(Neuf heures vingt et une minutes)
Mme Massé : Alors,
bonjour. Mais, comme vous le savez, ce matin je vais déposer une motion en
Chambre à l'effet d'inviter l'ensemble de la classe politique, mais de façon
toute particulière la ministre de la Condition féminine, à nous aider à trouver
des façons de pouvoir se sortir, je dirais, de ce merdier dans lequel, les
femmes, nous sommes prises depuis des décennies, c'est-à-dire l'incapacité de
nous faire entendre lorsqu'il est question de comportements inadéquats, de
comportements inacceptables, de harcèlement, d'agressions, ce qu'on nomme comme
étant la culture du viol.
Alors, ma motion, deux grands temps, je
dirais. Un premier, qui est : Le système de justice doit absolument
améliorer son système de plainte, on le sait, c'est nommé, c'est identifié, il
doit le faire, et ça presse. Et deuxièmement : Tout ce qui n'est pas
judiciarisable, mais qui fait partie de cette culture du viol, mais qui sont
des éléments qui retirent aux femmes leur sentiment de sécurité et d'intégrité
physique et psychologique, souvent, dans leur milieu de travail, au niveau de
leurs loisirs, etc., ça, il faut trouver un moyen de permettre aux femmes de
pouvoir dévoiler ce qu'elles vivent et ensuite de pouvoir trouver des chemins
pour faire en sorte qu'il y ait des amendes honorables qui soient faites. Alors
donc, la motion est au jeu. Pour le moment, je pense que l'ensemble des partis
vont l'appuyer, et voilà où nous en sommes.
Mme Mathieu (Annie) :
Vous parlez des femmes. Ce matin, voilà, il y a M. Salvail... Donc, il y a
des hommes, je vous dirais... J'imagine que vous englobez les deux sexes, là.
Mme Massé : Oui. Bien, en
fait, ce qui est d'une évidence crasse quand on regarde les statistiques, c'est
principalement les femmes. Le rapport de force est principalement entre les
hommes et les femmes. Mais, ceci étant dit, les abus de pouvoir, le harcèlement
sexuel, ça peut être ou ça peut aussi viser un homme, ça peut être fait par des
hommes, ça peut être fait par des femmes. L'enjeu n'est pas là. Moi, mon point,
c'est que, si on s'adresse à la majorité et qu'on trouve des méthodes qui vont
permettre pas seulement la judiciarisation — ce qui est nécessaire,
on doit l'améliorer — mais aussi toute cette zone qu'on a vue
notamment dans différentes séquences de dénonciation, dont notamment dans
#moiaussi... Alors, c'est cette zone-là où il faut faire un pas de plus. Il
faut innover. Ça ne doit pas appartenir nécessairement aux mains de la justice.
Mais on le sait nous, les femmes, que c'est cette addition de comportements qui
fait en sorte qu'à un moment donné notre intégrité est ébranlée.
M. Croteau (Martin) :
Qu'est-ce que vous pensez du comportement allégué de M. Salvail?
Mme Massé : Bien,
écoutez, pour moi, ce qui est allégué présentement me laisse voir tout à fait
des comportements que j'entends beaucoup quand je lis #moiaussi, quand j'ai lu
#agressionnondenoncee. C'est très difficile pour une victime de se faire
entendre, de se faire croire, d'être reconnue que son propos est vrai. Et donc
ça illustre pour moi, la situation de M. Salvail, exactement ce que
multitudes de femmes et d'hommes vivent dans leur quotidien. Et c'est pourquoi
il faut que, là, on s'y attaque sérieusement, tant dans le criminel, le formel
que dans le non-criminel, mais qui est tout aussi irréprochable.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Est-ce que, selon vous, le climat à l'Assemblée
nationale est favorable aux dénonciations sur les questions de harcèlement,
sexuel ou non, là?
