d'impôt possible et on se souhaite le moins d'État possible. L'endettement des familles menace les fondements mêmes de notre social-démocratie, je pense, et ceci beaucoup plus que la dette nationale. Il faut donc réformer la fiscalité et revoir toutes les sources de revenus de l'État québécois, dont ceux qu'Ottawa nous chipe, en passant, de sorte à nous encourager à épargner, à freiner nos élans de surconsommation, à mieux protéger notre environnement, à stimuler le travail. Il faut revoir l'ensemble des sources de revenus de l'État dans une seule et même perspective, c'est-à-dire soutenir une citoyenneté qui soit productive, responsable et juste. Le statu quo, me semble-t-il, n'est plus possible.
En terminant, je veux quand même vous dire jusqu'à quel point je me suis trouvé choyé de vivre une telle expérience. J'y ai fait la rencontre de personnes exceptionnelles, y compris chez mes adversaires politiques, et je m'y suis bâti de nouvelles et profondes amitiés. Et, je veux que ce soit très clair, j'y ai renforcé jour après jour, dossier après dossier, la conviction qu'il nous faut un pays à nous.
Je salue Pauline Marois, qui m'a accompagné dans ce difficile passage. Vous n'avez pas idée - ou peut-être que vous l'avez, je ne sais pas - combien cette femme est aimée de son caucus et des membres du parti. Puis, il n'y a pas de mystère, elle aime son monde, elle est accessible, elle travaille fort, elle est généreuse, elle est compétente puis, s'il y a quelque chose, elle est un petit peu plus patiente que moi. Un jour, j'en suis certain, la population l'adoptera de la même façon. Et je lui dis vraiment toute mon amitié. Excusez-moi!
Et je salue mes collègues du caucus, compagnons et compagnes de marche vers le pays, et plus particulièrement mon coloc de bureau et ami, Pierre Curzi. Je ne vous dirai pas tout le plaisir que j'ai eu à refaire le monde avec lui et toute la passion du pays que nous avons partagée.
Alors, je me réserve un délai de quelques jours avant de quitter mon siège. Ça me donnera l'occasion de saluer et de remercier correctement les citoyens de ma circonscription, de Vachon, et de revoir les membres de l'exécutif et les nombreux bénévoles du Parti québécois de Vachon. Et ça me permettra aussi de bien préparer les mois qui viennent au bureau de circonscription, avec mon adjointe et ma grande complice, que je ne remercierai jamais assez, Mme Marguerite Pierson Richard.
Alors, chers amis, je quitte l'Assemblée nationale, mais je reste déterminé à construire autrement un pays qui a du bon sens, un pays capable de faire rêver d'audace ses enfants, un vrai pays bien à eux. Merci.
Journaliste: M. Bouchard, est-ce que...
Mme Richer (Jocelyne): Est-ce que vous quittez parce que vous avez l'impression que la souveraineté ne se fera pas dans un avenir prévisible?
M. Bouchard: Non, vraiment pas, vraiment pas. D'abord, je vous ai réaffirmé mes convictions à l'effet que la souveraineté occupait une place beaucoup plus grande qu'elle ne l'occupait lors de mon arrivée en politique. Je pense qu'il va falloir encore faire preuve vraiment d'efforts pédagogiques, parce qu'il y a des générations qui sont moins, à mon avis, informées des enjeux fondamentaux derrière cette proposition de la souveraineté. Il va falloir cependant, je pense, être... emprunter une pédagogie très active, une pédagogie de gestes qui ont une portée, et, à partir des gestes, expliquer ce qu'on en retire comme peuple, comme nation et comme culture. Alors, je... Non, je ne quitte pas parce que je pense que la souveraineté serait inaccessible. Bien au contraire.
M. Chouinard (Tommy): M. Bouchard, le message que vous envoyez est assez dévastateur, dans la mesure où vous dites que vous avez fait plus comme chercheur dans votre bureau à l'UQAM que comme l'un des 125 membres de l'Assemblée nationale.
