(Onze heures deux minutes)
M. Nadeau-Dubois : Bonjour, tout
le monde. Je suis sûr que vous êtes tous impatients et impatientes d'entendre
Manon qui revient de Catalogne avec un témoignage intéressant, un témoignage
troublant et intéressant, je pense, pour les Québécois et les Québécoises.
Mais juste avant de lui passer la parole,
j'aimerais vous parler d'une motion que Québec solidaire va déposer cet après-midi,
une motion visant à dénoncer l'entente conclue entre le gouvernement fédéral et
Netflix dans les derniers jours. L'objectif de notre motion est clair :
créer un front commun au sein de la classe politique québécoise pour envoyer un
message fort à Ottawa. On le voit, on l'a entendu dans les dernières heures, le
milieu culturel québécois est mobilisé, est en colère contre le gouvernement
fédéral qui a signé un marché de dupe avec Netflix.
Alors, notre motion va viser à créer un
front commun de la classe politique québécoise pour envoyer un message fort.
Cette entente-là entre Netflix et le gouvernement fédéral ne passe pas au Québec.
Selon nous, il est temps, pour la classe politique, de s'unir derrière le
milieu culturel québécois, il est temps d'appuyer les créateurs, les créatrices
du Québec qui sont en colère, qui ont l'impression d'avoir été floués par
l'entente conclue entre Netflix et le gouvernement fédéral. Alors, le message
qu'on veut envoyer avec cette motion-là, il est clair : l'entente entre
Netflix et le gouvernement fédéral ne passe pas au Québec. C'est aussi simple
que ça.
Selon nous, c'est une entente qui crée un
dangereux précédent. Ça vient créer un précédent, ça vient envoyer le message
que les multinationales étrangères peuvent négocier de payer de l'impôt ou non
avec les gouvernements. Selon nous, c'est inacceptable. Le principe de l'équité
fiscale, ce n'est pas seulement un principe économique, c'est aussi un principe
démocratique fondamental. Le fait que, quand on crée de la richesse sur le
territoire du Québec, bien, il y a une partie de cette richesse-là qui doit être
redistribuée et il n'y a aucune raison qu'une entreprise comme Netflix fasse
exception à cette règle démocratique fondamentale. L'impôt, c'est pour tout le
monde, y compris les députés, y compris les entreprises, qu'elles soient
canadiennes, québécoises ou étrangères.
L'appel qu'on lance aujourd'hui, c'est
donc un appel à l'unité, un appel à la mobilisation. Il est temps, selon nous,
pour tous les partis politiques à l'Assemblée nationale, de s'unir derrière le
milieu artistique québécois, derrière l'industrie culturelle québécoise. Ils
ont besoin de notre solidarité en ce moment, parce qu'ils sont très, très
inquiets, et avec raison.
On va donc proposer cette motion-là cet
après-midi. On espère obtenir l'appui de toutes les formations politiques
représentées à l'Assemblée nationale, mais en particulier l'appui de la CAQ,
qui semble toute ragaillardie par son score hier dans Louis-Hébert, et c'est
leur droit, bien sûr. C'est une victoire pour eux, mais, si M. Legault veut
faire la démonstration qu'il est un candidat sérieux au poste de premier
ministre, bien, il doit faire la preuve aujourd'hui qu'il est capable de
défendre la culture québécoise dans les moments critiques. En ce moment, la
culture québécoise a besoin de tous les partis politiques pour venir à sa
défense, et on s'attend à ce que M. Legault se joigne à nous et accepte de
défendre la culture québécoise au lieu d'être le porte-parole de Justin Trudeau
à l'Assemblée nationale du Québec.
Mme Massé : Alors, à mon tour
de vous partager ce que j'ai vu, entendu et vécu dans les cinq dernières
journées où j'étais en Catalogne, dans différentes régions de la Catalogne mais
principalement à Barcelone, bien sûr.
Alors, je vous dirais que, dans un premier
temps, ce qui est fascinant, c'est que j'ai découvert, j'ai rencontré un peuple
profondément pacifique, non violent, fier, très fier, un peuple debout, malgré plusieurs
comportements de l'État central, dont vous avez eu quelques images, et je
dirais surtout un peuple déterminé. Ça, c'est pour la portion catalane.
