(Seize heures vingt-cinq minutes)
Mme Weil
: Merci
beaucoup. Bonjour, mesdames, messieurs.
Je tiens tout d'abord à remercier mes collègues,
M. Sam Hamad, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, et
M. Stéphane Billette, whip en chef du gouvernement, ainsi que les représentants
de nos partenaires en matière d'emploi et de développement économique.
Le 20 juin dernier, le gouvernement
fédéral a annoncé une réforme majeure du Programme des travailleurs étrangers
temporaires, qui a soulevé des inquiétudes, au Québec en particulier, mais
aussi partout au Canada.
Depuis plusieurs mois, mon ministère, en
collaboration avec Emploi-Québec, a mené des discussions avec leurs homologues
fédéraux afin que certaines mesures de la réforme ne viennent pas entraver nos
efforts pour assurer la croissance économique de nos régions et de nos
entreprises.
Malgré des échanges depuis juin dernier,
nos efforts de discussion se heurtent à une attitude intransigeante de la part
du gouvernement fédéral. En effet, Emploi et Développement social Canada a
décidé unilatéralement de mettre en oeuvre la réforme au Québec au 30 avril,
nous notifiant par une lettre du ministre Poilievre deux jours avant de mettre
l'information en ligne sur son site Internet.
J'ai demandé et nous demandons au ministre
de surseoir à l'imposition de cette réforme afin de permettre des échanges à
haut niveau sur les effets néfastes de certaines mesures sur notre économie.
Malheureusement, nous constatons aujourd'hui une impasse.
Au Québec, de nombreux travailleurs
étrangers temporaires sont des talents stratégiques très importants pour notre
développement économique, le développement régional et pour l'essor de nombreux
secteurs de pointe. D'ailleurs, nous considérons aussi ces personnes comme des
candidats de choix pour l'immigration permanente, et c'est pour retenir ces
travailleurs que nous avons mis en oeuvre le Programme de l'expérience
québécoise qui leur permet d'avoir accès rapidement à la résidence permanente.
Nous partageons évidemment l'objectif
d'accorder la priorité à l'embauche d'une main-d'oeuvre locale pour combler les
besoins de nos entreprises. Avant de se tourner vers l'étranger, les employeurs
doivent faire leur devoir. Ils doivent d'ailleurs déjà fournir la preuve qu'ils
ont déployé tous les efforts nécessaires pour embaucher des travailleurs québécois.
Il reste que, dans certains cas, la main-d'oeuvre locale ne suffit pas à la
demande. Le positionnement international et même parfois la survie de plusieurs
entreprises québécoises dépendent du recrutement international. Vous comprenez
donc notre intérêt à faire du Programme des travailleurs étrangers temporaires
une réussite. Et d'ailleurs je tiens à souligner que la gestion de ce programme
au Québec a toujours été faite dans le respect des règles, de manière
rigoureuse et intègre. Ceci n'a jamais été mis en doute.
Malgré le fait qu'au fil des années nous
avons su faire de ce programme un levier de développement économique intéressant,
le gouvernement fédéral a décidé d'aller de l'avant avec une réforme qui rend
plus difficile l'accès des entreprises québécoises à une main-d'oeuvre
temporaire internationale pour combler des besoins urgents. Certaines mesures
vont nuire aux efforts du Québec. Voici quelques exemples. La diminution de la
durée des permis de travail accordés à certains travailleurs viendra compliquer
la tâche de nos entreprises déjà aux prises avec des pénuries de main-d'oeuvre
dans de nombreux secteurs et de nombreuses régions. Pensons, par exemple, aux
soudeurs et machinistes dans le secteur manufacturier dans des régions comme Chaudière-Appalaches.
L'imposition d'un plafond de 10 % concernant ces travailleurs temporaires
au sein d'une même entreprise ne tient pas compte de la réalité de certaines
entreprises. Cette mesure vient frapper certains secteurs de notre économie de
façon démesurée. C'est le cas pour le secteur de la transformation alimentaire
qui fait face à une grande pénurie de main-d'oeuvre qui freine sa croissance.
Dans d'autres cas, le fédéral ajoute des
lourdeurs administratives aux employeurs en exigeant un plan de transition vers
une main-d'oeuvre locale, une demande qui devient excessive pour des secteurs
d'activité où la rareté de la main-d'oeuvre est reconnue comme celui des
technologies de l'information et des communications et pour des professions
hautement spécialisées comme en médecine et en recherche. Nous sommes ici
aujourd'hui parce que nous avons des responsabilités qui sont reconnues par
l'accord Canada-Québec et nous voulons que les nouvelles règles soient
discutées dans le respect de l'accord et dans le respect de notre spécificité.
