(Quatorze heures quatorze minutes)
M. Heurtel : Bon. Alors,
bonjour. Merci beaucoup d'être là. Alors, en effet, je suis accompagné de mon collègue
Carlos Leitão, ministre des Finances; ma collègue ministre déléguée à la
Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique, Lucie
Charlebois; mon adjoint parlementaire, Marc H. Plante, député de Maskinongé. Également,
je tiens à saluer l'équipe du ministère de l'Environnement qui est ici avec
nous, qui a joué un rôle important et essentiel dans l'élaboration de cette stratégie.
Alors, le premier ministre du Québec vient
tout juste de déposer à l'Assemblée nationale la Stratégie gouvernementale de développement
durable 2015‑2020. Il s'agit d'un programme ambitieux d'actions pour faire
avancer le développement durable au Québec au cours des cinq prochaines années.
Le développement durable n'est pas un concept nouveau pour le gouvernement du
Québec. Nous sommes un des rares États à nous être dotés d'une loi sur le
développement durable, en 2006, et nous rendons publique aujourd'hui notre
deuxième stratégie gouvernementale.
En vertu de la Loi sur le développement
durable et en cohérence avec cette nouvelle stratégie, toutes les organisations
publiques, ministères et organismes de l'État québécois devront, d'ici le 31
mars 2016... devront déposer, pardon, d'ici le 31 mars 2016, des plans d'action
de développement durable qui seront mis en oeuvre dans les prochaines années.
Notre gouvernement réitère ainsi son engagement envers le développement
durable. Nous voulons aller plus loin.
À l'aube de la conférence de Paris sur le
climat, qui commence dans quelques semaines, notre stratégie de développement
durable met de l'avant des principes tout à fait cohérents avec les ambitions internationales.
La lutte contre les changements climatiques, ce défi important qui est une
priorité pour notre gouvernement, y occupe une place de premier plan. Aujourd'hui
même, pour la première fois au Québec, nous lançons une importante campagne de sensibilisation
sur la lutte contre les changements climatiques. Cette campagne intitulée
Faisons-le pour eux vise à sensibiliser la population québécoise à la réalité
des changements climatiques au Québec et à l'informer sur les façons d'agir
ainsi que sur l'action gouvernementale.
Dans le cadre de la stratégie de développement
durable, nous voulons que l'administration publique québécoise soit aussi de
plus en plus engagée pour lutter contre les changements climatiques et pour
contribuer à faire du Québec une société plus résiliente à l'égard des
bouleversements en climat. Nous misons, entre autres, sur un développement
économique plus vert, sobre en carbone et socialement responsable. Le secteur
de l'énergie devra être orienté vers l'efficacité, l'optimisation de la
production d'énergie renouvelable et l'utilisation de technologies propres. À
notre avis, c'est une transformation nécessaire pour relancer et développer de
façon durable notre économie et relever les défis environnementaux actuels.
Inspirée des grandes tendances
internationales, la stratégie 2015‑2020 établit plus précisément huit
orientations correspondant à des enjeux fondamentaux comme : renforcer la
gouvernance du développement durable dans l'administration publique, développer
une économie prospère de façon durable, verte et responsable, gérer les
ressources naturelles de façon responsable et respectueuse de la biodiversité,
favoriser l'inclusion sociale et réduire les inégalités sociales et économiques
améliorées par la prévention, la santé de la population, assurer l'aménagement
durable du territoire et soutenir le dynamisme des collectivités, soutenir la
mobilité durable, favoriser la production et l'utilisation d'énergies
renouvelables et l'efficacité énergétique en vue de réduire les émissions de
gaz à effet de serre.
Ces huit orientations permettent
d'englober une foule de projets en cours ou à lancer au sein de l'État
québécois. Plus que jamais, nous misons sur la mobilisation de nos organisations
publiques pour répondre aux enjeux environnementaux de l'heure et favoriser la
transition vers une économie verte et sobre en carbone. Nous avons prévu la
réalisation de cinq activités incontournables auxquelles les ministères et les
organismes devront participer afin de contribuer de façon structurante et
significative à faire de l'État un modèle. Ces activités incontournables
concernent, par exemple, la gestion écoresponsable des ressources matérielles
et des matières résiduelles, le transport et les déplacements du personnel, les
bâtiments et les infrastructures administrés par les ministères et les
organismes ainsi que leurs parcs ou leurs systèmes informatiques.
