Point de presse de M. Richard Merlini, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie
Version finale
Le jeudi 12 juin 2008, 16 h 04
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Seize heures quatre minutes)
M. Merlini: Alors, bonjour à vous tous. Le Bureau de la concurrence découvre un cartel sur l'essence au Québec. On voit aujourd'hui qu'un bureau fédéral a agi sur un questionnement que plusieurs, sinon tous les consommateurs du Québec, avaient à l'esprit, c'est-à-dire: Est-ce qu'on paie un prix juste pour notre essence? Et, moi, comme député à l'Assemblée nationale, je me questionne aujourd'hui sur la position de la Régie de l'énergie. Où était la Régie de l'énergie dans tout ce dossier-là? Parce que la régie, dans sa loi, a des pouvoirs de surveillance. Par exemple, l'article 55 de la loi de la régie parle que «la régie surveille, dans les diverses régions du Québec, les prix des produits pétroliers...»
Ensuite de ça: «À cette fin, elle peut exercer un pouvoir de surveillance, d'inspection et d'enquête concernant la vente ou la distribution de la vapeur ou des produits pétroliers, les prix, les taxes et les droits qui ont été exigés et payés. Elle doit également faire enquête lorsque le gouvernement lui en fait la demande et le montant des dépenses qu'elle encourt, pour une telle enquête, est à la charge du gouvernement.
«La régie peut - c'est l'article 56; la régie peut - en tout temps ordonner à toute personne de lui fournir tout renseignement requis concernant ses ventes ou ses distributions de vapeur ou de produits pétroliers, les prix, les taxes et les droits qui ont été exigés ou payés.»
Et finalement, à l'article 57: «La régie donne, de sa propre initiative ou à la demande du ministre, des avis au gouvernement ou au ministre concernant les prix de la vapeur ou des produits pétroliers.»
La question que je me pose: Est-ce que la régie avait fait ses enquêtes? Est-ce que la régie a donné des avis au gouvernement? Si oui, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas réagi aux avis donnés par la régie? Sinon, pourquoi le gouvernement, qui, lui, cherche à défendre les gens et à dire qu'on va protéger les gens justement de ces fluctuations-là, pourquoi le gouvernement n'a pas agi, n'a pas demandé lui-même aussi à la régie? On voit clairement qu'une enquête qui a duré deux ans par le Bureau de la concurrence... On voit clairement que notre gouvernement, ici à Québec, a dormi au gaz. Si le gouvernement est si préoccupé par nos familles, pour nos familles, je devrais dire, pour nos entrepreneurs, pour les consommateurs du Québec, il aurait dû demander de lui-même à la régie de faire enquête sur ces choses-là qui se sont produites, que le Bureau de la concurrence a découvert aujourd'hui un cartel sur l'essence au Québec. Le fédéral, le gouvernement fédéral, de par son Bureau de la concurrence, a agi, a pris ses responsabilités dans ce dossier-là. Le gouvernement libéral, lui, a choisi de dormir au gaz. On les savait paresseux, on l'a dénoncé, qu'ils étaient paresseux, et maintenant, aujourd'hui, on le sait, qu'il dort au gaz, d'après ce qui est arrivé avec le Bureau de la concurrence.
M. Deschênes (Alexis): Est-ce que la régie a le pouvoir de déposer des accusations, à votre connaissance?
M. Merlini: La régie a le pouvoir de donner des avis au gouvernement. Et là c'est au gouvernement, ensuite de ça, de faire les mesures qui s'imposent, de soit aller au niveau du Bureau de la concurrence qui, elle, peut... le Bureau de la concurrence peut, à ce moment-là, faire ce qu'il a fait aujourd'hui, c'est-à-dire déposer des accusations au criminel. C'est quand même une enquête qui a duré deux ans, alors c'est des faits assez troublants, comme je disais au début, qui feront suite à ce que tous les gens se questionnent présentement, au Québec, à savoir que, quand on fait le plein, est-ce que c'est le bon prix, est-ce que c'est le vrai prix que je devrais payer pour mon essence? Alors, aujourd'hui, c'est qu'est-ce que le Bureau de la concurrence nous apprend.
M. Deschênes (Alexis): Mais quel est le problème, dans le sens où le Bureau de la concurrence a fait le travail, et les citoyens qui ont été floués, semble-t-il, on a pu un peu débusquer le cartel?