Mme Massé : Partout où il
y a des relations d'autorité, de pouvoir — et dans un Parlement, il y
en a beaucoup — c'est particulièrement difficile. On l'a vu l'an dernier,
par exemple, ou l'année d'avant, au niveau des universités, hein? C'est difficile
parce que, là, tu as des professeurs, tu as des étudiants et étudiantes. Tu
dénonces, bien, tu n'auras peut-être pas accès à la bourse pour faire tes
études, ta maîtrise. Alors, ici, on est aussi dans un système qui est complexe
parce qu'il comporte beaucoup d'autorité. Et, tant et aussi longtemps qu'on
n'arrivera pas à, collectivement, réellement décider que c'est assez, qu'on
n'aura pas identifié des méthodes où les femmes et les hommes victimes pourront
réellement, disons, trouver réparation lorsqu'ils dénoncent des comportements
inacceptables, irréprochables, bien, je me dis : On est pris dans quelque
chose où, comme aujourd'hui, ça ne change pas. Alors, il faut y arriver.
M. Laforest (Alain) : Il
y a un an, vous aviez dénoncé la culture du mononcle cochon à l'Assemblée
nationale. Est-ce que ça a changé?
Mme Massé : Bien, je
pense qu'il y a des gens qui ont fait des pas. Parce que c'est ça, hein,
cheminer. Changer une culture, ça ne se fait pas en un coup de ciseaux, un tour
de chapeau. Non, je suis en train de faire du hamadisme. Ça ne se fait pas en
un…
M. Laforest (Alain) : En
criant ciseaux. En criant lapin.
Mme Massé : En criant
lapin, tiens. Et par contre je pense qu'à chaque fois il faut faire un pas de
plus. Alors, pour moi, quand j'invite, dans ma motion, la ministre de la
Condition féminine à trouver des méthodes alternatives pour accueillir et
traiter le dévoilement des plaintes, je pense que... Je lui demande à elle parce
qu'elle est ministre de la Condition féminine, parce que, si on règle ce
problème-là et on trouve des méthodes pour les femmes, on va les trouver pour
tout le monde. Mais, ceci étant dit, il faut que ça se fasse dans un bref laps
de temps pour qu'ici et partout on puisse ensemble, et les hommes et les
femmes, mettre fin à ce fléau qui est les abus de pouvoir des uns par rapport
aux autres.
M. Laforest (Alain) : Seriez-vous
prête à aller... à donner une entrevue à Éric Salvail aujourd'hui?
Mme Massé : Non, non,
non, je ne serais pas prête. Mais je serais prête à aller, comme je l'ai
toujours dit, m'asseoir pour discuter des gens de qu'est-ce que ça fait, ce
type de comportement sur la victime, sur l'estime de soi. Je crois à une forme
de justice qui fait en sorte qu'on va finir par guérir tout le monde. Alors,
dans ce sens-là, passer une entrevue publique où on va discuter de tout ça,
non. Je ne pense pas qu'il serait intéressé, ceci étant dit. Mais par contre de
m'asseoir et de pouvoir aller sur le fond et l'impact et d'amener, dans le
fond, les gens à cheminer pour reconnaître qu'ils ont commis des gestes
reprochables, des erreurs... Et là on verra, parce que, là, il pourrait y avoir
poursuite criminelle, hein? Il y a toujours ça dans ce jeu-là.
Mais je vous ramènerais, entre autres, à
#moiaussi. Une des choses qui me fascinent, c'est qu'on arrive, à mon sens, dans
cette nouvelle vague de dénonciation à une espèce d'étage un peu plus profond
où on commence... et notamment on peut lire plusieurs témoignages sur #moiaussi
où des hommes, en lisant et en entendant ce que des femmes victimes témoignent
de ce que sont les gestes inappropriés et l'impact que ça l'a sur leurs vies,
prennnent conscience que, sans le vouloir, de façon tout à fait intégrée, ils
ont contribué à cette culture du viol, et donc ils vont, à travers ça,
j'espère, faire des prises de conscience et ensuite agir.
M. Gagnon (Marc-André) :
Ce phénomène-là est très viral en ce moment, le #moiaussi, etc. On n'a pas tous
la même définition de ce qu'est un harceleur, hein? Est-ce que ça n'ouvre pas
la porte à un glissement où des gens risquent de se retrouver injustement
traités de porcs sur la place publique et de vieux cochons?
Mme Massé : Oui, bien,
voyez-vous, c'est ça, l'enjeu. Notre système de justice est basé sur la
reconnaissance qu'une victime, jusqu'à preuve du contraire, est innocente,
O.K., on s'entend là-dessus. Puis c'est super, puis c'est correct, on ne veut
pas changer ça, nous autres.