Nous innovons aussi en mettant en place,
avec la stratégie, une série de six grands chantiers qui aideront à rendre plus
concret l'impact à court terme de l'action gouvernementale en développement
durable. Ces chantiers seront portés et réalisés par différents ministères ou
organismes qui auront à travailler ensemble pour changer les choses et proposer
des actions. D'ailleurs, la mise en oeuvre de ces chantiers découle de l'une
des recommandations du Commissaire au développement durable au sujet de la
première stratégie, celle de 2008‑2013. Le vaste exercice de réflexion qui a
mené à l'élaboration de cette stratégie a été complété par une ronde de consultations
particulières qui a été tenue, au début de l'année 2015, à l'Assemblée
nationale par la Commission des transports et de l'environnement.
Au terme de tout ce travail, je suis
fermement convaincu que nous disposons, avec la Stratégie gouvernementale de développement
durable 2015‑2020, d'un outil de cohérence gouvernementale qui mettra toute l'administration
publique au diapason du développement durable et de la lutte contre les changements
climatiques. L'atteinte des objectifs fixés dans cette stratégie repose sur l'engagement
de toutes les organisations publiques. Cela implique aussi que le développement
durable soit systématiquement intégré aux grands projets de notre gouvernement,
que ce soient le Plan Nord, la Stratégie maritime et l'électrification des
transports. Cette stratégie 2015‑2020 est un outil de cohérence gouvernementale
qui nous permettra de lutter ensemble contre les changements climatiques afin
d'assurer une qualité de vie à nos enfants. Nous le faisons pour eux.
Merci beaucoup. Et maintenant j'invite mon
collègue le ministre des Finances à vous adresser la parole.
M. Leitão : Merci. Merci,
David. Alors, bonjour, tout le monde. Mesdames, messieurs, d'abord, je dois
vous dire que je suis très content de participer à la présentation de cette stratégie
gouvernementale de développement durable 2015‑2020.
C'est un programme ambitieux, certes, mais
le sujet le commande. Avec le personnel du ministère des Finances, je prendrai
part au chantier sur l'économie verte et responsable. Je m'attarderai surtout à
favoriser une meilleure utilisation de l'écofiscalité, qui est une forme de
fiscalité émergente. Il s'agit d'un moyen prometteur de notre gouvernement pour
contribuer à atteindre les objectifs de développement durable et de lutte
contre les changements climatiques.
Nous allons, dans les prochaines semaines,
constituer un groupe de travail avec le ministère du Développement durable, de
l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et le
ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations. Ce groupe
élaborera la stratégie gouvernementale en matière d'écofiscalité, qui
présentera sa vision, les enjeux ainsi que les objectifs qui guideront
l'administration publique dans sa démarche d'intégration de nouvelles mesures
écofiscales au Québec.
Ce sera, du même coup, une façon de donner
suite aux travaux de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise, la
commission Godbout. Je tiens à assurer mon collègue David Heurtel de mon
entière collaboration et de mon engagement dans la mise en oeuvre de cette
stratégie gouvernementale de développement durable, particulièrement en matière
d'écofiscalité, parce que l'écofiscalité représente un moyen dynamique,
innovateur et responsable pour l'avenir du Québec et s'inscrit dans la logique
du développement durable.
Comme quelqu'un l'a déjà dit, et ce n'est
pas moi, je ne suis pas l'auteur de cela, ce n'est pas une question de tuer l'économie
pour sauver la planète. Au contraire, pour qu'on puisse sauver l'économie, il
faut aussi sauver la planète, et c'est dans cette ligne d'action que nos
agissements entrent en considération.
Je passerais maintenant la parole à ma
collègue Lucie Charlebois.
Mme
Charlebois
:
Merci. Alors, mes collègues, les représentants des médias, vous tous ici
présents, comme l'a mentionné le ministre du Développement durable, la
Stratégie gouvernementale de développement durable 2015‑2020 présentée par le
ministre de l'Environnement marque une étape importante dans notre histoire
collective et s'inscrit dans les grandes priorités que nous avons identifiées
pour le Québec, des priorités d'action qui, il faut s'en réjouir, s'inscrivent
dans une démarche de responsabilité durable à l'égard de notre population et
des générations futures. Les engagements que nous prenons aujourd'hui sont
essentiels pour accroître la cohérence de l'activité gouvernementale en faveur
de la santé et du bien-être de la population en général et, plus précisément,
au soutien des plus vulnérables d'entre nous.
Comme vous le savez, nous devons agir de
manière ciblée et efficace sur les facteurs individuels et environnementaux qui
ont un impact sur la santé pour réussir à améliorer la santé globale de nos
concitoyens. Et, si nous voulons réussir pleinement nos objectifs, il faut agir
en collaboration avec les autres partenaires et rejeter les approches
individuelles.
