(Neuf heures quinze minutes)
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
...représentants des médias, merci de vous être déplacés. M. Jean Pronovost,
auteur du rapport À l'écoute de la relève agricole— Le
vécu et les attentes des jeunes agriculteurs québécois, je tiens à vous
remercier de votre travail.
En agriculture, comme dans bien d'autres
domaines, on récolte ce que l'on sème. Cependant, il ne faut pas oublier
l'intervalle entre ces deux étapes qui fait toute la différence entre une
récolte abondante et de qualité et une récolte de moindre valeur. Avant même de
penser à la production, il faut savoir préparer correctement le terrain. Une
fois les semis faits, s'il manque un seul élément nécessaire à la croissance,
les résultats peuvent être catastrophiques. Même si tout a été bien planifié au
quart de tour, des événements externes peuvent venir tout chambouler. Je crois
qu'il en est de même pour la relève et peut-être même pour les politiciens et
les journalistes.
Il y a un peu plus d'un an, le mandat de
mener une grande consultation auprès de la relève agricole était confié à M.
Jean Pronovost. Le but était simple : identifier les obstacles rencontrés
par la relève agricole et proposer des pistes de solution les plus
prometteuses. D'entrée de jeu, j'aimerais souligner la collaboration des jeunes
qui ont accepté de donner de leur précieux temps pour participer à cet exercice.
Vous savez, nos entrepreneurs agricoles travaillent sept jours par semaine, et
les heures qu'ils ont consacrées à M. Pronovost ont été prises à même leurs
heures de travail et, dans certains cas, de sommeil. Le rapport n'aurait pas
été si complet sans leurs généreux témoignages. Je tiens à les en remercier.
Les jeunes que M. Pronovost a rencontrés
avaient tous des cheminements différents, ce qui lui a permis d'explorer
l'ensemble des modèles d'établissement existants : de la petite à la
grande entreprise agricole, du démarrage au transfert d'entreprises agricoles
apparentées ou non apparentées, et ce, dans des secteurs traditionnels ou en
émergence. Ce rapport se veut complémentaire à tout le travail déjà accompli
par le ministère et ses partenaires en vue de cerner les besoins de la relève
et de faciliter son établissement en agriculture.
Il ne faut pas passer sous silence le
travail effectué par le syndicat de la relève de l'UPA qui a choisi de mener
séparément sa consultation. Comme le président de l'UPA me le disait dans sa
lettre de transmission : Les jeunes ont fait un travail colossal pour
présenter un portrait fidèle de leur réalité dans tous les secteurs de
production et à travers toutes les régions du Québec. Les deux rapports ont des
points de convergence. Maintenant que les opinions et les expériences de la
relève agricole sont connues et actualisées, nous disposons des éléments à
prendre en considération pour continuer à améliorer le sort de notre relève
agricole. Je partage entièrement le constat de M. Pronovost selon lequel la
relève agricole est au rendez-vous. Elle est compétente, sûre d'elle-même et tout
à fait prête à relever les nombreux défis qui l'attendent.
Avant de céder la parole à M. Jean
Pronovost, présenter ses états de service en quelques mots est un défi en soi.
M. Pronovost a entrepris sa carrière dans la fonction publique au ministère de
l'Éducation dans les années 70, notamment comme directeur général de
l'enseignement collégial et comme sous-ministre adjoint. Par la suite, il a
occupé des postes de sous-ministre dans différents ministères, dont la
Main-d'oeuvre et la Sécurité du revenu, l'Environnement et la Faune,
l'Industrie et Commerce, les Affaires municipales et de la Métropole ainsi que
le Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation. Il a aussi
été secrétaire général associé au ministère du Conseil exécutif et également
présidé la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire
québécois. Enfin, il est membre de plusieurs conseils d'administration
d'institutions importantes des secteurs économique et culturel.
Cette longue feuille de route faisait de
lui la personne tout appropriée pour ce mandat, et ce constat m'est apparu
encore plus clair au moment où nous nous sommes rencontrés afin de lui confier
officiellement le mandat. Il m'expliquait alors que son premier travail
d'importance avait été en quelque sorte sur le même sujet. Un peu avant mon
entrée en politique, il écrivait, en 1963, la Monographie de Saint-Arsène :
un aperçu de l'organisation sociale et de quelques attitudes dans une paroisse
agricole prospère. Il y traitait alors des conditions de succès des
entrepreneurs agricoles.
Brève citation de votre mémoire, M.
Pronovost. 1963, vous ne vous en souvenez peut-être pas exactement, vous disiez :
«J'ai été amené à explorer un peu tous les aspects de la vie du cultivateur car
cultivateur n'est pas seulement une forme de travail, c'est avant tout un style
de vie.» Plus d'un demi-siècle plus tard, il boucle la boucle en quelque sorte
par le travail qu'il nous présente aujourd'hui. À l'écoute de la relève
agricole, le vécu et les attentes des jeunes agriculteurs québécois, M.
Pronovost, à vous l'honneur de présenter votre rapport.
M. Pronovost (Jean) : Je
remercie le ministre pour ses belles paroles, trop élogieuses. Je le remercie
surtout du mandat qu'il m'a confié et qui a été, pour moi, un plaisir du début
jusqu'à la fin. Je remercie également, évidemment, tous ceux qui ont accepté de
me recevoir. Je les remercie pour leur candeur et aussi j'espère que ce rapport
que je dépose aujourd'hui saura leur rendre justice et qu'ils se reconnaîtront
dans les recommandations et pistes de solution que je mets de l'avant et qui
viennent largement des propos qu'ils m'ont tenus.
Le titre du rapport reflète bien le mandat
qui m'a été donné : aller à la rencontre, dans toutes les régions, de
jeunes agriculteurs qui sont en situation de démarrage pour dresser, au terme
de ces rencontres, un inventaire de tout ce qui constitue un obstacle à la
relève. Pour réaliser cet inventaire, j'ai visité toutes les régions
administratives, sauf le Nord-du-Québec, et j'ai rencontré des personnes qui
m'ont raconté le cheminement de 47 entreprises agricoles.
