Point de presse de M. Benoît Pelletier, min. resp. Affaires intergouv. can., Affaires autochtones, Francophonie can., Réforme des institutions démocratiques et Accès à l'information
Version finale
Le mardi 4 novembre 2008, 10 h 17
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Dix heures dix-sept minutes)
M. Pelletier (Chapleau): Merci beaucoup. Merci d'être ici aujourd'hui en grand nombre pour cette annonce que je fais, qui, je pense, est devenue un secret de Polichinelle depuis hier, à savoir que je ne serai pas candidat à l'occasion de la prochaine élection au Québec. J'ai l'intention cependant de terminer mon mandat aussi longtemps qu'il durera.
Ça va me permettre surtout de me rapprocher de ma famille, parce que cela fait déjà 10 ans que je suis en politique, avec une jeune famille et des enfants qui, je pense, ont bien hâte de me retrouver et de me connaître mieux, j'imagine, et une épouse aussi qui a bien hâte de me revoir plus présent à la maison.
Je vais retourner à mes fonctions de professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, fonction que j'occupais au moment de mon départ, il y a 10 ans.
Je tiens à remercier la population de Chapleau qui m'a fait confiance, depuis ces 10 années, de façon extraordinaire, qui donc a exprimé pour la première fois sa confiance en moi en 1998, puis en 2003 et enfin en 2007. Je remercie également la population de l'Outaouais. C'est cette région que j'avais le plaisir de représenter au sein du gouvernement du Québec, j'étais ministre responsable de la région de l'Outaouais. Et donc j'ai des remerciements particuliers à adresser à la population de la région de l'Outaouais.
Je remercie le premier ministre du Québec pour la confiance qu'il m'a témoignée. M. Charest est pour moi une grande source d'inspiration et une grande source de motivation, et je considère que c'est une personne extraordinaire et j'ai été très heureux de siéger à ses côtés et de faire partie de son équipe.
Je remercie mes collègues ministres et députés, parce que, vous savez, on forme une grande famille, et je les remercie donc tous et toutes de leur amitié, de leur amitié très profonde, très sincère.
Bien entendu, je ne saurais passer sous silence mon cabinet, et j'inclus, en parlant de mon cabinet, mon bureau de Gatineau, tous ces employés qui au cours des dernières années se sont dévoués, n'ont pas compté leurs heures pour s'assurer que nous offrions le meilleur service aux citoyens, dans le cas de Gatineau, et que nous réglions bien nos dossiers nationaux, dans le cas de mon cabinet à Québec.
Et mes remerciements tout particuliers s'adressent à mon chef de cabinet actuel, Claude Longpré, également mon ex-chef de cabinet, Olivier Marcil, et bien entendu à toute cette équipe qu'ils ont conduite.
Je quitte avec la conviction d'avoir donné le meilleur de moi-même pour le Québec. Je quitte avec la conviction d'avoir défendu avec passion, avec détermination, avec ténacité aussi les intérêts du Québec et d'avoir travaillé avec acharnement pour un Québec plus fort à l'intérieur du Canada et dans le monde. J'ai aussi mis beaucoup d'énergies à chercher à entretenir un dialogue constructif entre les autochtones et le gouvernement du Québec, d'une part, et, d'autre part, à rapprocher les autochtones et les non autochtones en quelque sorte, parce que, il ne faut pas l'oublier, cette relation-là, elle est extrêmement importante afin que les autochtones contribuent davantage à ce grand projet collectif québécois.
