Point de presse de M. André Boisclair, chef du Parti québécois, M. Jean-Pierre Charbonneau, député de Borduas, et M. Nicolas Girard, député de Gouin
Version finale
Le mardi 31 janvier 2006, 13 h 19
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Treize heures dix-neuf minutes)
M. Boisclair (André): Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Je n'ai pas besoin de vous présenter les gens qui m'accompagnent, mais je prendrai d'abord quelques instants pour dire que je suis très heureux de vous annoncer la nomination de Nicolas Girard, député de Gouin, comme organisateur en chef du Parti québécois. Nicolas aura la responsabilité de faire en sorte que nous soyons prêts dans chacune des 125 circonscriptions en termes de qualité d'organisation, de financement, de candidatures d'ici la prochaine élection. Nicolas Girard sera secondé par une équipe d'une quinzaine de députés qui, dans chacune des régions du Québec, ont aussi des responsabilités nouvelles et importantes sur le plan de l'organisation.
En somme, pour celles et ceux qui s'intéressent davantage à l'organisation politique, nous avons procédé à une vaste décentralisation de l'organisation du Parti québécois. Cette organisation est maintenant dans les mains de députés de l'Assemblée nationale. Ils seront bien sûr secondés par toute l'équipe du Parti québécois, de la permanence, du directeur général, de notre directeur d'organisation, M. Simon Bissonnette, mais, définitivement, c'est maintenant une organisation décentralisée sous l'autorisation et sous la supervision des députés qui se met en branle.
Je pense que cette décentralisation nous permettra de faire en sorte d'être plus efficaces sur le terrain, de travailler à l'organisation de tournées, de faire de l'animation, de rencontrer des leaders de la société civile à la fois pour leur parler de notre programme, leur parler de souveraineté et aussi pour écouter leurs priorités.
Le Parti québécois et son caucus sont aussi à l'oeuvre aujourd'hui en particulier sur les questions de santé. C'est pour cette raison que Jean-Pierre Charbonneau est à mes côtés. Nous avons consacré l'essentiel de l'avant-midi à échanger avec des spécialistes qui sont venus nous faire des présentations à la fois pour étudier les suites qu'il faut donner au jugement Chaoulli rendu par la Cour suprême, mais aussi pour examiner la plus vaste question qui est celle de l'organisation des soins de santé au Québec. En particulier, nous recevrons des gens qui nous entretiendront cet après-midi du rapport Ménard et des suites qu'il serait opportun de donner à ses recommandations. En somme, le Parti québécois et son caucus sont à l'oeuvre sur une question qui est au coeur du débat public et qui le sera de façon intense dans les prochaines semaines.
Je voudrais donc profiter de l'occasion, alors que nous, de notre côté, avançons et cheminons de façon très rapide sur la question du financement de la santé, inspirés par les travaux de notre dernier congrès, inspirés par des travaux du caucus... Vous avez pris connaissance sans doute aussi des positions que le caucus a développées à ce jour, publiées sous la plume du député de Borduas quelques jours, là, après la période des fêtes. Mais je voudrais donc profiter de l'occasion aujourd'hui pour demander au gouvernement de M. Charest de publier le plus rapidement possible le document qu'ils nous promettent depuis longtemps sur la question du financement du réseau de santé et en particulier des suites à donner au jugement Chaoulli. Il y a maintenant plus de sept mois que le jugement a été rendu par la Cour suprême du Canada, et nous sommes encore en attente d'une esquisse de proposition, une esquisse de position de la part du gouvernement de M. Charest. Non seulement nous ne connaissons pas quelles sont les propositions qu'ils souhaitent mettre de l'avant, mais nous ne connaissons pas non plus quelle est l'interprétation qu'ils font du jugement de la Cour suprême. Nous craignons qu'à ce moment-ci le gouvernement profite du jugement Chaoulli pour ouvrir des brèches importantes dans le réseau de la santé, et je tiens à dire de façon claire que le Parti québécois sera du côté de celles et ceux qui souhaitent un financement public du réseau de santé au Québec. Il y a des principes fondamentaux qui sont contenus dans les lois québécoises, entre autres ce principe d'équité dans l'accès aux soins, que nous allons défendre avec force sur la place publique et en particulier à l'Assemblée nationale au moment de la reprise des travaux.