Le ministère de la Santé et des Services
sociaux apportera une contribution concrète et positive au chantier intitulé
Santé, solidarité sociale et adaptation aux changements climatiques, qui vise à
prévenir et à réduire les conséquences de la pollution atmosphérique sur des changements
climatiques sur les populations vulnérables en renforçant notre action gouvernementale
commune. Nous avons tout à gagner, tant au plan social qu'au plan économique, à
améliorer, par la prévention, des actions ciblées, la santé de la population.
Dans le cadre de ce chantier et en
collaboration avec le ministère du Développement durable, de l'Environnement et
de la Lutte contre les changements climatiques — c'est un titre qui
est presque aussi long que le mien — nous nous assurons de mettre en
place la première politique québécoise sur la qualité de l'air. Ça peut
paraître assez flou pour certains d'entre nous, mais la mauvaise qualité de
l'air constitue une menace réelle pour la santé de nos concitoyens et nos
concitoyennes lorsque ceux-ci se retrouvent exposés à différents contaminants,
tant dans l'air extérieur que dans l'air intérieur de nos bâtiments. Pensons un
seul instant aux personnes qui ont un trouble cardiaque, aux personnes qui
souffrent d'allergies, aux personnes qui souffrent de maladies pulmonaires, et
j'en passe.
De plus, toujours en collaboration avec le
ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les
changements climatiques et les partenaires responsables des projets, le
ministère de la Santé et des Services sociaux et l'Institut national de santé
publique, nous verrons tous au soutien du projet de lutte contre les îlots de
chaleur en zone urbaine. Et vous avez une députée de terrain qui croît à
combattre les îlots de chaleur dans son propre comté, dans mon petit comté de
Soulanges. Alors, vous pouvez penser que, comme ministre responsable, ça va
sûrement faire en sorte de s'activer davantage, parce que chez nous, on plante
déjà des arbres, et je ne l'avais pas mentionné à mon collègue, mais je lui
annonce aujourd'hui, et on fait ça avec la population pour sensibiliser la
population. Alors, nous allons faire ça à une plus grande échelle et tout ça
dans une perspective de cohérence. Il faut agir à tous les niveaux
d'intervention, là où se trouvent les leviers pour améliorer la santé et la
qualité de vie de la population.
Réfléchir et agir dans une perspective de
prévention, de santé publique, dans un esprit de développement durable de notre
société, c'est mettre en place des mesures précises qui s'inscrivent dans le
long terme et dans une perspective large et complexe. Il existe un lien étroit
entre la santé, et l'équité sociale, et la qualité de l'environnement. Je suis
fière que la nouvelle stratégie gouvernementale de développement durable... et,
en ce sens, ce chantier nous permet d'y réfléchir, d'agir sur ses composantes
communes, sur un ensemble d'autres facteurs. C'est en appliquant cette stratégie
tous ensemble que nous parviendrons à agir efficacement en amont des problèmes
de santé et à favoriser le mieux-être de la société québécoise pour les
générations futures. Merci.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. On va maintenant procéder à la période de questions. Donc,
j'inviterais les journalistes à s'avancer et à se nommer ainsi que le média
qu'ils représentent.
M. Caron (Régys)
:
Bonjour, Mme Charlebois. Bonjour, messieurs. Régys Caron du Journal de
Québec. Est-ce que je me trompe si je déduis de ce que vous nous annoncez aujourd'hui
que l'économie va être le nerf de la guerre de votre stratégie, M. Leitão,
M. Heurtel?
M. Leitão : Écoutez,
l'économie est toujours le nerf de la guerre de toutes les stratégies, et c'est
clair qu'une stratégie de lutte aux changements climatiques doit passer... doit
être arrimée avec une stratégie économique. Comme j'ai dit à la fin de mes
propos, ce n'est pas une question de tuer l'économie, au contraire, c'est en
sauvant la planète que nous allons créer l'économie du XXIe siècle. Donc,
les deux sont complètement interdépendantes.
M. Caron (Régys)
:
Votre collègue M. Heurtel a entrepris des consultations quant aux cibles
de réduction de gaz à effet de serre il y a quelques semaines. Il y a des
organisations, là, le Conseil patronal de l'environnement, les alumineries, qui
sont venues dire : Écoutez, vos cibles sont trop ambitieuses. Exemple, les
alumineries ont dit : Avec des cibles comme ça, ça peut arriver qu'on soit
obligés d'arrêter d'opérer.
Qu'est-ce que le ministre des Finances
peut dire à ces organisations-là aujourd'hui pour les rassurer quant à ce qui
les attend?