Et vous me permettrez de terminer en mentionnant, sans aucune prétention cependant, quelques réalisations dont je ne suis pas nécessairement le seul artisan dans tous les cas mais dont je crois avoir été un artisan néanmoins non négligeable. Je pense d'abord au Conseil de la fédération. Le Conseil de la fédération était une idée que j'avais émise dès 2001 dans un rapport que j'ai fait adopter par le Parti libéral du Québec. Et donc le Conseil de la fédération, qui a vu le jour, émanait de ce rapport. Même chose pour le Centre de la Francophonie des Amériques, qui émane de mon rapport de 2001. Puis je tiens à le préciser, parce que... je profite de votre présence pour dire que ce n'est pas un projet de la France, c'est un projet du Québec. J'ai eu le mandat, en 2003, quand je suis devenu ministre, de réaliser le Centre de la Francophonie des Amériques et d'en faire quelque chose... donc de le réaliser et d'en faire quelque chose de bien, conformément à mon rapport de 2001. Et la France s'est associée au projet par la suite en faisant des investissements pour les travaux de rénovation, fort appréciés bien entendu. Mais ça n'en fait pas pour autant, et je remercie la France de sa contribution, mais ça n'en fait pas pour autant un dossier de la France ou un projet de la France. C'est notre projet à nous, et puis c'est un projet dont j'ai été le porteur dans le fond depuis 2001.
Les nombreuses ententes intergouvernementales que nous avons conclues, entente sur la santé, congés parentaux, UNESCO, infrastructures, cadre stratégique agricole, enfin j'en passe, là. Nous avons négocié un grand nombre d'ententes, et vous savez que nous aimons beaucoup les nommer d'ailleurs à la période des questions, de reprendre tout notre bilan, à la période des questions, qui à mon avis est un bilan quand même intéressant.
Je suis heureux également des ententes que nous avons signées avec les Innus en particulier et avec les Inuits. Pourquoi celles-là en particulier? Parce qu'elles sont de nature territoriale, et, quand on touche à des questions territoriales, c'est très délicat, vous le savez. Et également la nouvelle politique en matière de francophonie canadienne, que nous avons adoptée, porteuse d'une nouvelle philosophie, dont je suis aussi très heureux.
Et vous me permettrez de terminer en disant ceci: C'est bien que j'aie eu la chance d'être le représentant de l'Outaouais au Conseil des ministres depuis 2003. J'ai également eu la chance d'être le représentant du Nord-du-Québec depuis 2007. J'avais la responsabilité du Nord-du-Québec, et je tiens à dire à quel point je suis attaché au Nord-du-Québec. Ce Nord-du-Québec qui est non pas exclusivement autochtone, contrairement à ce que certaines personnes pensent, mais qui est aussi largement non autochtone, et je tiens à le mentionner, parce que j'ai embrassé le Nord-du-Québec avec toutes ses dimensions et avec sa diversité, en fin de compte, locale et régionale. Alors, voilà.
Journaliste: M. Pelletier...
Journaliste: ...vous dites que le fruit n'était pas mûr, pendant toutes vos années comme ministre responsable, est-ce qu'aujourd'hui on voit... n'est pas mûrie, là. Est-ce que M. Charest, à votre avis, a accompli...
M. Pelletier (Chapleau): Oui, bien deux choses. D'abord, n'oubliez pas qu'on a aussi dit que nous mettrions notre priorité, notre accent, notre énergie sur des dossiers de nature non constitutionnelle d'abord, et qu'à plus long terme il y aurait des ambitions constitutionnelles. Alors, là-dessus, on n'a jamais trompé la population. On a toujours dit qu'on ferait avancer le Québec par des dossiers non constitutionnels d'abord. Et je crois effectivement que jusqu'à présent ─ ce n'est pas encore terminé; mais je crois encore que jusqu'à présent ─ on a bien réalisé les choses. Puis pourquoi on a voulu faire ça? C'est pour que le Québec ait des victoires, qu'il ait des gains concrets plutôt que de revivre des expériences qui dans le passé ont été douloureuses, premièrement.
Deuxièmement, je vous dirai ceci, je vous dirai que le dossier constitutionnel, bien ça demeure une aspiration et ça doit demeurer une aspiration pour le gouvernement du Québec. Et, moi, j'estime toujours qu'il est important qu'un jour nous procédions à une telle réforme constitutionnelle. Mais, lorsque le moment sera venu, le Québec ne peut pas se permettre un autre échec dans ce dossier. Et, quand on forme le gouvernement, contrairement à l'opposition, on a une responsabilité.