Les services compétents du MAPAQ m'ont
aidé à structurer un échantillon représentatif de l'agriculture québécoise. Les
types de production ainsi que la taille et la répartition géographique des
entreprises retenues reflètent aussi fidèlement que possible le portrait actuel
de l'agriculture québécoise. Les entrevues qui sont à la source de ce rapport
ne veulent surtout pas ajouter au portrait statistique très complet que publie
régulièrement le MAPAQ, mais faire connaître le vécu des jeunes agriculteurs.
Mes entrevues ont cherché à identifier les problématiques qui, à leurs yeux,
sont les plus importantes et les plus urgentes. Elles m'ont aussi permis de
constater que la relève agricole est au rendez-vous, tout à fait prête à
relever le défi. Ceux qui veulent vivre de l'agriculture sont nombreux,
généralement bien formés et fortement motivés.
La Terre de chez nous du 15
septembre dernier soulignait d'ailleurs que les inscriptions au programme de
formation en agriculture sont nettement à la hausse à tous les niveaux et un
peu partout au Québec. La relève compte aussi de plus en plus de femmes. J'ai
rencontré, notamment, petite anecdote, dans les Laurentides un groupe de trois
femmes, trois diplômées qui avaient des bacs de l'Université McGill, qui ont
choisi de fonder une ferme et qui prenaient un malin plaisir à me dire :
Vous savez, M. Pronovost, l'agriculture, ce n'est pas juste une affaire
d'hommes. Mais j'en ai rencontré partout, des femmes impliquées qui croyaient
en l'agriculture et qui voulaient y contribuer.
Le vrai problème de la relève tient au
fait que l'environnement d'affaires que nous lui offrons n'est pas toujours
aussi favorable qu'il devrait l'être. Les échanges que j'ai eus avec les jeunes
entrepreneurs montrent aussi que le concept de relève couvre des situations
souvent très, très, très différentes. Le poids des problèmes qui ont été soulevés
varie de façon significative d'une ferme à l'autre et commande des solutions
qui devront nécessairement tenir compte des multiples visages de l'agriculture
québécoise. Le contenu de mon rapport peut se résumer en cinq grands constats.
Premier constat : Quel que soit
l'angle sous lequel on l'observe, le transfert d'une ferme déjà en exercice à
un jeune entrepreneur reste la voie royale de l'accès à l'agriculture.
Transférer intégralement une ferme à de nouveaux propriétaires offre tous les
avantages d'un projet clé en main. L'entreprise est déjà installée, elle
fonctionne, elle a déjà les permis nécessaires, les moyens de production sont
en place, et on connaît ses revenus. Les prix et les modalités financières de
l'acquisition sont définis dès le point de départ et les cédants sont généralement
disposés à prendre les mesures nécessaires pour faciliter le transfert. Monter
une ferme à partir de rien demande du temps et beaucoup, beaucoup d'efforts.
Chacune des étapes à franchir pour y arriver comporte son lot d'inconnus,
d'exigences ou d'embûches potentielles.
Première recommandation, ou suggestion, ou
piste de solution : Il faut délibérément encourager le transfert de
fermes, ce qui veut dire, au premier chef, de faciliter des arrangements
financiers qui assurent un équilibre entre les besoins et la qualité de vie du
cédant et les besoins de la ferme. Les politiques fiscales actuellement en
vigueur veulent favoriser ces arrangements. Les besoins financiers d'un cédant
qui n'a pas de fonds de pension et peu d'économies peuvent être assurés par
divers types d'arrangements et notamment par un contrat de transfert de type
vendeur-prêteur, qui prévoit des versements périodiques suffisants pour lui
assurer une bonne qualité de vie. La Financière agricole du Québec offre
un programme qui garantit ce genre de prêt, mais le programme est mal connu et
très nettement sous-utilisé. Il ne dépasse même pas les budgets qui lui sont
alloués.
Il faut aussi s'assurer que ces transferts
sont bien planifiés, utilisent les services-conseils appropriés et ont le
soutien de la famille, ce qui n'est pas toujours le cas. Certains transferts
sont improvisés, d'autres n'ont pas le soutien de la famille, la famille est
divisée, et puis beaucoup n'utilisent pas des services qui sont à leur
disposition comme ceux offerts par le CREA, les centres régionaux d'établissement
en agriculture, qui sont là pour faciliter les arrangements entre les générations.
Il faut aussi analyser en profondeur les
politiques... les problématiques, plutôt, de démantèlement des fermes et
encourager l'appariement des jeunes avec des non-apparentés qui n'ont pas de
relève. Il faut se donner les outils pour faire ces appariements, soutenir les sites
de rencontre informatisés, qu'on appellement familièrement des banques de
terres, et pouvoir les fédérer. Ça, c'est particulièrement important.
Deuxième constat, le prix des terres est
souvent élevé et continue d'augmenter. Au moment où se terminaient mes
entrevues, La Financière agricole du Québec annonçait que le prix moyen
des terres agricoles transigées en 2014 avait augmenté de 23,5 % par
rapport à 2013. Il y a deux semaines à peine, financière agricole Canada
annonçait que la valeur des terres au Québec avait encore progressé de
9,7 % en 2015.
L'augmentation de la valeur des terres
touche toutes les régions. Comme disait, je pense, notre ami La Fontaine,
toutes n'en meurent pas, mais elles sont toutes touchées. La valeur, par contre,
de cette augmentation et son impact varient très significativement d'une région
à l'autre. La différence qui sépare les régions est telle que plusieurs des
jeunes agriculteurs que j'ai rencontrés n'hésitent pas à affirmer carrément que
le problème ne les affecte pas. Certains agriculteurs jeunes, dans certaines
régions, vont jusqu'à lancer des campagnes d'information pour inviter les gens
qui, comme eux, partent en affaires en agriculture à venir s'installer dans
leurs régions parce que les conditions y sont plus favorables.
Lorsqu'on leur demande d'expliquer
l'augmentation du prix des terres, les personnes interrogées sont catégoriques,
l'augmentation du prix des terres est d'abord et avant tout le résultat d'une
compétition entre agriculteurs. Les premiers responsables de l'augmentation du
prix des terres, sauf dans le voisinage immédiat de grandes agglomérations, ne
sont pas les spéculateurs fonciers, et ce qu'on a appelé l'accaparement des
terres par des sociétés financières est aussi, pour les jeunes entrepreneurs
agricoles, un phénomène marginal, généralement peu visible et qui n'a pas
encore eu d'impact significatif dans leurs régions.