Ceci étant dit, à partir du moment où on
sait qu'à peine entre 2 % et 4 %, selon les études, des victimes de
harcèlement et d'agression sexuelle, seulement 2 % à 4 %, ont fait de
fausses déclarations, comment se fait-il que, dans notre système de justice, il
n'y a pas plus de poursuites en matière d'agression ou de harcèlement sexuel? C'est
parce que de crimes parfaits avec un témoin, en matière d'agression sexuelle,
ça n'existe pas. Bien, ça existe, mais si peu.
Alors donc, il faut... Et c'est là qu'il y
a le système de justice. Lui, il doit faire sa job parce que, dans les faits, c'est
un crime, mais il y a un paquet de comportements qui ne relèvent pas du
criminel, mais qui sont, en bout de ligne, très dommageables pour les femmes,
leur intégrité, leur sécurité. Et c'est ça qu'il faut aller travailler. C'est
ça qu'il faut, ensemble, hommes et femmes, faire en sorte qu'on trouve les
moyens pour que ça arrête parce que ça nous coûte des millions par année, ça.
M. Gagnon (Marc-André) :
Mais, il y a quelques mois, justement, comme mon collègue disait tout à
l'heure, vous dénonciez la culture de mononcle ici même, à l'Assemblée
nationale. Et, quelques mois plus tard, êtes-vous encore à l'aise de siéger
tout près de Gerry Sklavounos, malgré tout ce qui a été dit sur lui, même s'il
se fait un peu plus discret, disons?
M. Laforest (Alain) : Vous
l'aviez dénoncé.
Mme Massé : Bien oui,
bien, tout à fait, je l'ai...
M. Gagnon (Marc-André) :
Êtes-vous encore à l'aise? C'est ça, ma question.
Mme Massé : De?
M. Gagnon (Marc-André) :
De siéger tout près de lui?
Mme Massé : Je n'ai
jamais été à l'aise. Je n'ai jamais été à l'aise. Il est toujours derrière moi.
On n'a jamais eu de communication. Écoutez, je réitère et je réitère vraiment,
pour moi, ce qui est important, c'est qu'on trouve ensemble une façon de faire
en sorte qu'on puisse guérir nos femmes, de toutes petites à grandes, à aînées.
Plusieurs de nos hommes sont victimes d'abus quotidiens qu'on finit par
banaliser. Il faut la trouver ensemble, la solution.
Mme Mathieu (Annie) : En
même temps, ce que vous faites, c'est que vous dites qu'il faut changer la
culture du viol, mais tous les moyens que vous proposez sont évidemment mis sur
l'emphase du système de justice qu'il faut améliorer. Mais, à la base, y a-tu
quelque chose que vous proposez pour changer cette culture-là qui... Je veux
dire, deux ans après une première vague, il ne semble pas qu'il n'y ait rien
qui ait été changé.
Mme Massé : Écoutez, puis
là vous parlez de vague, mais moi, comme féministe, je vais vous parler de 30,
40, 50 ans, hein, c'est... Mais rappelons-nous que, jusqu'en 1984, un conjoint
pouvait violer sa femme sans avoir... la femme n'avait aucun recours. Alors, c'est
du travail de longue haleine.
Ce que je vous dirais, en réponse directe
à votre question, c'est que — je le dis depuis très longtemps — en
amont, ce qu'il faut, c'est... il faut avoir des cours d'éducation aux saines
relations, ce qu'on appelait éducation sexuelle. On l'a arrêté au Québec depuis
2002, 2003, et ça fait deux ans qu'on est encore en projet pilote au niveau du
gouvernement du Québec. Alors, comment on peut aborder les questions de
consentement? Ce n'est sûrement pas avec la porno sur Internet. Bien,
actuellement, là, nos enfants, là, c'est par là, essentiellement, que c'est le
plus simple d'apprendre les relations entre les hommes et les femmes et les
relations entre, peu importe, les personnes de même sexe. Alors, il y a ça et
bien d'autres choses.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Mme Massé, j'aimerais vous parler d'un autre
sujet. Hier, on a pris connaissance d'un courriel pour solliciter des fonds que
soit Québec solidaire soit votre collègue Gabriel Nadeau-Dubois a envoyé, là,
je ne suis pas certaine qui l'a écrit. Ce courriel-là rabroue le travail des
médias. Est-ce que Québec solidaire respecte la liberté de presse, la liberté d'expression,
même quand les opinions qui sont exprimées ne correspondent pas aux valeurs du
parti?
