Point de presse de Mme Louise Harel, députée d'Hochelaga-Maisonneuve
Version finale
Le vendredi 16 novembre 2007, 12 h 17
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Douze heures dix-sept minutes)
Mme Harel: Alors, manifestement, le ministre Couillard a semblé prendre très à la légère le cri d'alarme que cette interpellation a permis de lancer à l'égard du sort des personnes très âgées en perte d'autonomie et à l'égard de la détérioration de leurs conditions de vie et du choix, de leur capacité de faire des choix compte tenu de la réduction des places en hébergement de longue durée, compte tenu du manque d'investissements dans les soins à domicile et de la charge que ça représente pour les personnes aidantes.
Le ministre Couillard n'a fait aucune admission à aucun moment donné, alors que pourtant on sait que 62 % des Québécoises et des Québécois interrogés en juin dernier se déclaraient très insatisfaits de la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie au Québec, alors que la Protectrice du citoyen, dans le rapport annuel qui a été transmis à l'Assemblée nationale en juin dernier, disait recevoir de très, très nombreuses plaintes sur l'insuffisance des services de soutien à domicile, alors que l'Association québécoise des centres de santé et de services sociaux, il y a quelques jours, là, à peine, dans un rapport qui était transmis à la commission de consultation sur les aînés, déclarait que finalement les ressources étaient insuffisantes, nettement insuffisantes pour donner aux personnes âgées à domicile l'intensité de soins requis. Alors, c'est donc finalement vraiment une attitude très cavalière.
Le ministre Couillard à tous égards a refusé, enfin a pris à la légère, a refusé même d'entendre qu'il y avait de très graves difficultés qui résultaient du plan d'action sur les aînés qu'il applique depuis trois ans. L'Association québécoises des centres de santé et de services sociaux nous demandait un temps d'arrêt pour en faire le bilan.
Je rappelle finalement les éléments de ce plan d'action. D'une part, cesser de construire les 5 000 places, en raison de 1 000 par année durant cinq ans, requises pour de l'hébergement de longue durée et plutôt choisir de prioriser des ressources intermédiaires plus légères ou encore du maintien à domicile.
Alors, nous sommes favorables à la diversification des ressources en matière d'hébergement. Le ministre applique cependant dès maintenant l'admission à trois heures soins par jour en CHSLD alors que n'existent pas les alternatives ou si peu dans les milieux urbains. Je pense en particulier à Montréal où il y a à peine quelques centaines de ressources intermédiaires qui sont mises à la disposition des personnes très âgées en perte d'autonomie et puis... il n'a pas fait de rattrapage d'aucune façon en matière de maintien à domicile. On l'a vu cette semaine avec la publication du rapport de l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS, qui démontrait que le Québec, en maintien à domicile, est encore bon dernier et donc le rattrapage n'ayant pas été fait en maintien à domicile ni, disons, en diversification des ressources d'hébergement, bien on retrouve les personnes âgées dans les corridors des urgences des hôpitaux. 300 000 visites par année au Québec au Québec, on les retrouve à occuper des lits de courte durée, près de 290 000 présences dans des lits de courte durée de personnes qui nécessiteraient un hébergement de longue durée, au-delà de 5 800 personnes âgées - on parle souvent du quatrième âge, hein, maintenant - souvent des personnes du quatrième âge qui sont évaluées comme requérant un hébergement de type intermédiaire ou CHSLD et qui sont en attente.
Mme Brassard (Marie-Andrée): Mais, Mme Harel, si vous étiez au pouvoir, qu'est-ce que vous feriez aujourd'hui? Combien d'argent investiriez-vous? Et de quelle façon?
Mme Harel: Le chaînon manquant, c'est le maintien à domicile, à l'évidence, et la conséquence, ce sont les personnes aidantes qui présentement, là, doivent suppléer à la tâche pour à peu près 90 % de ce qui est requis pour une personne en perte d'autonomie. Alors, le chaînon manquant et la priorité entre toutes, on l'a dit en campagne électorale, au printemps passé, notre priorité est celle du maintien à domicile, et c'est la priorité entre toutes. Et on comprend dans l'attitude de légèreté du ministre que sa priorité reste toujours l'hôpital, sa priorité reste toujours les soins, si vous voulez, dans les institutions.
Mme Brassard (Marie-Andrée): Mais il parle de choix, de possibilité d'avoir plusieurs choix...