Journaliste: ...à ce moment-là, un jour, là, poindre à l'horizon?
M. Pelletier (Chapleau): Je ne le vois pas dans un avenir immédiat, mais je crois que ça sera inévitable. Ce sera inévitable.
Journaliste: Alors, vous n'avez pas l'impression de partir en laissant en plan quelque chose d'important pour le Québec?
M. Pelletier (Chapleau): Bien, je pars en étant content des réalisations que j'ai faites. Et, si j'avais pu faire encore plus, bien tant mieux. Mais honnêtement il a fallu aussi que je compose avec les circonstances.
Journaliste: Et avec votre chef?
M. Pelletier (Chapleau): Non, avec les circonstances. Mon chef m'a toujours appuyé, et je peux vous dire qu'entre Jean Charest et moi, au niveau idéologique, il y a toujours eu une osmose. Et la prudence qu'il a en matière d'affaires constitutionnelles, je la partage. Je la partage, comprenez-moi. Je ne veux pas que le Québec subisse un autre échec, et nous allons tout faire pour que, le moment venu, les choses se fassent correctement et que ce soit une grande victoire pour le Québec.
Mais, cela étant dit, vous savez, contrairement à certaines personnes qui pensent que je me couchais le soir en me voyant le Père de la fédération moderne, là, puis en pensant que j'étais obsédé par le dossier constitutionnel, ça n'a jamais été le cas. Parce que je ne suis pas le ministre des Affaires constitutionnelles, je suis le ministre des Affaires intergouvernementales. Et on peut beaucoup faire progresser le Québec sur des bases non constitutionnelles. Le pouvoir fédéral de dépenser est un exemple, le déséquilibre fiscal en est un autre. Les ententes que nous avons signées, y compris celle sur l'UNESCO en est une troisième exemple... et je pourrais vous en nommer un tas.
Journaliste: Des possibilités d'échecs, il y en a plusieurs à venir: la réforme du Sénat, le pouvoir de dépenser, la loi qui a été déposée, où les textes qui ont été présentés ne sont pas satisfaisants. Il n'y a pas de charte du fédéralisme, comme vous l'avez souhaité. Il y a beaucoup de possibilités d'échecs à l'horizon. Non?
M. Pelletier (Chapleau): Il y a des choses...
Journaliste: ...plus que le fruit... et ça, ça ne peut pas faire mûrir le fruit?
M. Pelletier (Chapleau): Bien, écoutez, on verra. Moi, je vais vous dire ceci, là: C'est que je vais peut-être bientôt quitter la politique, on verra quand l'élection sera déclenchée, mais, s'il s'avérait que le dossier du Sénat revienne à la surface dans un contexte où je ne serais plus en politique, je vais quand même faire partie du débat public pour défendre le Québec dans ce dossier-là. Ça, je peux vous l'assurer. Je ne le ferai pas comme politicien, je le ferai comme citoyen et je le ferai comme professeur de droit. Parce que le Sénat fait partie des conditions fondamentales de la naissance du Canada, et nous ne laisserons jamais le Sénat être réformé de façon unilatérale, sans que le Québec ait son mot à dire. Pas parce que je suis contre la modernisation du Sénat, là, comprenez-moi, je serais même ouvert à une démocratisation du Sénat, mais, si ça a à se faire, ça va se faire avec le Québec.
Journaliste: Donc, vous considérez... Dans un discours récemment, vous disiez que le Canada avait un peu oublié l'esprit fédéraliste, l'esprit fédéral, devait renouveler avec cet esprit-là. Comment ça pourrait se faire, ça? On a vraiment l'impression que c'est très loin dans leurs priorités.
