(Onze heures quarante-sept minutes)
M. Khadir
: Alors,
d'abord, quelques mots sur les conséquences des inondations pour les sinistrés
à l'échelle du Québec. Québec solidaire, nous sommes particulièrement
intéressés et attentifs à tous les citoyens, les commentateurs, les experts qui
se prononcent sur la nécessité d'un programme national d'assurance contre les
inondations. Nous avons lancé cette idée dimanche parce que de trop nombreux
citoyens, individuellement, ont maille à partir... pour différentes raisons,
parfois c'est de l'incompréhension, des imprécisions dans leurs contrats.
D'autres fois, c'est des complications liées à la nature des contrats, mais il
est impératif qu'à plus long terme on n'abandonne pas nos citoyens à traiter
individuellement ces cas-là.
Et l'autre idée, d'un programme
d'assurance collective contre les inondations, est le fait que ça pourrait être
excessivement coûteux pour des citoyens individuellement et également pour les
compagnies d'assurance, donc de là l'importance de mutualiser les risques à
l'échelle de toute une nation, exactement sur le modèle qu'on a déjà fait pour
l'assurance automobile. Et je vous rappelle, à l'époque aussi, il y avait
toutes sortes d'objections, mais aujourd'hui, tout le monde est unanime, l'assurance
automobile a permis au Québec d'avoir les prix les plus compétitifs et
l'assurance qui assure la plus grande quiétude d'esprit pour tous les citoyens
du Québec qui sont des conducteurs automobiles.
Maintenant, je prends toute autre question
sur les sujets de l'heure.
M. Laforest (Alain) :
Qu'est-ce que vous pensez du fait que M. Lelièvre a annoncé ce matin qu'il
quittait le caucus à la suite des allégations révélées par le bureau d'enquête
de Québecor?
M. Khadir
: Je dois
dire qu'il a pris la seule décision qui s'imposait. Moi, j'ai déjà réclamé pour
moins que ça de d'autres députés, y compris des députés libéraux, de donner
leur démission. Bon, j'espère que là, au moins, une première, je dirais... parce
que c'est une première. On n'avait pas vu ça dans le passé. Trop longtemps, les
dirigeants des partis, que ça soit au PQ ou aux libéraux, commencer par nier,
nier, nier jusqu'aux extrêmes.
Je dois reconnaître que M. Lisée a eu le
bon réflexe de sa part, c'est-à-dire de dire : M. Lelièvre n'a plus sa
place au caucus du PQ. Moi, je suis triste pour les citoyens de Gaspé, je suis
triste pour l'ensemble des citoyens de la Gaspésie, de l'ensemble du Québec,
parce qu'après tout ça entache encore notre vie politique et ça diminue encore
la confiance qu'on peut avoir dans les vieilles élites politiques qui sont au
pouvoir actuellement, et surtout parce que les gens se disent : Bien, il y
a un contrat dont on entend... Il y a combien d'autres contrats à travers le
Québec qui ont été donnés en retour d'avantages reçus par des administrateurs
locaux, des maires des municipalités, des préfets de MRC? On peut se poser la
question.
Maintenant, moi, si j'étais à la place de
M. Lelièvre, je donnerais ma démission, point, comme député. Il faut avoir des
standards plus élevés que ça pour la vie publique, pour restaurer la confiance
de la population. Je suis très triste pour lui aussi personnellement. C'est un
homme aimable, respectable, courtois, mais la réalité, c'est que les gestes
qu'il a commis, c'est les gestes pour lesquels depuis six, sept ans, on
s'évertue à essayer de comprendre comment tout ça se passait.
On a dépensé 50 millions en
commission — je parle de la commission sur la collusion dans l'octroi
des contrats publics — et on perd l'essentiel de nos énergies
aujourd'hui. Et surtout, quand ça survient chez des députés de l'opposition,
bien, ça affaiblit la posture de l'opposition pour pouvoir critiquer le gouvernement
libéral.
