Conférence de presse de M. Éric Caire, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, et de M. Sylvain Légaré, porte-parole de l'opposition officielle pour la Capitale nationale
Projet d'agrandissement de l'Hôtel-Dieu de Québec
Version finale
Le jeudi 31 juillet 2008, 10 h 33
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Dix heures trente-trois minutes)
M. Caire: Tout le monde est prêt? O.K. Alors, aujourd'hui, on voulait vous rencontrer suite à l'annonce qui a été faite par le ministre Bolduc, hier, sur l'agrandissement du projet du CHUQ, un dossier qui nous interpelle parce que beaucoup, beaucoup de signes nous laissent penser que c'est une mauvaise décision qui est extrêmement inquiétante.
En fait, si on fait un peu l'historique de ce projet-là, dès 2005, on annonce un projet au coût de 173 millions. Déjà, en 2006, le projet augmente jusqu'à 200 millions. En 2007, le projet augmente, à trois reprises, jusqu'à 475 millions. Et ce qu'on nous a annoncé hier, c'est un projet de 635 millions. Donc, juste en s'asseyant autour de la table et en discutant, ce projet-là augmente de 200 millions par année. Ça m'apparaît extrêmement inquiétant.
Ça m'apparaît d'autant plus inquiétant que j'avais eu la chance, l'été dernier, de discuter avec le directeur général du CHUQ, M. Rouleau, et que, lui, il nous avait affirmé, d'une part, qu'un des objectifs, c'était justement de contrôler les coûts et que le 475 millions, c'était pas mal ça que ça allait coûter et qu'il était pas mal confiant de contrôler les coûts. Or, en un an, on est passés de 475 millions à 635 millions. Donc, de toute évidence, l'objectif de contrôler les coûts n'est pas atteint. Et, en plus, il m'avait affirmé, à ce moment-là, que pour respecter les coûts, il fallait absolument que la construction débute en 2009. Or, ce qui nous a été annoncé hier, c'est qu'on débutait la construction en 2010.
Donc, c'est extrêmement inquiétant quand on regarde ça dans cette perspective-là. Et ce que ça nous laisse penser, c'est que c'est un projet qui, avant même de naître, est déjà hors contrôle. Et je m'interroge sur la lucidité du ministre quand il nous dit que son projet, fait en PPP, va nous faire économiser 135 millions. Personnellement, ce que je vois, là, c'est que c'est un projet qui est hors contrôle, et, lui-même, hier, il était incapable d'affirmer, était incapable de nous dire quel serait le coût final. Donc, sur cet aspect-là, c'est extrêmement inquiétant.
C'est aussi extrêmement inquiétant quand on considère le lieu où on va faire le centre d'oncologie, centre d'oncologie dont je vous rappelle qu'il est suprarégional, donc il va desservir Québec et tout l'Est du Québec. Or, dans son document, le CHUQ, S'organiser pour réussir le CHUQ de demain, ce qu'on nous dit, c'est que la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus dans l'Est du Québec augmente plus rapidement qu'ailleurs en province. Et, dans le même document, ce qu'on nous affirme, c'est que le cancer évidemment est une maladie qui est directement associée aux personnes de 65 ans et plus. Donc, ce qu'on veut illustrer par ça, c'est qu'on peut s'attendre à une augmentation extrêmement importante des cas de cancer. Donc, la conclusion, c'est que ça prend un centre qui va être capable de répondre à cette demande-là.
Or, si on regarde la grille d'évaluation qui a été demandée par le gouvernement pour savoir comment on rénove l'édifice, où on rénove l'édifice, les critères associés à l'immeuble sont sa capacité, sa sécurité, la vétusté et la fonctionnalité. Actuellement, le CHUQ, au niveau de la vétusté, je pense que tout le monde le sait, c'est le plus vieil hôpital en Amérique du Nord, donc c'est un édifice qui est extrêmement vétuste.
Au niveau de la fonctionnalité, on a de nombreux témoignages, on a de nombreux exemples, parce que c'est un endroit qui est difficile d'accès, c'est un endroit pour lequel le stationnement est extrêmement difficile. Or, on s'adresse... avec le centre d'oncologie, on s'adresse évidemment à des personnes âgées, des personnes vulnérables, des personnes qui n'ont probablement pas envie de tourner en rond pendant une heure pour se trouver un stationnement puis marcher 5 km, parce que le plus proche était au Manège militaire. Et on a des témoignages de ça, de gens à qui cette situation-là s'est présentée et que ça a incommodés fortement.