J'insiste sur le caractère pressant de ma demande, parce que vous connaissez comme moi les échéanciers que la Cour suprême a fixés. La Cour suprême a permis au gouvernement du Québec de faire en sorte de reporter la mise en oeuvre du jugement et ses conséquences dans la vie de tous les jours au mois de juin prochain. Alors, est-ce à dire qu'alors que nous nous apprêtons à entamer une session parlementaire, que c'est au cours de quelques semaines de débats que nous réglerons une des questions qui, convenons-en, est, après la question nationale, une des plus importantes au Québec, qu'en quelques semaines nous devrons apporter une réponse finale aux questions soulevées par le jugement Chaoulli? Cela me semble inopportun, cela me semble inapproprié, et le gouvernement de M. Charest devrait, sachant l'importance du débat, qui, je le répète, après la question nationale, est sans doute l'un des débats les plus importants au Québec, donner le temps aux Québécois et aux Québécoises de faire correctement les choses. Il importe que le gouvernement fasse connaître sa position. Nous allons réclamer une commission parlementaire pour que les gens puissent se faire entendre et que les Québécois puissent comprendre l'ensemble des enjeux qui sont soulevés. Ce qui me permet de rappeler à nouveau ce que j'ai dit en conférence de presse et ce que Mme Harel aussi a aussi dit, c'est que plus que jamais il me semble que la position que le Parti québécois défend sur l'utilisation possible des dispositions dérogatoires m'apparaît pertinente.
Je répète que nous souhaitons que, si nécessaire, le gouvernement utilise les dispositions dérogatoires pour se soustraire de l'application du jugement. Ce n'est pas là nécessairement le choix qu'il faut faire, mais quand je vois les échéanciers se préciser, quand je vois le court laps de temps que nous aurons pour faire un débat fondamental, un des débats les plus importants après la question nationale, je suis inquiet de la façon dont les choses vont se faire. Il me semble plus approprié que jamais de rappeler que les clauses dérogatoires, si nécessaire, devront être utilisées mais pas, bien sûr, nécessairement, dépendant de ce qui sera sur la table.
Voilà donc ce que j'avais à vous dire aujourd'hui. Je cède la parole à Nicolas Girard qui aura quelques mots et par la suite Jean-Pierre sera avec vous...
M. Girard: D'abord, j'aimerais remercier M. Boisclair pour la confiance en me nommant organisateur en chef pour le Parti québécois pour la prochaine campagne électorale. Je vais vous dire que c'est un travail d'équipe. Je le ferai avec une quinzaine de députés organisateurs. Nous avons un mandat important devant nous de nous assurer d'avoir une organisation efficace dans 125 circonscriptions, s'assurer également d'augmenter le nombre de membres du parti, d'avoir une bonne campagne de financement et faire du recrutement de candidats dans les différentes régions du Québec. Donc, on a un mandat qui est important devant nous, mais il y a eu un fort consensus au caucus derrière le plan d'action qui a été présenté hier par le chef. Et ce travail-là va se faire avec les militants du Parti québécois dans toutes les régions du Québec, dans toutes les circonscriptions. Et tout le monde est prêt à mettre l'épaule à la roue pour qu'on arrive avec... on a pu s'avancer de façon très rapide sur le plan de l'organisation. Nous sommes déjà, au Parti québécois, en mode électoral.
M. Charbonneau: Je vais ajuster le micro, qu'est-ce que vous voulez? Alors, ce qui... je voudrais juste ajouter à ce qu'André Boisclair a dit deux choses. D'abord, on demande à nouveau que le gouvernement dépose le plus tôt possible sa réponse et on redit que le gouvernement doit également déposer toutes les études qui l'auront amené à préparer cette réponse-là. Parce que quand il s'est présenté devant la Cour suprême l'été dernier pour demander un sursis, il s'est engagé à mener plusieurs études pour évaluer l'ensemble des impacts socioéconomiques sur le système de l'éventuelle décision qu'il prendrait et de la réponse qu'il donnerait. Alors, on ne peut pas penser qu'il va y avoir un débat public éclairé si le gouvernement gardait pour lui ces études-là et ne les déposait pas en même temps que sa réponse. Ça, c'est la première chose. La deuxième, c'est que, comme le chef l'a dit, les échéanciers deviennent de plus en plus courts.