De l'autre côté, ce que j'ai découvert,
c'est un État central voyou, un État central fermé au dialogue. Depuis des
années, la Catalogne tente d'amener ses perspectives autonomistes au niveau du gouvernement
central. Les oreilles sont bouchées, la bouche est fermée, l'État central est complètement
fermé. Un État voyou parce que prêt à utiliser des violences étatiques pour
délégitimer un référendum voulu par plus de 70 % de la population catalane
et aussi prêt à voler du matériel électoral. C'est pour ça que je le qualifie
de voyou, je trouve ça terrible. On est en démocratie, on est dans une
démocratie européenne de surcroît. Donc, tout ça pour empêcher un droit
fondamental au peuple catalan. Et j'y ai aussi vu, et malheureusement pas
entendu, une communauté internationale silencieuse face à toutes ces exactions.
Alors, je n'en reviens pas. Je suis revenue de la Catalogne, certes, mais je
n'en reviens pas de voir qu'au XXIe siècle, en démocratie, je n'en reviens pas
de voir ce que j'ai vu dans les derniers jours.
Alors, à Québec solidaire, dans les
minutes qui suivent, si ce n'est déjà fait, on a décidé d'appeler le peuple
québécois, peu importe qu'il soit indépendantiste ou non, parce que le peuple québécois
est profondément démocrate, alors de les inviter à signer une pétition qu'on
met en ligne, si ce n'est déjà fait, pétition qui n'est pas un long texte, mais
un texte très clair. D'une part, cette pétition est orientée vers M. Trudeau, et
ce qu'on souhaite, c'est que d'une part, un, il reconnaisse, puisque c'est dans
le droit international, le droit à l'autodétermination des peuples, dont le peuple
catalan, qu'il condamne clairement, condamner les exactions commises par le
gouvernement espagnol. Bien sûr, il y a les violences, mais, vous savez, quand
vous êtes rendus à voler des boîtes... des bureaux de vote, démocratiquement il
y a un sérieux problème; et aussi à reconnaître, comme nous le faisons à Québec
solidaire, le résultat et la validité du référendum qui s'est tenu dimanche
dernier.
Le Modérateur
:
Première question, Caroline Plante, LaPresse canadienne.
Mme Plante (Caroline) : Oui.
Donc, Mme Massé, c'était ma question. Vous reconnaissez donc le résultat
du vote comme étant valide?
Mme Massé : Bien,
c'est-à-dire qu'à l'instar des observateurs internationaux qui étaient sur
place, les intellectuels qui ont encadré la démarche référendaire et le
gouvernement catalan, tout le monde s'entend pour dire que, malgré et surtout
peut-être à cause de la répression qui a été faite, des moyens utilisés par
Madrid, il faut reconnaître que ce processus-là a été fait, a malgré tout été
bien fait, et que les résultats, pour nous, sont donc valides.
Mais ce que demande Madrid à cette
étape-ci, c'est de l'accompagnement, de l'aide... ce que demande, pardon,
Barcelone, c'est de l'accompagnement, c'est de l'aide, c'est de la médiation, c'est
que Madrid retire sa «garda». Je comprends, je les ai vus en action, pas en
action de violence, mais, quand ils se déploient, là, je peux vous dire que,
moi aussi, je souhaiterais que 5 000 de ces représentants-là sortent de ma
ville si j'en étais le maire ou la mairesse, la mairesse dans mon cas.
Alors donc — je n'ai pas de
problème avec mon identité de genre, inquiétez-vous pas — donc, oui,
Québec solidaire, on est derrière M. Puigdemont et le peuple catalan pour
voir comment ils vont s'en sortir, et ça exige un soutien de médiation
international.
Mme Plante (Caroline) :
Alors, est-ce que vous vous attendez à une proclamation d'indépendance dans les
prochaines 48 heures?
Mme Massé : Bien, écoutez,
on verra bien, et c'est à eux... parce que M. Puigdemont retourne
aujourd'hui. Il y a aussi... j'imagine, envers l'ensemble de son Parlement,
parce qu'il l'a toujours dit depuis le début, c'est le Parlement de la
Catalogne qui va se prononcer sur les résultats. Alors, comme vous, j'ai hâte
de voir où c'est, où ça va aller, et bien sûr qu'on va être avec eux derrière
cela.
Le Modérateur
: Alain Laforest,
TVA.