Mme Harel: Oui, mais pour avoir plusieurs choix, il faudrait qu'il y ait plusieurs alternatives. Elles sont sur papier, elles sont sur papier. Le président de l'agence régionale de Montréal disait ici même, en commission parlementaire, il y a un an: Il faudrait offrir des soins à domicile à 10 336 personnes de plus, et, pour ça, il nous faudrait 58 millions. Il en a eu 3,2 millions cette année.
Ici même, à Québec, dans la région métropolitaine de Québec, l'ajout pour le soutien à domicile a été de pas tout à fait un demi-million, 584 000 $. Ce n'est même pas 0,75 $ par personne, alors qu'on sait qu'il y a une forte progression des personnes de plus de 85 ans et on sait qu'avec l'âge vient parfois également... elles sont plus vulnérables, et vient des pertes d'autonomie qui réclament une intensité de maintien à domicile qui est plus grande, si elles veulent rester chez elles, ou qui réclament de l'hébergement, deux heures et demie de soins et moins, s'il y a des problèmes cognitifs seulement, puis trois heures de soins et plus, si ces personnes ont finalement des risques pour leur santé physique.
M. Leblanc (Philippe): Mme Harel, vous demandez combien concrètement de plus pour les aidants naturels?
Mme Harel: Pour les aidants naturels, on demande ce que demandent les retraités, ce qu'ils ont demandé devant la commission consultative sur les aînés, on demande qu'il y ait une véritable politique d'assistance. Les aidantes ont besoin d'être aidées, alors, qu'il y ait du répit, qu'il y ait aussi du gardiennage qu'on appelle aussi présence surveillance, qu'il y ait aussi de l'accompagnement psychologique, il y a énormément de détresse chez les personnes aidantes. C'est là, si vous voulez, ce qui est requis aujourd'hui. Et une chance qu'il y a eu l'interpellation, le ministre a annoncé 500 000 $ pour du répit. Alors, à ce compte-là, évidemment, on applaudit, mais c'est trop peu et très tard.
Il nous faut véritablement une politique d'assistance aux personnes aidantes. On veut faire, chez soi, le premier choix. Je vous rappelle qu'en 2002 le gouvernement du Parti québécois en proposait, une politique aux personnes aidantes, et c'est celle-là d'ailleurs que les associations qui les représentent réclament toujours.
Mme Brassard (Marie-Andrée): Combien d'argent estimez-vous nécessaire à investir immédiatement?
Mme Harel: Bien, dans le maintien à domicile, en particulier, il faut savoir que simplement pour aller chercher la moyenne canadienne, ce à quoi s'était engagé le gouvernement Charest - le gouvernement Charest s'était engagé à la moyenne canadienne - ce serait 240 millions de plus, hein, par année. Alors, ça, c'est... Et, quand on se rappelle qu'ils ont fait le choix, contrairement à ce que souhaitait la population, de réduire les impôts, au printemps dernier, avec le surplus qu'ils avaient du fédéral plutôt que d'investir dans le maintien à domicile, dans l'éducation, en fait, dans le service aux enfants puis les services aux personnes âgées, on trouve ça aberrant. Honnêtement, on trouve ça aberrant parce que le gouvernement a choisi de ne pas se donner les moyens de sa politique, et c'est ce que je reproche au ministre.
Mme Brassard (Marie-Andrée): Mais le ministre dit que les 5 000 places que vous suggérez représenteraient une dépense d'à peu près 350 000 $ par année.
Mme Harel: On n'a pas... je n'ai, à aucun moment donné, suggéré 5 000 places. J'ai simplement rappelé que le ministre annonçait qu'il ne construirait pas les 5 000 places qui seraient requises en hébergement, si on maintenait les mêmes conditions d'admission que maintenant, et que ça, ça lui faisait économiser 300 millions, et qu'on s'attendait à ce que 300 millions soient investis dans des alternatives comme les ressources intermédiaires, comme le maintien à domicile, ce qu'il n'a pas fait.
Le ministre, il a détourné exactement ce que j'ai dit. Je n'ai jamais, jamais, jamais déclaré qu'il fallait construire les 5 000, mais j'ai toujours dit de, ce qu'il économisait, il n'y avait aucune raison que ce ne soit pas réinvesti. Merci.
(Fin à 12 h 27)