On m'a décrit toutefois plusieurs
problématiques qui incitent les agriculteurs à vouloir acheter des terres.
Plusieurs veulent développer leur entreprise et augmenter ses revenus pour y
accueillir d'autres membres de la famille ou encore diversifier ses
productions. D'autres qui ont des liquidités à faire fructifier voient dans
l'achat de terres un véhicule de placement nettement plus intéressant que les
instruments qui leur sont actuellement proposés par les institutions
financières. Au cours de la période 2008‑2013, selon le Groupe AGECO, ces
augmentations de prix des terres ont rapporté un rendement annuel de 9,1 %
à ceux qui les avaient consenties. D'autres encore jouent de prudence en
achetant des terres pendant que le prix est encore abordable. D'autres enfin ne
peuvent absolument résister à l'opportunité d'acheter des terres qui jouxtent
leur ferme. La terre du voisin, ça n'a pas de prix.
En écoutant ces histoires de cas, on peut
se demander si, dans certaines régions, les agriculteurs n'encouragent pas
eux-mêmes et bien involontairement les augmentations qu'ils déplorent. Il faut
en avoir le coeur net et, avant d'agir, savoir exactement qui achète quoi et
pourquoi. Je suggère donc que l'on demande à des spécialistes de trouver la
réponse à ces questions en s'appuyant sur des données factuelles précises. Le
cas échéant, leurs constats aideront les décideurs à trouver les stratégies et
les mesures nécessaires pour gérer le problème.
Troisième constat : la plupart des
jeunes agriculteurs que j'ai rencontrés sont d'accord, en principe, avec la
gestion de l'offre dans les secteurs où elle s'applique traditionnellement et
craignent beaucoup l'érosion que lui font subir les accords de libre-échange et
puis, maintenant, l'importation de lait ou des substances laitières, l'importation
de lait diafiltré. Il reste toutefois que les défis les plus immédiats et
difficiles sont ceux que doivent affronter les jeunes entrepreneurs qui
choisissent de monter à partir de zéro une ferme laitière. Au prix des terres,
il leur faut ajouter le prix et la rareté des quotas. Il leur faut aussi
composer avec un cadre de gestion qui ne leur facilite pas les choses.
Je m'excuse, c'est sec ici.
Une voix
: …
M. Pronovost (Jean) : C'est
ça. Au moment où j'ai fait mes entrevues, le programme d'aide à la relève des
Producteurs de lait du Québec permettait de choisir, chaque année, un certain
nombre d'entrepreneurs en situation de démarrage pour leur prêter un quota de
12 kilogrammes par jour, remboursable, et leur permettre d'acheter en priorité
un quota équivalent. Le programme 12-12, pour lui donner le nom familier qu'on
utilise pour le désigner, ce programme, pour ceux que j'ai interrogés, était
manifestement insuffisant pour assurer la viabilité des projets qui y ont
accès, et les ajustements qui y ont été apportés depuis ne règlent pas vraiment
le problème.
Pour survivre, il faut ajuster; que, pour
survivre, une ferme laitière doit détenir au minimum de 40 à 50 kilos par jour.
Les fermes en démarrage se heurtent également à une série de règles qui leur
interdisent presque systématiquement des solutions qui pourraient réduire le
problème d'accessibilité aux quotas et assurer plus rapidement la santé
financière de leur ferme.
Le rapport que je dépose souligne
plusieurs de ces contraintes. Je vous en donne quelques exemples. Depuis 2007,
les producteurs laitiers ont vu graduellement s'ajouter du quota additionnel
aux droits de produire qu'ils détiennent déjà. Ce quota additionnel leur est
alloué au prorata du quota qu'ils possèdent déjà, un mode d'allocation qui
favorise, très visiblement et mathématiquement, les plus grosses entreprises.
Les producteurs laitiers ne peuvent non plus louer du quota, sauf si le quota
devient temporairement disponible en raison d'une catastrophe majeure. Ils ne
peuvent acheter une autre ferme et consolider leurs opérations en transférant
le quota sur une seule des deux fermes. Ils ne peuvent céder directement du
quota à un autre, même à un membre de sa famille immédiate qui en aurait besoin
pour démarrer sa propre entreprise. J'ai rencontré une famille dont le père
voulait céder du quota à une de ses filles qui en avait besoin pour
rentabiliser la petite ferme qu'elle venait d'acheter. Il n'est pas capable de
lui céder directement du quota. Un agriculteur qui a une ferme laitière ne peut
non plus vendre une ferme trop petite pour en acheter une plus grosse sans
respecter une période d'attente de 24 mois entre les deux transactions.
Les jeunes producteurs d'oeufs et de
volaille que j'ai rencontrés avaient généralement peu à dire sur les règlements
qui encadrent leurs propres productions. Ceux qui les ont mentionnés étaient
plutôt satisfaits. Plusieurs producteurs laitiers évoquent aussi les règlements
des producteurs d'oeufs et de volaille, mais cette fois pour pointer du doigt
des exemples de ce qui pourrait être fait et qui n'est pas permis en vertu de
leur propre réglementation.
La viabilité des politiques de gestion de
l'offre exige qu'on protège et, si possible, qu'on augmente la quantité de
quotas disponibles. C'est dans ce contexte que se tiennent les discussions qui
portent actuellement sur l'importation de lait diafiltré. La plupart de mes
interlocuteurs suggèrent aussi que les plus petites fermes aient accès plus
rapidement à des quantités de quotas plus significatives. Pour y arriver, il
faudrait prévoir et leur réserver une banque de quotas assez robuste pour
permettre aux projets qui se qualifieront d'être rapidement et facilement
autosuffisants et financièrement viables. Il faudrait aussi mettre le cadre de
gestion que je viens de citer à jour et, partout où cela est possible,
favoriser les mesures qui leur permettront d'atteindre rapidement le seuil de
la rentabilité.