M. Laforest (Alain) :
Juste une précision. Quand vous parlez de la motion sur Netflix, c'en est rendu
où, vos négociations, avec les autres leaders parlementaires?
M. Nadeau-Dubois : La
période de questions a lieu cet après-midi, donc ça va être communiqué au...
M. Laforest (Alain) :
...ce n'est pas négocié?
M. Nadeau-Dubois : On
vient tout juste d'en terminer la rédaction. Elle va être acheminée aux autres
formations politiques dans les prochaines minutes, si ce n'est déjà fait. Donc,
on l'annonce à ce stade-ci, ça donne quelques heures encore pour discuter. On
est ouverts d'ailleurs à discuter, à modifier, à travailler cette motion-là
avec les autres formations politiques si c'est pour faciliter son adoption,
parce que l'objectif, pour nous, c'est que cette motion-là soit adoptée.
M. Laforest (Alain) :
...aux Libéraux avant qu'ils sortent? Le ministre Fortin a déjà dénoncé la
situation.
M. Nadeau-Dubois : Exactement.
Nous, on a été, je vous dirais... moi, j'ai été soulagé de voir le ministre
Fortin être aussi clair dans sa critique de l'entente entre Netflix et le gouvernement
fédéral. J'ai même lu M. Fortin se dire en colère.
Alors, nous, on donne aujourd'hui la possibilité
au Parti libéral, au gouvernement libéral puis à toutes les autres formations politiques
de joindre le geste à la parole et de dire... Bien, qu'est-ce qu'on fait quand
on est en colère? Bien, on se prononce, on s'unit, on prend la parole, toutes
les formations politiques ensemble, pour dire clairement : Ce deal-là, au
Québec, il ne passe pas.
M. Laforest (Alain) : Ma question :
5 % dans Louis-Hébert, ce n'est pas beaucoup, là, c'est même très peu.
M. Nadeau-Dubois : C'est une progression
modeste, j'en conviens, et c'est sûr qu'on aurait aimé un résultat différent. Ceci
étant dit, on s'est engagés dans cette élection partielle là avec pragmatisme.
On connaît Louis-Hébert comme circonscription, château fort historique des libéraux.
Et ce qu'il faut retenir du résultat d'hier, c'est surtout la débandade du Parti
libéral, hein, dans un comté qui était considéré comme un château fort, un
comté qu'on donnait gagnant aux libéraux. C'est une déconfiture gênante pour
les libéraux hier, et je pense que ça témoigne du niveau d'insatisfaction, au Québec,
à l'égard de ce gouvernement-là.
Hier, il y avait énormément de gens dans
Louis-Hébert qui voulaient envoyer un message au gouvernement actuel. Ils ont
pris la solution la plus facile, ils se sont tournés vers la CAQ, et c'est
surtout ça qu'il faut retenir, je crois.
M. Laforest (Alain) : Il n'y
a pas d'effet GND à Québec.
M. Nadeau-Dubois : On a une
progression modeste, je l'ai dit, quand même. On l'aurait aimée plus grande,
cette progression-là. Nous, on pense qu'on peut faire des gains partout, y
compris dans la région de Québec. Louis-Hébert, c'est seulement une des circonscriptions
dans la région, puis, en 2018, on est confiants qu'on est capables de faire des
gains dans la région.
M. Vigneault (Nicolas) :
Justement, comment vous comptez faire des gains dans la région? Parce que ça ne
semble pas vouloir se concrétiser. Ça fait quelques mois que vous êtes là.
M. Nadeau-Dubois : Votre question,
c'est...
M. Vigneault (Nicolas) : Dans
Louis-Hébert, mais dans la région de Québec, comment... parce qu'évidemment, si
Québec solidaire veut être une force politique, il faudra percer ailleurs que
l'île de Montréal, vous l'avez vous-même mentionné. Comment vous allez faire
ça?
M. Nadeau-Dubois : Oui, et
c'est... je dirais même, c'est une priorité pour nous d'ici 2018.
M. Vigneault (Nicolas) :
Est-ce que c'est décevant, donc, Louis-Hébert?