M. Merlini: Bien, ça a pris un bureau fédéral pour régler un problème au Québec, alors qu'on a une régie de l'énergie au Québec, on a un ministre des Ressources naturelles, on a un gouvernement libéral qui dit qu'il veut protéger les consommateurs, de protéger les intérêts des Québécois et des Québécoises. Et qu'est-ce qu'on a aujourd'hui? C'est un gouvernement fédéral, c'est le Bureau de la concurrence fédéral qui a réglé le problème, qui a trouvé le problème et là qui dépose des accusations au criminel. Alors, encore une fois, la régie sert à quoi, dans ce cas-là? La régie sert à quoi?
Et pourquoi, si la régie a émis des avis au gouvernement - c'est la question que je me pose très sérieusement, aujourd'hui, comme député à l'Assemblée nationale - pourquoi que le gouvernement n'a pas agi? Si elle n'a pas fait d'avis, si elle n'a pas fait d'étude, bien la régie, qui est un institut de statistiques dans le domaine pétrolier, qui, elle, par exemple, fixe les prix planchers, qui fixe les coûts d'acquisition de l'essence au Québec, doit bien voir ce qui se passe dans les marchés, elle a elle-même toutes ces informations-là de disponibles. Alors, si elle le voit dans ces études de statistiques là, comment ça se fait qu'elle n'a pas émis d'avis? Comment ça se fait que le gouvernement lui-même ne s'est pas réveillé à cette question-là et n'a pas demandé à la régie d'enquêter?
Mme Biron (Martine): Est-ce que vous avez la certitude que la régie n'a pas émis d'avis? Parce que le ministre a quand même envoyé une lettre à Ottawa, en juin l'année dernière, il y a un an, demandant au ministre fédéral d'élargir le mandat du Bureau de la concurrence. Alors, il y avait visiblement une inquiétude du ministre québécois qui voulait avoir un mandat un petit peu plus large du Bureau de la concurrence.
M. Merlini: Tout à fait, s'il cherchait à aller de ce côté-là pour justement aller voir des accusations du côté criminel, sachant que la régie ne pouvait pas le faire. Mais, pendant ce temps-là, la régie aurait pu quand même surveiller, et enquêter là-dessus, et remettre ces avis-là au gouvernement, et remettre ces avis-là probablement au Bureau de la concurrence par après, suite à ce que le ministre...
Mme Biron (Martine): Mais est-ce que vous avez la certitude que la régie ne l'a pas fait?
M. Merlini: La certitude que la régie ne l'a pas fait? Non. C'est la question que je me pose aujourd'hui. Est-ce que la régie, pendant cette enquête-là de deux ans... a-t-elle été contactée par le Bureau de la concurrence? A-t-elle été demandée de remettre des rapports? Parce que, comme je disais, eux autres recueillent des statistiques à n'en plus finir sur les fluctuations de prix, sur les prix de l'essence dans tous les différents marchés du Québec. Alors, dans les propos de la commissaire, elle parlait d'une augmentation de 0,01 $ de plus qu'ils ont réussi à faire, à voler aux consommateurs. C'était 2 millions en argent. Jamais je ne croirai que la régie ne peut pas s'apercevoir de telles choses dans les marchés spécifiques qui ont été visés aujourd'hui.
M. Deschênes (Alexis): Alors, vous lui demandez, à la régie, quoi, de faire davantage d'enquête dans l'avenir?
M. Merlini: Bien de faire... Elle a, dans sa loi, le pouvoir de le faire. Alors, est-ce qu'elle l'a fait? Est-ce qu'elle a remis des avis au gouvernement? Est-ce que le gouvernement lui a demandé de le faire? Je le disais tantôt, le gouvernement dort au gaz là-dessus. Le gouvernement aurait pu de lui-même, voyant ce qui se passe dans le marché, voyant le questionnement de la population, voyant les réactions de tous les gens, que ce soit dans les différentes industries de transport en commun, ou de taxis, ou de camionneurs artisans, voit la réaction... Alors, le gouvernement qui ne dort pas au gaz, un gouvernement qui est responsable, un gouvernement qui travaille, qui fait les efforts nécessaires peut avoir un impact. Les gens disaient tout le temps: Bien, qu'est-ce que le gouvernement peut faire vis-à-vis les prix de l'essence? Bien, voyez, la Loi de la régie le dit: La régie peut faire enquête, peut vérifier ce qui se passe de ce côté-là et remettre des avis.
Mme Biron (Martine): M. Merlini.
M. Merlini: Oui.
Mme Biron (Martine): Vos accusations apparaissent très gratuites parce que vous ne savez pas s'il n'y a pas eu des avis. On sait que le ministre a envoyé une lettre. On a la copie, elle est publique. Vous faites des accusations comme quoi le gouvernement n'a rien fait. Vous ne le savez pas. Pourquoi vous faites des accusations?
