(Neuf heures trente-deux minutes)
Mme
Hivon
:
Bonjour, tout le monde. Nous avons appris hier, grâce à une ixième demande
d'accès à l'information, des chiffres excessivement graves en ce qui concerne
les risques liés aux arrêts de procédure, aux délais déraisonnables qui
sévissent.
Alors, nous avons appris hier que ce n'est
pas moins que 95 % des dossiers qui sont à la Cour supérieure de Montréal
qui font l'objet d'une requête pour arrêt des procédures. En plus, on a appris
que 40, au moins, autres dossiers vont être hors délai, parce qu'ils ne sont toujours
pas fixés à l'heure où on se parle, et que, donc, ils vont assurément dépasser
les délais qui sont prescrits, donc, dans l'arrêt Jordan. Ça, ça veut donc dire
115 dossiers en Cour supérieure qui sont donc à risque d'avorter. Et on ne
parle, ici, pas de petites infractions banales. On parle des infractions, des
crimes les plus graves qu'on peut avoir dans une société. On parle évidemment
de meurtres, de complots pour meurtre, on parle de la grande criminalité, donc
des mégaprocès, des questions qui impliquent la corruption.
Alors, ce sont des chiffres complètement
alarmants. On est devant une situation d'une gravité extrême en matière de
justice criminelle. C'est une situation qui est sans précédent et qui comporte
d'énormes conséquences pour les victimes, mais pour l'ensemble de la société et
pour l'ensemble de la confiance qu'on devrait pouvoir avoir dans notre système
de justice.
Vous savez, souvent, on va nous dire, pour
essayer de faire baisser la pression, que ce ne sont pas toutes les requêtes
qui sont accordées. Oui, heureusement que ce ne sont pas toutes les requêtes
qui sont accordées, Mais dans les chiffres que nous avons, que nous détenons,
les plus récents, qui datent de février, ce sont 59 % des requêtes qui ont
été plaidées qui ont été accordées jusqu'à ce jour. Alors, bien sûr, il y a
seulement environ 70 requêtes qui ont été plaidées à ce jour. Il y en a plus
que 120 qui sont inscrites pour être plaidées éventuellement. Et à ce jour,
c'est 59 % qui ont été accordées, et ça, c'est des chiffres qui datent de
février, qui devraient mis à jour à nouveau. Même chose, les chiffres dont nous
disposons pour la Cour supérieure de Montréal, ils ne sont pas complètement à
jour. Ce sont des chiffres qui datent déjà de plusieurs mois. Donc, ça veut
dire que la situation est encore plus grave que ce qu'on a appris hier.
Je dois vous dire que je suis aussi
excessivement troublée par le manque de transparence dont fait preuve la
ministre de la Justice par rapport à tout ce dossier des requêtes en arrêt de
procédure. Ça fait des mois qu'on demande des états de situation de manière
régulière, et la seule information qu'on nous donne, c'est celle du nombre
global de requêtes en arrêt des procédures. On ne nous a jamais donné ces
chiffres, malgré toutes les demandes qu'on a pu faire au fil du temps, qui ont
été donnés hier. Pire que ça, dans le cadre de l'étude des crédits, nous avions
fait des demandes, avec des questions écrites, pour avoir des données
ventilées. On nous a dit que c'était impossible de nous les fournir. C'est très
grave parce que, si on veut qu'il y ait une confiance des gens à l'égard de
leur système de justice, il faut qu'il y ait de la transparence.
Et ce qui fait en sorte que je me
questionne énormément, c'est pourquoi la ministre de la Justice accepte
donc de dévoiler finalement ces chiffres — en fait, «accepte», c'est
un grand mot — à force de demandes d'accès à l'information, en ce qui
concerne la Cour supérieure? Bien sûr, parce qu'elle veut mettre de la pression
sur sa collègue fédérale, parce qu'il y a une conférence, comme vous le savez,
aujourd'hui, fédérale-provinciale des ministres de la Justice, alors que, quand
ça concerne son champ d'action, où elle est complètement responsable, en Cour
du Québec, où il y a des centaines de ces requêtes qui sont devant les
tribunaux, elle refuse de nous donner cette information, elle refuse de nous
dire les dossiers qui sont à risque.