M. Nadeau-Dubois : On a lancé
hier une tournée des régions du Québec sur le thème de l'indépendance. On va
visiter quatre villes : Rimouski, Rouyn-Noranda, Sherbrooke et Québec. Québec
va être un de nos arrêts de cette grande tournée automnale de Québec solidaire
pour parler du projet de société qu'on propose à Québec solidaire. Donc, on va
être sur le terrain dans la région de Québec. On ne va pas être seulement dans
les médias, on va mobiliser. Il y a une première tournée cet automne, il va y
avoir d'autres annonces ce printemps, mais les gens de Québec vont nous voir
sur le terrain dans les prochains mois.
M. Vigneault (Nicolas) : Sur
Netflix, vous avez peut-être vu la sortie de M. Simons. Comment vous trouvez
ça? Est-ce qu'effectivement vous lui donnez raison? Comment vous trouvez cette
sortie-là? Est-ce qu'il a raison de critiquer cette entente-là et d'en avoir
peur, même, pour l'économie du Québec?
M. Nadeau-Dubois : Je suis tout
à fait d'accord avec M. Simons et je trouve ça rafraîchissant et rassurant de
voir des gens d'affaires comme lui prendre la parole et joindre la voix aux
artistes, aux créateurs, aux créatrices qui le disent : Cette entente-là,
c'est un marché de dupe, ça ouvre un dangereux précédent, pas seulement en
matière de politique culturelle, aussi en matière de politique fiscale, parce
que là on ouvre une boîte de Pandore, là. On envoie le message aux multinationales
étrangères que venez faire de la business ici et puis, après coup, on verra si
vous payez de l'impôt et comment. Ça, c'est inéquitable pour non seulement le
milieu culturel, mais tous les gens au Québec.
Et moi, je suis content de voir M. Simons
le dire, on le dit depuis longtemps à Québec solidaire, et ça montre que le
consensus au Québec contre l'entente entre le gouvernement fédéral et Netflix,
il est large, là, il est très large. Ce n'est pas une affaire de gauche ou de
droite, là, c'est une affaire de respect du Québec puis une affaire de gros bon
sens en matière fiscale. La sortie de M. Simons le montre bien, il y a un large
consensus au Québec, et Mme Joly et M. Trudeau vont devoir reculer parce que là
le deal, il ne passe pas au Québec.
M. Pilon-Larose (Hugo) : ...quand
même la question, à savoir, plutôt que d'imposer les taxes de vente à Netflix
et à ces géants-là, si ce ne serait pas possible d'enlever les taxes de vente
de d'autres entreprises, Club Illico, Extra Tou.tv. Est-ce que c'est quelque
chose que vous trouvez que ça serait équitable d'agir ainsi?
M. Nadeau-Dubois : Il y a deux
manières d'assurer l'équité. On peut soit, en effet, donner un congé de taxe à tout
le monde, et là tout le monde est égal dans le fait de ne pas payer de taxe. Dans
ce cas-là, je me demande comment on va faire pour payer pour nos hôpitaux, pour
nos écoles, pour nos routes.
Il y a l'autre solution qui est beaucoup
plus intéressante, qui est de dire : Quand on fait des affaires au Québec,
quand on fait du profit sur le territoire du Québec, quand on crée de la
richesse sur le territoire du Québec, il y a une portion de cette richesse-là
qui est redistribuée. Si c'est vrai pour les entreprises sur Grande Allée, ici,
pourquoi ce ne serait pas vrai pour les entreprises en ligne? Il n'y a aucune
raison valable d'exempter ce commerce-là de ce devoir citoyen fondamental qui
est de redistribuer une partie de la richesse que l'on crée. Ce n'est pas juste
un principe économique, c'est un principe démocratique.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Ce
matin, on voyait une étude du CEFRIO qui disait que Netflix, c'est la
plateforme payante de diffusion, pour l'instant, préférée des Québécois, c'est
elle qui est la plus utilisée. Est-ce que, selon vous, Netflix... ou est-ce que
le gouvernement canadien devrait également imposer des quotas de production
canadienne, donc pas juste un engagement d'investissement, des quotas vraiment
sur ces plateformes-là pour avoir des vitrines canadiennes?
M. Nadeau-Dubois : C'est ça, il
y a deux enjeux. Il y a la question fiscale qui nous a beaucoup occupés dans
les derniers jours et avec raison, parce que là il y a une injustice flagrante,
mais il y a aussi la question de comment on finance les créateurs, les
créatrices au Québec, à l'heure du numérique. Et ça, il y a... oui, des entreprises
de diffusion comme Netflix doivent faire leur part, mais il y a aussi les
fournisseurs Internet. Et tant mieux si Mme Joly souhaite revoir tout ce système-là.