M. Leitão : Bien, écoutez,
c'est clair que ces cibles sont ambitieuses, mais nous avons le temps de nous
adapter. Nous allons accompagner ces entreprises-là et ces secteurs industriels
dans cette transition écologique. Encore une fois, ça ne servirait absolument à
rien d'essayer de retarder la transition écologique si, au bout de l'exercice,
on se retrouve avec une planète qui est en très mauvais état et donc toute
l'activité économique serait affectée par une mauvaise qualité de l'air. Alors,
c'est dans l'intérêt de tout le monde, des entreprises, des gouvernements,
de tout le monde, d'arriver à être capable de faire cette transition
écologique ensemble.
M. Caron (Régys)
:
L'écofiscalité, là-dedans, M. Leitão, qu'est-ce que ça peut vouloir dire?
Des crédits d'impôt ou...
M. Leitão : L'écofiscalité,
c'est un sujet qui est très large. Et d'ailleurs c'est un sujet qui, de plus en
plus, va être à l'avant-garde, ici comme ailleurs. Vous allez entendre beaucoup
parler de cela, probablement à Paris et après. Écoutez, c'est un moyen...
M. Caron (Régys)
: Un
levier?
M. Leitão : Pardon?
M. Caron (Régys)
: Un
levier?
M. Leitão : Un levier, un
moyen pour changer les comportements. Ne soyons pas naïfs, si on veut
réduire — et on veut réduire — les émissions de gaz à effet
de serre, il faut changer nos comportements. Et, pour changer nos
comportements, il faut avoir les mesures qui vont contribuer à faire ça. Ça ne
viendra pas tout seul. Il faut avoir les moyens qui vont accompagner, dans
certains cas forcer, le changement de comportements. C'est inévitable.
M. Croteau (Martin)
:
Bonjour à tous, Martin Croteau de LaPresse. M. Leitão,
peut-être, si vous pouvez poursuivre là-dessus, donnez-nous donc des exemples
de forme de levier de taxation, de tarification qui auraient pour effet de
modifier les comportements des gens.
M. Leitão : Écoutez, c'est
tout le vaste chantier de pollueur-payeur, utilisateur-payeur. Ça s'applique
dans toute une série d'enjeux. Je ne vais pas ici commencer maintenant à faire
ces annonces-là parce que, si des annonces, il y en a, ça, c'est dans un cadre
d'un budget qu'on ferait ça, mais c'est très vaste. L'écofiscalité, c'est un
chantier qui est très vaste. Il y a toutes sortes de mesures qu'on peut mettre là-dedans,
et, encore une fois, l'objectif, c'est de changer, de s'assurer qu'on est
capables de changer de comportement.
Au Québec, nous avons déjà ça, nous avons
déjà commencé avec ça. Le système que nous avons, de plafonnement et échange,
ça s'insère dans ce processus de changement de comportements, et nous pensons
que nous devons poursuivre et aller même au-delà de ça.
M. Croteau (Martin)
: Je
comprends que vous lancez les consultations, mais forcément, vous devez avoir
une vision de ce que ça peut donner. Tu sais, à quoi les gens peuvent s'attendent
par rapport à ça?
M. Leitão : Quand on parle de consultations,
ce qu'on parle ici, c'est d'une table interministérielle : ministère des
Finances, ministère du Développement économique, ministère de l'Environnement.
On va... les trois ministères ensemble parce que les trois ministères sont
concernés. C'est là qu'on va se réunir et on va proposer ensemble des mesures
pratiques. En termes de consultations, la commission Godbout, entres autres, la
commission Godbout a beaucoup analysé cette question-là, elle a beaucoup
dialogué avec plusieurs intervenants pour nous proposer des mesures
écofiscales. Donc, ce processus a déjà commencé.
M. Croteau (Martin)
:
M. Heurtel, vous avez... M. Leitão a fait référence au système de plafonnement
et d'échange des émissions. Est-ce que le fait que Québec soit maintenant forcé
d'envisager d'autres mesures pour modifier les comportements signifie que le système
de plafonnement et d'échange tout seul n'est pas suffisant pour permettre au
Québec de réduire de manière importante ses émissions de gaz à effet de serre?
M. Heurtel : Non, ce n'est pas
du tout ça que ça veut dire. Dans n'importe quelle stratégie de lutte contre
les changements climatiques, on va parler de plusieurs mesures. Le marché du
carbone et le système de plafonnement et d'échange est une des pierres
angulaires de cette stratégie-là, mais il faut un ensemble de mesures. Le plan
d'action sur l'électrification des transports, par exemple, c'est un exemple
très concret, qu'on a annoncé il y a quelques semaines, justement, de
contribuer concrètement à la lutte contre les changements climatiques par le
biais de l'instauration de ce plan d'action.