Et ce qu'on a vu, nous, ce matin, c'est la complexité et l'importance que les éléments d'information soient partagés et disponibles pour l'ensemble des citoyens. Il y a beaucoup de gens actuellement qui font du surf sur des impressions et non pas sur la connaissance scientifique des phénomènes qui sont à notre disposition par différents groupes de chercheurs qui sont ici au Québec ou à l'étranger. Et je crois que les choix qu'on devra faire au Québec devront être faits de façon éclairée, à partir d'une connaissance profonde et il va falloir qu'on ait un temps raisonnable.
Et quand M. Boisclair parle de l'utilisation de la clause dérogatoire, ce qu'on avait dit au départ et ce qu'on a redit au mois de janvier quand j'ai appuyé la position, c'est que c'est aux élus à contrôler l'agenda. Un débat de société aussi fondamental, ce n'est pas vrai qu'on va se faire imposer un échéancier, un carcan si serré et devenu plus serré parce que le gouvernement a tardé parce qu'il n'était pas prêt à livrer finalement sa réponse. Je vous rappelle que sa réponse, elle devait être présentée avant la fin de décembre. On est rendu aujourd'hui la veille du début de février, il n'y a pas encore de document gouvernemental de déposé, on ne sait même pas si le Conseil des ministres s'est prononcé sur la question. Et ça, ça veut dire qu'il faut... je vous rappelle qu'il a été décidé que ce serait une consultation générale et non pas particulière.
Donc, à partir du moment où le gouvernement va déposer son rapport, il y aura un délai qui devra exister pour permettre aux citoyens de s'inscrire, dire qu'ils veulent être entendus, présenter des mémoires, et ça, ça veut dire qu'on ne commencera pas les audiences publiques avant... quelque part avant la fin de mars, et l'échéance, c'est le 9 juin. Est-ce que vous pensez qu'on va régler le débat de société le plus fondamental après la question nationale en deux mois? Et, nous, on dit au gouvernement, là: Vous avez assez tardé, c'est maintenant le temps de permettre à tout le monde de savoir où vous voulez aller et que la discussion que vous avez appelée, avec laquelle on est d'accord, qu'elle commence.
M. Boisclair (André): Alors, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions. Oui?
Journaliste: ...quel moment vous avez jugé que l'utilisation de la clause «nonobstant» va devenir nécessaire? Quelque part dans le milieu... avant l'échéancier ou...
M. Boisclair (André): La première chose que je souhaite savoir, c'est: Quelle est l'interprétation que le gouvernement du Québec donne au jugement? Vous avez pris connaissance de différents avis juridiques qui ont été publiés par des experts dans les opinions, entre autres, l'avis de Me Prémont, qui donne une interprétation plus restrictive au jugement, d'autres qui en donnent une autre. Et c'est clair que si le gouvernement donne une interprétation large et en profite pour revoir des éléments qui, de notre avis, vont au-delà du jugement et de l'interprétation qu'on voit du jugement que cet appel pour l'utilisation de la clause dérogatoire pourrait arriver de façon claire.
Et je pense qu'il ne faut pas s'en étonner. Le gouvernement du Québec a utilisé ce type de disposition dans le passé. Vous avez assisté comme moi à tous les débats sur la déconfessionnalisation dans le réseau scolaire. Le gouvernement du Québec a aussi utilisé cette clause récemment pour nous conduire vers un réseau d'éducation déconfessionnalisé. La clause dérogatoire, par définition, ce n'est pas une clause temporaire, c'est une clause qui a une durée limitée dans le temps, et à mon avis le gouvernement ne devrait pas avoir d'hésitation à l'utiliser dans un contexte de transition. Et c'est dans ce contexte que j'évoque la clause dérogatoire. Pour moi, il s'agit de faire en sorte que les députés de l'Assemblée nationale soient celles et ceux qui mènent le jeu, que ce soient des députés qui décident de l'avenir du financement du réseau de la santé puis de son fonctionnement. C'est pour cette raison que, de façon transitoire, je n'ai aucun scrupule à proposer que la clause dérogatoire puisse être utilisée.