Au niveau de la fonctionnalité, bien, vous le savez, c'est un édifice qui est dans un environnement patrimonial. Donc, de l'aveu même de M. Rouleau, au moment où le projet était évalué à un peu plus de 400 millions, c'était 45 millions qu'on mettait strictement pour des considérations architecturales. Alors, on était à un peu plus de 10 % du projet, des coûts du projet qui allaient pour des considérations architecturales. Donc, on peut penser que, si on a sous-évalué le projet dans l'ensemble, il n'est pas impossible qu'on ait sous-évalué cette portion-là aussi du projet.
Donc, vous comprendrez que, sur un projet de 635 millions, si on suit le même ratio, on est à environ 70 millions pour des considérations strictement architecturales. On n'a pas ajouté une once d'efficacité à l'hôpital; c'est juste pour respecter l'environnement.
À titre de comparaison, l'Hôpital Pierre-Le Gardeur, qui a été inauguré en 2004, a coûté au total 163 millions. Donc, juste nos considérations architecturales, ça rembourse pratiquement la moitié des coûts de construction de l'Hôpital Pierre-Le Gardeur.
Donc, vous comprendrez que, sur la fonctionnalité, là, ce qu'on nous dit, c'est qu'on ne peut pas construire, on ne peut ajouter d'étage; tout ce qu'on peut faire, c'est ajouter des édifices, c'est-à-dire acheter d'autres édifices qu'on va aménager. Ça veut dire que la capacité de l'Hôtel-Dieu à prendre de l'expansion pour répondre à une demande grandissante, elle est difficile, difficilement gérable, voire pratiquement impossible. On a, je pense, atteint le maximum de ce qu'on pouvait faire dans ce coin-là.
Et la solution pour relier les édifices, c'est de creuser un tunnel. Or, vous savez probablement que la bretelle de l'édifice... de l'autoroute Dufferin a été démantelée... qui a été démantelée récemment, quand elle arrivait dans un mur, tout le monde disait: Mais pourquoi elle est arrivée dans un mur? C'est parce que le projet initial, c'était de creuser pour aller rejoindre le boulevard... voyons...
Une voix: Champlain.
M. Caire: ...le boulevard Champlain - merci. Je comprends que creuser un tunnel pour une autoroute puis creuser un tunnel pour relier deux édifices, ce n'est pas la même dimension au niveau du projet, mais ça demeure qu'on peut anticiper des complications dans la réalisation de cette portion-là aussi. Et, si on a à acheter d'autres édifices parce qu'éventuellement on veut encore prendre de l'expansion, est-ce qu'on va mettre des tunnels un peu partout dans le Vieux-Québec? Ça c'est la question qu'on peut se poser aujourd'hui.
Et ce qui est extrêmement inquiétant dans cette histoire-là, c'est que le PFT, le plan fonctionnel technique, c'est-à-dire le plan de réalisation, si vous voulez, de ce projet d'agrandissement là, n'est pas rendu public. Nous, on a demandé à l'avoir, puis on nous a dit que ce n'était pas public. Et vous savez que c'est à partir de ça qu'on peut évaluer la faisabilité et les coûts du projet. Et ça pour moi c'est extrêmement, extrêmement inquiétant, cette dimension-là du projet. Je pense qu'il n'y a rien là-dedans qui est fait pour nous rassurer. Au contraire, tout est fait pour nous inquiéter. Et j'espère juste que le CHUQ n'est pas en train de troquer le q pour un m et qu'on ne fera pas du CHUQ un nouveau CHUM. On n'en a pas besoin. Un fiasco financier, c'est suffisant. Et ce que je dis au ministre, c'est que ça peut être une bonne décision que d'arrêter le cours d'une mauvaise décision. C'est pourquoi, aujourd'hui, on demande au ministre d'arrêter le train. Parce qu'on doit, je pense, évaluer d'autres solutions parce qu'on est en train d'investir des sommes et... dans un projet qui ne m'apparaît pas être efficace, ne m'apparaît pas être porteur, ne m'apparaît pas répondre aux besoins de Québec et de l'Est du Québec en matière de traitement du cancer. Et, dans ce sens-là, je pense que le ministre a à prendre rapidement la décision inverse de celle qu'il nous a annoncée.
Par contre, c'est clair qu'on veut que les investissements demeurent à Québec, puis là-dessus je vais céder la parole à mon collègue, M. Légaré.