Encore une fois, en parlant
d'écofiscalité, il y a déjà des mesures d'écofiscalité en place. Le
8 000 $, la subvention de 8 000 $, qui va jusqu'à
8 000 $ pour l'achat d'un véhicule électrique, ça, c'est une mesure
d'écofiscalité qui est déjà en place, qui fait partie de notre plan d'action
sur les changements climatiques. Là, ce dont on parle, c'est qu'avec le marché
du carbone, avec une série d'autres mesures, l'électrification des transports,
les mesures pour favoriser l'achat de véhicules électriques... c'est quelques
exemples, il y en a plusieurs autres, mais là ce qu'on voit, c'est qu'on se
doit d'agir pour 2030, on se doit d'agir pour 2050, puis il y a d'autres
mesures qui peuvent être mises en oeuvre. D'ailleurs, le rapport Godbout en a
suggéré, le ministre des Finances en a parlé tout à l'heure, et ça a fait
l'objet de la commission parlementaire auquel il a participé, mais ça fait
partie, justement, de l'ensemble des mesures, puis il faut continuer.
Alors, au contraire, ce que ça veut dire,
c'est qu'il y a des mesures déjà en place, mais l'écofiscalité et
l'écoconditionnalité à l'intérieur de l'État sont des éléments essentiels pour
s'assurer de cumuler des effets avec les mesures déjà en place, comme celle du
marché du carbone. Alors, c'est plusieurs mesures ensemble qui vont nous
permettre d'atteindre nos objectifs. Ce n'est pas... C'est faux de dire qu'on
met ça en place parce qu'il y aurait une mesure qui ne performerait pas assez.
Ce n'est pas exact de dire ça.
M. Croteau (Martin)
: Mais,
juste pour être clair, donc ce n'est pas une autre forme de tarification du
carbone.
M. Heurtel : Pas du tout.
Journaliste
: Ce n'est
pas la même chose.
M. Heurtel : Ce n'est pas du
tout la même chose. L'écofiscalité, c'est un concept, c'est un principe qui
fait en sorte qu'on met en place des mesures qui sont liées ultimement à
l'internalisation des coûts, là. Je ne veux pas rentrer dans des concepts trop
techniques, mais le fait est qu'il faut comprendre que les émissions de gaz à
effet de serre, les effets des émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble
de nos actions ne sont pas entièrement pris en compte par la façon dont on agit
comme gouvernement.
Alors, il faut justement, au niveau de
l'écofiscalité, vraiment être capable de bien s'assurer que, dans l'ensemble de
notre fiscalité, on reconnaisse les impacts, justement, d'avoir des
comportements qui accentuent les émissions de gaz à effet de serre. Alors, par l'écofiscalité,
comme mon collègue vient de le dire, on tente de changer les comportements,
d'inciter les gens à changer leurs comportements et aussi, en même temps, de
nous permettre de financer les moyens qu'on a besoin pour justement avoir une
stratégie efficace en matière de lutte contre les changements climatiques.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Bonjour. Marco Bélair-Cirino du Devoir. M. Heurtel, que souhaitez-vous
retrouver dans les plans d'action que vous attendez, là, de développement
durable des ministères et des organismes publics, concrètement?
M. Heurtel : Alors,
concrètement, ce qu'on s'attend, c'est de mettre en oeuvre les orientations qui
sont annoncées dans la stratégie, mais également on veut des objectifs
quantifiables et chiffrables de mise en oeuvre de ces orientations-là. Ça,
c'est très important. Le Commissaire au développement durable avait justement,
dans ses recommandations, suite à l'application de la dernière stratégie,
recommandé que, justement, il y ait des objectifs quantifiables, chiffrables,
des mesures, là, qu'on puisse dire : Bon, bien, tel ministère, tel
organisme a mis en oeuvre telles orientations, et voici, on est parti de... par
exemple, en termes d'émissions, tu sais, si, bien, on parle d'un ministère ou
d'un organisme qui a un parc automobile, O.K., un parc de véhicules, bon, qu'est-ce
qu'on a fait pour réduire les émissions de ce parc de véhicules? Qu'est-ce
qu'on a fait pour changer le type de véhicules? Est-ce qu'on est passés à
l'électrique? Est-ce qu'on est passés à l'hybride? Est-ce qu'on est passés à des
carburants moins polluants?