Journaliste: Ce serait une porte ouverte mais très peu, là, le gouvernement ne ferait qu'entrebâiller la porte au secteur privé, ce serait un recours au privé limité pour trois types de chirurgie où les listes d'attente sont élevées. Le financement demeurerait public, c'est-à-dire que l'État paierait les soins que les patients recevraient, ceux qui vont dans les cliniques privées. Qu'en pensez-vous de cette....
M. Boisclair (André): Vous êtes mieux informé que moi, parce que je n'ai vu aucun document du gouvernement.
Journaliste: ...qu'en pensez-vous, de ça? Si le financement demeure public, une ouverture comme ça...
M. Boisclair (André): Je ne commenterai pas des fuites. Ce n'est pas comme ça que l'opposition va commencer à se comporter. C'est un débat fondamental. C'est un débat qui est, après le débat sur l'unité nationale, qui va, dans vos journaux, avoir le plus d'importance. On ne commencera pas à gérer un dossier aussi important que celui-là en commentant des fuites à droite et à gauche. Ce que je demande aujourd'hui, c'est au ministre et à M. Charest de prendre ses responsabilités. Le temps presse. Nous ne connaissons ni l'interprétation qu'ils donnent du jugement ni les recommandations qu'ils veulent soumettre à la population. Nous allons plaider du côté des citoyens du Québec qui souhaitent s'impliquer dans ce débat, qui ont des choses à dire, des spécialistes du réseau de la santé, des spécialistes des milieux juridiques, des gens des groupes communautaires, des citoyens, des patients qui veulent parler dans ce débat et qui ont des opinions. Je serai de leur côté pour qu'ils puissent se faire entendre à l'Assemblée nationale.
Journaliste: ...un financement public, c'est ça?
M. Boisclair (André): Oui, effectivement, et c'est d'ailleurs ce que nous avons publié dans un texte envoyé à tous les quotidiens sous la plume de M. Charbonneau.
M. Thivierge (Jean): M. Boisclair, sous le gouvernement péquiste du temps, je pense que M. Rochon avait même évoqué la possibilité de cliniques associées, je pense que c'est un peu ça qu'évoquait mon collègue...
M. Boisclair (André): Oui.
M. Thivierge (Jean): Parce que le problème de base, vous le savez, c'est la fourniture de services qui est insuffisante. Alors, que des privés paient des infrastructures qui fournissent des services qui sont par ailleurs financés par l'assurance maladie publique, qu'est-ce qu'il y aurait de révoltant là-dedans?
M. Boivin (Guillaume): Bien, écoutez, nous-mêmes... Je n'ai jamais dit qu'il y a quelque chose de révoltant là-dedans, je pense qu'il faut juste, sur le fond, préciser une chose, M. Thivierge, le financement, c'est une chose, et souhaitons que ce soit un financement public, la production de services, nous pouvons très bien, dans certaines circonstances bien balisées, faire appel à des services qui se font dans le secteur privé. Mais cette affirmation... cette ouverture qui est faite vers du privé dans la livraison des services pose la question de la pratique médicale, et cette question de pratique médicale se pose avec d'autant plus d'acuité qu'il y a un débat sous-jacent sur la question des assurances. Et vous comprenez comme moi la difficulté de gérer un réseau public complexe comme celui de la santé, imaginez comment organiser des soins de santé si, en plus de la complexité du réseau public, il faut qu'il y ait de la concurrence entre le secteur privé et le secteur public, déjà nous avons de la difficulté à le faire. Puis, plus on va introduire le privé dans la livraison des services, ce qui est possible, mais plus cela va complexifier la tâche d'organiser un réseau, et c'est d'autant plus vrai si le gouvernement ouvre la porte à des assurances.