Quatrième constat : Tous les
entrepreneurs interrogés m'ont parlé d'argent, et la plupart ont insisté sur
l'importance de programmes qui offriraient, en plus de subventions à
l'établissement et au démarrage, premièrement, de véritables banques de fermes
ou de terres, qui offriraient aussi aux jeunes entrepreneurs des programmes de
location-achat, qui offriraient aussi différentes formules de prêts à moyen ou
à long terme, comportant notamment une période initiale sans intérêt ou à
intérêts réduits et la possibilité de reporter temporairement le remboursement
du capital.
La possibilité de pouvoir compter aussi
sur un revenu d'appoint pendant la période de préparation et de prédémarrage
est très importante. Puis finalement on suggère, mais vraiment très fortement,
des programmes d'aide modulés en fonction du plan d'affaires de chacune des
entreprises. Les jeunes entrepreneurs insistent aussi sur la nécessité de
prévoir d'autres modèles et de faire une meilleure place à des formes de propriétés
qui permettent de répartir les coûts et les risques de l'entreprise entre plusieurs
partenaires : coopératives, fusion d'entreprises, coentreprises qui
associeraient des investisseurs privés non apparentés à des agriculteurs
exploitants, etc.
Bon nombre de leurs suggestions évoquent
des mesures déjà en place, c'en est même un peu saisissant, mais qui semblent
peu ou mal connues et, vérification faite, nettement sous-utilisées. C'est le
cas, on l'a vu, de la formule vendeur-prêteur offerte par La Financière
agricole et c'est aussi le cas du Fonds d'investissement pour la relève
agricole, le FIRA, une initiative conjointe du gouvernement du Québec, du Fonds
de solidarité FTQ et du Capital régional et coopératif Desjardins, qui ont
contribué chacun 25 millions de dollars pour offrir des solutions de financement
spécifiquement destinées à la relève agricole et qui offrent particulièrement
un congé de remboursement de capital et d'intérêts pour une période pouvant
aller jusqu'à trois ans, et la location-achat de terres qui permet aux jeunes
entrepreneurs d'avoir accès à de la terre sans qu'il y ait à consacrer une mise
de fonds, tout en bénéficiant d'une protection exclusive d'achat pour la durée
du bail qui est de 15 ans maximum.
Le FIRA est littéralement un grand pas
dans la bonne direction. Jusqu'à récemment, et c'était le cas quand je suis
passé faire mes entrevues, le FIRA, aux yeux de ceux qui le connaissaient,
avait un défaut. C'est que les gens qui le fréquentaient pouvaient racheter la
terre, évidemment, mais au prix du marché. Et puis, sur une période de
10 ans, vous pouvez deviner que le prix du marché a considérablement
augmenté, ce qui faisait bien peur aux jeunes qui m'en ont parlé. Mais ils ont
corrigé le tir depuis pour limiter tout simplement à 3,5 % maximum
l'augmentation du prix de vente en fonction de l'inflation, ce qui produit des
résultats absolument sensationnels, en laissant dans les poches de ceux qui
rachètent les terres, au moment où ils les rachètent, une somme importante qui
est la différence entre le 3,5 % dont je viens de parler, qui est un
maximum, et le taux effectif mesuré d'augmentation de la valeur de la terre.
Le FIRA, malheureusement, n'utilise pas
non plus encore toute l'enveloppe budgétaire qui lui est accessible. Il devrait
donc prendre les mesures nécessaires pour mieux faire connaître ses programmes,
montrer comment ils peuvent soutenir différents modèles et souligner l'effet
levier d'une location-achat sur le rythme de démarrage d'une ferme. Il devrait
aussi se rapprocher des municipalités régionales de comté et des organismes qui
offrent déjà des plateformes informatisées d'appariement.
Les programmes gouvernementaux d'aide à la
relève sont relativement nombreux et diversifiés. Il faudrait aussi les faire
mieux connaître, et les modalités qui encadrent ces programmes devraient
également, partout où cela est nécessaire, être modulées en fonction du plan
d'affaires de l'entreprise. Il faut concevoir ces mesures comme faisant partie
d'une trousse d'outils qui se complètent les uns, les autres, un coffre
d'outils, en quelque sorte, dans lequel on ira puiser très exactement ceux qui
sont pertinents à chacun des projets. Les rapports que les jeunes agriculteurs
souhaitent entretenir avec la FADQ appellent une véritable relation d'affaires
centrée sur l'accompagnement du plan d'entreprise. On trouvera une description
détaillée de la façon dont on peut exercer cet accompagnement dans la section
5.1.5 du rapport.
Cinquième constat : Parmi les autres
problèmes et défis qui m'ont été signalés, deux méritent une attention
particulière. Le premier : les politiques de la Commission de protection
du territoire agricole interpellent beaucoup et sérieusement plusieurs projets
de la relève, tant les projets de transfert que les projets de démarrage. En
fait, c'est un des obstacles les plus fréquemment décriés. Pour la plupart des
jeunes entrepreneurs, les politiques de la CPTAQ s'inspirent trop étroitement
du modèle de la ferme type, l'intègrent, en quelque sorte, dans leurs exigences
et le rendent quasi obligatoire. Cela fait souvent obstacle aux entreprises qui
suivent d'autres modèles et freinent l'innovation.
De plus, en obligeant les petites fermes à
détenir beaucoup plus de terres que ce dont elles ont besoin, ces politiques
augmentent indûment l'investissement initial requis et freinent leur développement.
Mes interlocuteurs sont également unanimes à déplorer les politiques et règles
qui les empêchent de construire une maison sur de plus petits lots. Le message
des jeunes entrepreneurs est très clair : Ne sacrifions surtout pas l'objectif,
mais trouvons d'autres moyens de l'atteindre. Les politiques actuelles,
paradoxalement, empêchent plusieurs producteurs d'avoir accès ou de bien
utiliser des terres qu'on protège au nom de l'agriculture. La CPTAQ est déjà
familière avec le problème et a rendu quelques décisions qui constituent de
modestes mais heureux précédents. Le législateur doit lui demander d'aller
prudemment, évidemment, plus loin et plus vite.
Les entrevues que j'ai réalisées montrent
aussi l'émergence, dans toutes les régions, d'un véritable réseau de petites
fermes qui forment un sous-ensemble bien identifiable. Le modèle d'affaires de
ces petites fermes est bien différent du modèle classique. Plusieurs sont des
fermes maraîchères, généralement certifiées biologiques, qui vendent leurs
produits en utilisant de différentes façons la vente directe aux clients.