M. Légaré: Très, très rapidement, moi, ma priorité dans ce dossier-là, évidemment c'est... Bon, l'investissement qu'on fait dans la Capitale-Nationale doit rester, doit demeurer, mon collègue l'a dit tantôt. C'est déjà un projet qui nous pose plusieurs points d'interrogation, c'est un projet qui est déjà hors contrôle, alors ma priorité et ce que je veux du premier ministre, qui est responsable de la Capitale-Nationale, c'est que, un, on cesse les mondanités du 400e, qu'on commence à travailler et qu'on regarde différents scénarios possibles. À notre avis, ce n'est pas le meilleur scénario. C'est un scénario qui est déjà, comme je disais, hors contrôle. Alors, le premier ministre doit se pencher là-dessus très rapidement et regarder la possibilité d'étudier d'autres scénarios pour donner le maximum de rendement à l'investissement que les Québécois vont faire dans ce dossier-là. Le premier ministre doit se mettre au travail rapidement.
Ce n'est pas le premier dossier dans la Capitale-Nationale qui est hors contrôle, on le sait. Le PEPS est aussi hors contrôle, on va devoir avoir un leadership très fort dans ce dossier-là aussi, les places en garderie. Il y a plusieurs dossiers comme ça dont je veux voir le premier ministre travailler, spécifiquement dans le plus gros dossier de la Capitale-Nationale, qui est le dossier de l'Hôtel-Dieu, et, ma priorité: ces argents-là doivent rester dans la Capitale-Nationale, c'est très clair.
M. Caire: Alors, pour conclure, ce qu'on souhaite évidemment du ministre Bolduc, c'est qu'il se montre ouvert à étudier différents scénarios pour que cet argent-là soit investi au maximum de ce qu'on peut faire avec. Et je pense qu'on ne doit pas exclure des possibilités celle de construire un nouvel hôpital. Quand on compare avec ce qui s'est fait à Pierre-Le Gardeur, à 163 millions, la question se pose: Qu'est-ce qu'on pourrait avoir pour 635 millions? Alors, je pose la question au ministre et je souhaite évidemment qu'il puisse y répondre. Là-dessus, bien, on attend vos questions.
La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Mme Jocelyne Richer, La Presse canadienne.
Mme Richer (Jocelyne): Oui, bonjour. Donc, si je comprends bien, si l'ADQ prend le pouvoir très bientôt, on efface tout, on recommence. Donc, on construit l'Hôtel-Dieu ailleurs. Donc, idéalement, selon vous, ce serait à quel endroit, à quel coût, et vous financeriez le projet comment?
M. Caire: Bien, écoutez, ce que l'on comprend, c'est qu'actuellement il y a minimalement 635 millions de disponibles en investissement, ça, c'est ce qu'on comprend, et, de l'aveu même du ministre, il n'est pas convaincu que ce 635 millions là est le chiffre final. Je réitère pour mémoire que nous devons voir le plan fonctionnel et technique, le plan d'affaires, pour avoir une évaluation beaucoup plus claire, beaucoup plus précise de ce qui est envisagé et des coûts qui sont rattachés à ça. Je ne vous cache pas que les échos de corridors commencent à parler de 735 millions, peut-être même 800 millions, comme coût final. Ça, c'est la clarification que je veux apporter.
Maintenant, dans le cas où effectivement un nouvel édifice, un nouvel hôpital serait envisagé, bien je vous donne le parallèle le plus récent: Pierre-Le Gardeur, 163 millions, 283 lits, là. J'ai toutes les données techniques de ce que ça a donné comme hôpital, et c'est 283 lits avec une possibilité déjà envisagée d'en rajouter 80 supplémentaires. C'est un hôpital flambant neuf, à la fine pointe de la technologie, moderne. Moi, je l'ai visité, c'est un très, très bel hôpital, très bel édifice.
Donc, on peut penser que cette perspective-là de coût pourrait être respectée, là, aux alentours de 200 millions, ce qui laisse encore de la marge de manoeuvre pour rénover l'Hôtel-Dieu, lui garder sa vocation hospitalière, mais hospitalière de proximité, et non pas en faire un centre oncologique suprarégional qui va amener un achalandage nettement plus important que si c'était un hôpital de proximité.
Et, pour ce qui est des différents lieux possibles, écoutez, entre l'autoroute Henri-IV et Robert-Bourassa, il y a différents terrains qui sont disponibles, et on peut penser aussi à la Ferme SMA, là, propriété du Centre hospitalier Robert-Giffard, donc qui est déjà un terrain très grand où on peut bâtir sans difficulté, avec un accès très facile, et qui est déjà propriétaire... le gouvernement est déjà propriétaire du site.
