Point de presse de M. Gilles Taillon, porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances
Version finale
Le jeudi 17 avril 2008, 15 h 11
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Quinze heures onze minutes)
M. Taillon: Alors, messieurs dames, bonjour. Merci d'être présents. Je vais rapidement introduire le sujet et remettre la parole à M. Viel, qui va vous présenter les gens qui nous accompagnent.
Nous, à l'ADQ, nous avons décidé de soutenir les 9 200 investisseurs de Norbourg qui ont été floués dans le scandale que l'on connaît, parce que l'on pense qu'il y a une responsabilité gouvernementale évidente. Les deux partis qui ont occupé le gouvernement depuis 2001 ne peuvent pas se dissocier de la situation. Les gens ont investi dans un fonds qui était parrainé, soutenu par la Caisse de dépôt. Il y a des transactions qui ont été faites par la Caisse de dépôt qui ont été avalisées par la Commission des valeurs mobilières à l'époque. Il y a même des investisseurs qui se sont fait dire, par exemple le Curateur public, d'investir dans ces fonds-là parce que c'est des fonds qui étaient très sécures, et on a eu le résultat que l'on connaît. Donc, on ne pense pas que le gouvernement puisse se dissocier d'une responsabilité. On demande une réparation. Il y a différentes façons de réparer. Et on demande aussi une enquête publique qui pourrait permettre bien sûr de définir... d'aller chercher les coupables et de récupérer l'argent. On pourrait donc aider immédiatement les investisseurs et, par la suite, obtenir justice, aller chercher les fonds qui ont été dérobés et pouvoir se rembourser de l'investissement gouvernemental.
Donc, en gros, c'est un peu la position que l'on défend, c'est un peu la position que l'on a, on ne lâchera pas là-dessus : aide, compensation, enquête publique. On veut avoir toute la lumière dans cette affaire-là. Et on a des motifs importants de croire qu'il y a matière à enquête parce qu'il y a des faits assez troublants, j'aurai sans doute l'occasion d'y revenir à des périodes de questions subséquentes à l'Assemblée.
M. Chartrand (Yves): Juste une information de base. De combien de personnes... Il y a combien de personnes et il y a combien d'argent?
M. Taillon: Bien, on a établi... il y a 9 200 investisseurs, hein, qui sont touchés, puis on parle d'à peu près 80 millions de dollars. Ça a été établi comme ça lors du procès. On parle d'un 80 millions à aller récupérer. Mais je vais permettre à M. Viel de nous présenter les gens qui l'accompagnent, qui sont les représentants du groupe, qui ont déposé d'ailleurs le document à l'Assemblée nationale, cet après-midi, de vous présenter un petit peu la situation, l'état de l'affaire. Et je pense qu'ensuite on ira avec des questions qui pourront très bien s'adresser ou à moi ou à ces personnes-là. Vous allez avoir le fin fond de l'histoire une fois que vous allez les avoir entendues. Merci beaucoup.
M. Viel (Gilles): Alors, bonjour, mesdames messieurs. Alors, mon nom est Gilles Viel. Nous sommes quatre des cinq personnes qui avons passé devant le juge Claude Leblond, au mois de décembre dernier, dans le procès de Vincent Lacroix, d'AMF contre Vincent Lacroix. Alors, je vais vous présenter Michel Vézina, qui est ce retraité carrossier qui est retourné au travail suite à ses déboires avec les fonds Évolution. M. Réal Ouimet, ex-policier de Bromont, qui effectivement est retourné comme moniteur de ski parce qu'il a perdu également ses épargnes dans les fonds Évolution. M. Jean-Guy Houle, qui est ce grand-père que vous avez tous entendu parler, qui était tuteur de ses deux petites-filles suite au décès de son fils et qui effectivement avait également investi les fonds de ses petites-filles dans les fonds Évolution.
Il y a également une personne qui n'est pas ici, mais qui est avec nous autres, qui s'appelle Diane Ruest, qui est cette retraitée de Rimouski qui prenait soin de sa soeur et qui, elle aussi, a dû retourner... qui travaille en ce moment dans un centre d'appels à Trois-Rivières. J'ai également M. John Tardif. M. John Tardif, plusieurs le connaissent ici, M. John Tardif devient pour nous une importante personne coopérative sur le terrain sur lequel nous nous enlignons.