D'autres misent sur la diversification et font aussi de l'élevage. Certaines
s'associent à d'autres fermes du même type pour élargir la gamme de produits
offerts dans leurs paniers ou leurs kiosques. Plusieurs offrent également à
leurs clients des mets précuisinés qu'ils mettent eux-mêmes en marché en
utilisant sensiblement les mêmes circuits de distribution. Ces fermes, qui
aiment bien se qualifier de fermes de famille par leurs propriétaires,
valorisent énormément les relations directes et suivies qu'ils entretiennent
avec leurs clients. Les mieux établies d'entre elles se sont taillé une place
enviable et emploient — c'est surprenant dans certains
cas — plusieurs, plusieurs personnes. Elles offrent aussi une porte
d'entrée plus facile aux jeunes qui n'ont ni les ressources ni les réseaux
familiaux qui leur permettraient de s'installer sur une ferme plus conventionnelle.
Partout où elles s'installent, les
relations entre les Québécois et l'agriculture se font un peu plus
personnelles. Leurs besoins sont relativement modestes et la plupart se
heurtent aux mêmes obstacles. Elles sont unanimes, évidemment, à dénoncer les
politiques et le manque de souplesse de la Commission de protection du
territoire agricole du Québec qui s'oppose au morcellement des terres, même
pour un usage agricole. La plupart demandent aussi avec insistance qu'on relève
le plafond qui limite actuellement à 100 le nombre de poulets qu'elles peuvent
détenir hors quota. La demande pour des poulets fermiers et pour des oeufs
produits de façon plus artisanale est très forte. Ces produits ont un effet
multiplicateur important sur l'ensemble de leurs ventes. Pour leurs
propriétaires, la hausse des seuils qui limite la production hors quota est la
clé, véritablement la clé, qui leur permettra de bâtir la ferme qu'ils
souhaitent et d'assurer sa pérennité. Le Québec, soulignent-ils, est l'une des
deux provinces où ce seuil est le plus bas. Relever ce plafond et amender les
politiques de la CPTAQ pour mieux accueillir un modèle d'affaires qui intéresse
de plus en plus de jeunes entrepreneurs leur donnerait un très sérieux coup de
main.
Les entretiens que j'ai réalisés avec les
jeunes de la relève montrent bien que les fermes de la relève ont de multiples
visages et qu'elles s'inspirent d'une variété de modèles. Les fermes de
proximité, les fermes familiales plus traditionnelles et les entreprises
agricoles à fort volume sont souvent complémentaires mais fréquentent des
univers bien différents. L'intérêt de l'agriculture et des Québécois nous
demande d'accueillir et de tenir en équilibre plusieurs modèles d'entreprises
agricoles. Pour bien servir l'agriculture, les politiques et mesures d'aide à
la relève doivent pouvoir s'adapter à des réalités qui ont, bien entendu,
beaucoup en commun mais aussi des différences très significatives. Merci de
votre attention.
M. Chouinard (Tommy) : Oui.
M. Paradis, à partir de ce rapport-là, qu'allez-vous faire pour favoriser la
relève agricole? C'est quoi, les obstacles que vous voyez qu'il faut lever?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Les obstacles sont bien définis, et, dans un certain sens, il y a beaucoup de
convergence entre le rapport que M. Pronovost vient de rendre public et le
rapport de la FRAQ, la Fédération de la relève agricole.
Premier constat : Il y a certains
programmes qui sont bons, mais ils sont sous-utilisés parce que méconnus et ils
sont dispersés dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Donc, le concept
du coffre à outils pour le jeune m'apparaît incontournable. Il faut amener des
organisations et des organismes à travailler ensemble : le ministère, la
CPTAQ, La Financière agricole. Tous ceux et celles qui oeuvrent dans le
financement se doivent de contribuer à mettre ensemble ce coffre à outils pour
qu'il soit facilement accessible pour le jeune agriculteur. Il y a d'autres
mesures qui vont suivre. On a parlé dernièrement... et j'ai déjà entrepris des
conversations avec les fédérations spécialisées, entre autres, des oeufs, de la
volaille, etc., pour les planchers ou plafonds de production avec quotas ou
sans quota, les discussions avancent.
M. Chouinard (Tommy) :
Maintenant, j'ai remarqué dans le rapport qu'il y avait beaucoup des jeunes agriculteurs
qui se plaignaient beaucoup, là, de l'attitude de l'UPA qui n'est pas assez
ouverte aux nouveaux modèles d'affaires, que c'est toujours le même type
d'entreprise qui est défendu par l'UPA. Est-ce qu'il y a un problème de ce
côté-là?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Il y a un ensemble, puis M. Pronovost l'a bien indiqué dans son rapport,
il y a des modèles qui sont totalement différents. Vous avez, au Québec, des
fermes industrielles dont on a besoin, là, et qui profitent à l'économie
québécoise sur le plan de l'exportation, jusqu'à la petite ferme maraîchère
locale bio qui vend ses paniers directement au kiosque à la sortie. Ce n'est
pas facile d'avoir les mêmes règles et les mêmes facteurs de représentation
pour l'ensemble de ces gens-là. C'est un défi qui est parfois voué à
l'impossible, donc les jeunes se cherchent d'autres voies, d'autres solutions.
À quel niveau ça évolue? Bien, ça évolue
au niveau où les jeunes s'intéressent à l'agriculture, vont en émergence, vont
dans le bio. Certains pensent que l'UPA est incontournable, d'autres vont vers
l'Union paysanne, d'autres vont... le conseil des entrepreneurs. D'autres
veulent carrément la paix, ils choisissent la liberté.
M. Bergeron (Patrice) :
Est-ce qu'il faut comprendre qu'il y a déjà beaucoup de programmes qui sont
déjà bien utilisés... qui sont sous-utilisés? Donc, il existe déjà tout un
volet de programmes, mais on me dit... on parle aussi en même temps d'avantages
financiers, de subventions et d'avantages fiscaux qui pourraient être... Est-ce
que ça pourrait encore coûter de l'argent au trésor pour essayer d'aider la
relève, quoi?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Oui, ça en a coûté. Depuis qu'on est au gouvernement, le ministre des Finances,
M. Leitão, six mois après notre arrivée au gouvernement, a haussé le
plafond du gain de capital non taxable jusqu'à 1 million de dollars. Il a
annoncé une mesure pour aider le jeune qui prend la relève avec des crédits d'impôt.