M. Bouchard: Oui. Mais..
M. Chouinard (Tommy): Pourquoi cette... Pourquoi ce «désabus», là, de la politique?
M. Bouchard: Bien, d'abord... D'abord, un, lorsque ma compagne m'a entendu dire ça, elle m'a dit: Tu sais, tu n'es pas juste, parce que tu n'as fait que l'opposition, et que, étant loin du pouvoir, on a moins de possibilités d'influencer et de développer des politiques qu'on voudrait voir s'installer. Deuxièmement, j'ai eu, avant de venir en politique, une carrière académique absolument fascinante. Vous vous souviendrez peut-être d'Un Québec fou de ses enfants. Après Un Québec fou de ses ... De fait, je regardais ça l'autre jour, puis depuis 1991 que je me promène un peu partout au Québec, hein? La vie publique n'a pas commencé pour moi en politique, elle a commencé alors que j'étais chercheur et intervenant à l'Université du Québec à Montréal. J'ai dû prononcer peut-être 175, 200 conférences à partir du rapport Un Québec fou de ses enfants, qui a été publié en 1991. Et donc c'est normal que j'aie l'impression d'avoir influencé bien davantage, étant donné ce qui est arrivé par la suite. Il y avait 53 recommandations dans Un Québec fou de ses enfants, et les gouvernements successifs, dont le Parti québécois, notamment avec l'installation du réseau des CPE, avaient emprunté à ces propositions. Alors, voilà.
M. Chouinard (Tommy): ...une deuxième chose. Pourquoi ne pas attendre? Justement, vous dites, vous n'avez pas eu la possibilité de goûter au pouvoir. C'est quoi, il reste trois ans peut-être, là, pourquoi ne pas donner encore un petit coup?
M. Bouchard: Je pense... Je pense que j'ai bien expliqué cette disposition-là. On a... D'abord, un, on a chacun nos seuils de tolérance quant à notre capacité d'attendre le jour J. D'autre part, je disais - puis je pense que c'est un phénomène que plusieurs vont partager, de mon groupe d'âge - que, lorsqu'on vieillit, le temps devient extrêmement précieux, et, si on se sent moins utile qu'on le devrait ou qu'on le pourrait, on a l'impression à quelque part qu'on gaspille des énergies et qu'on pourrait être plus utile peut-être autrement ou ailleurs, mais à propos des mêmes causes. Alors, voilà.
Le Modérateur: Gilbert Lavoie.
M. Lavoie (Gilbert): M. Bouchard, est-ce que vous retournez dans le monde académique ou est-ce que c'est la préretraite? Qu'est-ce qui s'annonce pour vous?
M. Bouchard: Oui, alors bonne question. Je n'ai pas eu trop le temps d'y penser, à vrai dire. Je prendrai rendez-vous avec les gens de l'UQAM bientôt pour connaître quelle est la situation exactement quant à mon contrat, parce que, vous le savez sans doute, je suis sans solde de l'Université du Québec à Montréal, donc j'ai un contrat qui me relie à l'université. Je verrai avec l'administration quelles sont les perspectives et je jugerai à ce moment-là.
M. Lavoie (Gilbert): En sous-question. Au conseil national, le dernier conseil national, vous avez présidé l'atelier sur l'immigration. Vous n'aviez pas l'air, à ce moment-là, de quelqu'un qui n'est pas intéressé aux sujets que vous présidiez. Est-ce que...
M. Bouchard: Non, je n'ai jamais manqué d'intérêt.
M. Lavoie (Gilbert): Alors, est-ce que justement... puisque le temps passe plus vite à partir d'un certain âge, est-ce qu'il y a des sujets de société qui vont vous intéresser davantage au cours des prochaines années, qu'indépendamment des sujets politiques, là...
M. Bouchard: Oui. Bien, celui que j'ai mentionné tout à l'heure me préoccupe beaucoup, toute la question de... Moi, j'ai peur qu'il y ait un effritement de notre base sociale démocrate, au Québec, tout simplement parce que deux ou trois de nos générations se sont engouffrées - et je ne fais pas exception, sans doute, là - dans la surconsommation et l'endettement. Encore aujourd'hui, là, le niveau d'endettement est à 36 %, là. Pour 100 $ de disponibles, là, dans une famille, 36 $ partent pour les dettes, en partant, là; c'est énorme. Et, moi, c'est un problème qui me préoccupe énormément, puis je pense qu'on doit revoir l'ensemble de la fiscalité québécoise, à tout le moins... malheureusement, on n'a rien à dire sur celle d'Ottawa, là, mais en ce qui concerne notre capacité d'encourager notamment l'épargne.