Mme Richer (Jocelyne): ...le financement.
M. Caire: Bien, écoutez, comme je viens de vous dire, vous avez 635 millions de disponibles, là. Alors, si vous bâtissez un hôpital, mettez 250 millions, si vous voulez, là, ça vous laisse 350 millions pour rénover l'Hôtel-Dieu. Quant à moi, vous en avez en masse puis même, à mon avis, là, vous pourriez faire des économies substantielles de cette façon-là.
Mais je vous réitère que ce projet-là, au moment où on se parle, le projet d'agrandissement et de rénovation de l'Hôtel-Dieu, nous ne savons pas quels sont les coûts. On nous parle de 535 millions plus 100 millions, donc 635 millions. Mais, de l'aveu même du ministre, il n'est pas sûr que c'est ça que ça va coûter. Et je réitère que le ministre doit rendre le plan fonctionnel et technique public pour que nous puissions avoir l'heure juste sur ce projet-là.
Mais, dans l'alternative au projet dont je vous parle, là, vous savez que vous avez une enveloppe de 635 millions qui est disponible.
Mme Richer (Jocelyne): ...sur la dette, ça. Non?
M. Caire: Pardon?
Mme Richer (Jocelyne): Ça va sur la dette du Québec?
M. Caire: Bien, ça va sur... c'est budgété, c'est à l'intérieur des budgets du ministère de la Santé.
Mme Thibeault (Josée): ...une partie qui va sur la dette. C'est dans le plan d'infrastructure.
M. Caire: Possiblement, possiblement, possiblement.
Mme Richer (Jocelyne): Autre question, rapidement. Ça ne vous dérangerait pas de vider le Vieux-Québec d'une de ses principales institutions?
M. Caire: Là-dessus, je vais apporter une correction immédiatement. Je ne parle pas de fermer l'Hôtel-Dieu, je parle de garder à l'Hôtel-Dieu sa vocation première qui est d'être un hôpital de proximité. Hein, c'est ça, la vocation de l'Hôtel-Dieu initialement, c'est un hôpital de proximité. Et en plus, sans vouloir entrer dans les grands débats techniques, l'Hôtel-Dieu est sur le site, le territoire du CSSS de la Capitale et qui ne possède pas d'hôpital, hein, contrairement aux 95 CSSS, là, à quelques exceptions près, du Québec, où vous avez un hôpital, un ou plusieurs CHSLD, un ou plusieurs CLSC, des cliniques, bon, des centres d'hébergement. C'est comme ça qu'on a réorganisé les soins sous M. Couillard. Le CSSS de la Capitale n'a aucun hôpital sur son territoire. Alors, l'Hôtel-Dieu pourrait facilement être intégré au CSSS de la Capitale.
La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Mais il faudrait quand même rénover le bâtiment.
M. Caire: Il faudrait quand même rénover le bâtiment, de toute évidence, parce que cet édifice-là est un édifice qui est vieux, qui a besoin de rénovations. Mais rénover un bâtiment dans une perspective d'en faire un hôpital de proximité et rénover un bâtiment et l'agrandir dans la perspective d'en faire un centre oncologique, un centre de traitement du cancer suprarégional, dans la portion du Québec où la population vieillit le plus rapidement, en termes d'investissements, en termes de besoins, en termes de prévisions d'achalandage, vous ne parlez pas de la même chose, pas du tout, là. Ce n'est pas les mêmes montants.
La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Josée Thibeault, Radio-Canada.
Mme Thibeault (Josée): C'est vrai qu'on ne parle pas de la même chose, parce que l'Hôtel-Dieu c'est déjà un centre suprarégional...
M. Caire: C'est-à-dire...
Mme Thibeault (Josée): ...c'est un centre d'excellence en cancérologie, en maladie rénale, ce n'est pas un hôpital de première ligne, c'est un hôpital tertiaire.
M. Caire: Oui.
Mme Thibeault (Josée): Vous ne parlez pas du tout de la même chose. Là, ce que vous dites, c'est qu'il faudrait que ça reste un hôpital... ça devienne un hôpital de première ligne et qu'on construise un centre de troisième ligne, suprarégional, à l'extérieur.
M. Caire: Tout à fait.
Mme Thibeault (Josée): On parle complètement d'autre chose.