Il faut en effet le faire, mais d'ici là, il n'y a pas de raison d'exempter
Netflix de payer des taxes sur le territoire du Québec. C'est absurde.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Sur
la Catalogne, si le gouvernement catalan, au cours des prochains jours, fait
une déclaration unilatérale d'indépendance, est-ce que, selon vous, le Québec,
le Canada devraient reconnaître la Catalogne sur-le-champ comme un pays ou
inviter, à la lumière de cette déclaration-là, les deux parties à se rasseoir
et négocier?
Mme Massé : Bien, écoutez,
vous savez ce qui est arrivé en 2006, hein? Les deux parties s'étaient entendues.
Tant la Catalogne que l'Espagne s'étaient entendues sur effectivement la
reconnaissance du peuple catalan avec des pouvoirs au gouvernement catalan. Malheureusement,
ce qui est arrivé, c'est que la plus haute cour espagnole a scrappé cette
entente-là.
Alors, les Catalans sont extrêmement
blessés de comment ils ont été traités à l'intérieur... bien, je dirais
probablement des derniers siècles, mais parlons de l'histoire récente des
dernières années. Alors, moi, je pense que, oui, le gouvernement... et c'est ce
que notre pétition dit à M. Trudeau, c'est ce que nous allons dire à M.
Couillard aussi, c'est qu'il y a des choses qu'il faut reconnaître et notamment
le résultat de là où veut aller le gouvernement catalan. Et si c'est la
déclaration de l'indépendance, bien, oui, il faut le reconnaître. Parce que
dans les faits, entre vous et moi, là, ce qui s'est passé, pas juste en fin de
semaine, appeler à comparaître des maires, brouiller volontairement le système
informatique de l'Assemblée nationale de la Catalogne, c'est terrible et ça
devrait en soi justifier que ce peuple-là puisse se réaliser pleinement.
Le Modérateur
: Mathieu
Boivin, Cogeco.
M. Boivin (Mathieu) : Vous
avez dit tout à l'heure, M. Nadeau-Dubois, que le résultat du vote hier, ça
témoignait d'une débandade, d'une déconfiture gênante des libéraux. Est-ce que
ça vous inquiète que ce soit une sanction du gouvernement libéral qui se soit
transportée vers un parti qui propose un laisser-faire économique et des
questions identitaires plutôt que vos propositions?
M. Nadeau-Dubois : C'est sûr
qu'on aurait aimé que le désaveu à l'égard du gouvernement libéral se manifeste
autrement. C'est sûr, c'est une évidence. Ceci étant dit, les gens se sont
rabattus, je le disais plus tôt, sur la solution la plus facile, et c'est
notamment des réflexes qui se sont développés à cause de notre mode de scrutin,
où les gens ont été habitués, au fil des élections, à voter moins pour des
partis que contre des partis. Je pense que c'est une des raisons qui explique
le résultat d'hier, mais, oui, on aurait préféré que ce désaveu-là à l'égard
des politiques libérales, il se manifeste autrement.
M. Boivin (Mathieu) : Est-ce
que ça témoigne d'un glissement de l'opinion populaire vers des solutions qui
sont plus associées au centre droit?
Mme Massé : Excusez-moi. Je
vais rajouter quelque chose après, mais sur autre chose.
M. Nadeau-Dubois : Ce que ça
témoigne, c'est du fait que les gens sont tannés du gouvernement libéral,
tannés de son manque d'intégrité, tannés de sa partisanerie, tannés de son
attitude aussi et ça montre que les politiques néolibérales qui règnent au Québec
depuis un petit bout déjà, pas seulement depuis le début de ce gouvernement-là,
bien, ont laissé des traces au Québec et que, oui, il y a de plus en plus de
gens qui cherchent des solutions, des solutions simplistes, et la CAQ, souvent,
c'est ce qu'ils proposent, des solutions à des vrais problèmes, mais des
solutions simplistes.