Je privilégie évidemment toujours les
échanges et la négociation. J'ai demandé une rencontre d'urgence avec le
ministre fédéral Pierre Poilievre afin de donner une chance aux discussions.
Entre-temps, le ministre doit absolument surseoir à la mise en oeuvre de sa
réforme, au Québec, annoncée pour le 30 avril prochain. Le gouvernement fédéral
a, à maintes reprises, reconnu l'expertise du Québec dans l'analyse des besoins
du marché du travail québécois. Emploi-Québec est d'ailleurs un collaborateur
de premier plan dans ce dossier avec mon ministère. Le Québec a l'expertise,
nous avons des partenariats et nous avons nos spécificités. Nous voulons que le
recours aux travailleurs temporaires demeure accessible aux entreprises québécoises.
Elles évoluent dans un contexte international où la concurrence fait rage,
autant pour attirer et retenir les talents stratégiques que pour occuper et
maintenir une part des marchés.
Nous devons relever ces défis pour assurer
le développement et la croissance de nos secteurs d'activité et de nos régions.
Dans son état actuel, la réforme ne tient pas compte de la réalité de nos
entreprises, de notre marché du travail et aura des impacts négatifs sur
l'emploi et la croissance économique du Québec. Nous savons que des ententes
ont été conclues avec certaines provinces. Je réitère ma demande de travailler
ensemble à trouver des solutions gagnantes pour l'économie du Québec. C'est ce
que nous avons toujours fait, depuis 25 ans, en matière d'immigration.
Merci de votre attention, et je cède la
parole à mon collègue Sam Hamad, ministre du Travail, de l'Emploi et de la
Solidarité sociale.
M.
Hamad
:
Merci, Kathleen. Et je vais saluer la présence aujourd'hui… Nous sommes les
porte-parole des gens d'affaires, les entreprises au Québec, et c'est important
de dire, le premier message : nous sommes d'accord avec l'objectif de
faire travailler les Canadiens et les Québécois en priorité. Cependant, le plan
présenté par le gouvernement fédéral ne fonctionne pas pour une raison :
parce qu'il ne comprend pas la réalité des entreprises au Québec et surtout le
marché du travail au Québec. Le Québec, c'est 17 régions, c'est
17 marchés du travail complètement différents.
Vous savez, les travailleurs étrangers,
pour comprendre un petit peu, sont dans tous les domaines d'activité
économique. Ils sont dans le domaine des technologies de l'information, ils
sont dans le domaine des effets spéciaux, dans les jeux vidéo, dans les
services, la transformation alimentaire et aussi dans les domaines
manufacturiers. Évidemment, les efforts que nous faisons, c'est bien sûr amener
le plus des Québécois sur le marché de travail pour répondre aux besoins des
entreprises, mais il y a des besoins urgents que nous n'avons pas la
main-d'oeuvre nécessaire pour répondre aux demandes d'entreprises et là nous
sommes obligés de faire appel à des travailleurs étrangers temporaires en
attendant, bien sûr, d'avoir la main-d'oeuvre nécessaire, la main-d'oeuvre
formée qui répond aux demandes d'entreprises.
La stratégie de... le ministre fédéral ne
correspond pas aux besoins du Québec. Même, elle est dangereuse parce que cette
stratégie-là va nuire aux entreprises, va nuire à deux niveaux : augmenter
le nombre... la paperasse… et ça me surprend, pour un gouvernement
conservateur qui dit qu'il veut alléger les paperasses pour les entreprises, ce
qu'il demande, c'est d'augmenter la paperasse, compliquer les demandes,
demander aux entreprises de remplir d'autres papiers et faire des stratégies
d'emploi.
Le deuxième élément, aussi, c'est que, si
on suit la procédure du fédéral, il y a des besoins urgents de main-d'oeuvre
pour les entreprises maintenant, et ça va retarder l'embauche de main-d'oeuvre,
donc ça va aussi nuire à la production des entreprises, ça va nuire à l'emploi,
ça va nuire aux entreprises, ça va nuire à l'économie du Québec.
Alors, nous ne comprenons pas comment ça
se fait que le ministre Poilievre a mis en place cette stratégie-là qui sera
applicable, selon lui, le 30 avril. Nous demandons de d'abord faire un arrêt
sur l'application, de discuter avec nous pour trouver les solutions applicables
adaptées au contexte du marché de l'emploi. Et nous ne sommes pas tout seuls à
demander ça. Nous sommes accompagnés par des représentants, par exemple la FCIE,
la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, les chambres de
commerce, Montréal International, Québec International. Et ce matin j'étais
avec le premier ministre à Montréal, nous étions invités à l'assemblée générale
de CPQ. Les CPQ sont là aussi pour la même raison. Ils sont d'accord avec nous.