Donc, l'exercice qui a été fait pour la
Cour supérieure, de savoir qu'en plus de toutes ces requêtes il y en a au moins
40 à Montréal seulement qui risquent de ne pouvoir, donc, procéder parce qu'on
sait déjà qu'elles vont être hors délais… Comment ça se fait qu'elle ne nous
donne pas cette information-là pour les centaines, les milliers de dossiers qui
sont à la Cour du Québec? C'est quelque chose qui est excessivement
préoccupant.
L'administration de la justice, vous le
savez, ça relève de la ministre de la Justice. La ministre fédérale elle-même
le dit que c'est 95 % du dossier qui relève du Québec. La ministre de la
Justice doit faire des efforts supplémentaires, la ministre Vallée, pour nous
dire comment elle va faire face à cette crise qui est encore plus grande qu'on
pouvait l'imaginer. Quelles mesures supplémentaires? Est-ce qu'on va ouvrir les
palais de justice le soir? Est-ce qu'on va louer des salles à l'extérieur des
palais de justice? Est-ce qu'on va prendre finalement les grands moyens pour
que justice soit rendue au Québec et qu'on ne perde pas toute confiance dans
notre système de justice.
Alors, je lui demande aujourd'hui quatre
choses. Je lui demande premièrement qu'elle ressorte de la conférence
fédérale-provinciale avec un engagement clair, un engagement ferme de la
ministre fédérale pour ce qui est de la nomination des 14 juges qui sont manquants
à la Cour supérieure au Québec. Elle doit aussi nous dire quelles mesures
supplémentaires elle va mettre de l'avant pour éviter l'hécatombe qui se
profile de manière quasi assurée devant nous, encore plus fortement avec les
chiffres qu'on a appris hier. Elle doit enfin faire preuve de transparence et
nous dire les informations qu'elle a communiquées en ce qui concerne la Cour
supérieure à Montréal. Quelles sont-elles pour la Cour supérieure dans
l'ensemble des districts du Québec? Mais quelles sont–elles aussi et surtout
pour les dossiers en Cour du Québec qui sont des milliers de dossiers qui
peuvent être concernés? Et finalement, nous lui demandons bien sûr d'avoir
recours à la clause dérogatoire. C'est absolument déplorable de voir que la
ministre de la Justice se présente aujourd'hui à conférence
fédérale-provinciale avec son homologue fédéral en refusant toujours ce recours
qui est plus nécessaire que jamais.
M. Lavallée (Hugo) : Mais la
ministre de la Justice a dit que de recourir au dispositif dérogatoire, ça
entraînerait des contestations puis qu'encore là ça aurait pour effet
d'alourdir davantage les procédures, de retarder les causes. Est-ce que vous ne
craignez pas effectivement qu'il puisse y avoir un effet pervers?
Mme
Hivon
: Pas
du tout. L'effet pervers que l'on vit en ce moment, vous vous imaginez, c'est
les centaines de requêtes en arrêt des procédures qui encombrent nos tribunaux.
C'est ça qui se passe en ce moment. Vous vous imaginez, là, à la Cour
supérieure de Montréal, 95 % des dossiers qui sont d'une très grande
gravité vont faire l'objet, avant de pouvoir procéder, d'une requête en arrêt
des procédures. Même chose à la Cour du Québec, des centaines de requêtes.
Donc, ça, ça encombre, de manière absolument
féroce, nos tribunaux. Et une question qui concerne la clause dérogatoire, si
elle était contestée, ça, c'est une cause. Donc, il y a une cause type, la question
va être soulevée, et puis elle a plein de moyens à sa disposition pour aller en
jugement déclaratoire, pour faire des requêtes, pour éviter ça.
Mais comment peut-on rester les bras
croisés et ne pas utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition, y
compris, bien sûr, la clause dérogatoire ou la disposition de dérogation, quand
on est face à des chiffres aussi graves, aussi alarmants? Comment, quand on est
la première responsable de la justice au Québec, on peut rester les bras
croisés?
M. Croteau (Martin) : Est-ce
que la clause dérogatoire, invoquée par Québec, permettrait de régler la situation
à la Cour supérieure, qui relève du fédéral?
Mme
Hivon
: Oui.
M. Croteau (Martin) :
Pouvez-vous juste clarifier ça pour moi? Pardonnez mon ignorance.
Mme
Hivon
: Oui.