Il l'a même amélioré dans son dernier budget. Oui, ça coûte des sous, mais le
Québec a un problème de relève, généralement parlant, et, dans le monde
agricole, les obstacles sont encore plus importants, comme l'a souligné
M. Pronovost. Oui, il va falloir bouger.
M. Patelli (Yannick) : M.
Paradis, vous venez de parler, et M. Pronovost en parle dans son rapport, de la
diversité de l'agriculture et que les gens se cherchent différents organismes
de représentation. Est-ce qu'un seul syndicat peut représenter toute cette
diversité?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Présentement, il y a une loi qui a été adoptée en 1972 qui fait que l'Union des
producteurs agricoles représente l'ensemble des producteurs agricoles comme
tel. Mais rien n'interdit à l'Union paysanne d'avoir un rôle à jouer. Non, rien
n'interdit au Conseil des entrepreneurs en... pas en construction, des
entrepreneurs en agriculture... Ça se fait normalement sur le terrain. Le défi
d'un monopole, c'est... ça vous donne des droits, mais ça vous donne également
des responsabilités.
M. Patelli (Yannick) : Mais
vous savez que l'Union paysanne et le Conseil des entrepreneurs agricoles demandent
à ce qu'on légifère pour justement leur donner une place officielle. Est-ce que
c'est quelque chose envisageable dans les prochains mois ou...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Moi, je ne l'avais pas sur l'agenda, mais l'actualité des dernières heures...
puis je pensais que le problème actuel, là, c'était le lait diafiltré. Moi, là,
on se concentre là-dessus, la gestion de l'offre en dépend. La relève agricole
est affectée parce que, quand vous ne savez pas ce qui arrive avec votre bilan
financier à cause des importations, vous devez agir.
Maintenant, on a placé, dans l'agenda,
cette question-là. J'ai fait le tour des positions des formations politiques,
autant de Québec solidaire, que de la CAQ, que d'anciens porte-parole du Parti
québécois. Il semble y avoir une orientation dans cette direction-là. Maintenant,
est-ce que c'est une priorité législative? Non.
M. Bergeron (Patrice) :
Comment vous réagissez à ce que demande l'UPA, en fait, parce que M. Groleau
est sorti hier puis il vous demande carrément d'être muté ailleurs, d'être
déplacé?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Moi, c'est le premier ministre qui s'occupe de ces choses-là, habituellement.
Je suis le ministre de l'Agriculture, de tous les agriculteurs, de quelque
tendance qu'ils soient, comme je suis le député de tous les électeurs de Brome-Missisquoi
quelles que soient leurs tendances politiques.
M. Chouinard (Tommy) : L'UPA
a eu la tête de Françoise Gauthier. Croyez-vous que l'UPA va être capable
d'avoir votre tête?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Je ne le sais pas, moi, s'ils ont eu la tête de Françoise Gauthier ou pas. Ce
qui est important, ce matin... sérieusement, j'écoutais Bruno Letendre à une
émission de télévision, il parlait du problème diafiltré, là. Le problème ce
matin, là, c'est le chèque de paie du producteur de lait qui est amputé, ce
n'est pas la tête du ministre Paradis, là. C'est comment on fait ça ensemble,
qu'on travaille ensemble à s'assurer que ce chèque de paie là revienne à la
normale. On l'a fait forts et unis ensemble pour Atlanta dans le cadre des
négociations du Partenariat transpacifique, on est capables de le faire face à
Ottawa si on ne change pas l'agenda puis si on ne s'en va pas tout croche, là.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
je reviens à ce que vous disiez. Vous dites : Présentement, il y a une loi
qui a été adoptée qui assure le monopole syndical à l'UPA, puis là vous dites :
Ah! il y a plein de monde qui parle qu'il faudrait revoir cette règle-là, mais
ce n'est pas une priorité, là. Sans être une priorité, est-ce que c'est une
intention gouvernementale?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Écoutez, là, moi, je vais vous faire des citations. Françoise David, ma
collègue : «Et si l'UPA est forte, elle ne doit pas avoir peur de la
concurrence.» La porte-parole de la CAQ, ma collègue Sylvie D'Amours, est plus
dure, elle, en plus de ça : «L'UPA ne travaille plus pour les producteurs.
[...]J'ai déjà dit à Marcel Groleau : Sais-tu que l'UPA est sur la corde
raide, et il m'a dit oui.» C'est des propos qui sont rapportés dans les médias.
M. Bergeron (Patrice) :
Qu'est-ce qui explique un peu la réaction de l'UPA, là, par rapport à ce que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Je ne le sais pas. Il y a même Bernard Landry qui a dit : «...l'UPA se
porterait mieux sans monopole syndical». Puis le ministre de l'Agriculture
qu'on cite toujours en exemple, Jean Garon, appuie la fin du monopole de l'UPA.
Ça fait pas mal de...
M. Bergeron (Patrice) : Vous
citez des gens, mais est-ce que vous êtes d'accord avec leurs constats ou vous
les citez juste comme ça?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Bien, moi, si, comme ministre de l'Agriculture, j'avais ça, là, à faire pendant
cette session-ci, je serais en préparation de rédaction de loi, mais ce n'est
pas le cas. Je ne parlais pas de ça, moi, je parlais...
M. Chouinard (Tommy) : Bien,
d'ici la fin du mandat...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Ma priorité, là, c'était le lait diafiltré, pendant cette session-ci, et la
relève agricole. Il y a un lien entre les deux. À partir du moment où quelqu'un
d'autre essaie de mettre ça à l'agenda, je me dis : Est-ce que c'est
vraiment prioritaire?