La Chambre de commerce de Montréal, et on peut en nommer… bien sûr, les entreprises.
Il faut se rappeler qu'Emploi-Québec sert
19 000 entreprises par année, et nous sommes en contact avec ces
entreprises en termes de besoins de main-d'oeuvre. Il y a une formule unique aussi
au Québec, c'est la Commission des partenaires du marché du travail. La
Commission des partenaires du marché du travail, c'est les gens d'affaires, les
patrons et les syndicats avec le milieu de l'éducation, le ministère de
l'Immigration et les autres partenaires du marché qui sont autour de la table.
Les groupes communautaires aussi sont tous là pour déterminer les besoins de
marché de travail pour répondre aux entreprises, donc la formation, etc.
Et je vous rappelle que récemment, dans
notre budget, le dernier budget qui a été annoncé, nous avons un programme
important pour l'adéquation entre la formation et les emplois. Alors, la
politique, la stratégie du gouvernement fédéral aujourd'hui vient nuire aux
entreprises du Québec, vient nuire à l'embauche des employés que l'entreprise a
besoin maintenant, pas dans six mois. Vous le savez, lorsque les entreprises
ont des commandes, doivent livrer des commandes, ont besoin de main-d'oeuvre
immédiate qui répond à leurs critères en termes de compétence, en termes de
connaissances et, bien sûr, en termes d'expérience.
Alors, je trouve que l'attitude du
ministre Poilievre, après de maintes reprises… ma collègue et les
fonctionnaires du gouvernement du Québec, le ministère de l'Immigration et de
l'Emploi et de la Solidarité ont eu des discussions avec le ministère du
gouvernement fédéral. On arrive aujourd'hui par une lettre, une simple lettre
qui met en application son programme qui ne marchera pas au Québec. Son
programme va nuire à l'économie du Québec. Et par le fait même, aujourd'hui,
nous demandons du ministre fédéral de réfléchir aux besoins des entreprises du
Québec que nous connaissons, que nous sommes représentés ici avec les
représentants des entreprises. Puis on dit au gouvernement fédéral : Si
vous voulez comprendre la réalité de l'emploi au Québec, bien, je pense qu'on
devrait en discuter, vous expliquer comment ça marche au Québec, et surtout ne
pas nuire aux entreprises dans leurs démarches. Je vais laisser la parole
maintenant à mon collègue Stéphane Billette qui est le whip du gouvernement.
M. Billette : Exactement.
Merci beaucoup, M. le ministre, Mme la ministre, représentants également des différents
organismes. Je suis ici à porte-parole… pas de whip en chef du gouvernement,
mais à titre de député de Huntingdon, je vais vous dire, pour vous livrer un
message vraiment important de la part des entreprises de la circonscription
électorale.
Vous savez, Huntingdon est une des régions
les plus agricoles au Québec, que ça soit au niveau maraîcher, avec les
Jardins-de-Napierville, au niveau de la production laitière, au niveau
pomiculteurs également. Et l'habitude de travailler également avec les
travailleurs étrangers depuis de nombreuses années. On les dénombre au-dessus
de 4 000 dans la circonscription. Donc, c'est un nombre très important et
une habitude. Et vous savez que l'agroalimentaire est un secteur très important
au Québec. On parle… c'est 7 % du PIB, c'est 500 000 emplois. Je
pense qu'il est important… Les gens, ce qu'ils demandent depuis plusieurs
années, on l'a vu au travers les différentes politiques, c'est de manger des
produits québécois. Pour pouvoir manger des produits québécois, premièrement,
il faut les produire ici.
Et deuxième chose, qui est encore plus
intéressante, ce qu'on voit, beaucoup de développement au cours des dernières
années, c'est sans aucun doute la transformation de ces produits-là. On avait
l'habitude de faire des produits, ici, qu'on produisait, qu'on envoyait dans d'autres
États, dans d'autres provinces, dans d'autres pays également pour la
transformation et les rapporter ici pour une consommation. Donc, c'est un
produit produit au Québec, transformé ailleurs, et consommé, et distribué par
des Québécois. Ce qu'on demande maintenant au gouvernement, avec mes collègues,
également avec les représentants, je pense, c'est de comprendre bien
l'industrie. Ce que les gens veulent, c'est d'avoir des produits produits ici,
transformés ici, distribués ici et consommés par les gens d'ici. Et pour ça, ce
qu'il faut, je pense, c'est des employés.