Même chose au niveau de la construction,
tu sais, parce que le gouvernement, dans l'ensemble de son action, est un
entrepreneur. Il construit, il rénove. Bon, est-ce que, dans cette action-là,
on a mis en place des mesures quantifiables d'intégration de techniques de
bâtiments verts? Et donc la même chose au niveau de, par exemple, le transport
actif. Est-ce qu'on a favorisé le transport actif au sein des employés du
gouvernement dans l'ensemble de son action? Alors, plusieurs actions... Dans la
stratégie, c'est décliné encore plus, mais c'est des objectifs très
quantifiables de pourcentages, par exemple, liés à l'émission de gaz à effet de
serre.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que ces efforts-là de réduction d'émissions de gaz à effet de serre
peuvent se faire à coût pratiquement nul ou il va devoir y avoir des
investissements de faits dans les différents ministères et organismes publics?
Notamment, vous dites : Il faut revoir les parcs automobiles. Acheter des
véhicules hybrides, c'est plus dispendieux. Mais est-ce que les ministères, qui
grattent les fonds de tiroir à l'heure actuelle, vont avoir les moyens de…
M. Heurtel : Bien, encore là,
quand vous dites qu'un véhicule électrique, un véhicule hybride est moins
dispendieux, pas tout à fait exact.
M. Bélair-Cirino (Marco) : C'est
plus dispendieux, un véhicule hybride.
M. Heurtel : Mais non, non,
pas si vous le voyez sur le coût de la durée de l'utilisation du véhicule.
Alors, justement, c'est, encore une fois… Mais j'apprécie, justement, la
question parce que c'est tout le noeud du défi qu'on a, aussi, en termes de
sensibilisation en matière de lutte contre les changements climatiques. Parce
que, quand on parle, justement, de l'acquisition d'un véhicule électrique, le
coût à l'achat est supérieur à un véhicule qui roule à l'essence
traditionnelle… aux hydrocarbures. Cela dit, sur la durée de vie du véhicule,
par contre, on récupère ce coût-là, alors les budgets d'opération des
ministères vont y gagner.
Puis d'ailleurs il y a des études
économiques tant au niveau du ministère des Finances qu'à l'international, il y
a des rapports récents qui montrent que, justement, non seulement c'est un
impératif de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais, au niveau
économique, au niveau de nos dépenses d'opération, on va y gagner. Alors, il ne
faut pas juste voir le coût d'acquisition.
Même chose, prenez l'exemple de la
géothermie, en construction. La géothermie coûte plus cher au départ, hein, au
niveau du coût de l'installation du système, mais, au niveau des frais d'opération
de l'immeuble, sur la durée de vie de l'immeuble, on y gagne. Alors, non
seulement on rembourse les coûts plus chers d'installer le système de
géothermie, mais on y gagne à long terme sur les dépenses d'opération. Alors, c'est
du gagnant-gagnant, là, d'intégrer ces stratégies-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, votre stratégie, elle est endossée par le président du Conseil du trésor,
Martin Coiteux.
M. Heurtel : Oui.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Dernièrement... de façon générale, quel est le chemin parcouru depuis la
publication de la première stratégie en 2008? Est-ce que l'État a été à la
hauteur dans les efforts…
M. Heurtel : L'État a mis en
place une stratégie… C'était la première stratégie, en 2008, hein, suite à
l'entrée en vigueur de la Loi sur le développement durable en 2006. Alors,
c'était une première stratégie. Pour l'époque, c'était une stratégie quand même
avant-gardiste, il y a eu des gestes qui ont été posés. Le Commissaire au développement
durable a émis certains commentaires, mais, dans l'ensemble, je veux dire, il
faut comprendre, l'action gouvernementale a changé.
Moi-même, je peux vous dire, à l'époque,
quand j'étais au Parc olympique, on devait, justement, soumettre annuellement
des plans d'action qui démontraient concrètement comment on mettait en oeuvre
la stratégie. Moi, je l'ai vécu comme gestionnaire d'une société d'État...
M. Bélair-Cirino (Marco) : ...
M. Heurtel : Très au sérieux.
Il fallait livrer. Il fallait livrer des résultats concrets. Là, ce qu'on fait,
c'est que, premièrement, on intègre d'une façon complète, dans tous les aspects
de l'action gouvernementale, la lutte contre les changements climatiques, mais
également on a des objectifs quantifiables, chiffrables. Alors, les plans
d'action, on va pouvoir les suivre, vous allez pouvoir les suivre, le
Commissaire au développement durable va pouvoir les suivre, s'assurer que
l'ensemble de l'action gouvernementale soit cohérente non seulement en matière
de développement durable, mais en matière de lutte contre les changements
climatiques.
La Modératrice
: Une
dernière question.
M. Corbeil (Michel)
:
Une série de questions, peut-être. Michel Corbeil, du journal Le Soleil.