Mme Massé : Bien oui,
tout à fait. Alors, je vous rappelle, c'est un courriel qui a été envoyé à nos
membres.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Par qui?
Mme Massé : Bien, par...
Je pense que c'est notre parti, là, c'est le parti qui, régulièrement, envoie
des courriels aux membres pour faire une demande de financement, etc., et on
essaie, comme n'importe qui, de faire en sorte que ces courriels-là expriment
un certain nombre d'éléments, dont parfois des positions de politique, etc.
Le courriel dont vous me parlez, j'en ai
pris connaissance, je pense c'est hier, et effectivement, là-dedans, comme vous
le dites, on nomme... Mais ce n'est pas à moi de reprendre tout ça. En fait, ce
que je veux vous dire, c'est que, des fois, il arrive qu'on peut grossir un peu
l'impact que ça nous fait, le mal que ça nous fait quand on se ne sent pas
entendus, quand on ne se sent pas bien repris, quand on sent que... Mais de
remettre en cause l'ensemble du travail journalistique, je ne pense pas que
c'était le cas. Je pense que c'est... On a l'impression, des fois, parce qu'on
porte une volonté de changer le monde, que notre rayonnance est peut-être moins
grande que ce qu'on pourrait espérer.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Mais, quand on dit que les grands médias encouragent
un certain mépris, de qui on parle? Puis qu'est-ce qu'on veut dire?
Une voix
: Est-ce que
c'est ça que disait le courriel?
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : C'est ce qui est écrit.
Mme Massé : Je n'ai pas
le courriel devant moi. En fait, moi, ce n'est pas que je ne veux pas répondre
à vos questions, mais j'aurais besoin de revoir clairement parce que...
M. Laforest (Alain) :
Mais est-ce que vous cautionnez ça?
Mme Massé : Je l'ai lu...
Bien, j'ai besoin de le revoir. Moi, le parti envoie régulièrement plein de
choses. J'aimerais ça le revoir, et ça me ferait plaisir de répondre à vos questions.
M. Croteau (Martin) :
Mais vous parlez de frustrations par rapport à la... Qu'est-ce que vous voulez
dire? Racontez-nous. Qu'est ce que vous ressentez, vous, par rapport à la
couverture médiatique qui est faite de votre parti?
Mme Massé : Bien, c'est
relatif, c'est vraiment relatif. C'est dur de dire x ou y. Moi, je vous dirais
que, personnellement, j'ai vraiment une très bonne couverture médiatique. Je me
suis sentie bien reprise, j'ai senti que... bon, regarde, mais est-ce que dans
ma vie, depuis deux, trois ans que je suis députée, où est-ce que j'ai fait une
multitude de conférences de presse parfois seule avec la caméra de l'Assnat, où
j'ai dénoncé des choses terribles par rapport au gouvernement libéral et que,
dans le fond, on me ramenait sur autre chose parce que c'était le sujet du
jour... des fois, peut-être que j'ai ce sentiment-là, mais, de façon globale,
ce n'est pas mon sentiment.
Mais sur la question du courriel, s'il
vous plaît, laissez-moi aller. Je veux honnêtement pouvoir vous répondre et
bien m'approprier ce qui est là-dedans, notamment des questions spécifiques comme
la tienne.
M. Gagnon (Marc-André) :
Est-ce que vous avez de la difficulté avec ce que certains chroniqueurs peuvent
dire de Québec solidaire?
Mme Massé : Bien, comment
dire, des fois, ça ne me fait pas plaisir, mais c'est ça, la liberté de presse,
hein? Mais, des fois, j'aimerais bien mieux apparaître fine, bonne, qu'on va
gagner en 2018, qu'on est ci, bon. Mais, écoutez... Ça fait que j'y vais.
M. Laforest (Alain) :
...les médias devraient être fins avec tout le monde, là?
Mme Massé : Bien non,
bien non...
(Fin à 9 h 38)