M. Pelletier (Chapleau): Oui, mais c'est qu'il faut constamment le rappeler, parce qu'il y a une tentation parfois centralisatrice à Ottawa. Je ne vous dis pas qu'ils succombent toujours à la tentation, là. Interprétez-moi pas mal, mais il y a une tentation parfois centralisatrice à Ottawa. Et, nous, notre devoir, c'est de rappeler que dans le fond, dans une fédération qui se respecte, les provinces ont une autonomie, que cette autonomie-là doit être respectée et que les priorités des provinces doivent être pleinement respectées. Et c'est ce qui m'a amené à mener un combat en ce qui concerne la limitation ou l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser, notamment. Parce que, le jour où nous parviendrions à un tel encadrement, et je crois que nous y parviendrons, ça va forcément assurer un meilleur respect de l'autonomie du Québec.
Un autre dossier important, vous le savez, c'est le dossier de la culture et des communications. Le dossier de la culture et des communications vise à accroître l'autonomie du Québec en ces matières qui sont vitales, vitales, toutes les deux, interreliées d'ailleurs, il y a un lien entre les communications et la transmission de la culture, la diffusion de la culture. Alors, le gouvernement du Québec est très bien positionné. Le premier ministre est un ardent défenseur des intérêts du Québec. Je peux vous dire qu'il est en privé comme il est en public. Vous l'avez vu récemment défendre les intérêts du Québec, là; l'homme que vous avez vu publiquement est exactement le même que, moi, je vois privément. J'ai le sentiment de quitter en ayant permis, à ma façon et dans la mesure de mes moyens, de mieux positionner le gouvernement du Québec dans le dossier.
Journaliste: M. Pelletier, on ne peut pas passer 10 ans dans des cabinets politiques en disant que tout a bien été, que tout a bien fonctionné. Les relations interpersonnelles ne peuvent pas être toujours très bonnes. On entend dire quand même que ce n'était pas nécessairement facile pour vous de vendre vos dossiers, de vendre votre vision du fédéralisme et de... Comment ça s'est passé? Est-ce que vous...
M. Pelletier (Chapleau): Attention. Vous parlez des relations interpersonnelles? Je ne sais pas de quoi vous parlez. Mais, moi, je peux vous dire que j'ai eu de bonnes relations interpersonnelles avec à peu près tout le monde, sinon tout le monde.
Journaliste: Même avec la ministre des Relations internationales?
M. Pelletier (Chapleau): Oui, absolument, c'est une dame que je respecte beaucoup. Puis on a fait beaucoup ensemble pour créer le Centre de la francophonie des Amériques. Et il faut comprendre que, dans ce dossier-là, j'avais eu un mandat du Conseil des ministres, moi, pour donc faire un début de négociation avec Ottawa dans le dossier de l'UNESCO, et ça m'a amené à prendre des positions publiques. Et donc je ne l'ai pas fait de façon tout à fait arbitraire ou intéressée ou mesquine, je l'ai fait parce que j'avais du Conseil des ministres un mandat pour amorcer la négociation.
À l'époque, l'interlocuteur qui avait été choisi par Paul Martin, c'était Pierre Pettigrew, et on estimait que, Pierre Pettigrew et moi, que nous pourrions amorcer cette discussion-là parce qu'on travaillait ensemble sur plusieurs dossiers. Alors, j'ai une excellente relation avec Mme Monique Gagnon-Tremblay, qui est une grande dame de la politique, une dame que je respecte beaucoup, puis je peux vous dire que ça va me faire plaisir de la revoir quand j'aurai quitté la politique.
Journaliste: Avez-vous l'impression...