Juste pour revenir sur la géothermie, si c'est si payant, est-ce qu'il y a des
bâtiments du gouvernement qui vont être alimentés en énergie de cette façon-là?
Je pense entre autres aux futurs bâtiments qu'on doit ériger même...
M. Heurtel : Bien, c'est quelque
chose qu'il va falloir regarder. Je veux dire, justement, dans les... Puis, encore
une fois, je ne veux pas commenter un dossier spécifique par rapport à un
autre. Justement, la stratégie, c'est justement de faire en sorte que l'action,
l'ensemble de l'action gouvernementale intègre ces principes-là. Donc, il doit
y avoir des plans d'action, l'ensemble des ministères et organismes doivent
adopter des plans d'action d'ici mars 2016, puis ces plans d'action là
doivent intégrer, justement, les objectifs de la stratégie. Alors, si on parle,
justement, de construction de bâtiments verts, il va falloir, dans un esprit de
cohérence gouvernementale, s'assurer que, dans l'intérieur... Puis on l'a vu, d'ailleurs,
on l'a vu... on a eu une... il y a eu un exemple, justement, dans le cas d'une
école à Montréal. Bon, bien là, justement, on les a finalement intégrés, ces
principes-là, dans la construction de l'école Saint-Gérard à Montréal. On a
fait en sorte que, justement, on a une cohérence dans notre action. Puis là
l'idée, c'est de continuer puis de s'assurer que les ministères et organismes, lorsque,
justement, ils ont à construire ou ils ont à rénover, fassent en sorte qu'ils
intègrent les principes de lutte contre les changements climatiques dans leurs
plans.
M. Corbeil (Michel)
: En
matière d'écofiscalité, est-ce qu'on a un certain rattrapage à effectuer? Il me
semble qu'au niveau... au gouvernement fédéral, on a une avance. Ça fait plus
longtemps qu'on en parle, en tout cas.
M. Leitão : Je ne penserais
pas qu'il y a un rattrapage à faire, je ne penserais pas, au contraire, je ne
penserais pas que les principes d'écofiscalité soient plus développés ailleurs
au Canada qu'ils le sont ici. Il me semble qu'ici, en termes pratiques, nous
sommes aussi avancés, sinon même plus avancés que nos voisins dans les autres
provinces canadiennes. Mais, bon, maintenant il y a un nouveau gouvernement
fédéral, il y a un nouveau ministre fédéral de l'Environnement, on verra. J'ai
l'impression que les choses, là-bas aussi, vont s'accélérer, mais on verra
bien.
M. Corbeil (Michel)
: Vous
dites que l'écofiscalité, c'est un ensemble de mesures. J'imagine que c'est à
la fois de l'écofiscalité, crédits d'impôt, mais c'est aussi des écotaxes, là.
M. Leitão : Oui, il ne faut
pas avoir peur des mots, en effet.
M. Corbeil (Michel)
:
Donc, il va y avoir de nouvelles taxes sur ce front-là?
M. Leitão : Comme mon collègue
a mentionné, il faut internaliser les coûts. Ça ne se fait pas tout seul, ça
n'arrive pas par le Saint-Esprit.
M. Corbeil (Michel)
:
On appelle... on parle du prix de l'essence, on parle des amendes pour les
pollueurs.
M. Leitão : C'est toutes ces
mesures-là. Comme je l'ai dit, il va y avoir une table interministérielle. On
va regarder toutes ces choses-là, les trois ensemble.
M. Corbeil (Michel)
: …pourrait
revenir?
M. Leitão : Toutes ces
choses-là. Mais, si décisions il y a à annoncer de ce genre-là, ça ne serait
pas ici qu'on le fera, ça sera dans le cadre d'un budget.
M. Corbeil (Michel)
: Pour
ce qui est de ce que vous voulez faire, le volet sur le… pas le climat, mais la
qualité de l'air, est-ce que vous allez avoir de nouvelles interdictions qui
vont tomber? Est-ce que ça va être tout simplement de s'assurer que les
pollueurs réduisent ce qu'ils mettent…
Mme
Charlebois
:
Bien, on va regarder la qualité de l'air, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur
des bâtiments. Et on débute seulement nos travaux, alors on pourra vous
revenir. Mais ce que je vous dis, c'est qu'on a l'intention de travailler à
cette stratégie-là en ce moment.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Bonjour. C'est pour M. Leitão. Jocelyne Richer, de LaPresse
canadienne. J'aimerais revenir sur l'écofiscalité. Vous dites que vous
voulez vraiment forcer des changements de comportement par des mesures
fiscales. Donnez-moi des exemples concrets de ce que ça pourrait être. Vous en
avez parlé un petit peu, mais pouvez-vous être plus concret, le scénario
envisagé présentement?