M. Caire: O.K. Mais soyons clair: l'Hôtel-Dieu, là, on en a fait le centre d'oncologie, hein, sauf que, pour être capable de faire ça, pour être capable de réaliser... Parce qu'il y a une différence entre avoir l'étiquette et avoir la capacité d'assumer l'étiquette. Et, pour assumer cette capacité-là, ce qu'on veut faire avec l'Hôtel-Dieu, c'est le rénover de fond en comble, l'équiper et l'agrandir. Mais ça, ce n'est pas fait; ça, ce n'est pas une réalité; ça, c'est à faire. Et ce qu'on dit, là, c'est que, pour réaliser ça, ça va coûter beaucoup plus cher que si vous bâtissez un nouvel édifice et si vous rénovez cet édifice-là en lui redonnant une vocation d'hôpital de proximité.
Mme Thibeault (Josée): L'Hôpital Le Gardeur est un hôpital de première ligne, ce n'est pas un hôpital spécialisé.
M. Caire: Attention, Pierre-Le Gardeur a une vocation régionale.
Mme Thibeault (Josée): À vocation régionale, mais c'est un petit hôpital de... Ce n'est pas... On ne parle pas du tout de la même chose. On dirait que vous mélangez les choses. En tout cas, j'ai un petit peu de la difficulté à vous suivre.
Puis, quand vous parlez des coûts, je comprends que ça a augmenté; ça, il n'y a pas de doute là-dessus...
M. Caire: Bien, c'est de façon exponentielle, et ça va continuer.
Mme Thibeault (Josée): ...mais on s'entend qu'entre 475 et 535, si on en... Parce que, là, ils rénovent huit étages qu'ils ne devaient pas rénover, là, le 100 millions supplémentaire. Entre 475 puis 535 en un an, c'est quand même... On peut comprendre qu'ils ont pris des décisions, non?
M. Caire: Attention, là, le projet initial, c'est 173 millions.
Mme Thibeault (Josée): Oui, mais on ne parlait pas de rénover tout ce qui est mentionné dans...
M. Caire: C'est ça. Puis là on achète un nouvel édifice.
Mme Thibeault (Josée): Le projet était beaucoup plus petit qu'il l'est présentement.
M. Caire: Puis là on va creuser un tunnel qui n'existe pas, entre les deux édifices, on va rénover l'édifice qu'on vient d'acheter, l'édifice Collins qu'on vient d'acheter, ce qui n'est pas fait, on va rénover l'Hôtel-Dieu sur les huit étages, mais dans la perspective d'en faire un centre suprarégional. Parce qu'actuellement, oui, on y traite les cas de cancer, mais l'Hôtel-Dieu n'a pas la capacité de répondre à cette demande-là, là, c'est un hôpital, en raison des équipements, en raison de la vétusté des lieux, en raison, bon, de toutes sortes de facteurs, qui n'a pas la capacité de répondre à cette demande-là du CHUQ d'en faire un centre d'oncologie. Donc, il a l'étiquette, vous avez raison, mais... Ce que je veux dire: Il a l'étiquette, mais il n'y a rien dans la canne, là, présentement.
Alors, ce qu'on dit, là, c'est qu'on va l'équiper, on va l'habiller pour en faire un centre d'oncologie. Et ça, ce projet-là, là, c'est 535 millions plus 100 millions pour rénover les huit étages de l'hôpital... de l'Hôtel-Dieu, ce qui est nécessaire de toute façon. Moi, ce que je vous dis, là, c'est que 535 millions, là, si vous prenez Pierre-Le Gardeur comme hôpital qui est le corollaire - je comprends qu'il y a une inflation, je comprends que, bon, il y a toutes sortes de choses qu'il faut moduler, là; mais - vous avez un hôpital flambant neuf à 163 millions, flambant neuf. Il est moderne. Vous n'avez pas besoin d'agrandir les corridors, ils sont déjà aux normes. Vous n'avez pas besoin d'agrandir les portes.
Savez-vous combien il y a de chambres privées à l'Hôtel-Dieu? Parce qu'attention, là, vous parlez de personnes âgées, donc très vulnérables aux infections nosocomiales, et qui vont être atteintes du cancer, encore plus vulnérables, plus fragiles aux infections nosocomiales. Combien il y a de chambres privées à l'Hôtel-Dieu? Très peu. Elles sont strictement réservées aux cas d'isolement, et il y en a tellement qu'actuellement il n'y en a plus de disponibles.