M. Pelletier (Chapleau): Mais je veux revenir sur... Quand je suis arrivé en politique, le Parti libéral ─ donc c'était en 1998; le Parti libéral du Québec ─ j'ai trouvé qu'il était relativement meurtri par l'échec de Meech, l'échec de Charlottetown, le rapatriement, Bélanger-Campeau, le rapport Allaire, le parti était frileux, je dirais, par rapport aux dossiers intergouvernementaux. Et il a fallu que je mène un combat pour que le parti se retrouve une fierté dans ces dossiers-là, une confiance aussi, et pour que le parti se réapproprie un discours qui nous appartient, qui est un discours de fierté dans le Québec. Et, au cours des années, grâce à M. Charest aussi qui m'a appuyé dans cet effort-là, on a réussi, je pense, à transformer les choses, à un point que, maintenant, quand nous sommes nationalistes comme nous le sommes à l'occasion, il y a des gens qui disent: Vous faites ça pour des raisons électorales, ou vous faites ça pour damer le pion à telle ou telle autre formation dans l'opposition. C'est complètement faux. Il y a eu une évolution extraordinaire qui fait que le parti aujourd'hui reconnaît, admet que les Québécois forment une nation, et que cette nation-là peut se développer, peut prospérer et s'épanouir à l'intérieur d'un pays qui s'appelle le Canada. Et cette évolution-là a été magique, dans certains cas difficile, j'en conviens, pour moi, mais néanmoins magique, parce qu'elle s'est faite.
Mme Thibeault (Josée): Parce que ce n'est pas naturel pour le Parti libéral de penser comme ça? Vous avez permis l'évolution de la pensée libérale, c'est ce que vous nous dites?
M. Pelletier (Chapleau): Non. Attention! Loin de moi la prétention de me créditer de tout, premièrement. Ce que je dis, c'est qu'en 1998 le parti était meurtri, donc était plus frileux par rapport à ces questions-là. Il a fallu, je pense, il a fallu poser un certain nombre de gestes politiques pour que le parti retrouve une confiance en lui-même par rapport à ces sujets-là. Mais, écoutez, ce n'est pas né en 2003, là. Le Parti libéral du Québec, c'est une grande formation politique qui a bâti le Québec, qui a été celle qui a déclenché la Révolution tranquille avec Maître chez nous. Alors, je n'ai pas la prétention d'avoir donné au parti une fraîcheur nationaliste qu'il n'aurait jamais eue dans son histoire, mais il a néanmoins fallu faire un effort pour que le parti retrouve une confiance en lui-même dans ces dossiers-là.
Journaliste: M. Pelletier, rapidement sur le Nord, vous parlez de votre attachement, et je cherchais à comprendre pourquoi quitter au moment où le gouvernement prépare un Plan Nord qu'on dit très, très ambitieux pour le développement du Nord-du-Québec.
M. Pelletier (Chapleau): Oui, bien oui. Écoutez, ce Plan Nord là, c'est quoi, là, dans le fond? C'est qu'on se donne un nouvel horizon. Bon. Puis, si vous recherchez des raisons qui me font un peu regretter en même temps de quitter la politique ─ mais on a parfois des choix à faire, dans la vie, là, je ne vous dis pas que je n'ai pas des sentiments qui sont partagés ─ c'est une des raisons. Ce dossier, que j'avais la chance de porter avec ma collègue Julie Boulet, est un dossier merveilleux, et on se donne un nouvel horizon. Pour la première fois, nous, Québécois, là, nous sommes appelés à lever la tête, à lever les yeux puis à regarder au-dessus du 49e parallèle, puis à se dire: Aie! Ça aussi, ça fait partie de notre territoire, c'est chez nous, ça fait partie de l'identité du Québec. Et de faire en sorte que les gens du Sud aussi connaissent mieux le Nord et dans le fond développent le goût du Nord. Le jour où nous aurons développé chez les gens du Sud... parce que le lien entre le Nord et le Sud va être fondamental, hein? Ce n'est pas rien qu'une question de Nord, là, c'est vraiment faire un lien pour avoir un Québec cohérent. Le jour où on aura fait le lien entre le Nord et le Sud à un point tel que les gens du Sud vont dire: Moi, j'ai le goût du Nord, je crois... j'ai de l'intérêt pour la nordicité, puis je considère que la nordicité fait partie de mon identité comme Québécois, ce jour-là, le gouvernement aura accompli beaucoup.
Journaliste: Avez-vous d'autres regrets de la sorte?
Une voix: ...