M. Lacroix (Louis) : M.
Khadir, M. Lelièvre a dit tout à l'heure, a admis, en fait, que les faits
rapportés sont véridiques, mais il dit que ce ne sont pas des gestes illégaux.
Il dit qu'il n'a jamais commis de geste illégal. Est-ce que, pour vous, quelqu'un
qui a une charge comme directeur général d'une ville et qui accepte des cadeaux
provenant d'un entrepreneur, est-ce que c'est un geste illégal, selon vous? Parce
que lui, il dit que ce n'est pas illégal. Il dit que ça manque à l'éthique mais
que ce n'est pas illégal.
M. Khadir
: Si, pour
lui, ça suffit, je trouve triste qu'après sept ans de débats alentour de ces
sujets-là qu'il pense qu'il peut introduire ce genre de nuance et de
distinction. C'est des gestes immoraux, contraires à l'intégrité de la fonction
publique, qui ont été posés par nombre de responsables politiques à l'échelle
des municipalités puis aussi au gouvernement du Québec, puis, si on veut
assainir tout ça, ce n'est pas par des règles et des provisions de lois encore
plus répressives, parce que toute loi peut être contournée. On peut toujours trouver
le moyen de prendre des précautions pour que ça ne soit pas illégal, mais
est-ce qu'on sera sortis du problème? Non.
Malheureusement, j'en suis venu encore une
fois à devoir répéter que la seule solution véritable à ce problème de
corruption endémique depuis 30 ans, c'est de changer la classe politique
profondément, de changer sa culture, et ça ne sera pas avec les vieux partis,
quoi que je pense de la volonté d'intégrité des membres actuellement de
l'Assemblée nationale. Il y a une vieille gangrène qui est là et il faut opérer
une action chirurgicale, c'est-à-dire se débarrasser de l'ancienne élite
politique qui trempe depuis trop longtemps là-dedans.
M. Plouffe (Robert)
:
Donc, ce que vous dites, c'est que M. Lisée vient aujourd'hui de donner l'exemple
à M. Couillard. C'est ça?
M. Khadir
: J'espère
que M. Couillard est attentif à la manière dont on doit agir. C'est sûr qu'on
voit une différence fondamentale entre une décision rapide, efficace, qu'on
aurait souhaité voir plus souvent du côté des libéraux.
Cependant, c'est sûr que ce n'est pas la
fin de l'histoire, n'est-ce pas? Il y a une réflexion plus profonde sur :
Comment est-ce que les vieux partis arrivent au pouvoir, grâce à quels réseaux,
à quels réseaux d'influence et de présence locale? Bien, c'est souvent sur une
vieille classe politique qui est là depuis longtemps et qui, par la nature même
de la manière dont les choses se passaient au Québec pour l'octroi des contrats
en retour d'avantages, bien, on se ramasse régulièrement avec des révélations
qui entachent la vie publique, qui entachent la vie publique de l'ensemble des
députés ici, à l'Assemblée nationale.
M. Bovet (Sébastien) :
Avez-vous la démonstration que M. Lelièvre a donné des contrats en échange de
cadeaux?
M. Khadir
: En tout
cas, il faut être bien naïf puis vouloir délibérément se fermer les yeux pour
croire qu'on peut facilement donner le bénéfice du doute dans un cas pareil quand
un contrat de 50 quelques millions a été donné sans appel d'offres et puis que
la personne responsable, le plus haut responsable, qui était responsable de ce
dossier-là, a obtenu des avantages directs de la compagnie qui a obtenu ce
contrat et dont les responsables de la compagnie ne se gênent pas pour
mentionner que les services qu'ils sont en train de rendre sont liés aux
efforts qu'ils mènent, dans leur développement des affaires, pour obtenir ce
contrat.
Donc, à un moment donné, il faut cesser de
se prendre nous-mêmes pour des idiots et de nous mettre la tête dans le sable.
D'accord? De se prendre nous-mêmes pour des autruches, autrement dit, comme
disait un de mes anciens collègues.
M. Bovet (Sébastien) : Des
autruches idiotes. Pourquoi M. Lelièvre n'est plus digne de siéger à
l'Assemblée nationale?