On est en manque de main-d'oeuvre.
Lorsqu'on parle des régions, c'est le plein emploi dans le milieu agricole, puis
la difficulté de recrutement est omniprésente. Je vais dire, trouver des
employés… je peux même vous donner à titre d'exemple une entreprise dans la
transformation agroalimentaire, c'est 800 employés, il manque actuellement
au-dessus de 150 employés. Aussi bien faire les recherches avec la collaboration
des centres locaux d'emploi, via les différents organismes également. On a
toujours une pénurie de main-d'oeuvre, et tout ça met en péril la survie et
surtout la croissance des ces entreprises-là. On a développé un marché, on a
développé également des moyens de transformation, au niveau technologique,
très, très élevés. Donc, c'est des postes qualifiés, des postes de manoeuvre
également que ces entreprises-là recherchent. Et, je vais vous dire, l'impact
va être majeur pour la région, la région de Huntingdon, où plusieurs
entreprises agroalimentaires font maintenant de la transformation et voit d'un
coup de balai une possibilité de développement amputée de façon très importante
par les nouvelles procédures au niveau du gouvernement fédéral.
Ce n'est pas juste au niveau du
recrutement, c'est de maintenir également… Il y a des employés qui sont en
poste, qui sont là depuis sept, huit, 10 ans, qui sont devenus maintenant des
contremaîtres, qui sont des superviseurs d'usine également, qui ont développé
une expertise vraiment unique à ces personnes-là. Ces personnes-là reviennent
année après année. Et, avec une limite maintenant de quatre ans, qui est
imposée depuis 2011, fait en sorte que ces employés ne pourront plus mettre aux
bienfaits des Québécois leurs connaissances, leur matière grise pour développer
des produits à la hauteur des attentes des consommateurs.
Également, en limitant le quota à 10 %,
vous comprendrez bien qu'en ayant seulement que 10 personnes, une
entreprise de 800 employés, qui embauche tout près de 200 à
300 employés aussi de hautes technologies dans leur usine, on leur dit
demain matin : Vous allez en avoir uniquement que 80... Donc, vous voyez
la problématique. Déjà, lorsqu'on manque 150 emplois, on en enlève un
nombre très important, donc c'est la croissance… Et également, mes collègues
l'ont bien dit, c'est au niveau de la paperasse, qui devient encore de plus en
plus exigeante, qui est une grande difficulté pour nos entreprises.
Donc, je pense que c'est pour l'intérêt,
la survie de nos entreprises et surtout le développement de nos entreprises en
région. Je pense que c'est une mesure, c'est une demande, je pense, qui est
tout à fait légitime, de surseoir à cette réglementation en s'assoyant avec le
gouvernement provincial pour trouver des solutions qui vont faire en sorte le
développement de nos régions. Merci beaucoup.
La Modératrice
: On va
maintenant passer à la période de questions. S'il vous plaît, indiquez à qui vous
voulez poser votre question et des questions seulement sur le sujet d'aujourd'hui.
Journaliste
: ...ce
serait pour avoir, premièrement, quelques précisions, là, le nombre de
travailleurs temporaires à l'heure actuelle, hein, et combien de ces
personnes-là vont être affectées par les nouvelles mesures. Autrement dit,
combien de moins de travailleurs autonomes va-t-il y avoir... travailleurs
temporaires va-t-il y avoir au Québec?
Mme Weil
: C'est
surtout le traitement... Le travailleur temporaire, c'est à peu près, je vous
dirais, bon an, mal an... je pense que le chiffre...
M.
Hamad
: On
parle de 18 000 travailleurs au Québec, 19 000 ici...
Mme Weil
:
30 000... mais dans tous les secteurs. Mais, oui...
M.
Hamad
: …que
les autres secteurs, là, c'est 19 000 seulement...
Mme Weil
: Mais ce dont
on parle, c'est vraiment la façon que ces demandes vont être traitées et c'est
les obstacles qui seront sur le chemin des entreprises qui souhaitent les
embaucher rapidement. C'est beaucoup ça, le problème. Donc, on a identifié
trois domaines ou trois façons de faire, trois mesures en particulier. Mais
donc, ce qu'on souhaite, c'est qu'on puisse s'asseoir et échanger avec le
gouvernement fédéral à haut niveau pour qu'il comprenne bien, comme ils ont
fait avec d'autres provinces.
M.
Hamad
: Si on
ajoute le secteur agricole et l'aide familiale, on est autour de 24 500.
Mme Weil
: Mais il faut
comprendre qu'on ne touche pas le secteur agricole avec nos demandes
aujourd'hui.