M. Pelletier (Chapleau): Merci, merci. Pardon?
Journaliste: Profitons-en sur vos regrets, vous en avez d'autres?
M. Pelletier (Chapleau): Oui. Écoutez, j'ai le regret aussi de ne plus être le ministre de l'Outaouais, parce que j'ai éprouvé beaucoup de plaisir à être ministre de l'Outaouais. Je crois avoir pu, avec mes collègues députés de l'Outaouais, faire de belles choses pour la région. Et j'ai le regret de quitter une famille, hein? Parce que la politique, à un moment donné, ça devient une seconde famille. Alors, j'en avais une, moi, à Gatineau, déjà quand même importante, quatre enfants, puis j'arrivais à Québec et j'avais une autre famille, finalement, tout aussi chaleureuse.
Journaliste: Oui, M. Pelletier, justement par rapport à vos regrets, vous n'avez aucun regret par rapport aux dossiers, là, en matière constitutionnelle, que ce soit le fait de ne pas avoir réglé le pouvoir fédéral de dépenser ou encore le fait que la question du Sénat soit quelque chose de récurrent, qui va encore...
M. Pelletier (Chapleau): Oui, oui, oui, Robert, c'est sûr qu'à un moment donné on se dit personnellement: J'aurais aimé ça être celui qui signe l'entente sur le pouvoir fédéral de dépenser. Bon. J'aurais aimé ça être celui qui signe l'entente sur culture et communications, avec le premier ministre, avec les collègues, c'est sûr. Mais à un moment donné on a un choix à faire. D'abord, moi, ça fait 10 ans que je suis en politique, et 10 ans, c'est quand même important, c'est toute une tranche, hein? Je suis entré à 48 ans, j'ai aujourd'hui... à 34 ans... à 38, pardon, j'ai aujourd'hui 48, alors c'est toute une tranche de vie. Bon. Et là j'honore complètement le mandat qui est donné par mes citoyens, mais la question se pose: Est-ce que je me représente pour une quatrième élection, là? C'est ça, là. Bon. Et, moi, la décision que j'ai prise avec ma famille, ça a été de ne pas faire cela.
Journaliste: Est-ce que vous croyez que le Parti libéral est aussi nationaliste que vous l'êtes, présentement, là? Est-ce que finalement les choses ont évolué pour faire en sorte que votre nationalisme est celui qui est incarné par le Parti libéral du Québec?
M. Pelletier (Chapleau): Je crois. Je crois. Je n'ai jamais senti, si je peux dire, de... je n'ai jamais senti de résistance dans le parti par rapport à une défense sincère des intérêts du Québec. J'ai senti cependant que certains concepts devaient être mieux expliqués, notamment le concept de nation, qui a dû être expliqué pour être complètement endossé. Mais à mon avis, non, il n'y a pas de résistance sur l'idée qu'il faille défendre de façon très sincère, très soutenue les intérêts du Québec.
Journaliste: Hello! How would you qualify the state of Canadian unity and Québec's place within the Federation compared with five years ago, and your role or your influence on that situation over the last five years?
M. Pelletier (Chapleau): I think that Canada as a whole is a better country today than it was before, for different reasons, and I'm not the main factor of everything. I participated in an effort in order to strengthen Canada's federalism, but I think that the unity of Canada is better than it was. But let me tell you this. The main goal is to get Québec's specificity to be fully recognized within this country. Why is that so? Because it is a Canadian value. Québec's specificity, Québec identity is not something that goes against Canada's unity, it's part of it, it's one of the components of the Canadian Federation, and it should be in my view recognized as such, as a great Canadian value. That is the philosophy that I have been promoting for the last 10 years, and I will continue to do so whatever my next function will be.
Journaliste: Speaking of future function, what is the likelihood that... or how interested are you in eventually looking at running in federal politics?