Or, les normes, là, c'est du 60-40. Il faut avoir 60 % de chambres privées pour 40 % de chambres à lits multiples. Ça, ce sont les normes d'un nouvel hôpital. Est-ce qu'on va être capable de faire ça avec les 46 nouveaux lits? Je ne pense pas, je ne pense pas.
Mme Thibeault (Josée): Est-ce que...
M. Caire: Alors, qu'est-ce qu'on va faire? On va mettre la population qui est malade dans une situation de danger? Comment on va faire? On va fermer des lits? Il y a des chambres à lits multiples qui vont devenir des chambres privées? Qu'est-ce qu'on va faire avec ça pour répondre à ces normes-là qui devraient être encore plus strictes dans un centre d'oncologie, de traitement du cancer, parce que, je vous le dis, on parle de population doublement vulnérable à cause de leur situation physique et en raison de leur âge.
Mme Thibeault (Josée): Vous avez vu le genre d'annonce qu'ils ont fait hier. Vous faites une demande, aujourd'hui, de réviser... en fait de mettre à la poubelle ce qui a été annoncé et de... bien, en tout cas, de vraiment...
M. Caire: Au niveau de l'oncologie, au niveau...
Mme Thibeault (Josée): ...d'aller vraiment dans une autre direction.
M. Caire: Oui. Tout à fait, tout à fait.
Mme Thibeault (Josée): Comment vous évaluez vos chances de voir votre proposition accueillie, à tout le moins?
M. Caire: Bien, moi, je pense que c'est une bonne décision que d'arrêter le cours d'une mauvaise décision. Et ce que je pense, là, c'est que, si Yves Bolduc n'a pas envie de se transformer en clone de Philippe Couillard, là, il va prendre le temps de s'asseoir, de regarder le projet objectivement, de façon réaliste, comme on l'a fait, et il va se rendre compte qu'à chaque fois qu'on fait une annonce on ne la respecte pas. Quand M. Rouleau m'a dit: Aïe! 475 millions, là, on va contrôler nos coûts, bien tantôt vous me disiez: Oui, mais, écoutez, là, c'est juste 635 millions, c'est juste 100 quelques millions de plus, mais c'est 135... c'est 100 quelques millions de plus que les 200 millions de plus que c'était en 2006, que les 100 millions de plus que c'était en... Comprenez-vous ce que je veux dire? C'est que c'est...
Mme Thibeault (Josée): Ce n'est pas le même projet.
M. Caire: Bien, ce n'est pas le même projet, mais c'est parce que... Est-ce qu'on va découvrir d'autre chose? Quand on va ouvrir les murs, là, le filage électrique, ça va avoir l'air de quoi? La plomberie va avoir l'air de quoi? Quand on va creuser le tunnel, là, est-ce qu'on va avoir d'autre... Puis ma prétention, là - puis j'aimerais ça voir le plan fonctionnel et technique sur ce sujet-là; mais - ma prétention à moi, là, c'est que le 635 millions, là, c'est la pointe de l'iceberg. Moi, je pense que ce projet-là va nous coûter beaucoup, beaucoup plus cher.
Et, dans 20 ans et dans 30 ans, si la demande augmente de façon exponentielle comme c'est prévisible que ce soit le cas et qu'on a encore besoin d'agrandir l'Hôtel-Dieu, où est-ce qu'on va aller? Comment on va agrandir cet édifice-là? Qu'est-ce qu'on va faire? On ne peut pas bâtir d'étages, c'est impossible; on ne peut pas agrandir en largeur, c'est impossible; tout ce qu'on peut faire, c'est acheter de nouveaux édifices dans le coin. Il n'y a aucune possibilité pour cet édifice-là de prendre de l'expansion. Donc, s'il ne suffit plus à la demande, si les 46 lits supplémentaires ne sont pas suffisants, qu'est-ce qu'on va faire? Où on va aller? Comment on va régler le problème? On va envoyer les patients se faire traiter à Montréal parce que Québec ne sera pas capable de répondre à la demande, parce que Québec n'aura pas prévu que la demande pourrait être plus grande?
La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): M. Caire, hier, M. Bolduc disait que c'est deux projets complètement différents. Qu'est-ce qui vous fait faire la comparaison avec le CHUM, à Montréal?