M. Khadir
: C'est une
question de restaurer la confiance du public. Ce que je m'attends de n'importe
quel député, c'est, lorsque des allégations sont aussi probantes… Il n'a plus
la sérénité et la confiance nécessaires pour agir comme représentant des
citoyens de sa circonscription. Il a besoin de tout son temps, de toute son
énergie pour aller se défendre, sur la place publique ou en cour, restaurer sa
légitimité et revenir, s'il le veut.
Mais comment est-ce qu'on peut travailler
en toute sérénité, rencontrer des groupes, rencontrer des citoyens, rencontrer
des partenaires sociaux dans des circonstances pareilles?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Comment doit-il s'y prendre pour restaurer sa crédibilité, dans la mesure où il
n'y a aucune accusation? Vous dites qu'il pourrait le faire devant la cour,
mais il n'y a pas d'accusation portée contre lui, contrairement à l'ancien
maire M. Roussy.
M. Khadir
: Qu'il nous
prouve que le contrat qui a été donné à Roche a été sans tache. Il peut le
faire. Je ne sais pas, je m'en remets à lui, mais, dans les circonstances
actuelles, alors qu'il reconnaît… Il n'a nié aucun des éléments de tout ça.
Tout ce qu'il dit, c'est que ce n'est pas illégal, et encore là... Et encore
là, dans mon livre à moi, lorsqu'il y a des communications d'influence entre des
entrepreneurs et leurs représentants, directement, qui offrent des avantages de
nature matérielle à des responsables qui donnent des contrats, puis ensuite,
ces mêmes entreprises obtiennent des contrats, l'apparence même de conflit
d'intérêts est accablante et digne de coûter sa position à un responsable à un
tel niveau.
Parce que là, on parle d'un contrat de
50 millions puis de pratiques répétées. Il n'y a pas, tu sais, un truc de
hockey où on dit : Bon, il a mal réfléchi à un moment donné. On parle de
ce qui semble être une habitude, une pratique courante et répétée dans le
temps. Qu'est-ce qu'il faut de plus?
M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais
qu'est-ce qu'il faut de plus? La commission Charbonneau avait cette
information-là entre les mains, selon M. Lelièvre.
M. Khadir
: La
commission Charbonneau… D'accord, très bien. Vous avez entendu ma réponse.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, vous dites : Qu'est-ce qu'il faut de plus?, alors que des procureurs
chevronnés avaient cette information-là entre les mains et n'ont rien fait?
M. Khadir
: Notre situation
au Québec, comme d'ailleurs ailleurs... mais aujourd'hui, au Québec, au moins,
on a cette information. Les problèmes que la commission Charbonneau devait
régler, notamment de surmonter les objections de M. Renaud, qui feintait de ne
pas comprendre... Je parle de...
Une voix
: Renaud
Lachance.
M. Khadir
: Renaud
Lachance, M. Renaud Lachance, qui feintait, qui faisait semblant de ne pas
comprendre tout ça, nous a coûté bien, je dirais, des réalisations à la commission
Charbonneau.
Alors, ce n'est pas parce que la commission
Charbonneau n'a pas pu... et d'ailleurs n'avait pas le mandat d'écrouer les gens.
Elle avait le mandat de jeter une lumière crue sur la situation. C'est maintenant
à l'UPAC, c'est aux policiers de faire ce travail-là, et on sait tout le
problème qu'on a à obtenir des réponses claires pourquoi l'UPAC n'agit pas avec
plus de diligence, pas seulement dans ce cas-là, là. Ça, c'est un cas de quelqu'un
qui n'est même pas en mesure de nuire aujourd'hui.
Moi, je peux vous poser la même question.
Comment ça se fait qu'avec la commission Charbonneau et l'UPAC Jean-Louis
Dufresne est aujourd'hui l'homme le plus fort dans l'administration publique?
Je parle du chef de cabinet de M. Couillard, dont des révélations à la
commission Charbonneau sont encore plus accablantes que ce qu'on a entendu,
qu'on voit ici.