L'idée des assurances, là, elle peut sembler séduisante à première vue, mais à mon avis la question des assurances ne règle rien à la question des listes d'attente parce que ce ne sont pas nos personnes âgées qui réclament des services de santé qui vont avoir accès nécessairement à ces assurances, ce ne sont pas des personnes qui sont atteintes de maladies chroniques qui pourront avoir accès à des assurances et d'ailleurs ceux et celles qui sont sur les listes d'attente. Donc, vous voyez, par la discussion que nous avons, on illustre simplement la complexité du débat, puis ça n'a pas de bon sens qu'un débat important comme celui-là se fasse en seulement trois mois. Et c'est pour ça que M. Charest et son ministre doivent nous dire quels sont les choix qu'ils font. Nous souhaitons une consultation publique et nous souhaitons savoir quelle interprétation ils donnent au jugement, entre autres sur la question des assurances.
Journaliste: J'essaie de comprendre votre point de vue. Est-ce que c'est au fond pour gagner un an, deux ans, une sorte de veto suspensif le temps de faire le débat ou c'est sur le fond de la question que vous réclamez tout de suite...
M. Boisclair (André): Alors, la clause dérogatoire par définition est temporaire parce qu'il faut un renouvellement à tous les cinq ans, ça peut être trois ans et cinq ans. Ce que nous demandons à ce moment-ci, c'est que les décisions puissent être prises par les députés de l'Assemblée nationale, que celles et ceux qui ont été élus par le peuple tranchent cette question de fond, et nous voulons que cela soit fait dans un délai qui va permettre à la population de s'exprimer et de participer au débat, que c'est dans ce contexte de transition, comme ça a été le cas dans le cas de la déconfessionnalisation du réseau scolaire, que nous pensons qu'il est raisonnable d'évoquer l'utilisation de la clause «nonobstant».
Journaliste: M. Boisclair, vous vous opposez au fait que les Québécois aient recours à une assurance pour avoir des soins de santé. Est-ce que c'est ça, fondamentalement?
M. Boisclair (André): Je pense que la question que vous me posez, elle est d'une certaine façon piégée. Ce que je vous dis, c'est: Ceux qui ont besoin de soins de santé sont sans doute celles et ceux qui n'auront pas accès à de l'assurance. Pensez-vous que si vos parents sont toujours en vie... Ou je prends dans ma famille, dans ma propre famille, mon père, à cause de son état de santé, jamais n'aurait accès à une police d'assurance parce qu'il constituerait aux yeux des assureurs un mauvais risque. Ce sont uniquement celles et ceux qui constituent un bon risque qui auraient accès à des assurances. Pensez-vous que des gens qui sont atteints de maladies chroniques - problèmes cardiaques, problèmes de diabète et autres - que ces gens auraient facilement accès à une assurance? C'est une illusion que de penser que l'accès à l'assurance va régler le problème des listes d'attente.
Journaliste: Le gouvernement le fait avec ses propres employés, il envoie dans des cliniques privées comme le Groupe santé Médicis ou d'autres; la CSST fait la même chose. Un orthopédiste qui n'est pas disponible le jour va accepter de rencontrer un fonctionnaire après les heures en dehors de ses quotas, et c'est payé par l'assurance, qui est elle-même payée par le gouvernement. Alors, il n'y a pas là une sorte de distorsion qui est injuste envers les autres contribuables?
M. Boisclair (André): Bien, je peux simplement vous dire qu'il faut faire attention au panier des services assurés, et il est vrai par exemple qu'il y a certains éléments qui sont retirés du panier des services assurables puis que l'État lui-même a créé un marché pour le secteur privé, j'entends très bien ça, et on pourrait même prétendre d'une certaine façon que, de par l'organisation de certains services publics, on a nous-mêmes vulnérabilisé le réseau de santé public. Mais, au moment où nous entreprenons un débat de fond et en entendant bien ce qui pourrait sembler certaines contradictions comme celles que vous évoquez, je veux camper des principes, et les principes que je campe sont ceux d'un service public, sont ceux d'un débat aussi qui va permettre à la population de s'exprimer. Ce n'est pas vrai qu'en trois mois on va régler le débat le plus... sans doute un des plus importants après celui de la question nationale.