M. Caire: Bien, ce qui me fait faire la comparaison avec le CHUM, c'est la volatilité des coûts. Écoutez, je comprends si on me dit: Bon, c'est des projets différents. Soit, je veux bien, mais, à chaque fois qu'on repense au projet, le coût explose de 200 millions. J'espère que ce ne sera pas toujours comme ça. Et, encore hier, le ministre a été incapable de nous affirmer, la main sur la Bible, que 635 millions, c'était final et définitif. C'était une approximation. Bien, écoutez, là, quand je regarde l'explosion des coûts d'un projet dont on est à l'étape de seulement discuter, là, moi, je suis inquiet, je suis extrêmement inquiet.
La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Philippe-Antoine Saulnier, Radio-Canada.
M. Saulnier (Philippe-Antoine): Mais là ce que vous dites, c'est quand même d'avoir deux hôpitaux au lieu d'un, là. On comprend que construire un hôpital presque en plein champ, ça coûte toujours moins cher, mais avoir deux hôpitaux au lieu d'un, vous multipliez les structures, etc., là.
M. Caire: Bien, «multipliez les structures», je ne suis pas sûr que je vous suis.
M. Saulnier (Philippe-Antoine): Bien, vous multipliez...
M. Caire: Je ne pense pas que ce soit une mauvaise nouvelle d'avoir un édifice, à Québec, un centre d'oncologie qui puisse répondre à des standards élevés de sécurité, de fonctionnalité et de capacité d'accueil, de modernité. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise... En tout cas, ça mérite d'être étudié.
M. Saulnier (Philippe-Antoine): Mais la logique, par exemple, qui a été prise à Montréal, de regrouper les services dans des grands établissements, ça, vous trouvez que ce n'est finalement pas une bonne idée, qu'il vaut mieux en faire deux plutôt qu'un.
M. Caire: Bien oui. Non, c'est parce que c'est exactement ce que je dis. Suivez-moi bien. Je ne dis pas que l'Hôtel-Dieu doit continuer à être en centre de traitement du cancer, un centre d'oncologie, je dis que l'Hôtel-Dieu doit continuer avec sa mission d'hôpital de proximité. Il n'y a plus d'oncologie là, là. Si vous construisez un nouvel édifice, vous en faites votre centre d'oncologie, votre hôpital de troisième ligne et même quatrième ligne, surspécialisé, vous le faites là, rattaché au CHUQ, donc dans les mêmes conditions administratives, et de pratique, et d'enseignement, mais sauf que, là, vous avez un édifice facile d'accès, capable de prendre de l'expansion, aux normes non seulement de sécurité, mais de construction et avec une capacité d'accueil, et de modernité, et de traitement beaucoup plus grande.
M. Saulnier (Philippe-Antoine): Et là vous dites que de rénover - quand on se lance dans un projet dans le Vieux-Québec, il y a quoi, 45 millions de dollars qui servent uniquement à des questions architecturales - mais, si vous voulez faire des travaux à l'Hôtel-Dieu pour le maintenir quand même dans les normes, il va quand même falloir dépenser de l'argent, là. Vous n'économisez pas grand-chose.
M. Caire: Ce que je comprends, là, c'est que la mise à niveau, la rénovation de l'Hôtel-Dieu, c'est 100 millions, alors ce sera 100 millions. Mais ça laisse 535 millions disponibles pour faire autre chose avec le centre d'oncologie. C'est la répartition des budgets telle que je la conçois, telle qu'elle nous a été annoncée par le ministre, là, c'est ça. La rénovation des huit étages de l'Hôtel-Dieu, c'est 100 millions. Or, 100 millions, pas de problème, on mettra 100 millions pour que l'hôpital soit sécuritaire, soit au norme, soit capable d'accueillir et de suivre sa vocation d'hôpital de proximité.
Mais, est-ce que, considérant l'ensemble de ce que je vous dis, c'est un bon investissement que de mettre 535 millions de plus à la même place pour en faire, en plus d'un hôpital, un centre suprarégional en oncologie?
Mme Thibeault (Josée): ...ne permet pas de rénover l'urgence non plus, c'est seulement les huit étages, ça ne rénove pas les salles d'opération, ça ne rénove pas l'urgence, alors que c'est dans le projet aussi.
M. Caire: Sauf que...
Mme Thibeault (Josée): ...que ce soit fait.