M. Merlini: Je pose la question. C'est mon rôle de parlementaire de l'opposition officielle de poser ces questions-là, de vérifier: Est-ce qu'il y a eu action qui a été faite? Parce que, là, ça a pris une agence fédérale pour découvrir un problème de cartel d'essence au Québec, alors qu'on a une Régie de l'énergie qui est là, qui est un outil à la disposition du gouvernement, qu'ils peuvent s'en servir. Le ministre n'arrêtait pas de clamer que la régie était indépendante, mais la loi le dit clairement, que la régie a ces mandats-là, pouvait le faire. Et la régie pouvait remettre, à la demande du ministre, des avis concernant ces travaux-là. Est-ce qu'elle l'a fait? C'est la question que je pose aujourd'hui.
À chaque fois que je posais des questions en commission parlementaire: Vous remettez en question la régie. Pas du tout. Servons... On doit se servir de la Régie de l'énergie, elle est là, sa loi lui permet de faire ça. Est-ce que le gouvernement assume ses responsabilités ou non? Bien, aujourd'hui, on voit clairement que le gouvernement ne l'a pas assumé parce que ça a pris une agence fédérale du gouvernement fédéral pour trouver qu'il y avait un cartel au Québec.
Mme Biron (Martine): Mais vous n'êtes pas content quand même que ce cartel-là ait été mis au jour?
M. Merlini: Bien, effectivement, de se faire... On sait déjà que l'essence coûte cher. On le sait, qu'on laisse déjà notre portefeuille à la pompe. Aujourd'hui, là, on a découvert qu'on n'y a pas laissé seulement notre portefeuille, on a laissé nos sous-vêtements, notre chemise, notre cravate, notre veston, et tout le restant. Et ça, c'est épouvantable. Et ça, c'est condamnable, et c'est pour ça que ce que le Bureau de la concurrence a fait pendant deux ans, c'est cette étude-là qui amène des accusations criminelles aujourd'hui. Ces gens-là devront répondre à ces accusations-là.
M. Deschênes (Alexis): Est-ce que ça vous a surpris, la découverte de ce cartel?
M. Merlini: Comme je disais au début, les gens se questionnent. Je suis un consommateur comme vous, je me pose la question: À chaque fois qu'on fait le plein, est-ce que le prix est juste? C'est-à-dire, est-ce que c'est vraiment le prix qu'on devrait payer pour notre essence en ce moment ou est-ce que les pétrolières en profitent? Et effectivement ce n'est pas une surprise, dans un certain sens, parce que les gens, quand... À force de se questionner, tu dis: Ça se peut pas! Ça se peut pas! Ça se peut pas!
Écoutez, le prix d'acquisition mondiale, en ce moment, est autour de 0,98 $ le litre; au Québec, le coût d'acquisition, en ce moment, il est autour de 1,30 $. Mondialement, c'est 0,98 $, ici, c'est 1,30 $. On se pose la question: Pourquoi? Si le coût de l'acquisition est à 1,30 $ puis c'est 1,50 $ à la pompe, je veux bien, mais, à quelque part, on est en droit de se questionner là-dessus. Et aujourd'hui, bien, la réponse qu'on a, grâce à une agence fédérale, c'est qu'effectivement il y a eu, dans des endroits très précis au Québec, des gens qui en ont profité.
M. Deschênes (Alexis): Est-ce que ce serait peut-être plus généralisé encore, vous croyez, que ce qui vient d'être découvert?
M. Merlini: Bien là, ce qui a été découvert, c'est suite à une enquête très précise, avec des méthodes très précises, que le Bureau de la concurrence a expliquées dans sa conférence de presse pour arriver à ces accusations-là aujourd'hui. Parce que ce n'est pas quelque chose qu'ils prennent à la légère, c'est une procédure qui est très sérieuse. Ce sont des accusations très sérieuses au criminel, alors on ne peut pas prendre ça à la légère. On ne peut pas y aller d'une façon facile et dire: C'est étendu à la grandeur de la province. Sauf que ça envoie un signal très clair, aujourd'hui, que les tricheurs et les profiteurs seront mis au pas. Encore une fois, je le dis, ça a pris une agence fédérale, alors qu'on en a une ici, qui s'appelle la Régie de l'énergie du Québec, qui aurait pu faire enquête là-dessus, aurait pu remettre ses avis au ministre, aurait pu remettre ses avis au Bureau de la concurrence justement pour faciliter la procédure. Yes, sir.