Peut-être Jean-Pierre.
M. Charbonneau: Je voulais juste ajouter quelque chose. Il faut que ce soit clair. On a reçu ce matin la vice-doyenne de la Faculté de droit de l'Université McGill qui nous a expliqué très clairement la portée du jugement. On a posé des questions à l'Assemblée nationale l'automne dernier, puis M. Boisclair a répété, le premier ministre et le ministre de la Santé ont refusé de donner leur interprétation. Il y a deux interprétations possibles, et l'interprétation qui nous est présentée... La semaine dernière, je participais à un forum sur le système de santé à Montréal, et l'interprétation de Me Prémont a été validée par d'autres juristes qui disent tous que la portée du jugement est limitée pour les médecins non participants. Autrement dit, il y a une centaine de médecins non participants au Québec qui se font payer cash actuellement. La Cour suprême dit: Ils pourraient se faire payer par des assurances si les gens avaient des assurances, point à la ligne. Il y a des gens qui veulent interpréter ce jugement-là en disant que des médecins pourraient être à la fois participants et non participants, être payés à la fois par des assureurs privés et par les assurances publiques, et ça, le jugement ne dit pas ça.
Sauf que quand on a posé la question au ministre de la Santé puis qu'on a posé la question au premier ministre, ils n'ont pas voulu répondre et donner leur interprétation. Et ce qu'on dit, c'est qu'on ne peut pas continuer pendant des semaines et des semaines à laisser la société et les citoyens dans le flou artistique. De deux choses l'une, que le gouvernement fasse son lit puis qu'il nous donne l'heure juste, et à partir de son heure juste, qu'il mette sur la table l'ensemble des données et qu'on fasse le débat.
Journaliste: ...un ophtalmo qui est payé par la RAMQ le samedi matin peut rencontrer un autre patient qui, lui, est payé par la Standard Life.
M. Charbonneau: Je m'excuse, mais... Non, il ne faut pas mêler les affaires. Actuellement, il y a une centaine de médecins qui sont non participants, et eux, et le Dr Chaoulli était un d'eux, là. O.K. Et pourquoi a-t-il choisi de faire cette intervention en cour? Parce que dans le fond il voulait augmenter sa capacité de clientèle, et en ayant finalement des gens qui pouvaient se la payer, se payer ses services par des assurances, parce qu'ils n'avaient pas les moyens comptant, il augmentait... mais l'interprétation que le gouvernement fait n'est pas claire.
M. Couillard a dit, l'automne dernier, qu'il ne partageait pas le point de vue de Me Prémont, et la semaine dernière, dans La Presse, finalement on a l'impression que le ministre a changé d'idée puis que maintenant partage l'opinion. Est-ce que vous ne trouvez pas normal que l'opposition officielle et que tous ceux qui s'intéressent à ce débat-là au Québec demandent au gouvernement: Clarifiez votre position. Puis vous avez promis de déposer un document, faites-le maintenant parce que le temps presse.
Journaliste: Vous parliez de bon risque, tout à l'heure. Dites-moi comment vous accueillez le sondage CROP de ce matin? Est-ce que ce n'est pas la preuve que plusieurs péquistes avaient vu la partie beaucoup plus facile qu'ils le pensaient? Est-ce que vous croyez ça, les chiffres que vous avez vus ce matin?
M. Boisclair (André): Bien, écoutez, je prends, moi, les choses comme elles se présentent, mais sur un plus grand ensemble. La première chose, c'est qu'il est clair qu'il y a un engagement, aujourd'hui, des fédéralistes, là. M. Harper a pris des engagements à l'endroit du Québec et c'est à lui, aujourd'hui, de livrer, et je l'ai entendu, le lendemain de son élection, nous parler des grands changements, à nouveau, je répète la question: De quoi s'agit-il? Est-ce que M. Harper va rouvrir le débat sur les armes à feu, est-ce qu'il va rouvrir le débat sur l'avortement? Est-ce qu'il va tourner le dos au Protocole de Kyoto? En somme, il y a encore un immense flou artistique.