M. Caire: ...actuellement, si vous changez la vocation de l'hôpital, c'est-à-dire que, si vous poursuivez dans sa vocation de centre d'oncologie, il y a une question de volume, là. Vos besoins ne sont pas les mêmes pour un hôpital de proximité que pour un centre oncologique suprarégional. La base de mon discours, c'est ça, là. Et en l'intégrant au CSSS, bien sûr qu'à chaque année il y aura des améliorations à apporter à la bâtisse, comme normalement on devrait le faire pour n'importe quel édifice dans le réseau. Vous avez un entretien à faire, c'est normal, c'est logique. Celui-là a des considérations particulières, on en est très conscients, mais, oui, il faut rénover l'urgence, mais il faut rénover l'urgence dans bien des hôpitaux du Québec, là. Je veux dire, c'est une réalité d'un hôpital, et cet hôpital-là va vivre la même réalité que les autres hôpitaux.
Mais ce que je dis, là, c'est qu'en faire un centre d'oncologie avec tout ce que ça comprend, là, vous avez parlé de néphrologie tantôt, effectivement tout ce que ça peut comprendre, l'enseignement, des médecins spécialistes, et tout ça. c'est là où vous dépassez largement la capacité de l'édifice, eu égard à l'endroit où il est, eu égard à son... eu égard à un ensemble de facteurs. Vous dépassez sa capacité et, pour l'avenir, vous hypothéquez votre capacité à réagir à la demande.
M. Saulnier (Philippe-Antoine): Quand vous parlez du nouveau lieu où vous installeriez ce centre d'oncologie, vous êtes assez vague, là, entre Henri-IV et Robert-Bourassa ou sur le site de la ferme SMA, là. Puis vous savez comme moi qu'à Montréal les débats sur la localisation du CHUM, ça a duré des mois et des mois, et on n'en est presque pas sorti. Alors, si on se lance dans ces débats-là à Québec et puis à Montréal enfin il y a toujours des gens qui sont insatisfaits, alors on va l'avoir quand, notre nouvel hôpital?
M. Caire: Bien, d'abord, c'est deux contextes complètement différents, là. Je pense que les impératifs à Québec, les impératifs de Montréal sont assez différents, ne serait-ce que la question des communautés linguistiques. Vous admettrez avec moi que ce n'est pas un problème qu'on a à Québec, là. Et ensuite, sur le débat, nous, on suggérait le terrain du Centre hospitalier Robert-Giffard parce que le gouvernement est déjà propriétaire de ce terrain-là et parce que les conditions de sol sont connues. Donc, il n'y a pas les mêmes surprises, il n'y a pas les mêmes impératifs. Moi, je pense que c'est deux dossiers assez différents.
Et, sur la question de quand est-ce qu'on aura l'hôpital, bien, écoutez, là-dessus, n'étant pas le ministre de la Santé et des Services sociaux, je ne peux pas présumer de quelle sera sa décision. Mais, si le ministre décide d'arrêter le projet puis de réévaluer le projet, ce que je vous dis, c'est que d'abord, nous, on n'est pas les premiers à dire que l'Hôtel-Dieu n'est peut-être pas le meilleur endroit pour investir. Il avait déjà été question de ça il y a deux ans. Alors, moi, je pense qu'on peut quand même respecter des délais raisonnables, puis les délais de construction seraient les mêmes, là, à l'intérieur de cinq ans. Donc, plus vite on prend la décision, plus vite on réorganise le projet, bien plus vite on a l'hôpital.
La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Marie-Ève Perron, TQS.
Mme Perron (Marie-Ève): J'avais une question concernant le PEPS. Hier, le ministre Cannon a dit qu'il n'y aurait pas d'investissement tant que les élections complémentaires n'étaient pas passées. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?
M. Caire: Bien, écoutez, M. Cannon m'a fait grincer des dents, hier, je peux vous le dire. Lors de la dernière campagne électorale, c'était tout drôle de voir M. Cannon et M. Charest, main dans la main, à faire des annonces, puis ce n'était pas l'élection générale qui les arrêtait. Alors, non, je ne suis pas certain, là, que M. Cannon, hier, a fait une déclaration qui est... en tout cas, moi, à mon avis, là, me convient, là. Qu'on fasse l'annonce au plus vite, qu'on laisse aller, là, tous ces débats de campagne électorale partielle, peu importe. Nous, on la donne, notre... Allez-y, faites-la, l'annonce, même si on est en pleine campagne, ça ne nous dérange pas. La déclaration de M. Cannon, hier, m'a fait un petit peu grincer des dents, là.
La Modératrice (Mme Malorie Beauchemin): Ce sera tout? Merci, messieurs.
M. Caire: Merci.
(Fin à 11 h 3)