Ce matin, dans La Presse, vous avez vu aussi apparaître un article à propos des enfants du Nord, et je... je trouve ça épouvantable, inacceptable que, sur le territoire du Québec, on arrive à une situation telle où 30 % des enfants doivent être signalés pour négligence grave durant une même année. Moi, j'ai fait de la recherche durant des années sur la question des mauvais traitements envers les enfants, j'étais scandalisé quand on arrivait à des 4 % par année. Je ne comprends pas comment il se fait qu'il n'y a pas une mobilisation plus forte, plus grande de notre part vis-à-vis du destin de ces enfants-là et de ces familles-là. Et je vous le dis franchement, si j'ai du bénévolat à faire, je vais sans doute m'intéresser à ce type de problème là et à ce type de situation que je trouve absolument inacceptable.
Le Modérateur: Martine Biron, et ensuite Alexis Deschênes.
Mme Biron (Martine): M. Bouchard, vous avez dit: J'ai été déçu du résultat des élections. Est-ce qu'on comprend que, si vous aviez été au pouvoir, vous seriez resté?
M. Bouchard: Oui, vous comprenez bien.
Mme Biron (Martine): Donc, c'est l'opposition qui rebute un peu, comme M. Legault?
M. Bouchard: Oui. Bien, c'est parce que... Oui. Il ne faut pas oublier que ça fait quand même sept ans que je suis dans l'opposition, sept ans où je perds quasiment tous mes votes, hein - on peut le dire comme ça, hein? - où mes capacités d'influencer dépendent très souvent de contextes très précis. Il y a des ministres avec lesquels on s'entend très bien en commission parlementaire, puis on a des moments de grâce, d'autres moments où ça fonctionne moins bien, mais le dernier mot, ce n'est pas l'opposition qui l'a, vous savez bien.
Et je viens... Il y a un nommé Fraser Mustard, à Toronto - c'est son vrai nom - qui avait dit... c'est un neurochirurgien, qui avait dit lors d'une conférence que j'étais un développeur social, et... un entrepreneur social, avait-il dit, et ça m'avait beaucoup touché parce que je me sens comme ça. Et c'est très difficile, dans l'opposition, que d'avoir une emprise sur l'ensemble des éléments puis des facteurs qui font que vous pouvez proposer ou vous pouvez influencer des politiques de façon cohérente. On est toujours dans... morceau par morceau. Mais je pense qu'on peut faire ça durant un bout de temps, et, lorsqu'on s'aperçoit éventuellement qu'on a moins d'élan, qu'on ne donne pas toute sa mesure, que ça nous tente moins, bien là, on a un devoir aussi quelque part, là. Moi, je... En 2003, Mme Biron, quand je me suis présenté, mon premier geste, ça a été de publier, dans mon comté, une déclaration de services à la population, et je leur garantissais le meilleur service possible, les meilleurs délais possible, et le traitement impartial de leurs dossiers, et, avec Mme Pearson, dont je parlais tantôt, on a, je pense, tenu le fort très bien. Et je n'ai pas envie de me rendre là où quelqu'un me dirait: Tu ne fais plus la job.
Le Modérateur: Alexis Deschênes.
M. Deschênes (Alexis): M. Bouchard, bien vous parlez beaucoup de cette crise morale et en même temps vous quittez. Quel signal vous envoyez à tous les députés de l'opposition? On dirait que c'est un peu comme quoi il vaut mieux abandonner, puis on se retrouvera dans trois ans. Est-ce que... Ce n'est pas un appel au combat que vous faites là.
M. Bouchard: Écoutez, on n'a pas tous les même profil puis on n'a pas tous les mêmes expériences. Et j'ai plein d'admiration pour mes collègues qui font montre de ténacité puis d'engagement, et j'ai quasiment plein d'admiration pour ce que j'ai fait aussi auparavant, là, tu sais : on est dans un travail qui est extrêmement exigeant. Et j'espère que ce n'est pas le message qui sera capté par mes collègues. Je pense que les gens me connaissent assez, au caucus, pour comprendre que ce que j'ai décrit comme étant une situation personnelle demeure une situation personnelle. Ce n'est pas tous les gens qui ont eu mes antécédents avant d'entrer en politique, ce n'est pas tous les gens qui ont aujourd'hui 64 ans, ce n'est pas tous les gens qui ont fait sept ans dans l'opposition et ce n'est pas tous les gens non plus qui, quelque part, s'attendaient peut-être à un meilleur retour des choses aux dernières élections.
