Point de presse de Mme Diane Lemieux, députée de Bourget et leader parlementaire du deuxième groupe d'opposition
Version finale
Le mardi 29 mai 2007, 14 h 49
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Quatorze heures quarante-neuf minutes)
Mme Lemieux: Alors, j'ai pris connaissance du rapport. Évidemment, ce n'est pas une lecture aussi attentive que je l'aurais voulu, mais tout de même j'en ai une bonne impression.
Je voudrais dire à nouveau à quel point je trouve inconcevable, inadmissible que le chef de l'État québécois, M. Charest, ne veuille pas clairement, simplement et fermement condamner le fait qu'il y ait eu des dépenses illégales du camp fédéraliste à l'occasion du référendum de 1995. C'est le rôle d'un premier ministre de le faire. Aussi fédéraliste qu'il soit, il a la responsabilité de s'assurer du respect de la loi, il a la responsabilité de dire à ceux qui n'ont pas respecté la loi qu'ils ont le devoir de respecter la loi, et d'autant plus que les lois dont il s'agit, ce sont des lois qui sont au coeur de notre société démocratique.
Et ce refus... Et je lui ai donné plusieurs occasions, ce matin. Ce refus de condamner s'apparente à un aveu de culpabilité au nom du camp fédéraliste. Il a jugé plus important de protéger ses alliés fédéralistes plutôt que de protéger l'intégrité et le respect des lois québécoises.
C'est d'autant plus grave - et ça, j'y reviendrai tout à l'heure - que, lorsqu'on lit avec une certaine attention le rapport du juge Grenier, on comprend qu'il y a des liens serrés entre le Conseil de l'unité canadienne, Option Canada et le Parti libéral du Québec.
Deuxième élément qui m'apparaît assez clair à la lecture de ce rapport - vous avez dû en prendre connaissance: le juge Grenier a abordé son mandat de manière très restrictive. Je ne porte pas de jugement là-dessus, mais c'est un mandat qui est étroit, si bien que ça a pour effet de laisser des zones grises, des questions qui sont en suspens, des questions... à ce que j'ai pu comprendre des propos du juge Grenier, qui lui-même reconnaît que des questions demeurent en suspens, la plus importante étant le rôle du gouvernement fédéral.
Le juge Grenier dit clairement qu'il a examiné toute question qui était en lien avec Option Canada et le Conseil de l'unité canadienne et qu'il a exclu l'implication du gouvernement fédéral à l'occasion du dernier référendum.
L'illustration la plus éloquente du fait que le rôle du gouvernement fédéral n'a pas été examiné, c'est toute la question autour de la marche de l'amour, cette grande manifestation qui a eu lieu dans les derniers jours de la campagne référendaire de 1995. Alors, cet événement est toujours encore enveloppé de mystère. Par exemple, le juge Grenier conclut que Lucienne Robillard, sur la base de son témoignage, le témoignage de Mme Robillard, n'a pas à être blâmée, mais il admet également que les documents qui auraient pu questionner la responsabilité qu'elle avait ont été exclus de son étude. Par exemple, le juge Grenier avait en main des documents qui émergeaient de la commission Gomery, un document qui interpelle directement Lucienne Robillard, mais le juge Grenier s'est refusé à considérer ce document puisqu'il jugeait qu'il n'avait pas à évaluer le rôle du gouvernement fédéral.
Troisième élément: ce rapport confirme à quel point les liens entre le Conseil de l'unité canadienne, Option Canada et le Parti libéral du Québec étaient serrés. Et je vous réfère à la page 46 du rapport, où on explique toute la mécanique d'embauche des personnes qui ont joué un rôle clé dans l'organisation référendaire du Comité du Non. On y explique qu'une trentaine de personnes ont été embauchées à salaire par le Conseil de l'unité canadienne, qu'un bon nombre de ces organisateurs étaient d'anciens membres de cabinets politiques sous le gouvernement libéral, que des représentants du Parti libéral ont été consultés avant l'embauche de ces organisateurs et que d'autres candidats ont été recommandés par le Parti libéral du Québec au Conseil de l'unité canadienne, et on y lit un peu plus loin qu'à la fin de septembre 1995 les bureaux du Conseil de l'unité canadienne et d'Option Canada se sont graduellement vidés, et les employés ont déménagé leurs pénates au siège social du Parti libéral du Québec, qui était également le siège social du Comité du Non. Alors, toute la mécanique organisationnelle serrée entre le Conseil de l'unité canadienne, Option Canada et le Parti libéral du Québec est parfaitement illustrée.