En fait, c'est effectivement une question complexe. En fait, juste pour se
rappeler le partage des compétences, tout ce qui concerne l'administration de
la justice, ça relève du Québec. Le droit criminel, si vous voulez, substantif
relève du fédéral.
Donc, c'est pour ça aussi que vous
entendez la ministre fédérale de la Justice répéter ad nauseam que ce n'est pas
de sa responsabilité, tout ce qui se passe, toute la question des délais, parce
que ça relève de l'administration de la justice. Donc, gérer les tribunaux, les
salles, les juges, à l'exception des juges qui sont nommés par le fédéral, mais
même les greffiers, toutes les personnes qui accompagnent les juges, qu'importe
leur nomination, que ce soit du Québec ou fédéral, c'est de la responsabilité
du Québec. Donc, toute cette gestion-là, l'administration des délais, ça relève
uniquement du Québec. La ministre fédérale elle-même l'admet. Vous avez vu deux
constitutionnalistes la semaine dernière, Patrick Taillon de l'Université Laval,
Guillaume Rousseau de l'Université de Sherbrooke, dire que le Québec a la
compétence pour invoquer la clause dérogatoire.
Évidemment qu'il y a un débat juridique. Il
y en a souvent, des débats juridiques. Est-ce que ça relève en partie de la
procédure criminelle? Nous, on est vraiment d'avis que ça relève de l'administration
de la justice. Mais faisons-le. Essayons-le. Qu'est-ce qu'on a à perdre face à
la gravité de la situation qu'on vit à l'heure actuelle? Et comment peut-elle
se présenter sans même évoquer cette possibilité-là à la conférence
fédérale-provinciale aujourd'hui?
M. Lavallée (Hugo) : Vu qu'il
y a des démarches en cours, vous demandez à Mme Vallée, donc, de revenir de
Gatineau avec un engagement ferme de la part du fédéral concernant la
nomination de juges. Mais, si la ministre fédérale persiste dans sa fin de
non-recevoir, il n'y a pas grand-chose que la ministre Vallée peut faire. C'est
à Ottawa de prendre cette décision-là.
Mme
Hivon
:
Bien, écoutez, je veux juste vous rappeler quelques éléments. Oui, ça, c'est
une décision qui relève d'Ottawa. Il y en a énormément qui relèvent du Québec.
Vous vous rappelez le psychodrame qu'on a vécu l'automne dernier quand il a
fallu mettre de la pression pendant des mois avant que finalement il y ait des
investissements d'annoncés six mois après l'arrêt Jordan.
Moi, j'ai parcouru la correspondance à
laquelle on a finalement eu accès hier avec son homologue fédéral. Encore une
fois, assez troublant, parce qu'on l'avait demandée dans les questions pour
l'étude des crédits. On nous a dit que ce n'était pas pertinent et qu'on ne
nous transmettait pas ces lettres-là. Finalement, par une autre démarche, ça a
été obtenu hier.
Voyez-vous, en octobre 2016, la ministre
Vallée dit, suivant l'exercice qu'elle fait, donc de voir les ressources
supplémentaires : «Il est possible que nous sollicitions votre
collaboration eu égard à la nomination de juges à la Cour supérieure et à la Cour
d'appel». On a déjà vu des plaidoyers plus vigoureux. Là, on est trois mois
après Jordan. Et là vous vous imaginez, la situation qu'on a apprise hier, elle
est tellement grave qu'on apprend que 95 % des dossiers à la Cour
supérieure de Montréal font l'objet d'une requête en arrête des procédures.
Donc, ça, là, c'est des choses qui s'évaluaient au lendemain de Jordan.
Comment ça se fait qu'on n'a pas un
plaidoyer plus vigoureux? Comment ça se fait que ça ne fait pas des années, quand
il y a des postes de juges qui ont été créés en 2012, comment ça se fait
qu'elle ne nous dit pas, l'année dernière, il y a deux ans, quand il y a eu des
appels des juges en chef, comment ça se fait qu'elle n'a pas plaidé avec
vigueur auprès de sa collègue fédérale? Donc, ça, c'est, oui, un minimum. Elle
se réveille très, très tard, notre ministre de la Justice, pour mettre de la
pression sur sa collègue fédérale.