M.
Hamad
:
Exact. C'est ça.
Mme Weil
: Le PTET ne
couvre pas le secteur...
Journaliste
: C'est
juste la transformation.
Mme Weil
: Juste la
transformation.
Journaliste
: Pour ce
qui est du secteur agricole, est-ce qu'il y a un problème?
Mme Weil
: Il n'y a...
Non, il n'y a pas de problème.
Journaliste
: C'est
correct? Parce que c'est saisonnier?
Mme Weil
: C'est ça,
oui. Ça, ça va, et le programme PTET ne touche pas le secteur agricole.
Journaliste
: O.K. Là,
je vois effectivement... par exemple, la limite de 10 %, ça, ça peut
entraîner beaucoup de problèmes pour certaines entreprises dans le domaine de
la transformation alimentaire. Vous dites qu'il y a des ententes avec les
autres provinces...
Mme Weil
: Oui. On ne
sait pas trop...
Journaliste
: Vous
êtes... Ici, au Québec, évidemment, avec Emploi-Québec, on a des responsabilités
que les autres provinces n'ont pas, on a une situation unique. Est-ce qu'il y a
des choses… Est-ce qu'il y a des choses, dans les ententes avec les autres
provinces, qui pourraient être applicables au Québec, qui pourraient…
Mme Weil
: Ces ententes
ne sont pas publiques, et, de toute façon, je vous dirais, le plus important, c'est
la façon qu'on fonctionne au moins depuis 25 ans. C'est le respect de
l'entente, l'esprit, la lettre de l'accord Canada-Québec. C'est la première
fois qu'on voit le gouvernement fédéral fonctionner de cette façon. Pourquoi? Parce
que le contrôle de l'immigration, surtout économique, pour le Québec, a
toujours… a été considéré majeur depuis 25 ans. C'est pour cela qu'on a signé
cet accord.
Et là on vient nous frapper exactement où
l'importance de l'accord se joue, c'est sur l'immigration économique.
Maintenant, on comprend, on partage le grand objectif que des Québécois soient
engagés d'abord, mais là le constat des entreprises, c'est que, oui, on veut
bien, mais aller trouver les Québécois qui seront capables de combler ces
emplois, on vous dit qu'on n'est pas capables. De toute façon, le Québec a
toujours, avec les avis sur le marché du travail, avec Emploi-Québec, toujours
fait un travail sérieux à cet égard, et on a toujours mis le fardeau sur les
employeurs pour prouver qu'ils avaient bien recherché, et le fédéral nous a
même dit qu'il n'y a pas de problème au Québec. Il n'y en a jamais eu. Je pense
qu'il y a peut-être 24 cas dans un certain secteur de la restauration où il y
avait des emplois, oui, qui auraient pu être comblés par des Québécois. Donc, c'est
bien loin de l'abus qu'on avait constaté dans certaines provinces de l'Ouest.
Donc, je vous dirais, c'est beaucoup dans
la façon de faire parce qu'en négligeant de s'asseoir avec nous, de discuter
des problèmes cas par cas et par secteur, finalement, ils vont freiner
sérieusement le développement économique. Et même certaines entreprises qui
nous ont dit : C'est bien facile pour nous, on est en croissance, alors, s'il
faut aller en croissance aux États-Unis, on ira aux États-Unis. Et ce n'est pas
des menaces vides parce que… pourquoi ils menaceraient, je les ai rencontrés un
peu en région.
Donc, c'est de pouvoir s'asseoir ensemble,
regarder chacune des mesures. C'est un travail technique, je ne vais pas
rentrer là-dedans aujourd'hui, juste qu'on ait cette ouverture. Je suis
convaincue qu'on pourra trouver des bonnes solutions. Et, en plus, nous, on
voudrait recommander des solutions pour éliminer beaucoup de paperasse aussi
pour alléger les processus aux niveaux fédéral et provincial.
Journaliste
: En
commission parlementaire, vous aviez indiqué votre intérêt pour, justement, la
voie des travailleurs temporaire pour sélectionner des immigrants, là, de
nature sélection économique. Donc, ça touche les responsabilités du Québec en
matière d'immigration. Il y a le fait qu'on contrôle le marché du travail avec
Emploi-Québec… cette entente-là aussi. Donc, de front, là, il y a deux ententes
qui ne sont pas véritables. L'esprit de ces ententes-là n'est pas respecté à
l'heure actuelle.