Par ailleurs, on lit également, à la page 79 du rapport, qu'une des factures... «[...] le fait qu'une facture d'achat d'équipement informatique ait été transformée sans motif valable en facture de location payée en grande partie par Option Canada démontre que les liens entre les deux organisations en question étaient beaucoup plus serrés que ne l'ont prétendu devant moi certains dirigeants du Parti libéral du Québec.» Je note que Benoît Pelletier, à plusieurs reprises, a prétendu qu'il n'y avait aucun lien entre Option Canada et le Parti libéral du Québec. À l'évidence, c'est faux.
Alors, à ce moment-ci, nous avons trois demandes. La première: que le premier ministre condamne sans équivoque le fait qu'il y ait eu des dépenses électorales... référendaires illégales de la part du camp du Non; deuxièmement, nous demandons évidemment que Jocelyn Beaudoin, sorte du circuit du gouvernement, de représentation du gouvernement du Québec et, en ce sens, Benoît Pelletier a été très imprudent à ce sujet; et troisièmement, nous demandons que soit levée l'ordonnance de non-publication. Nous demandons que Jean Charest prenne le leadership sur cette question et que, s'il ne le fait pas, nous avons l'intention de mandater des procureurs afin qu'ils évaluent la possibilité de contester la portée illimitée de cette ordonnance de non-publication. Voilà.
M. Delisle (Norman): Quand vous demandez sa levée, ça concerne qui exactement?
Mme Lemieux: Bien, écoutez, il y a plusieurs témoignages au sujet desquels le juge Grenier dit: Il y avait une ordonnance de non-publication, de non-divulgation, je la maintiens. Nous, nous disons: Ça ne peut pas être maintenu dans le temps de manière illimitée. Une première règle dans notre système, c'est que la justice doit être publique, et là, elle ne l'est pas.
M. Chartrand (Yves): Mme Lemieux, on a l'impression, à vous écouter, que finalement cette enquête-là n'a pas donné grand-chose, qu'elle n'est absolument pas faite sur les événements, et que toutes les dépenses illégales qui ont été faites durant le référendum... c'est l'impression que vous donnez, ce matin.
Mme Lemieux: Non, elle a donné deux... elle donne deux grandes conclusions. La première, c'est qu'il y a eu un demi-million de dépenses illégales, au moins, à l'occasion du dernier référendum, par le camp du Non; la deuxième, c'est qu'il y a des liens clairs entre le Parti libéral et Option Canada. Là où il n'y a pas de réponse, c'est sur l'implication et l'ampleur de l'implication du gouvernement fédéral.
M. Boivin (Simon): Est-ce que vous êtes déçue du résultat de l'enquête?
Mme Lemieux: Non, je suis satisfaite, mais je dis tout de même qu'il reste encore des questions, notamment sur l'implication réel du gouvernement fédéral.
M. Duchesne (Pierre): Mais vous savez qu'une institution québécoise ne peut pas enquêter sur une institution fédérale comme...
Mme Lemieux: Je sais aussi qu'une institution fédérale n'a pas d'affaire à investir dans une juridiction provinciale.
M. Nadeau (Rémi): Sur votre interprétation du silence de M. Charest, vous avez parlé d'aveu de culpabilité. Le fait qu'il ne condamne même pas, là, ce qui s'est produit, comment vous interprétez ça?