Ce que j'entends en ce moment, dans la population québécoise, c'est des gens qui souhaitent qu'il y ait un dialogue nouveau qui se fasse avec le gouvernement fédéral, ce qui cependant, d'aucune façon, ne va venir changer mon plan de match. Mon plan de match, c'est celui de la souveraineté du Québec. Je pense que les Québécois ont aussi un sens de la mémoire. Ils se rappellent que 1982 n'a pas été signé, ils se rappellent des échecs qui ont été très nombreux, à la fois à l'occasion de Meech, le débat sur Charlottetown, les discussions qui se sont faites qui n'ont jamais abouti, entre autres avec M. Martin, les chicanes nombreuses. En d'autres mots, la balle est aujourd'hui dans le camp de celles et ceux qui devront rendre des comptes à la population. M. Harper devra rendre des comptes. Est-ce que cela a modifié mon plan de match? Pas du tout. Moi, je souhaite qu'on accélère le développement du Québec.
Journaliste: Mais M. Boisclair, quand même.
M. Boisclair (André): Oui.
Journaliste: Alors, que ce qu'on voit, au contraire, les sondages montrent que ça n'a pas un effet neutre, qu'il y a des gens qui se laissent séduire par ces promesses.
M. Boisclair (André): Ne jugez pas. Ne jugez pas l'instantané de la chose. Je reprends mon argument. Il y a plein de gens qui évoquent dans les scénarios le fait que l'arrivée de conservateurs à Ottawa va amener des gens dans la famille souverainiste, il y a plein de gens qui disent que, s'il faut que Harper tourne le dos au Protocole de Kyoto, rouvre le débat sur le mariage, sur le contrôle des armes à feu, sur le dossier des jeunes délinquants, si tous ces débats où les Québécois ont fait leur lit, si M. Harper rouvre ces débats, c'est clair que cela va avoir... aura un avantage, aura un avantage clair dans la famille souverainiste et que ce sera clair qu'il y aura au Québec deux nations.
Et plus j'entends M. Harper nous parler de son «nation building», parler du Canada comme si c'était un tout homogène, unique, qui n'avait pas de distinction pourtant fondamentale reconnue dans la constitution, plus j'entends des possibilités pour la famille souverainiste de marquer des points. Donc, l'un dans l'autre, je pense qu'on est dans un jeu de somme nulle et c'est pour ça que je maintiens que ça aura un effet neutre.
Journaliste: Depuis que vous êtes chef les...
M. Boisclair (André): J'aimerais beaucoup répondre à vos questions. Je vous ai déjà...
Journaliste: Depuis que vous êtes chef, le parti conservateur a pris le pouvoir à Ottawa, il y a une remontée assez surprenante des conservateurs au Québec, à Québec. Et là il y a ce sondage qui annonce une perte de presque 10 points de la souveraineté. Est-ce que ça n'annonce pas un mandat plus difficile que prévu quand même?
M. Boisclair (André): Moi, je ne gère pas dans l'instantané. Ce que je vois, c'est un Parti québécois qui a fait des gains fantastiques dans deux élections partielles, au point qu'on a failli remporter la circonscription d'Outremont - il a fallu que M. Charest mobilise à peu près tout ce qu'il y avait de ministre puis de limousine pour gagner le comté d'Outremont - avec un score du PQ dans Verchères à 70 %. Ce que je vois, c'est qu'il y a maintenant 80 000 membres de plus au Parti québécois. Ce que je vois, c'est un gain dans la famille souverainiste auprès de clientèles qu'il y a peu de temps, qu'on pensait oubliées, impossibles à rejoindre.
Donc, la famille souverainiste se porte bien. Nous nous tenons loin des effets impressionnistes. Nous comprenons que des gens qui ont une autre vision du Canada souhaitent dialoguer, enrichir la discussion avec la population. J'entends les propos de M. Harper, mais il aura maintenant à livrer.
Est-ce que pour autant mon option perd de sa crédibilité puis le choix défendu par plus de 2 millions de Québécois perd de la crédibilité? la réponse est non.