Nous, je pense que le travail qu'on a à
faire dans la prochaine année, c'est de s'adresser à ces gens-là et de dire :
Vous avez raison d'être tannés; vous avez raison d'être en colère; vous avez
raison d'être frustrés, sauf que ne tombez pas dans le piège que vous tend la
CAQ en vous proposant une version réaménagée au goût du jour de la même vision
du Québec, notamment en matière économique.
Les libéraux et la CAQ, c'est essentiellement
deux versions du même projet de développement, c'est la même vision du développement
économique au Québec, c'est-à-dire en donner... c'est-à-dire, vous l'avez dit
vous-même, le laisser-faire, la croyance religieuse, mystique en le libre-marché.
Bien, nous, le travail qu'on a à faire dans la prochaine année, c'est de dire :
Ces solutions-là, qu'elles soient présentées par les libéraux ou la CAQ, c'est
des solutions qui ne fonctionnent pas puis qui n'ont pas fonctionné au Québec.
Mme Massé : Oui. Bien, en
fait, c'est pour ça que j'étais un peu décrochée, je voulais revenir sur la
question du mode de scrutin. D'ailleurs, moi, je pense que c'est une belle
occasion, tant pour la CAQ, que le Parti québécois, que Québec solidaire, de
continuer à réaffirmer la nécessité de réformer le mode de scrutin, parce que,
dans les faits, c'est notre population qui est piégée là-dedans. C'est notre
population qui se trouve toujours devant le même geste à poser, c'est-à-dire de
devoir s'exprimer contre quelque chose plutôt que pour ce qu'ils souhaitent.
Alors, ça ne s'applique pas dans le cadre
d'une partielle, j'en conviens, mais ces trois partis-là ont dit devant le
micro, ici même il y a quelques mois, qu'ils allaient modifier le mode de
scrutin, qu'ils soient élus majoritaires ou minoritaires, et, dans ce sens-là,
bien, je nous le souhaite pour l'ensemble du Québec.
Mme Mathieu (Annie) : Oui, je
reviens sur l'effet Gabriel Nadeau-Dubois. Est-ce que vous pensez que c'est
parce que vous n'avez pas encore siégé assez longtemps ou on ne vous a pas encore
vu? Parce qu'on a beaucoup... ils ont beaucoup dit, même les gens de Québec
solidaire ici, à Québec, qu'il y en avait un engouement, qu'il y avait plus de
membres, mais ça ne s'est clairement pas traduit dans le vote.
M. Nadeau-Dubois :
Premièrement, on va quand même rappeler quelque chose, là. Cette expression que
vous venez de prononcer, là, l'effet Gabriel Nadeau-Dubois, ce sont les
journalistes qui l'ont inventée, hein? Ce n'est pas... ce n'est ni Manon ni moi
qui avons inventé ce concept-là.
Ceci étant dit, est-ce qu'il y a un
momentum actuellement derrière Québec solidaire? Oui. Ça se témoigne, ça se
mesure concrètement en augmentation significative, même historique, du nombre
de membres, ça se témoigne en termes de financement, ça se témoigne en termes
de dynamisme dans nos associations locales. On a tenu, la semaine dernière, un
camp d'entraînement préélectoral où il y avait près de 200 personnes qui
provenaient de 60 comtés différents. 60 % de ces gens-là venaient de
l'extérieur de Montréal. C'était la première fois qu'il y avait un exercice de
préparation électorale aussi massif à Québec solidaire, et il va y en avoir
quatre autres, des camps comme celui-là, à travers le Québec, dans les
prochains mois.
Donc, oui, il y a un enthousiasme réel. Je
pense qu'il faut simplement faire attention et ne pas prendre un résultat d'une
élection partielle et conclure, à partir de ça, qu'il y aurait ou pas un
momentum. Lorsque j'ai été élu dans Gouin, j'ai été élu avec un score très
impressionnant. On s'est quand même gardé une gêne, à l'époque, pour tirer des
conclusions de ça, parce qu'on sait que c'est une élection partielle, les taux
de participation fluctuent. Ceci étant dit, quand on regarde tous les autres
indicateurs, c'est impossible de nier, impossible, qu'il y a un momentum
derrière Québec solidaire, et ça dépasse de loin mon arrivée. C'est la victoire
de Manon dans Sainte-Marie—Saint-Jacques, c'est la cohérence du propos de Québec
solidaire depuis 10 ans, la clarté de nos intentions, la précision de notre
projet de société qui fait en sorte que les gens nous appuient, pas seulement
le fait que je sois arrivé dans le portrait, là.