Mme Lemieux: Bien, écoutez, M. Charest est le chef de l'État québécois, il est le premier ministre de tous les Québécois, il était lui-même impliqué dans la campagne référendaire, je veux bien, mais, à partir du moment où on lui écrit noir sur blanc qu'il y a eu des dépenses illégales du comité du Non, je pense que c'est son devoir de dire à tous ses alliés fédéralistes: Ce n'est pas acceptable. Et nous dénonçons ces dépenses illégales. Et ce matin, il n'a saisi aucune occasion de le faire. Alors, il a choisi de protéger ses alliés fédéralistes plutôt que l'intégrité des lois québécoises.
M. Chouinard (Tommy): Pourquoi vous réclamez la tête de Jocelyn Beaudoin plus qu'un autre?
Mme Lemieux: Bien d'abord, parce qu'il est assez clairement identifié comme une cheville ouvrière de toute cette opération-là, deuxièmement, parce qu'il a été imprudent pour le gouvernement du Québec de désigner cette personne comme représentant du Québec à l'extérieur. Alors, je ne pense pas que ce soit honorable que M. Beaudoin, dans les circonstances, puisse représenter le Québec.
M. Robitaille (Antoine): Pierre-F. Côté, l'ancien Directeur général des élections, a dit que c'était un rapport précautionneux et s'est étonné du fait que lui-même n'avait même pas été convoqué à cette enquête-là alors que lui avait non seulement été Directeur général des élections pendant le référendum, mais aussi il avait enquêté sur les événements. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cette décision du juge Grenier de ne même pas convoquer le DGE du temps?
Mme Lemieux: Bien, écoutez, moi, je ne peux pas être dans la tête du juge Grenier puis je ne remets pas en cause le travail qu'il a fait. C'est quand même un homme qui a une excellente réputation. Mais je constate tout de même qu'il a probablement dû être précautionneux, pour reprendre votre expression...
M. Robitaille (Antoine): Celle de Pierre-F. Côté.
Mme Lemieux: ...enfin, l'expression de Pierre-F. Côté, notamment, parce que... écoutez, relisez bien les remarques préliminaires et tout le reste, on voit bien qu'il a été assailli de toutes sortes de considérations de la part de plusieurs avocats. Il s'est fait poser des questions sur sa juridiction, sur des aspects constitutionnels. À l'évidence, il a été encerclé de toutes sortes de questions légales. Alors, je comprends que le résultat net, c'est qu'il a joué probablement plus de prudence, mais il y a eu beaucoup, beaucoup d'enjeux, d'avocasseries, si je peux m'exprimer ainsi, dans la définition de son mandat.
M. Deschênes (Alexis): Est-ce que vous croyez que justement le demi-million de dollars investi par le camp du Non illégalement dans la campagne ait pu avoir un impact sur le résultat?
Mme Lemieux: Ce que je sais, c'est qu'il y a eu de l'argent versé illégal. Je sais que, si les Québécois avaient su avant le référendum, que le fédéral s'apprêtait à utiliser autant d'argent pour influencer le résultat du référendum, qu'ils en auraient été probablement choqués. Maintenant, quel est l'effet net de ces sommes d'argent dans la campagne référendaire? Je n'en ai aucune idée.
M. Ouellet (Martin): Est-ce que ça peut influencer néanmoins, étant donné que la marge était extrêmement serrée?
Mme Lemieux: Je ne le sais pas. Écoutez, je peux juste dire...
M. Duchesne (Pierre): Est-ce que c'est un référendum volé, Mme Lemieux?
Mme Lemieux: Oui, parce que d'abord les règles n'ont pas été respectées, les lois n'ont pas été respectées. Maintenant, sans cet argent, quel aurait été le résultat du référendum? Écoutez, il n'y a personne qui peut répondre à cette question-là.
M. Nadeau (Rémi): Et jusqu'à quel point ça peut nuire à Jean Charest s'il y a une élection rapide, les conclusions de ce rapport-là? Est-ce que ça a un impact politique?