Donc, oui, il faut avoir ces
nominations-là, mais, elle, elle peut faire plein de choses. Elle a fait des
investissements, mais où elles sont, les mesures exceptionnelles d'ouvrir les
palais de justice, d'avoir d'autres salles, d'appeler les gens qui sont à la
retraite? Ça prend vraiment tous les grands moyens en ce moment.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que vous pensez qu'il y a un lien à faire entre les enquêtes criminelles
pour corruption, là, qui serait soi-disant bloquées au DPCP et les délais en
justice? C'est-à-dire que le DPCP aussi dit : Bien, avant de déposer des
accusations, on va être sûr qu'on soit capable d'être dans les délais pour ne
pas que finalement les gens soient libérés?
Mme
Hivon
: C'est
une excellente question parce que, si vous parlez avec des procureurs, ils vont
vous dire qu'au-delà des arrêts de procédure, au-delà de causes de meurtres qui
ont avorté et de dizaines de causes qui ont avorté, au-delà du fait que de son
propre chef le DPCP retire des accusations — vous l'avez vu dans le
cas de Luigi Coretti — bien, ça s'est fait dans plus de 100 causes.
Donc, de son propre chef, il retire des accusations pour essayer de sauver les
meubles.
Au-delà de ça, c'est toute la pratique qui
est changée. On réduit le nombre de chefs d'accusation, on négocie. On se
demande si on a une justice à rabais, en ce moment. On négocie beaucoup plus,
bien sûr, avec les accusés pour essayer d'éviter des avortements de procès. Ça
fait en sorte qu'on ne dépose pas d'accusations rapidement, parce qu'on ne veut
pas encourir des délais. Donc, effectivement, ça peut faire en sorte qu'on
retarde le moment du dépôt des accusations en espérant qu'il va y avoir un
désencombrement des tribunaux.
Donc, c'est toute la pratique qui est
transformée en ce moment, et ça, c'est excessivement inquiétant. Quel est
l'état du système de justice en ce moment? Comment on rend la justice en ce
moment au Québec? Est-ce qu'on est juste en train de sauver les meubles et
force est d'admettre qu'on semble être dans ce scénario-là.
Mme Plante (Caroline) : Sur
le terrain, est-ce que les procureurs, les avocats pourraient faire preuve de
plus d'efficience? Est-ce qu'ils ont leur part de responsabilité?
Mme
Hivon
:
C'est très difficile à dire. Je veux dire, quand on parle d'un changement de
culture, moi, j'en suis, tout le monde en est. Il faut procéder à un changement
de culture, et, vous savez, un changement de culture d'une organisation
judiciaire, qui implique la couronne, les avocats de la défense, les juges, l'administration
de la justice, le fait que ça siège de 9 h 30 à 16 h 30...
Je veux dire, est-ce qu'on est encore dans cette réalité-là aujourd'hui? Est-ce
qu'il ne devrait pas y avoir plus de flexibilité? Les enquêtes préliminaires systématiques,
la meilleure offre, il y a plein de choses à regarder, mais nous, ce qu'on dit,
c'est : Comment ça se fait qu'il faut être dans cette crise-là sans
précédent pour qu'on commence à se poser ces questions-là?
Puis là, aujourd'hui, là, à la réunion
fédérale-provinciale, la première réunion avec les ministres depuis l'arrêt
Jordan... Vous vous imaginez, juillet dernier, fin avril, première réunion.
Comment ça se fait qu'il n'y a pas eu de réunion d'urgence? Comment ça se fait
que la ministre de la Justice, là, qui nous dit comment c'est terrible, la
non-réponse du fédéral, elle n'a pas exigé une rencontre fédérale-provinciale
plus tôt? Comment ça se fait que la ministre fédérale n'a pas agi?
Donc, vous comprenez, quand on vient nous
dire : Bien non, pas de clause dérogatoire, il y a d'autres moyens, il
faut changer la culture, vous avez un très bel exemple là que le changement de
culture, il n'est pas en train de s'opérer du jour au lendemain. Ça va prendre
des mois, ça va prendre des années à que ce changement de culture là soit fait.
Si, par exemple, on décidait d'enlever l'enquête préliminaire, ça prend des
modifications pour faire ça.
Mme Plante (Caroline) : Donc,
est-ce qu'il est commencé, ce changement de culture? Est-ce qu'on le voit? Est-ce
qu'on le sent? Est-ce que tout le monde est...