Une voix: ...
M. Boisclair (André): Merci. En anglais.
Journaliste: ...this morning not a warning sign to the Parti québécois that maybe people in Québec are being seduced by the federalism?
M. Boisclair (André): It's incredible when I hear this kind of analysis. Can you imagine if you had Jacques Parizeau in front of you during the debate over Meech, would anyone of you ask Mr Parizeau to review his strategy and his position on sovereignty because of Meech Lake?
C'est difficile, même pour moi. Je vais faire ce que les journalistes font souvent, je vais demander aux gens de demeurer silencieux.
But I just want to state something very... I juste want to state something very clearly. It's not because Mr. Harper is there right now that I will change my position on sovereignty. Would Jacques Parizeau changed his position over sovereignty when Meech Lake Accord was debated between Québec and Canada? No. We have a clear plan for Québec and I still think it's the best plan. Obsiously, we will have to see what will the Conservative Government, what kind of agreement they will get with Québec, but the fact is we're not in the situation of the «beau risque». No one has proposed to Québec to introduce the Constitution. I haven't heard Mr. Charest talk about new constitutional debate or constitutional amendments. So, we are far from what are the real expectations of Quebeckers.
Journaliste: ...what I'd like to know, there was how do you sell sovereignty differently when you're faced with the prospect of this open federalism and dealing with a whole lot of issues that you complaint about...
M. Boisclair (André): The same way we've always being selling sovereignty: explaining to Quebeckers what they would gain if we had all the tools to our disposal, and if we had all the tools to have our own plan of development for Québec.
Journaliste: ...Mr. Harper, they don't need your plan. Do yo see the point there?
M. Boisclair (André): I am going back to the same arguments I used. Mr. Parizeau, when he was président of the Parti québécois and the Meech Lake was debated, did the same thing. He explained why sovereignty was the best option, and this is what I continue to do and I won't let myself get distracted by some vain proposals from Mr. Harper on how he wants to accomodate Québec. And what I've seen to this day on the table doen't scare me at all and I feel that sovereignty will remain the best option. Can you imagine, if we were here today and the context we were during, in the beginning of the nineties when Mr. Parizeau was president of the P.Q. and the Meech Lake was debated? Hey! We're far from that. And still, you know Mr. Parizeau managed to win the election in 1994.
Journaliste: ...at the same time, Harper and Jean Charest are batting the Québec is well settled for much less of what you want, and this latest poll in the election seems to suggest that there are Quebeckers who will settle for less that what you want.
M. Boisclair (André): I heard this, but I think that Quebeckers are proud and that they have a sense of history and they know the importance of the debates that are going on right how. Quebeckers won't accept to start with the traditional demands of Québec, then move to the rapport Allaire, then to Meech Lake and then on a vain proposal on the fiscal desequelibrium. That obviously is not enough for Québec and I want to be very clear that I won't let myself distractive by some vague proposal from Mr. Harper and I'm also surprised by the fact that if M. Harper had such a good relationship with Mr. Charest, how do you explain that on the first day when Mr. Charest commented... reacted to the election of Mr. Harper, he had to give a strong signal to Mr. Harper to review one of its main engagement, its platform about the «financement» of the day care services.
M. Charest a dû, le premier jour, au lendemain de l'élection de M. Harper, déjà servir une mise en garde à M. Harper au sujet du financement des services de santé.
So we're far from a deal or some agreement here.
Merci beaucoup. Une dernière question.
Journaliste: ...will lead you to say whether or not the Government should use the «notwithstanding» clause or not? You said the «notwithstanding» clause but not necessarily the «notwithstanding»clause. What would make it the «notwithstanding » clause?
M. Boisclair (André): The interpretation that the Government will give to the judgement of the Supreme Court. There are many interpretations going on right now and depending on the interpretation they make and the proposal they will put on the table. But I feel that this debate over the «notwithstanding» clause should be part of the public debate and I think it must be clear for me that ... and for the population that the PQ wants the members of the National Assembly to decide over the future of the financing of their health sector. Thank you very much. Merci.
(Fin à 13 h 50)