Nous sommes revenus ici, aujourd'hui, pour une simple et bonne raison, c'est que tout commence ici. En 1996, on dit: Il y a 85 milliards d'épargnes des Québécois qui s'en vont hors Québec. On voudrait les rapatrier. On dit au mandataire de l'Assemblée nationale, la caisse: Il est important d'avoir un bras financier qui va s'appeler Capital Teraxis pour que les épargnes des Québécois restent ici, au Québec. On crée Capital Teraxis inc. à même la caisse. On fait deux compagnies, on en fait deux: on en fait une qui s'appelle fonds Évolution inc., qui est un rapatriement d'épargnes qui venaient par exemple des fonds Valorem, de la Mutuelle SSQ et de bien d'autres entreprises; on fait également un autre bras financier qui s'appelle Groupe financier Partenaires Cartier, qui sont les distributeurs.
Alors, on dit aux Québécois: Voilà le contenant, fonds Évolution inc., et voilà les gens qui vont aller vous voir pour vous solliciter pour qu'une partie de vos épargnes, au lieu de traverser l'autre frontière, en haut ou en bas, ou à gauche ou à droite, reste ici au Québec. Jusqu'en 2003, jusqu'au 19 décembre 2003, nous étions tous, tous et chacun membres de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Nos épargnes étaient chez nous, au Québec, en obligations ou en actions, mais chez nous, au Québec. Le 19 décembre 2003, pour des raisons qu'on ne sait pas, qui s'est fait tout à l'intérieur de la caisse, on est partis, on nous a envoyés ailleurs. Il y avait deux compagnies, Groupe financier Capitale, Groupe financier Partenaires Cartier, ça, c'est parti chez Dundee Wealth Management, de Toronto, 125 millions qu'ils ont payé. Il y avait un cabanon, 4 millions, une valeur de 4 millions qui s'appelait les fonds Évolution inc., et ça, on l'a transféré à Vincent Lacroix.
Ici présent, le 19 décembre 2003 - vous avez ça dans Internet - un avis a été donné pour faire en sorte, pour dire: Ça va être bénéfique pour les Québécois. 18 mois plus tard, zéro, il ne reste plus rien, il ne reste plus rien. Le 31 décembre 2004, il y a 12,5 millions dans les fonds d'obligations, et c'est signé par KPMG, et c'est supposément assuré par des fiduciaires. Six mois plus tard, le 25 août 2005, tout est gelé, il n'y a plus rien, il n'y a plus un fonds.
Alors, nous, on est venus dire, nous, là, les 9 200, là, on a fait confiance à qui? Au mandataire de l'État, c'est comme ça qu'on est rentrés. Et le 19 décembre, on nous a dit: Là, vous n'êtes plus là, vous êtes dans une famille reconstituée, et on vous donne officiellement la bénédiction, tout est beau, AMF, Caisse de dépôt et, par ricochet, l'Assemblée nationale, puisque personne n'a dit que c'était mauvais. Mais, 18 mois plus tard, le bateau a coulé. On est 9 200 naufragés en pleine mer avec nos ceintures de sauvetage. On a vu un bateau arrivé, il en a récupéré 900, il a dit: Ces 900 personnes là, vous autres, là, vous avez investi dans Norbourg, vous autres, on paie. Nous autres, on a investi dans la Caisse, zéro. On a zéro. Ça fait 18 mois de ça, là. Ça fait 18 mois, exactement 18 mois, depuis le 25 août 2005, et on est tous sur le marché du travail. On retourne travailler parce que nos épargnes sont parties.
On est venus déposer ici une demande officielle. On veut, on veut, dans la foulée de ce qui est sorti au mois de décembre dernier, dans lequel des opinions ont été données sur la place publique: Êtes-vous favorables, Québécois, à ce que les épargnants des fonds Évolution soient remboursés par celui par qui est arrivée la transaction? Et les gens à 80 %, 70 % ou, peu importe, disent, oui. Un de vos confrères à La Presse a dit: Le Québec doit rembourser. Et, je regrette, on va continuer de le dire: On veut être remboursés. On veut devenir... on veut subroger l'État à nos droits. Qu'ils poursuivent qui ils veulent, mais, ce n'est pas compliqué, effectivement qu'ils nous remettent ce dont on avait versé.