Mme Weil
: Non, c'est
ça, et on a tous les atouts pour bien gérer ça, tous les atouts. Et en plus, il
y a 25 ans, l'immigration temporaire ne jouait pas le même rôle qu'elle joue
maintenant. On le dit bien, par exemple on parle du caractère distinct dans
l'entente, on parle quand même de l'accord du Québec en matière de travailleurs
temporaires. Mais maintenant la filière, si vous voulez, travailleurs
temporaires, je l'ai dit en commission parlementaire, la Nouvelle-Zélande,
85 % de son immigration permanente est issue de l'immigration temporaire.
Parce que tous les pays sont en compétition pour aller chercher ces talents
stratégiques, ils ont besoin de ces talents rapidement. D'ailleurs, on nous dit
que déjà ça prend trop longtemps avec les deux gouvernements, donc nous, on
voudrait faciliter l'arrivée de ces travailleurs.
Donc, quand le ministère de l'Emploi
fédéral touche à ce domaine, il touche, à quelque part, à l'immigration. Alors,
évidemment, on va sensibiliser plusieurs ministres du gouvernement fédéral,
ceux qui sont responsables de l'immigration, du développement économique, des
régions. Je pense que tout le monde va comprendre les problèmes avec cette
réforme, mais les solutions sont à portée de main.
M. Dutrisac (Robert)
:
Donc, c'est ça, vous allez chercher à les convaincre du bien-fondé de votre
position, des solutions que vous avancez, mais vous êtes un peu à la merci
d'Ottawa à l'heure actuelle.
Mme Weil
: Bien, c'est
pour ça qu'on met de la pression, honnêtement, parce que c'est sérieux.
M.
Hamad
: Bien,
on n'est pas à la remercie d'Ottawa. Le geste d'Ottawa, la manoeuvre du
ministre Poilievre nuit à l'économie du Québec, nuit à l'économie canadienne.
En fait, c'est un boomerang, là. Il vient de lancer quelque chose qui va nuire
aussi à l'économie canadienne. Et ce qu'on dit : de faire attention à la
réalité québécoise. Le marché du Québec, c'est 17 marchés du travail
différents. Lorsqu'on fixe un taux de chômage, 6 % et moins, on dit :
On va être plus flexibles, bien, il y a des régions au Québec qui sont en bas
de 6 %, il y a des régions au Québec un peu plus élevées, mais, quand
même, il y a des régions où on a un taux de chômage élevé, mais il y a une
pénurie d'emploi dans certains domaines spécifiques.
Alors, c'est là, la mauvaise compréhension
du Québec, l'état de l'emploi du Québec. Puis, vous l'avez bien dit, M.
Dutrisac, c'est qu'au Québec on a Emploi-Québec, on est en contact avec les
entreprises, on connaît notre marché, on connaît les besoins puis on est en
contact avec les entreprises, ce que M. Poilievre, actuellement, a manqué. Et
même j'ai compris que, dans ses visites dans les entreprises au Québec, ils ont
dit : On a besoin des soudeurs. Il a dit : Allez chercher ça de
Montréal. Mais malheureusement, M. Poilievre, ça ne se fait pas de même. Si ça
se fait de même, ça fait longtemps qu'on l'a fait.
Mme Weil
: Et je
rajouterais que j'ai quand même reçu une lettre de M. Kenney, au mois de
décembre, qui évoquait la signature et l'atteinte d'un accord, d'une entente.
Donc, ça semblait être ouvert pour des discussions. Il comprenait qu'il y
aurait des échanges, comme toujours, comme toujours, en matière d'immigration
et de mobilité de la main-d'oeuvre.
La Modératrice
: M.
Gentile, vous avez une question?
M. Gentile (Davide) : Mais c'est
un gouvernement, à Ottawa, qui affirme être en faveur du développement
économique. Comment ça se fait que vous n'avez pas réussi à les convaincre? Est-ce
que c'est que vous êtes mauvais là-dedans ou c'est qu'ils ne comprennent pas la
réalité? Ça semble difficile à comprendre.
M.
Hamad
: Vous
savez, ce qu'on vient vous expliquer aujourd'hui, c'est la mauvaise
compréhension du gouvernement fédéral sur le marché de l'emploi, ce qu'on vient
de vous dire aujourd'hui. Sur le principe de dire à tout le monde : On
veut favoriser l'emploi des Canadiens, tout le monde est d'accord. Mais maintenant,
on va un peu plus loin. Comment on va le faire et dans quel contexte? Et ça
répond à quoi? Et c'est là la faiblesse de la stratégie du fédéral. Eh bien,
les représentants des entreprises sont en arrière de nous, ce n'est pas pour
rien, là, ce n'est pas un hasard, là. C'est que l'application de la stratégie
canadienne va nuire aux entreprises du Québec parce qu'elle ne tient pas compte
de la particularité des entreprises. Là, on parle de transformation
alimentaire, on parle de jeux vidéo, on parle des effets spéciaux, on parle des
technologies. On ne parle pas juste de domaine de restauration, là, on va plus
loin.