M. Pelletier (Chapleau): Well, I have no plan in this regard for this moment and I may tell you that all that I am looking for is returning to my job at the University of Ottawa, and that job will offer me the opportunity to - de me ressourcer - to re-energize myself. And from there we will see, because we never know what the future has for us. But I'm very proud to go back to the University of Ottawa, this is a great university, this has been a very good employer for the last 10 years, they kept my job for 10 years. So, I think that I owe them some fidelity and some loyalty.
Journaliste: M. Pelletier, votre local de campagne était déjà choisi, votre photo de campagne était déjà prise, est-ce qu'on doit en conclure que votre décision de quitter est une décision précipitée?
M. Pelletier (Chapleau): Non, non. Ça, je peux vous assurer que c'est tout le contraire. Mais en même temps j'avais convenu, notamment avec le premier ministre, que je continuerais encore ma réflexion. Et j'avais convenu que je continuerais ma réflexion jusqu'à samedi. Ce que j'ai fait. Et donc c'est samedi que j'ai informé le premier ministre de ma décision, et, lundi, là j'ai informé mes employés. Voilà.
Journaliste: Si on vous avait promis le poste de ministre des Relations internationales, seriez-vous resté?
M. Pelletier (Chapleau): Non, non, non, vraiment pas. Je sais que cette supputation-là ou cette hypothèse-là que peut-être qu'il quitte parce qu'il n'a pas eu ce qu'il voulait, ou ainsi de suite, je peux vous dire que c'est complètement faux. Je peux vous l'assurer. D'abord parce que j'avais de belles responsabilités, premièrement, ça aurait été franchement, je pense, tout à fait anormal de faire reposer un choix sur une question comme celle-là. Et d'autre part je vais vous dire ceci, là, entre vous et moi, ça fait 10 ans que je suis en politique, j'ai trois adolescents, moi, à la maison, puis j'ai une petite de cinq ans, et je pense avoir demandé, de la part de ma famille, suffisamment de sacrifices.
Et je quitte avec le sentiment d'avoir donné le meilleur de moi-même pour le Québec, qui est une société que j'aime par dessus tout, dont je suis fier. Puis, moi, je veux le mieux puis le meilleur pour les Québécois. Ça a été, ça, mon ambition politique, c'est ce qui a fait que je suis entré en politique, puis j'ai encore ça aujourd'hui, vous voyez, la même ferveur.
Journaliste: Concernant le dossier constitutionnel, vous avez dit tout à l'heure qu'il faudrait absolument un jour le régler. Si on n'y arrive pas, qu'est-ce qui va se passer?
M. Pelletier (Chapleau): Bien, écoutez, moi, je ne connais pas un pays au monde dont la constitution est rejetée par une partie de la population et n'est pas reconnue officiellement par un gouvernement qui est un fondateur. Et, vous voyez, aux États-Unis, la Constitution est un objet de vénération, hein? Vous allez voir les... Vous irez dans les musées de Washington, vous allez voir, les gens sortent, les familles, les enfants, avec une copie, qu'ils ont achetée à la boutique, de la Constitution américaine. Et, ici, la Constitution est vue trop souvent comme un objet de division. Et on nous dit même: Il ne faut pas en parler, il ne faut pas en parler. Bien, moi, je pense que le Québec peut très légitimement demander que la Constitution reconnaisse son identité et les valeurs québécoises. Ce que je vous dis cependant, c'est qu'à mon sens ça ne peut pas être fait demain, parce que ce n'est pas prêt. Et le sens des responsabilités qui nous incombent... qui nous incombent comme politiciens fait que, nous, nous devons mesurer les gestes que nous posons, ce que n'a pas à faire ni M. Dumont ni Mme Marois. L'expression «le fruit n'est pas mûr» a beaucoup fait sourire les gens, mais en fait c'est une réalité. Le fruit qui n'est pas mûr est un fruit qui dans le fond n'a pas... sa saveur n'a pas la qualité et peut même être indigeste. Ce n'est pas ça qu'on veut pour le Québec, en 2008. Et il y a d'autres objectifs, des objectifs financiers, économiques à court terme qu'il va falloir rencontrer.