M. Robert Plouffe: M. Viel, on va permettre de poser des questions, parce qu'il va falloir libérer la salle pour d'autres groupes, si vous le voulez bien. Alors, moi, je veux savoir, M. Viel, aujourd'hui, vous avez entendu Mme Jérôme-Forget qui a dit: Il n'est pas question que les taxes des Québécois paient pour vous. Qu'est-ce que vous dites de ça?
M. Viel (Gilles): Elle a parfaitement raison. Les taxes des Québécois n'ont pas d'affaire à servir à ça. Ce qu'on dit, nous autres, à la Caisse de dépôt par qui sont arrivés nos dépôts, nos dépôts ont été faits là, on dit: Faites un fonds. Faites un fonds. Faites-en un, fonds. Combien vous nous devez, là, avec tout ce qu'il y a eu comme gel au mois d'août 2005? Alors, M. Plouffe, on leur dit: Mettez... Faites un fonds, créez un fonds, puis on va vous subroger à nos droits, et Caisse de dépôt, AMF, Assemblée, poursuivez. Poursuivez effectivement qui vous voulez pour récupérer ces argents-là. Ce n'est pas à nous d'attendre effectivement de recevoir cette somme-là, c'est à l'État effectivement par qui on a eu confiance de nous donner, de nous redonner cette confiance-là, à savoir de récupérer les sommes qui ont été versées.
M. Boivin (Mathieu): C'est 80 millions que vous espérez, que vous espérez...
M. Viel (Gilles): Écoutez, on n'est pas des comptables, là, c'est 136,4 millions, le 19 décembre 2003, 136,4 millions qui ont été transférés à Vincent Lacroix. Là, là, vous dire...
M. Boivin (Mathieu): ...fonds Évolution, là, si je comprends bien.
M. Viel (Gilles): C'est ça. Tout l'ensemble des fonds Évolution. Cet argent-là, là, il y en a qui a été gelé. On a parlé de 70, 75, 80. Là, avec les mandataires, on ne sait plus ce qu'il reste. On ne le sait pas. Je serais en peine de vous dire, monsieur, combien d'argent... Moi, je sais quel montant j'avais le 25 août 2005, mais là je ne le sais plus, là. Il y a des gens qui sont... des argents qui sont revenus, d'autres qui sont repartis. On ne le sait pas. On estime 80 millions pour régler le dossier.
Le Modérateur: M. Plouffe, peut-être.
M. Plouffe (Robert): Est-ce qu'une enquête publique pourrait améliorer, M. Taillon?
M. Taillon: Écoutez...
M. Plouffe (Robert): Parce que... - prenez le micro, parce qu'on va en avoir besoin pour le son - parce qu'il y a M. Lacroix qui est en prison, à la suite d'un procès.
M. Taillon: En fait, là, nous, on pense qu'il y a des solutions possibles qui n'affecteront pas les fonds des contribuables. Il s'agit de se créer un fonds d'indemnisation, c'est ce qu'on attend de la ministre, pour indemniser, pour réparer ce qui est arrivé, ou un remboursement direct qu'on va aller chercher chez ceux qui se sont accaparé le capital. Il n'y a pas juste M. Lacroix là-dedans, là, c'est pour ça qu'on demande une enquête publique, là, hein? Il y a Desjardins, par exemple, qui est allé récupérer 20 millions avant les événements. Il y a de l'argent un peu partout. On pense qu'il y aurait moyen, si la ministre des Finances est à l'écoute, de trouver des solutions qui permettraient aux gens d'avoir une indemnisation, de trouver les moyens de récupérer par la suite et de poursuivre ceux qui doivent vraiment être poursuivis. Il y a des firmes comptables qui sont impliquées, je vous ai parlé d'une institution financière, c'est sûr qu'il y a des choses certainement chez M. Lacroix, et il y en a ailleurs, M. Plouffe, mais ça ne nous appartient pas de faire l'enquête. On a suffisamment d'éléments pour savoir qu'une enquête publique donnerait des résultats et permettrait aux Québécois de récupérer les fonds qui ont été volés, c'est clair; et deux, ça permettrait aux gens d'être indemnisés aujourd'hui, pas dans 10 puis 15 ans, après la guerre des avocats qu'on sait qu'il va y avoir, là, puis qui va prendre une éternité avant qu'on ait un règlement satisfaisant.