M. Gentile (Davide) : Oui,
mais quand vous leur dites ça, ils vous répondent quoi?
Mme Weil
: Bien, on
verra.
M. Gentile (Davide) : Est-ce
qu'ils vous répondent?
Mme Weil
: Bien, il
faut qu'on s'assoie ensemble. Jusqu'à date, ça a juste été...
M. Gentile (Davide) : Alors,
vous n'êtes pas capables de faire ça.
Mme Weil
: Bien non,
c'est parce qu'il y a des... il y avait des échanges entre fonctionnaires. Là,
on est arrivés au stade de se rencontrer, entre ministres, avec Jason Kenney.
Vous comprenez? On était rendus là. Alors, on se serait assis, on aurait
discuté, et il y aurait eu certainement de l'ouverture. Et là, soudainement,
pour une raison quelconque, on annonce un autre ministre, un nouveau ministre,
il annonce que la réforme pourra s'appliquer à partir...
M. Gentile (Davide) : Donc,
il ne vous écoute pas, finalement, ou...
Mme Weil
: Bien, je ne
sais pas qu'est-ce qui s'est...
M. Gentile (Davide) : Bien,
ça ressemble à ça. Mais ce n'est pas...
Mme Weil
: Oui, mais je
ne sais pas qu'est-ce qui s'est passé entre les ministres, s'il y a eu de la
correspondance. Nous, on demande tout simplement à le rencontrer, mais d'abord
de surseoir pour le 30 avril et qu'on puisse échanger, avoir des vraies
discussions, des vrais échanges. C'est ce qu'on demande.
M.
Hamad
: En
fait, on ne demande pas de nous écouter, là, on demande d'écouter les entreprises,
là, parce que c'est les entreprises qui crient pour deux choses. Un, on
augmente la paperasse. Ça, c'est... je ne comprends pas, là. Ils doivent
comprendre qu'on augmente la paperasse, un. Deux, il nuit aux entreprises,
c'est-à-dire qu'il va compliquer l'engagement des employés, ce qui fait en
sorte qu'il y a un impact économique, et on essaie de le faire comprendre.
Maintenant, il y a un changement de
ministre, le nouveau ministre ne semble pas comprendre. Le nouveau ministre
envoie une lettre, il dit : Je l'applique à partir du 30 avril.
Aujourd'hui, nous contestons cette décision-là, puis on demande au ministre de
bien comprendre la réalité des entreprises du Québec.
La Modératrice
: Est-ce
qu'il y a d'autres questions?
Journaliste
:
Hi. What is the reason that you're calling for this urgent meeting?
Mme Weil
:
Urgent meeting... What we are calling for is for the federal Government to
respect the Québec-Canada accord on immigration and essentially to sit down
with us, at our level, to look at the problems with the reform that they
announced last June, which has applied all across Canada, everybody knows that, but it did not
apply… it has not applied, as yet, to Québec, because we have been… our functionaries have been sitting on both
sides of the table, discussing the different measures and how it effects… and
the impact on Québec. And there
has been some recognition of some of the challenges, and over time, of course,
businesses have started to feel as well the impact of these transformations
with this reform and the potential impact in Québec, knowing that it did not apply at this time.
So there was a change of
minister. In December, I did receive a letter from Mr. Kenney that did suggest
that there would be an agreement between us, understanding the way the accord
works. There is a new minister. We simply received a letter saying it would
apply as of the 30th of April as it. So what we are asking for is that they
hold off on the application of this reform until we have been able to sit
together and have serious exchanges on the impact.
And it is not…
Essentially, our objective is to make sure… is to ensure that our businesses
are not going to be hampered in their need to find qualified workers. There is
a real race for what we call strategic talent all over the world. And there are
certain very high and specialized areas where you just absolutely have to
recruit. And, of course, we share the objectives of the federal Government that we need to respond to the job market needs with Quebeckers in it first,
just as the ministers, both ministers have repeated at the national level.
Canadians first, everybody shares that.
However, in Québec, we
have never had problems with this program. It has always been applied very
rigorously, and that has been recognized by the federal Government, that we
have always had what is called «un avis sur le marché du travail». We have
always made sure that there was actually no Quebecker that could be found for
the job.