M. Bélair-Cirino (Marco) : M.
Lelièvre a été ministre délégué aux régions dans le gouvernement Marois. Est-ce
qu'un examen des contrats ou des ententes conclues entre le ministère et des
firmes de la Gaspésie doit être effectué?
M. Khadir
: Sans
doute. C'est un aspect auquel je n'avais pas réfléchi. Bien sûr, une fois
que... à partir de là, il y a bien des questions qu'il faut se poser sur les
mandats exercés par M. Lelièvre, bien entendu.
M. Hicks
(Ryan) : Do you think that Mr. Lisée went far
enough, kicking him out of caucus temporarily or should he resign completely?
M. Khadir
: As I understood, it was done indefinitely, not
temporarily. He was laid off from the PQ, but that's the only thing that the
head of PQ can do. And I'm glad that he didn't commit the mistake of Mr.
Couillard or Mr. Charest, all along these years in power, to deny, and deny,
and try to justify.
Now, on the other hand,
as I mentioned, that's not enough for us. Mr. Lelièvre should resign. That's
pure and simple, he should resign, as we have asked about
other members of the National Assembly, namely Mr. Hamad, namely Mr. Gerry
Sklavounos, all those brilliant members of the Liberal deputation.
M. Hicks
(Ryan) : What do you think about… How do you
compare the way the Premier deals with these situations versus the way that Mr. Lisée dealt with this situation?
M. Khadir
: I think there is a clear
distinction, there is a wide gap. Unfortunately, the Prime
Minister Couillard has very poor judgment on ethical
issues, probably because he himself has had many, many important ethical
issues. Remember tax heavens, the Jersey Island,
remember his association with Porter, remember the fact that he was dealing a
job while his was a minister, just before resigning. He has a very deep gap of
understanding elementary notions of integrity in the exercise of public
function.
M. Hicks
(Ryan) : What do you think about the fact that
Mr. Lelièvre admitted this information to the Charbonneau Commission, but then,
nothing came out…
M. Khadir
: He didn't admit it. He didn't mention a lot of these
details. He pretends now that he admitted all the details. That's not true. He
didn't Headmit the content of these emails.
He said that nothing wrong had happened to «commission Charbonneau» and he
pretends that nothing wrong means nothing illegal.
I'm not sure of that,
first, but he didn't reveal the type of advantages he had received. He didn't mention
it to «commission Charbonneau», he didn't mention it to his party. That why the
«commission Charbonneau» or the UPAC couldn't do maybe more, but there are a
lot of things that the «commission Charbonneau» did not do because, first, of
Mr. Renaud Lachance, the other commissioner who pretended not understand all
thing were happening.
M. Hicks
(Ryan) : I just want to ask you about the
floods because you were coming here to talk about flooding. So what was your
announcement you wanted to say?
M. Khadir
: So, yes, last Sunday, we met
the press with victims of the flooding to explain how, just in one street in
Bizard Island and West Island of Montreal four
residents had difficulties with different aspects of their insurances, and so
thousands of Quebeckers who have been victims of a flood are left alone trying
to deal with big, big insurance companies. Imagine going to court with these
companies trying to have your rights respected while you're in a midst of such an
upheaval in your existence, such a disaster.
So that's why we think
Canada and Québec should have a comprehensive national public insurance program
for these things, so that the cost is reduced for everybody, once; second,
everybody is really protected adequately; and third, the Government being
involved in that insurance will do more in prevention. Actually, the Government
hasn't done much in a lot of things that we realize now that the Government
should have done in the long term but even in the just the two weeks before
what happen in the West Island or a lot of places would have been done in a
government responsible of paying for the disaster, as
we see in «assurance automobile», the insurance. As you know, there are very
strong campaigns of prevention, of security on the
road. Why? Because public funds are paying for the insurances. So that's why we
need a good national public insurance, where we will mutualize all the risks
among all the Quebeckers. So everybody pays a little bit, but everybody is
protected.
Des voix : ...
(Fin à 12 h 3)