M. Bergeron (Patrice) : Mais,
quand vous rapportez ces propos-là, est-ce que ce n'est pas pour créer...
est-ce que ça ne crée pas justement une inquiétude à l'UPA, puis c'est pour ça
peut-être qu'eux...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Bien, ils n'ont pas besoin d'être rapportés, ils sont déjà publiés.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
votre opinion, M. Paradis, c'est tout simplement... Nous ne souhaitons pas
connaître l'opinion d'autres personnes, on veut connaître l'opinion du
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Mon opinion, c'est que présentement la priorité pour les producteurs agricoles
du Québec, c'est le maintien du système de gestion de l'offre, qui est
drôlement mis à parti, là, par les règlements fédéraux qui ne sont pas
interprétés correctement par deux agences fédérales. C'est ça, le combat à
mener.
M. Chouinard (Tommy) :
...mais la remise en question du monopole syndical, est-ce que ça...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Si on gagne ce combat-là, on pourra parler des accessoires. Si on perd ce
combat-là, on perd beaucoup comme société et comme économie.
M. Larivière (Thierry) : ...est-ce
que le fait que l'UPA soit la seule organisation accréditée dans le cadre de la
loi, comme vous l'avez dit, est-ce que vous pensez que ça leur donne une
prépondérance, que vous devriez leur porter davantage attention dans vos
différentes politiques, dans vos actions?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Bien, j'étais, moi, là... Je pense que vous étiez là ou un de vos collègues
était là. J'étais à l'assemblée générale annuelle des producteurs laitiers...
M. Larivière (Thierry) : ...se
plaignent du contraire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
...des producteurs laitiers, il y a à peine deux semaines, 10 jours même, et, à
ce moment-là, il y avait unanimité.
J'étais avec Marcel Groleau, le président
de l'UPA, il y a deux semaines à Montréal, avec Agropur, avec les différents
intervenants du monde laitier, tout le monde était d'accord. Qu'est-ce qui
s'est passé depuis ce temps-là? Moi, je ne le sais pas. Je parle régulièrement
avec...
M. Bergeron (Patrice) :
...vous n'expliquez pas le mécontentement de M. Groleau...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
...avec les éleveurs de porcs, quasiment hebdomadairement, je parle avec les
producteurs d'oeufs, je parle avec les producteurs de dinde, je parle avec les
producteurs de poulet, je parle avec les maraîchers, je parle avec tout le
monde. Peut-être que je ne devrais pas, je ne sais pas.
M. Chouinard (Tommy) :
Qu'est-ce qui motive la sortie de l'UPA, alors, contre vous?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Pardon?
M. Chouinard (Tommy) :
Qu'est-ce qui motive la sortie de l'UPA contre vous?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Je ne le sais pas, moi. J'ai tenté de voir... parce qu'on avait, à travers le
discrétionnaire ministériel, donné certaines sommes d'argent. C'est ça que j'en
déduis, là, mais il faudrait leur demander. Mais j'en ai donné à l'UPA. C'est
l'UPA qui a eu la plus grosse part du gâteau.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
le budget discrétionnaire, à partir du budget discrétionnaire, combien?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
30 000 $. Les portes ouvertes, qui est une excellente initiative dans
laquelle on croit beaucoup, là.
M. Chouinard (Tommy) : ...la
question parce qu'il faut que... Ce n'est pas clair dans mon esprit, là. Une
révision du monopole syndical de l'UPA, est-ce que ça, d'ici la fin du mandat,
c'est une possibilité ou vous dites non?
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Non. Moi, ce que je vous dis, c'est que présentement, la priorité, c'est le
chèque de paie du producteur de lait et la relève agricole.
M. Chouinard (Tommy) :
...j'ai bien compris, M.Paradis, que ce n'est pas la priorité...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Maintenant, les priorités de l'automne, je ne les connais pas encore toutes.
Puis je peux vous dire que j'ai une autre priorité sur le plan législatif :
l'affichage des OGM.
M. Chouinard (Tommy) : Oui, mais...
Donc, c'est exclu totalement, cette idée-là...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Je n'ai pas dit ça. J'ai dit que les priorités fluctuent en fonction des
évolutions.
M. Patelli (Yannick) : M.
Pronovost, peut-être une question sur le rapport, parce que, vous qui avez fait
un rapport de 300 pages en 2008...
M. Paradis (Brome-Missisquoi) :
Est-ce que vous permettez, je vais m'excuser. La commission parlementaire sur
les crédits... On va avoir des questions. Si vous êtes là, dans les corridors,
on y répondra également. Je vais vous laisser en pâture M. Pronovost, et moi,
je vais aller vers d'autres pâturages. Merci.
M. Patelli (Yannick) : Oui,
on a une question, M. Pronovost, sur le fait que vous avez un rapport, en 2008,
de 300 pages qui inclut aussi des questions sur la relève agricole. Avez-vous
vu une grande différence, 10 ans après quasiment, huit ans après? Est-ce
qu'il y a des choses qui ont... Est-ce que les gouvernements successifs ont
fait évoluer les choses ou vous avez retrouvé les mêmes constats?
M. Pronovost (Jean) : Oh! C'est
sensiblement les mêmes constats. Les outils sont là et ils sont peu, ou mal, ou
pas assez utilisés dans certains cas. Je pense, ça, c'est très, très clair.
Même je vais vous citer une anecdote. J'ai
rencontré ces deux jeunes agronomes qui viennent de s'associer pour partir une
ferme, et c'est moi qui leur ai appris l'existence du FIRA. C'est un peu
surprenant, là, puis j'en ai rencontré plusieurs cas comme ça, de gens qui
savaient le nom, des fois, de certains programmes, mais ne savaient pas le
contenu, ils ne savaient pas les modalités.
Quand on parle d'un coffre à outils, là, c'est
de... les jeunes devraient savoir que ces possibilités-là existent. Dans
certains cas, elles existent à l'extérieur même du cadre qu'on pourrait appeler
agricole. Wxemple, le programme Jeunes Entrepreneurs, qui est un programme un
peu universel, hein, qui veut soutenir les jeunes entrepreneurs, quel que soit
le domaine dans lequel il oeuvre, et beaucoup d'agriculteurs ne savent pas que
ça peut servir dans l'agriculture aussi, dans certaines régions, à tout le
moins.