Mme
Hivon
:
Bien, moi, je n'en sens pas. Je pense qu'il y a de la bonne volonté. Il y a de
la bonne volonté de tous les acteurs du système, bien entendu, des juges en
chef, des procureurs. Tout le monde essaie de faire pour le mieux, mais là
c'est comme si vraiment la maison brûle, puis on essaie de sauver ce qui est le
plus précieux dans la maison puis qu'on se dit : Ah! bien, ça, ce n'est
pas grave, on va perdre ça; ça, ce n'est pas grave, on va perdre ça. C'est
exactement ça qui est en train de se faire en ce moment.
Donc, imaginez le signal que ça envoie
puis le signal que ça envoie pour les victimes, qui sont en attente d'un
procès, qui sont en attente de pouvoir tourner une page, qui se disent :
Est-ce que ça vaut la peine que je dénonce? Je veux dire, un cas d'agression
sexuelle... Il y a une semaine, jour pour jour, je veux dire, c'est terrible, la
victime avait témoigné, les témoignages avaient été entendus, puis là on arrive
au bout du processus puis on dit : Je suis vraiment désolé, mais je n'ai
pas d'autre choix que d'arrêter les procédures. C'est effrayant comme message à
envoyer à la société.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que vous laissez entendre, Mme Hivon, que la ministre de la Justice sciemment
laisserait traîner les choses pour éviter que certaines personnes ne se
retrouvent devant les tribunaux?
Mme
Hivon
: Non,
je ne dis pas que la ministre...
M. Laforest (Alain) : C'est parce
que vous dites : On n'utilise pas la clause dérogatoire, on laisse traîner
les choses, la maison brûle, on ne bouge pas, alors qu'on sait actuellement que
M. Francoeur se plaint que ça n'avance pas au DPCP, celui en cour est en cours actuellement,
et il y a des gens qui sont impliqués dans la collusion, dans la corruption,
qui ont vu leur procès tomber.
Mme
Hivon
: Tout
ça est vrai, tout ça est grave, tout ça détruit et affecte la confiance des Québécois
et des Québécoises en leur système de justice. Je comprends que vous posez la question.
Moi, je n'ai pas d'informations qui me
permettent de répondre à cette question-là, et ce serait terrible qu'on en soit
dans une situation comme celle-là. Donc, je ne peux pas m'imaginer qu'on en
soit rendu là. Mais ce que je dis par ailleurs, c'est qu'il y a une responsabilité
de la ministre de la Justice et du gouvernement par rapport à cette négligence-là
et ce laisser-faire qu'on voit depuis des années, par rapport à notre système
de justice, et que l'on voit encore aujourd'hui, quand on a dû attendre une
crise sans précédent pour commencer à agir et à investir et qu'on refuse
toujours d'utiliser un moyen, qui est la clause dérogatoire, qui est à notre
portée, qui a été utilisée cinq fois par le gouvernement Couillard, 40 fois
dans l'histoire du Québec et qu'on refuse toujours de l'utiliser.
Moi, ça, je ne comprends pas, mais c'est
vraiment à la ministre de la Justice qu'il faut que vous posiez cette
question-là. Pourquoi on a ce refus entêté d'avoir recours à l'ultime recours
qui s'offre à nous, qui s'offre à nous en toute légitimité, qui est prévu? Pour
moi, c'est incompréhensible, mais je n'ai malheureusement pas la réponse à
votre question.
M. Laforest (Alain) : ...le
gouvernement dit : Il faut respecter les institutions, laisser les
institutions faire, respecter l'UPAC, respecter le DPCP, puis, en bout de
ligne, on arrive devant les tribunaux puis...
Mme
Hivon
:
Bien, moi, sur ce point-là — je suis très heureuse de cette
question-là — on se fait dire, nous, l'opposition, cette semaine, que
nos questions dérangent, qu'il faut faire attention au respect et à la
protection de nos institutions. Bien, les informations qui ont coulé, là, ce
n'est pas l'opposition qui les a coulées. Les déclarations de M. Francoeur
hier, ce n'est pas l'opposition qui a fait ces déclarations-là.
Et nous, notre responsabilité comme élus,
comme parlementaires, comme opposition, c'est justement de poser toutes ces
questions-là pour s'assurer que nos institutions ne sont pas discréditées, pour
s'assurer que la population peut continuer à avoir confiance, parce que ça
serait l'inverse de la chose à faire que de se taire quand il y a une telle
crise de confiance en ce moment.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que l'arrêt Jordan est un respect des institutions?