Mme Mathieu (Annie) : Vous
avez parlé de votre tournée dans les régions du Québec, où vous allez parler de
souveraineté. Or, si on fait un petit calcul des résultats d'hier, on
s'aperçoit... le Parti québécois a perdu des plumes, c'est son plus bas score
dans Louis-Hébert; Option nationale également; vous avez augmenté un petit peu.
Donc, la souveraineté, les partis qui la représentent sont clairement en
baisse.
Il n'y a pas là un message aussi par
rapport à cet enjeu-là?
M. Nadeau-Dubois : Ces résultats-là
puis les différents... Les résultats des dernières élections sont justement la
démonstration qu'il y a un travail de remobilisation à faire, notamment auprès
des jeunes, et c'est pour cette raison-là qu'on part en tournée, Manon et moi,
pour aller les rencontrer, les gens de toutes les générations, en particulier
les jeunes, partout au Québec, pour remobiliser autour de ce projet-là et pas
mobiliser en disant seulement : On va faire l'indépendance pour avoir un
hymne national puis un siège à l'ONU.
On va faire l'indépendance pour
transformer la société québécoise. On va faire l'indépendance pour faire du Québec
un meilleur endroit pour vivre, avec des meilleures écoles, des meilleurs hôpitaux,
une meilleure démocratie. Si on parle du projet d'indépendance comme ça, comme
d'un projet de transformation sociale, comme un projet de... oui, comme un
projet de société, dans le fond, bien, nous, on est convaincus qu'on peut
remobiliser les gens. Si les gens étaient déjà convaincus de l'indépendance, on
n'aurait pas besoin de partir en tournée. On part en tournée parce qu'on pense
qu'il y a un défi à relever puis on a envie de le relever.
Le Modérateur
: On va
prendre une dernière question.
Mme Porter (Isabelle) : Sur le
même sujet, qu'est-ce qui vous nuit le plus dans la région de Québec : le
fait que vous soyez de gauche ou le fait que vous soyez indépendantiste?
M. Nadeau-Dubois : Moi,
j'essaie toujours de ne pas faire votre travail à votre place, hein, c'est-à-dire
de produire des analyses à la place des analystes. Je pense qu'il y a une situation
dans la région de Québec qui est bien connue, qui est difficile pour des partis
comme nous, parce qu'on nous associe à Montréal, parce qu'il y a, dans la
région de Québec, une dynamique où Québec solidaire est souvent caricaturé,
hein? On est souvent l'objet de caricatures de nos positions, et ce n'est pas
facile pour nous dans... ce n'est pas facile dans Louis-Hébert puis ce n'est
pas facile dans plein d'autres endroits.
Une fois qu'on a dit ça, nous, notre travail,
ce n'est pas de s'excuser. C'est de continuer à travailler, puis c'est de
parler de nos positions, c'est d'être sur le terrain, et on va être sur le
terrain dans toutes les régions du Québec, notamment dans la région de Québec.
Je n'ai pas la date par coeur, on pourra vous la transmettre plus tard.
Mme Porter (Isabelle) :
Qu'est-ce que vous allez avoir de plus à vendre dans les circonscriptions de la
région de Québec : votre programme de gauche ou votre option
souverainiste?
M. Nadeau-Dubois : Bien, je
pense qu'il y a beaucoup de gens dans la région de Québec qui sont tannés des
partis traditionnels. Ça, je pense que c'est un constat sur lequel on peut
s'entendre. Il y a beaucoup de gens dans la région de Québec... il y a une
fatigue dans la région de Québec à l'égard des vieux partis.
À Québec solidaire, on est bien des
affaires, mais on n'est pas un vieux parti. On est un parti de gens qui veulent
transformer la politique québécoise, qui veulent transformer la société
québécoise. Si les gens de Québec sont tannés du système dans lequel on vit,
qu'ils ont envie d'un nouveau système politique et économique, bien, on est
capables d'incarner ça. C'est ça qu'on va dire aux gens de Québec. On va leur
parler de nos solutions en matière d'économie, nos solutions en matière de
transformation de la démocratie québécoise, et c'est eux qui vont choisir s'ils
veulent nous appuyer.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
Mme Massé : Merci.
(Fin à 11 h 29)