M. Larivière (Thierry) : Étant
donné ce que vous dites, est-ce que vous préconisez qu'il y ait un
accompagnateur, ou un bureau central, ou je ne sais pas, pour justement
accompagner les jeunes producteurs dans leurs démarches qui visiblement
n'aboutissent pas à tous les programmes, là, en ce moment?
M. Pronovost (Jean) : Bien,
si vous lisez les sections pertinentes du rapport, vous voyez que...
M. Larivière (Thierry) : C'est
quoi la formule qu'il faudrait?
M. Pronovost (Jean) : Pardon?
M. Larivière (Thierry) :
Quelle formule vous préconisez pour...
M. Pronovost (Jean) : Bien,
je suggère que ces programmes soient largement diffusés, qu'ils soient, dans le
fond, installés dans un coffre à outils qui permet des assouplissements en
fonction des plans d'affaires.
M. Larivière (Thierry) :
Mais, concrètement, les jeunes vont cogner où?
M. Pronovost (Jean) : Puis
les jeunes, ils iraient cogner à La Financière agricole, qui est l'endroit
qu'ils fréquentent généralement, un peu comme on va chercher des conseils chez
son banquier qui nous accompagne tout au long d'un plan d'affaires. Au début,
on a besoin d'argent pour tout simplement vivre, hein, parce qu'on est en train
de planifier sa ferme. Dans un deuxième temps, on a besoin d'aide pour acquérir
des moyens de production.
M. Larivière (Thierry) : Et
une autre question, si vous permettez. Est-ce que vous préconisez un
assouplissement de la Loi de la protection du territoire agricole? Puis, si
oui, lequel?
M. Pronovost (Jean) : La
réponse est oui, mais en fonction uniquement des besoins des jeunes
agriculteurs. Est-ce qu'on ne pourrait pas faire pour eux... dans la loi,
prévoir des provisions qui leur permettent de s'installer sur de plus petites
terres et d'y avoir maison? Est-ce qu'on ne pourrait pas, dans le cas où trois
fermes veulent s'associer pour faire, en complémentarité, une plus grande
ferme, est-ce qu'on ne pourrait pas permettre d'avoir trois maisons familiales,
mais uniquement dans les cas d'agriculture et de relève puis en prenant les
précautions nécessaires?
Les jeunes sont très éloquents là-dessus.
Ils ne remettent pas en cause du tout, du tout la nécessité absolue de protéger
le territoire agricole. Mais ils disent : Nous aussi, on est des
agriculteurs. Puis, quand vous obligez un agriculteur qui commence à avoir
100 hectares, c'est plusieurs fois ce dont on a besoin, puis on n'a pas
l'argent pour acheter tout ça. Pourquoi on ne pourrait pas, nous, s'installer à
certaines conditions, des conditions qui peuvent être sévères, dans de plus
petits lopins.
M. Larivière (Thierry) : Quelle
grandeur minimale?
M. Pronovost (Jean) : Bien,
ça dépend des fermes évidemment. Actuellement, je sais ou je crois savoir... on
m'a dit que la CPTAQ travaillait sur une norme de référence qui tournerait
autour de 40 hectares. Les jeunes trouvent ça encore très élevé. La norme
de référence, actuellement, ça semble tourner autour de... Je parle bien d'une
norme de référence, pas une norme absolue, parce que les cas sont très
diversifiés.
M. Chouinard (Tommy) : Est-ce
que le monopole syndical de l'UPA, c'est un obstacle, ça, pour la relève
agricole au Québec?
M. Pronovost (Jean) : Je
dirais que... parce que c'est difficile, pour moi, de répondre directement à
votre question. Les jeunes, vous les connaissez aussi bien que moi, ils sont
férus d'indépendance. O.K.? Puis l'UPA, elle est porteuse de règles, de
règlements, de plans conjoints, puis ils cherchent à faire leurs propres
projets. En ce sens-là, ils vont un peu ressentir toutes les contraintes qui
peuvent venir d'une organisation qui est très articulée et qui a un pouvoir
réglementaire. C'est probablement la meilleure réponse que je peux vous faire.
M. Chouinard (Tommy) : Donc,
je comprends que, s'il y avait une révision du monopole syndical, ça pourrait
quand même lever certains obstacles ou des contraintes qui sont rencontrés par
la relève agricole.
M. Pronovost (Jean) : Ou
encore, le monopole syndical pourrait s'emparer de cette volonté d'affirmation
des jeunes et puis changer certaines de ces pratiques, faire lui-même les
recommandations que je fais concernant les quotas laitiers, là. Ça s'adresse à
la Fédération des producteurs de lait, ça. C'est eux qui gèrent ça
actuellement.
M. Chouinard (Tommy) : Ça
fait des années qu'on en parle, de cet enjeu-là, de la relève. Comment se
fait-il qu'une organisation comme l'UPA... Je ne connais pas toutes les
initiatives de l'UPA, là, mais à partir, en fait, des observations faites par
la relève agricole, il semble qu'ils n'aient pas levé beaucoup de contraintes
au fil des ans.
M. Pronovost (Jean) : Bien,
ça dépend. J'assistais les producteurs d'oeufs et de volaille, où, eux, ça
semble aller beaucoup mieux, d'après mes interlocuteurs. Mais la Fédération des
producteurs de lait a une réglementation beaucoup plus sérieuse et serrée.
M. Larivière (Thierry) :
Justement, à propos des quotas, est-ce que vous préconisez une hausse des
seuils de hors-quotas? Est-ce que vous... je n'ai pas tout lu le rapport encore,
évidemment, là. Est-ce qu'il y a un chiffre que vous proposez dans certaines
productions?
M. Pronovost (Jean) : Bien, dans
le rapport, je fais état de ce qui est permis ailleurs et puis, sans avancer de
chiffre, parce que ça, ça va être l'objet de discussions entre plusieurs
personnes, on pourrait penser qu'on pourrait s'inspirer d'une moyenne
canadienne, par exemple. D'un autre... on permet ça. Ailleurs, ils permettent 2 000,
dans certaines provinces. Là, je vous cite les extrêmes, là.
M. Larivière (Thierry) :
Donc, la moyenne pourrait être un guide, vous pensez?
M. Pronovost (Jean) : Bien,
regardez les tableaux que j'ai mis dans mon rapport.
Une voix : Merci beaucoup.
(Fin à 10 h 4)