Mme Lemieux: Mais, ça noircit le camp fédéraliste. Le camp fédéraliste a l'air fou, là. Ils sont pris les culottes baissées pour au moins un demi-million de dollars. La magouille est mise à jour en partie. On n'en connaît pas toutes les ramifications parce qu'il y a un pan entier des interventions du gouvernement fédéral qui ne sont pas disséquées, décortiquées. Alors, ils n'ont pas été «fair play» puis ils n'ont pas joué les règles... ils n'ont pas joué leur rôle dans la dignité puis dans le respect des lois. Alors, c'est sûr que ça noircit le camp fédéraliste. C'est bien évident.
Des voix: ...
Mme Lemieux: Un à la fois. Eric, peux-tu me dire à qui... j'adresse...
Le Modérateur: Simon Boivin.
Mme Lemieux: Simon Boivin.
M. Boivin (Simon): Il demeure des zones grises, vous en avez parlé. Est-ce qu'il faut simplement accepter ce fait-là ou est-ce que - je ne sais pas - il n'y aurait pas lieu que le PQ et l'ADQ votent une motion...
Mme Lemieux: Bon. Écoutez, moi...
M. Boivin (Simon): ...ensemble demandant au gouvernement de poursuivre l'enquête pour éclaircir les...
Mme Lemieux: Avec le recul, considérant qu'il y a eu des ordonnances de non-publication, je regrette que cette enquête n'ait pas été publique.
Le Modérateur: Dernière question, Martin Ouellet.
M. Ouellet (Martin): Maintenez-vous, comme vous l'avez fait à la période de questions, que le Parti libéral doit rembourser les
539 000 $...
Mme Lemieux: C'est Mario Dumont qui a maintenu ça.
M. Ouellet (Martin): Vous l'avez... Je vous ai entendue évoquer ça après les questions.
Mme Lemieux: Quand ça?
M. Ouellet (Martin): Alors que vous n'aviez pas la parole. Bien, rembourser... mais rembourser, vous...
Mme Lemieux: Ah, bien là. Je peux pas dire tout ce que vous avez entendu. On a une certaine distance entre nous deux. Écoutez, la question est pertinente. Qu'est-ce qui se passe de ce...
Une voix: ...
Mme Lemieux: Bien là, c'est parce que je peux... Assignez-moi à témoigner, là.
M. Boivin (Simon): Ce sera public.
Mme Lemieux: Non, non, mais la question est pertinente. Il y a 500 000 $ au moins qui ont été dépensés illégalement par le gouvernement fédéral. La question se pose: Qu'est-ce qu'on fait avec cet argent-là? Mais on le retourne à qui? Ah, peut-être à un fonds pour la promotion du respect des lois du Québec. Ce serait une bonne idée.
Le Modérateur: Martin Ouellet, dernière question.
Mme Lemieux: Et après, je dois y aller. Je suis demandée en Chambre.
M. Ouellet (Martin): Sur un autre sujet, très rapidement, vous avez reçu une offre du gouvernement minoritaire sur les trois demandes que vous avez formulées conditionnelles à votre acceptation...
Mme Lemieux: On discute.
M. Ouellet (Martin): ...du budget.
Mme Lemieux: On discute.
M. Ouellet (Martin): Vous avez reçu l'offre, hein, maintenant?
Mme Lemieux: Oui.
M. Ouellet (Martin): ...sur les trois sujets?
Mme Lemieux: Oui.
M. Ouellet (Martin): Est-ce qu'on peut avoir... Vous en êtes où, là, dans le dossier?
Mme Lemieux: Non...
M. Ouellet (Martin): Ça va-tu bien? Ça...
Mme Lemieux: On discute. On discute. Merci.
Des voix: ...
M. Ouellet (Martin): En fin de semaine, vous avez dit...
Mme Lemieux: On discute. Je suis appelée en Chambre.
M. Ouellet (Martin): ...que ce n'était pas si grave.
Mme Lemieux: Je suis appelée en Chambre. J'ai une question de règlement. Merci infiniment.
M. Ouellet (Martin): Ils pouvaient baisser les impôts tout en vous donnant des choses...
Mme Lemieux: On discute, M. Ouellet.
(Fin à 15 h 2)