Mme
Hivon
:
Bien, l'arrêt Jordan, je dois vous dire, c'est un autre argument en faveur de
l'utilisation de la clause dérogatoire. Il y a eu quatre juges sur neuf, donc
une très forte dissidence qui est venue dire que ce n'était pas le rôle de la
Cour suprême de venir mettre des règles mathématiques comme celles-là et qu'il
y avait un risque d'hécatombe — on le voit en ce moment, on est face
à cette hécatombe-là — et que c'était le rôle des législateurs de
venir encadrer, donc, les délais et l'administration de la justice.
C'est exactement ça qu'on peut faire avec
l'utilisation de la clause dérogatoire. C'est de dire : Ce pouvoir-là, il
doit revenir aux élus, aux parlementaires, pas pour enlever la pression, là...
Je pense que la pression, elle est partout dans le système, et l'utilisation de
la clause dérogatoire va juste faire en sorte que cette pression-là va être
maintenue, parce qu'on la prendrait pour un temps très limité.
Donc, la question, c'est de se dire :
Justement, pourquoi on refuse ce rôle-là au législateur? Ce serait une magnifique
manière de montrer précisément qu'on veut respecter nos institutions et surtout
qu'on veut que les Québécois puissent garder confiance dans leurs institutions.
Et je pense que, s'il y a un moment où on en a besoin, c'est bien maintenant,
c'est bien cette semaine. Donc, nous, on continue de demander, avec insistance,
que le gouvernement ait recours à la clause dérogatoire.
Mme Fletcher (Raquel) : In English? If you were Justice Minister of Québec, what would you
be doing in this meeting in Gatineau this morning?
Mme
Hivon
:
Well, first of all, I would've done things very differently from a long time.
You know, more than a year ago, a year and a half ago, a long time before the
Jordan case, both the heads of the Superior and Court of Quebec said that they
were losing sleep over the question of delays in our justice system. So when
you hear, you know, the judges coming out of their proverbial reserve, and ask,
and say things like that, you act, you don't wait. So I would've acted
beforehand. I would've put a lot of pressure, you know, in the past years, on
the federal Government to have those judges appointed. I wouldn't have waited,
you know, months after the Jordan case to start to put that pressure, when we
know that some of those vacancies have been there for years. So this is
something very different.
And today I would tell
the federal Government that I will use the notwithstanding clause and that, you
know, they have a responsibility, in the meantime, during the time that we put
back the house in order, that they have the responsibility, in emergency, to
fill the vacancies.
Mme Fletcher (Raquel) : On yesterday's testimony from the Director
of the Crown Prosecutor's Office, you asked a number of questions. What do you
think about her testimony? Were you convinced?
Mme
Hivon
: You know, I have to take her word. It's a very frustrating
exercise, because of course you have many, many questions, and the answers can
be very, very long. And, you know, I told her that I would have liked her to
talk to the press beforehand to, you know, give her statement, invite Mr. Francoeur,
like she said, and, when she was in the commission, to answer my questions,
because I had many questions, and that time was used in a large part to, you
know, send messages. So this is frustrating, for sure. We're used to that kind
of exercise.
Of course, you know, I
have to take... I take her word, but she wasn't there in 2012. You know, it
wasn't her who was there. So I think it's important to be able to go, you know,
in the depth of those words that were said yesterday by Mr. Francoeur.
Mme Fletcher (Raquel) : So the case isn't closed yet in your mind. You still have more
questions.
Mme
Hivon
: Yes. Well, you know, we have questions, and the DPCP will be there
Monday afternoon again. We have also many, many questions about the Jordan
case. So, you know, it's something... Maybe it's a side issue, but I think it's
important to say that we have been asking, in the past year, more than three or
four times, to hear the DPCP for different questions, you know, one of them
being the Jordan case, one of them being the question relating to the immunity
that was said by «sergent» Duclos in an affidavit. And each time the Liberal
members of the commission refused, you know, to hear the DPCP.
So yesterday, finally, because
it's the credits' time, she's there, but you know, we have many, many
questions, and I think it's frustrating to use that time that could be used for
many other issues to be able to ask her questions. Merci.
(Fin à 9 h 56)