M. Deschênes (Alexis): ...lorsqu'on a participé beaucoup à la vie publique,vous ne recommandez pas l'opposition...
M. Bouchard: Non, non. Ce n'est pas exact,parce que je pense que, si vous regardez ma feuille de route, là, vous allez vous apercevoir que j'ai livré des combats tous azimuts dans l'opposition. Mais le temps a it son oeuvre.
Une voix: ...
M. Séguin (Rhéal): M. Bouchard, ça va faire bientôt 15 ans, le dernier référendum. Combien vous entrevoyez l'avenir pour le Québec?
M. Bouchard: Holà! On est dus pour un autre rendez-vous, c'est sûr. Et... Moi, j'épouse beaucoup cette idée de Mme Marois à l'effet que chaque pouvoir de dépenser, chacun des pouvoirs de dépenser qu'on va chercher, chacun des points d'impôt qu'on va chercher, c'est plus de souveraineté. C'est tout le temps plus de souveraineté. Mais, à un moment donné, on fera le compte puis on fera le pas final. Mais, moi, je pense qu'il faut se battre absolument à tous les instants, puis je le ferai comme citoyen désormais, pour qu'on puisse comprendre, tout le monde ensemble, que ça a un effet direct sur notre qualité de vie. Je vais vous donner un exemple, si vous permettez : congé parental. Vous savez combien ça a pris de temps, négocier le congé parental. Ça a pris huit ans. Ça a pris je ne sais pas combien de procès, ça a pris la Cour d'appel, etc. Et ça a quasiment pris, vous me le permettrez, là, mais ça a quasiment pris, à la fin, une négociation à rabais. Et, durant tout ce temps-là, qui a été pénalisé? Qui a été pénalisé du fait que le fédéral refusait tout simplement qu'une partie des cotisations d'assurance chômage soit interceptée par Québec pour financer son programme d'assurance parentale, Ottawa n'étant que fiduciaire là-dedans, là, ne mettait pas une cenne, là? Ça a pris huit ans. Alors, multipliez ça par le nombre de naissances, vous allez voir le nombre de familles qui ont été brimées d'un bon programme durant tout ce temps-là: 70 000 par année fois 8, 560 000.
M. Chouinard (Tommy): Est-ce que... Vous avez parlé de la corruption tout à l'heure. En quoi les allégations de corruptions, ça a contribué à votre réflexion? Ça vous a écoeuré, ça?
M. Bouchard: Ce n'est pas un climat... ce n'est pas un climat très, très encourageant et très inspirant, à mon avis, ni pour les députés ni pour la population. Et, quand je dis que la politique doit faire rêver, je pense à la population beaucoup.
Je ne veux pas être plus pessimiste puis plus rabat-joie qu'il faut, là, parce que ça nous prend des gouvernements, ça nous prend des gens qui consacrent une partie de leur vie, ce que j'ai fait, à la chose politique et à l'Assemblée nationale. Mais, en même temps, ce type d'atmosphère, ce type de climat qui se développe et qui ne trouve sa fin, autrement dit, où le gouvernement n'avance pas vers une solution qui est demandée par tout le monde, ça crée, je pense, un climat très, très, très négatif et très contre-productif. Et je vous dirai que ça a été un élément qui a sans doute influencé ma réflexion à la fin. On aurait été dans une autre ambiance, je ne sais pas ce qui se serait passé, mais ça, c'est très accablant.
M. Chouinard (Tommy): Donc, ça vous a écoeuré? C'est quoi, là?
M. Bouchard: Écoutez, ça m'a accablé beaucoup. Oui. C'est un climat qui est très accablant.
Le Modérateur :Question en anglais, Tim Duboyce.
M. Duboyce (Tim): Mr. Bouchard, in your almost seven years here, there's been three elected leaders of the PQ, plus an interim leader, Québec saw its first minority government in more than a century, it's been a very unstable time.