Journaliste: Est-ce qu'un fruit qui ne mûrit jamais ne risque pas de sécher et de tomber?
M. Pelletier (Chapleau): Vous savez, le mûrissement, là, c'est un produit processus évolutif. Alors, moi, j'ai tout à fait confiance que le processus va continuer et qu'un jour le fruit sera mûr. Oui?
Journaliste: M. Pelletier, where do you think Québec would be if your party had been able to live with the first version of your constitutional reform proposal?
M. Pelletier (Chapleau): Could you repeat, please?
Journaliste: Yes. Where would Québec be today if your party had been able to live with the first version of your constitutional reform proposal?
M. Pelletier (Chapleau): Had been able to live with...
Journaliste: ...as you said.
M. Pelletier (Chapleau): O.K. Well, I'm sure that it would not be a party that would be so popular today. And it is a party that would be more jeopardized, in my view, which is not the case. This is a very strong party with a very strong platform. And it's also a very consensual party, which is important, because I think that the main goal in politics is to pursue the common goal, le «bien commun», the common good. So, I think that the Liberal Party of Québec has done a tremendous job over the last years. It has evolved in a very good way, and I'm very confident for its future.
Journaliste: There are three issues right now facing Québec and the rest of the country: the Young Offenders Jurisdiction Act, Senate reform and the National Securities Commission. At least two of those can be done without Québec's consent and against the will of the majority of Quebeckers. What does that say about Québec's place in this Canada today?
M. Pelletier (Chapleau): Well, what it says is that Quebeckers, and more particularly the Québec Government, still have to be vigilant and tenacious and continue to fight in order that Québec's priorities be more respected and that Québec's demands be accomplished. In this regard, what you are mentioning are two things that our Government is opposed to in a very strong way.
But let me remember you that I hear nothing from the ADQ and nothing from the PQ on these subjects. And they pretend that they are the best choice for Quebeckers in order to defend Quebeckers' interest, whether in Canada or outside of Canada? I don't believe so. The best party to defend Québec's interest is the Liberal Party of Québec, I'm sure of that. On the question of the Senate, I never heard Mr. Dumont committing himself on this question. Same thing for the mobility... How do you say? Securities. Same thing for the Securities Commission. So, I think that the Parti libéral du Québec is in a better position than the Parti québécois and the ADQ in order to defend Québec's interests.
Last question.
Journaliste: It's often said, federally and provincially, that the real Minister to deal with governmental and constitutional issues, in Ottawa, is the Prime Minister and, in Québec, is the Premier. Do you feel that you had enough ice time? Do you feel that you had enough latitude to do... There were times where you spoke out about issues, where you were clearly pushing the envelope. Do you feel that you had enough ice time as the leader? And is that not a factor in your departure that...
M. Pelletier (Chapleau): The answer is yes. My feeling is that I... Of course, the major orientations are given by the Prime Minister or the Premier. But there is a lot that is done behind them or under them, and I feel that I had the opportunity to advance some of the cases in Québec, including in what regards to fiscal imbalance, UNESCO and so on.
I just would like to finish by saying this: I would like to thank all of you. J'aimerais vous remercier tous. J'aimerais vous remercier tous pour votre... - comment dirais-je? - l'attention que vous m'avez portée au cours des dernières années. Et on aura probablement l'occasion de se revoir dans différentes occasions, mais je peux vous dire que ça a été un honneur pour moi d'être en présence de la presse à Québec. Et puis je garderai, le moment venu, lorsque l'élection sera déclenchée, je garderai le meilleur souvenir de vous tous et toutes. Et ce que je vous ai dit aujourd'hui... Forcément, j'ai beaucoup parlé de moi-même, mais, vous savez, tout ça, c'est du travail d'équipe, là, et je ne veux surtout pas qu'on pense que j'ai tout fait, tout fait, tout fait, puis que finalement la vie finit après moi, là. La vie continue. Ce que j'ai fait, par exemple, c'est que j'ai fait mon possible. Merci.
(Fin à 10 h 51)