M. Leitão : Écoutez, il y a
des mesures très traditionnelles, comme certaines primes sur l'achat de
voitures à hautes cylindrées. En même temps, pas une prime, mais un bonus à
l'achat de voitures électriques, par exemple, ce qui existe déjà. Ça pourrait
être des taxes additionnelles sur le prix de l'essence. Je n'annonce pas ça ici
aujourd'hui, mais c'est le genre… Non, n'écrivez pas ça tout de suite : Demain
matin, l'essence va augmenter, là. Ce n'est pas ça, mais c'est le genre de
choses. Les entreprises, bon, maintenant, sont assujetties au système de
plafonnement et échange. Ça, c'est une forme d'écofiscalité.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Est-ce que vous voulez, comme, piger dans la poche, dans le portefeuille des
automobilistes, surtout, pour favoriser le covoiturage, par exemple?
M. Leitão : Des utilisateurs
de moyens de transport. On a beaucoup parlé d'électrification des transports,
il faut avancer dans cette voie-là, si je peux utiliser le mot. On pourrait
avoir des incitatifs et aussi des incitatifs négatifs.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Est-ce que c'est une façon pour l'État, justement, d'aller chercher de
nouvelles sources de revenus pour financer des mesures…
M. Leitão : Non, non, ce
n'est… On va rentrer dans toute une nouvelle... On ne va pas ouvrir... Je pense
qu'on est très limités dans la conférence de presse, mais c'est clair que,
quoiqu'on fasse dans la sphère de l'écofiscalité, ce n'est pas, je répète, là,
ce n'est pas un exercice d'augmentation du fardeau fiscal des Québécois. Si on
génère des revenus additionnels par des mesures d'écofiscalité, ces revenus-là
seront recyclés dans l'économie. Ce n'est pas un processus de hausse du fardeau
fiscal. Ce n'est pas ça du tout.
La Modératrice
: Est-ce
qu'il y a des questions en anglais?
Des voix
: ...
M. Leitão : Une dernière.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Non, ce n'est peut-être pas ça le but, mais ça peut être ça, l'effet pour les
gens.
M. Leitão : Non, non, mais, si
le montant qu'on va générer en revenus additionnels, si ces montants-là sont
réinjectés dans l'économie, que ce soit en forme de baisse d'impôt, que ce soit
en forme de subvention à l'achat d'autres types de produits, que ce soit en
forme de mesures pour assister les entreprises à faire le... Donc, c'est un...
L'État ne va pas...
Mme Richer (Jocelyne)
:
...point de vue, mais, du point de vue de l'utilisateur, de l'automobiliste,
c'est un alourdissement du fardeau fiscal.
M. Leitão : Pour que le
comportement change, il faut que cela soit reflété, mais, pour les
contribuables dans leur ensemble, pour tout le monde, si les montants sont
réinjectés dans l'économie, il n'y a pas de hausse du fardeau fiscal.
Journaliste
: M. Leitão,
juste une question : Le fardeau fiscal... augmenté si on… une taxe sur
l'essence, par exemple, ou la taxe sur les grosses cylindrées?
M. Leitão : Non, non, non,
cher monsieur, je suis totalement en désaccord avec vous. Je vous invite à
regarder, par exemple, ce qui se fait en Colombie-Britannique. Encore une fois,
je ne dis pas que c'est ce que je vais faire ici, mais les revenus qui sont
générés en Colombie-Britannique sont réinjectés en forme de baisse d'impôt,
donc il n'y a pas d'alourdissement du fardeau fiscal. Ça, c'est un exemple.
La Modératrice
: Merci.
M. Heurtel : Non, mais je veux
juste ajouter une chose, par contre. Je comprends toute la série de questions,
mais aussi je crois qu'il faut également comparer tout ce qui pourrait être
envisagé au coût de ne rien faire. Il faut que vous compariez, si vous voulez
être… si on fait un exercice complet de cohérence sur cette question-là, il
faut, de l'autre côté, faire l'exercice des coûts des changements climatiques
sur la santé, le coût sur nos infrastructures, les inondations, l'érosion
côtière, tout ce que ça, ça va coûter. Alors, si vous voulez vraiment regarder
l'ensemble de la question de fardeau puis le coût aux Québécoises et Québécois,
il faut également que vous mettiez, dans l'autre colonne, le coût de ne rien
faire et l'impact complet des changements climatiques.
Des voix
: Merci.
(Fin à 14 h 48)