M. Duboyce (Tim): How concerned are you that, if the Québec Energy Board did carry out this roll in section 56 and ask these questions, that they might even find more examples of what the Federal Competition Bureau unveiled today? Do you think that there are other examples of this going on right now in Québec?
M. Merlini: Are there other examples? The question is very valid, because what I was saying is that: Did the Energy Board make such inquiries? And, if it did, how much did it find? How much did it give notice to the Government that: Look, we found this? Because they compile huge amount of statistics on gas prices all over the province. And, from that, they have the expertise to know that something is going wrong in a particular market, or that market, or the other market. Or is it widespread? I don't know. Every time I questioned the Minister about the Régie de l'énergie, the Energy Board, he seems to think that I was questioning the existence or the pertinence of having an energy board. I said: Not at all! This is a tool that we should use, that the Government has in his toolbox to look at the situation of gas prices to help the consumers.
Now, if the Government was that concerned about families and consumers across the province: Take notice of what your Energy Board is saying. Did the Energy Board say something to the Government? That's the question I'm asking today. Because the articles are quite clear: the Energy Board has the power to do so.
M. Duboyce (Tim): The Government would argue that the legislation they tried to bring forward last fall on the transparency of fuel prices might have helped fix a problem like this, and your party voted against that legislation. Does this today make you think maybe we should have that legislation placed after all?
M. Merlini: No, not at all. Because a legislation that was as it was written would have brought higher fuel prices at the pump. And that clearly is not in the best intentions of families and consumers across the province. This would not have prevented what has been discovered today by the Federal... by the Competition Bureau of Canada - thank you; by the Competition Bureau of Canada - so in that essence, not to play on words, but in that aspect it would not have changed what has happened. And this is an enquiry that took two years, events that took place, you know, between 2003 and 2005, we're talking under a Liberal regime here. The Energy Board was still in existence, these clauses, these articles were still on application here. Are other documents somewhere saying that: Look, Mr Minister, Mr Government, we noticed these things, do what you wish with this but we've noticed these things?
And, on the other side of the equation, as I said earlier, the other side of the equation is: as a Government, if you're there to promote the best interest of families, of businesses, of consumers across the province, you know that the gas prices are expensive, you know that you're leaving your wallet there at the pump every time you fill up. You don't want to leave your shirt or your underpants too. And if you're that concerned, and I am concerned as a member of the National Assembly, you say: Let's wake up here, let's see if there's anything we can... and we have the tool to do it.
M. Duboyce (Tim): I just want to ask one last one. At the very foundation of the question you're asking today, I think a lot of people would say to themselves: The Competition Bureau of Canada belongs to Quebeckers as much as it does to everybody else; we're paying our taxes for this service. So what's wrong with them filling that hole and providing that service for us here?
M. Merlini: They have authority, they have sort of speak authority to bring down these criminal accusations. The Energy Board here in Québec does not. Nevertheless it does not excuse the fact that the Government was asleep at the gas pedal, asleep at the switch, that with this tool, with this Energy Board, they could have discovered it, transmit that information to the Competition Bureau to help them in their investigation. They must have known that this investigation was going on.
The investigation process is very clear and very methodical, the commissioner explained it in a press conference, the Government must have been aware, and I'm sure that the Energy Board would have transmitted any information that was pertinent. And Heaven knows they have tons of statistics and tons of information regarding these gas prices from the price that you pay, the price that it costs to buy the fuel, and so fourth and so on. That information is already there.
M. Duboyce (Tim): Would it be accurate for me to say that you are asking the Government to direct the Energy Board to seek more examples of this to make sure that this isn't...
M. Merlini: I'm asking the Government to wake up and finally get to work for the consumers and for the families of Québec and to say: Look, we know that this is causing a lot of anguish right now and we're gonna look into this. We have an Energy Board that can look into this, we're gonna give them the mandate, we're gonna ask them to specifically look into this and report back to us on this. And we'll take appropriate steps after, not by simply saying: Here is a bill on transparency that we're going to try to put in this process, that people are going to call a 1 800 number and say: Today, our gas price went up because of this, that and other reasons. But what do you do? A penny, an extra, a simple extra penny, the commissioner said, cost consumers $200 million.
Journaliste: 2 million.
M. Merlini: 2 million, sorry, yes. $2 million. Thank you. You get sort of excited about it. Merci beaucoup. Thank you very much.
(Fin à 16 h 19)