So what happens in that
case? At great cost, at great time and energy, these businesses often actually
have to go recruit in other countries to find these workers. Once they find
them, they invest in their «formation», they invest in these workers to make
sure that they are qualified. Many of them, they wish to keep, and many of
those workers wish to stay as well.
So it is also, for us, an
important program for permanent immigration. So for… Temporary worker program
is a very strategic program. It is run very effectively, efficiently,
rigorously in Québec, and we do not understand why the federal Government would
just suddenly impose it, from one day to the next, without asking first for us
to sit down and have an honest exchange to make sure that the reform applies
well and does not hamper the development of our businesses.
M.
Hamad
:
Today, we are not requiring only meeting with the minister. Today, we are
contesting the misunderstanding of the real employment market in Québec, and
this misunderstanding is going against the needs of companies in Québec and is
going to affect the economy in Québec, because if he… the companies need qualified manpower, and he's
going against this strategy, which is very bad for our economy in Québec.
Journaliste
: I just want to make sure that I get this right, that… Can you just
pinpoint for me the specific issues that you have with the changes that the federal Government wants to impose?
Mme Weil
: Well, in one, there is the duration of the permit. For certain
category of foreign workers, they'll be able to renew only once : one
year, renewable once. So it's very limited in time, and that person will never
be able to be recruited again. So that's a problem in certain sectors where…
it's why I mentioned the invest in these workers, because some of them may be
able to come back. That's causing a certain problem in certain regions and
certain areas.
There's also this ceiling
of 10% again, in the same category of foreign workers. Some businesses, we
talked about transformation in the food sector, which has become a very… sort
of interesting development, economic development in the region of Huntingdon because it's an agricultural
sector. Where they used to do transformation elsewhere, in Florida for
instance, now, they build up their expertise here, in Québec. That's an expertise we don't want to lose. With a limit of 10%,
they will not be able to recruit all of the temporary workers that they need to
be able to produce at their level. What will they do? I mean, some of these
businesses are telling us they'll have to manufacture, transform, do what they
do here elsewhere, where they don't have these kinds of limits.
And then, finally, this
one is very complex for more high-end workers, what we call strategic talents,
and the world is in competition for these strategic talents. We're in
competition with the other provinces, with the U.S., with other places.
These companies are going
to have to present a transition plan, and we're getting a lot of complaints
about this transition plan from companies in other parts of Canada who have
this reform already applying to them. It's very bureaucratic, and what they
tell us is : We can have a transition plan, but these workers do not exist
in Québec. So why would we do a
transition plan until they… somehow, through some, you know, magic, we find
these workers in Québec, they
don't exist. So they contest that aspect of it.
So could we identify
those particular areas where this wouldn't apply? These are the kinds of
discussions that we want to have with the federal
Government, so they understand the impact of these
measures to our particular reality.
Journaliste
: Why do you think there's this lack of understanding now?
Mme Weil
: I think they are in a rush, that's all I can say, for some reason.
Journaliste
: Can I ask one of the people behind?
Mme Weil
: Yes, sure.
Journaliste
: Is… or one of you represents businesses that are affected by this?
In English, would someone be able to say how this could impact a business
person?
En anglais, est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut s'exprimer sur les impacts sur une entreprise? En français ou en anglais, s'il vous plaît.
M. Vincent (François) :Just on the ceiling, 10%, 50% of enterprises in Québec have less than five employees, so
it's going to be very difficult for them to keep the 10%. Our members told us
that the temporary foreign worker program held them to maintain and create jobs
for Canadians. So now it's not only a fact that the jobs of the temporary
foreign workers that they would not be able to come in Québec, but it can
affect the jobs of Canadians, of Quebeckers. And, like Mr. Hamad said, in regions,
it's different too. Maybe they will have a job… taux de chômage more than…
Journaliste
:
Welfare.
M. Vincent (François) : …employment rate more than 6%, but, in that particular job, they
will not have employees that are able to do so. And the… le marché du
travail est une place où on ne peut pas changer directement quelqu'un
nécessairement d'une place à l'autre. On ne peut pas demander à un travailleur
sylvicole d'aller travailler en cuisine, par exemple. La Commission des
partenaires du marché du travail fait un travail exceptionnel. Puis les petites
et moyennes entreprises nous ont dit que les modifications vont avoir un impact
assez important et dramatique pour elles. Et on appuie fortement le Québec dans
sa demande de surseoir au programme.
Journaliste
: Et votre
nom et organisation.
M. Vincent (François) :
François Vincent. Je suis directeur des affaires provinciales pour la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Avez-vous besoin que je le
dise en anglais?
Journaliste
: Non, ça
va.
M.
Hamad
: Merci
beaucoup.
(Fin à 16 h 59)