M. Boivin (Mathieu): Vous avez impliqué Mme Marois, d'une certaine façon.
M. Taillon: Bien, écoutez, ce qu'on dit...
M. Boivin (Mathieu): Précisez donc exactement quelle est sa responsabilité, à Mme Marois.
M. Taillon: Oui. Ce qu'on dit, là, c'est qu'il y a une situation qui, depuis 2001, fait en sorte que les deux partis politiques, les deux vieux partis qui ont occupé le gouvernement ont été mêlés à cette question Norbourg là. M. Viel vous a dit tantôt: Il y a eu des invitations faites par la Caisse de dépôt, soutenue par le gouvernement...
M. Boivin (Mathieu): Il y a un chèque de 900 000 $, là.
M. Taillon: Le chèque de 900 000 $, c'est que M. Lacroix était dans une situation pénible, avec sa firme Norbourg, situation, là, financière déficitaire reconnue par les spécialistes. Il a demandé l'aide de l'État. Le ministère des Finances, les fonctionnaires ont refusé. Par la suite, des pressions du cabinet de la ministre à l'époque ont fait en sorte que M. Lacroix a reçu un chèque de 960... je l'ai ici, le chèque, j'ai la copie du chèque.
M. Boivin (Mathieu): Avez-vous des preuves de pressions? Pouvez-vous nous soumettre des preuves de pressions?
M. Taillon: Bien, écoutez, moi, ce que je vous dis, là, c'est ce qui a été rapporté par les médias, c'est ce qui a été entendu partout. C'est des faits qui sont publics, qui sont connus, qui n'ont jamais été démentis.
M. Lavoie (Gilbert): Quel est le mandat de M. Tardif dans votre démarche aujourd'hui?
M. Taillon: Écoutez, ça, là, je vais laisser les gens qui sont concernés vous en parler.
M. Viel (Gilles): On a été volés. On est venus, monsieur, on a été volés dans nos comptes fiduciaires. Un compte fiduciaire, c'est un compte...
M. Lavoie (Gilbert): Non, mais ce n'est pas ma question.
M. Viel (Gilles): Non, non, attendez un petit peu, et pour récupérer ces argents-là, effectivement il arrive parfois, dans certaines situations, où M. Tardif, qui est un ex-policier retraité, peut avoir intérêt à recevoir une demande de la part des épargnants pour aller récupérer ces sommes-là. Autrement dit, monsieur, si vous avez une automobile qui a été acheté à un prix certain dans votre cour puis que vous n'êtes pas certain d'où la provenance, peut-être qu'il peut y avoir de la visite chez vous. Dans notre cas, nous autres, on dit: Il y a de l'argent qui nous appartenait, qui a été utilisé et qui est rendu à quelque part. On veut savoir où il est, et on veut le récupérer, dont effectivement, M. Taillon l'a dit, il y a un 22,4 millions qui a été payé, et ça n'a pas été payé avec des subventions, ça a été payé avec les fonds Évolution.
M. Plouffe (Robert): Il est bénévole, M. Tardif?
M. Viel (Gilles): Pour l'instant, c'est un coopérateur avec nous autres. Il n'a pas encore... Il n'a pas encore, effectivement... On est en temps de réflexion, mais je pense qu'il est important pour nous d'avoir M. Tardif avec nous dans la situation.
M. Plouffe (Robert): Si vous l'engagez comme enquêteur, vous devez le payer?
M. Viel (Gilles): Pour l'instant, non. Il n'est pas payé. Il est collaborateur avec nous pour des raisons effectivement qui font que notre dossier devrait s'entrecouper avec d'autres dossiers.
M. Taillon: Je veux vous remercier beaucoup de votre présence, et les travaux parlementaires nous appellent. Merci beaucoup.
(Fin à 15 h 25 )