What are you going to take away from your political experience during that period?
M. Bouchard: Well... I was in... I was attending a conference last week, people were debating about how to renew social... «la social-démocratie», and there were around 60 to 70 persons in the room, and, during the two hours that people had been debating the issue, I never heard the word «man», «woman», «children», «youth», «aging people». I think that what politics teach you right from the beginning is: you've got to be pretty aware of the needs of people, and, if you think only in terms of ideological system or administrative system, you're done. And that's... From my point of view, this is what I've, you know, gained from my experience. This is the first thing.
M. Duboyce (Tim): What... what state do you leave the Parti québécois in?
M. Bouchard: Well, I don't leave the Parti québécois.
M. Duboyce (Tim): As an elected...
M. Bouchard: I leave the Assemblée nationale. And in fact the the group of MNA under the banner of «Parti québécois» is... is very, very, very alive, very clever. I think that the... it's a very thoughtful group. And the arrival of Nicolas Marceau lately has enriched the caucus, too, and I believe that... now, the person who is going to replace me is going to do the same thing. But it's a very, very nice, alive, very generous group, really.
Le Modérateur: Kevin, et ensuite John.
M. Dougherty (Kevin): O.K. You talked about your role, limited role in opposition, but I'm just thinking, recently, you and Geoff Kelley, for instance, did the...
M. Bouchard: Yes, yes.
M. Dougherty (Kevin): ...on itinerance.
M. Bouchard: Yes.
M. Dougherty (Kevin): So, you ... onto something.
M. Bouchard: Yes, yes, yes. There are some «moments de grâce» in dealing with your opponents, in politics, and I think that sometimes... When I said, you know, I got to admire exceptional people in my stay in politics, Geoff is one of them. He's very careful of people, he's very thoughtful, very keen to... you know, to explore new avenues. And my sense is that we... sometimes parliamentarians succeed in doing that type of... you know, in going in that type of cooporation, and it's fun, it's really fun, but these are «moments de grâce», and we wish that there would be more.
M. Dougherty (Kevin): So, can you tell us, maybe briefly, how you came to this decision? You talked about last March, you said that it's been a «cheminement» dating back a few months.
M. Bouchard: Yes, last May, last May, yes. I was attending a conference in Ottawa... participating in a conference of the Association canadienne française des sciences, and I heard myself saying that I... maybe, at the end of my stay in politics, my conclusion will be that I will have changed the world a bit more as a researcher than as a politician, and it hit me at the time, but, you know, I should maybe reflect over that one. It came to my mind kind of very, you know... and very spontaneously. And from... And I had been shaken up also by the election results, but then I thought I had, you know, pushed that aside and that I had regained some type of new motivation for the job. And then afterwards, after this May conference, you know, I started to think over what was my real motivation, how keen I was to accomplish all of the things that are expected from an MNA. And slowly but surely it pushed me in this room this morning.
Le Modérateur: John Grant.
M. Grant (John): Was it just the fact of being in opposition or is there something fundamentally about the role of a Member of the National Assembly that, in some way, broke whatever dream you had of... coming into politics?
M. Bouchard: No. No, I think that the... really, the main factor is that you're very near the power, but you're not in the power. And, it's very frustrating. It's not during the first years. But, as time goes, you know, goes on, then you get the impression that you're not as useful as you should be, because you're full of ideas, you're experimented, you know, you have more experience, and so on and so forth. So that this is... I think this is the main issue on the table.
M. Grant (John): You also talk about the climate at the end of 2009 in Quebec, in politics, and the climate of, you call, morality or lack of. How much... how important is that to you at this stage, now?
M. Bouchard: It's very important, for two reasons. The first one is that all of the politicians are hit by that type of climate, and I think that politicians reputation, you know, get a smash out of that. The other thing too is that, you know, the reaction of a population is that they should not... they should not invest in thinking over politics or policies because of that type of events, and it's kind of sad, it's kind of sad. And my impression is that, as long as we won't go into a real appraisal of the situation and get into a real public arena about what is going on, the climate will be rotten. Really.
Le Modérateur : Merci beaucoup. Au revoir.
(Fin à 11 h 32)