Point de presse de M. Alexandre Bourdeau, député de Berthier, M. Jonathan Valois, député de Joliette , et de Mme Elsie Lefebvre, députée de Laurier-Dorion
Version finale
Le mercredi 6 avril 2005, 12 h 03
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Douze heures trois minutes)
M. Bourdeau: Aujourd'hui, on fait une interpellation disant en essence que le gouvernement avait laissé tomber la jeunesse. Il est clair qu'à la suite des discours des trois députés du gouvernement que la jeunesse n'est vraiment pas représentée à l'intérieur... les valeurs et les intérêts de la jeunesse ne sont pas représentés à l'intérieur de ce gouvernement-là. La plus belle preuve qu'on peut faire que le gouvernement a laissé tomber la jeunesse, c'est le petit tableau que j'ai sorti à la fin de mon intervention, qui démontre comment d'argent le gouvernement est allé chercher dans les poches des jeunes du Québec. Si on prend les coupures dans le Programme des prêts et bourses, cette année, c'est 103 millions de dollars, l'an prochain, 33 millions de dollars, ça fait 136 millions de dollars de coupures dans les poches des jeunes, des étudiants et étudiantes.
Au niveau de la hausse des frais de garde sur une pleine année, au niveau des centres de la petite enfance, c'est 105 millions de dollars, au niveau des services de garde en milieu scolaire, c'est 65 millions de dollars, donc, sur deux ans, c'est 340 millions de dollars. Pour ce qui est des coupures à l'aide sociale, qu'on appelle la clause Tanguy, c'est 30 millions de dollars par année, ça a été appliqué à partir d'octobre 2004, ça fait donc 43 millions de dollars environ dans les poches des jeunes et, en terminant, le détournement du Fonds jeunesse, qui est de 40 millions de dollars, à d'autres fins. C'est en fin de compte un total de plus d'un demi-milliard de dollars que le gouvernement est allé chercher dans les poches des jeunes. Et ça, on ne compte pas la hausse des tarifs d'hydroélectricité, on ne compte pas la hausse au niveau de l'assurance médicaments, on ne compte pas non plus la hausse au niveau du transport en commun, par exemple, c'est-à-dire que c'est beaucoup, beaucoup d'argent que ce gouvernement est allé chercher dans la poche des jeunes du Québec.
En plus, depuis qu'ils sont au pouvoir, c'est 14 000 emplois qui se sont perdus chez les jeunes comparativement à une création de 35 300 environ, en 2002, lorsque le gouvernement du Parti québécois était présent. Puis l'autre chose, c'est qu'il est clair... Moi, je fais partie de la génération qui n'a pas connu d'autre gouvernement que le Parti québécois. En 1994, j'avais 15-16 ans, on s'entend que je n'avais pas l'éveil politique que mon collègue de Joliette, Jonathan, pouvait avoir parce que, lui, il a connu l'ancien gouvernement du Parti libéral, il a connu les hausses de frais de scolarité, il a connu tout ce que ce gouvernement a fait là, que, lui, il avait cette impression-là, cette génération-là que Jonathan représente un peu plus, ils ont connu ce gouvernement-là qui a sabré directement dans les poches des jeunes au Québec. Moi, je viens d'arriver, ça fait deux ans que je suis député à l'Assemblée nationale, là je vois ce que ce gouvernement-là a fait. Il y a 100 000 jeunes qui ont marché dans les rues de Montréal - on était présents, nous, les cinq jeunes députés - puis ces jeunes-là, ils ont pris conscience que ce gouvernement-là libéral, il va complètement à l'encontre des intérêts de la jeunesse. Et ça, je pense que ça va marquer énormément - on peut dire qu'on ne vient pas vraiment de la même génération, mais les deux parties de notre génération - ça va vraiment vraiment marquer, ces jeunes-là, puis je pense qu'aux prochaines élections, il y aura une alliance incroyable qui va se faire entre à la fois notre génération, mais celle aussi de nos parents pour justement dire à ce gouvernement-là: C'est assez, il doit sortir.
Et on a fait deux demandes à la fin, et j'espère qu'elles seront comprises par le gouvernement. La première, c'est que, pour la stratégie jeunesse, ce n'est pas vrai qu'on fait une stratégie jeunesse à vase clos puisque, par après, on dit aux jeunes: Validez-la. Il faut la faire avec les jeunes et, pour ce faire, on demande une commission parlementaire sur la stratégie jeunesse.
Deuxième chose, il serait peut-être temps que le premier ministre, s'il n'a pas le temps de s'occuper des dossiers jeunesse, qu'il nomme un autre député responsable des dossiers jeunesse, qui sera ministre responsable des dossiers jeunesse dans son gouvernement pour qu'il y ait vraiment quelqu'un, un interlocuteur qui pourra parler avec les différents groupes jeunes au Québec. Parce qu'actuellement le premier ministre, je ne sais pas c'est quand qu'il a fait une tournée au niveau des groupes jeunes. Je sais que mes collègues aussi avaient des interventions à faire, là.
M. Valois: On trouve que tu as été pas mal complet...
M. Bourdeau: O.K. C'est bon.
M. Bouillon (Pierre): Mais, M. Bourdeau, pour vous, là, qu'est-ce qui est la meilleure illustration de ce que vous prétendez être, donc, cet abandon, là, des jeunes par le gouvernement? Est-ce que c'est le débrayage que ça a provoqué, les nombreux... Qu'est-ce que c'est pour vous, là?
M. Bourdeau: Moi, je pense que la meilleure image qu'on peut avoir justement, là, de cette génération qui est en crise face à ce gouvernement-là, c'est la manifestation qu'il y a eu, c'est 100 000 jeunes dans les rues, c'est 200 000 jeunes qui ont déclaré la grève. Ça, là, ça ne s'est jamais vu au Québec. Ça, c'est...
Ce n'est peut-être pas simplement à cause du 103 millions, ce n'est pas juste le 103 millions qui a créé cette force de mouvement-là, c'est vraiment toutes les décisions dans différents dossiers qui ont touché la jeunesse qui ont fait en sorte que cette génération-là a dit: Aïe, c'est assez, là. On s'est assez fait piler dessus. Nous, on a une génération qui a quelque chose à dire, puis si vous ne voulez pas nous écouter dans les endroits où normalement on doit nous écouter, mais, nous, on va sortir dans la rue puis on va vous démontrer ce qu'on pense.
M. Bouillon (Pierre): Mais que répondez-vous lorsque les porte-parole du gouvernement disent: Écoutez, il y a une entente, les congés parentaux, ça touche bien sûr beaucoup de jeunes, les chèques universels versés aux familles? Que répondez-vous à cela?
M. Bourdeau: Bien, premièrement, l'entente qui a été signée par M. Béchard, c'était une entente à rabais. Ce n'était même pas... Ce n'est même pas l'équivalent de ce que, nous, on avait négocié lorsqu'on était au pouvoir, et qu'on avait refusé justement parce que ça ne répondait pas aux critères et aux besoins des Québécois et des Québécoises.
Ils ont beau aller chercher quelques grenailles au fédéral d'argent, mais la vraie réalité là-dedans, c'est que l'entente et l'entêtement de ce gouvernement-là à signer des ententes avec le fédéral, ça coûte cher au Québec. Le fédéralisme coûte cher aux Québécois et aux Québécoises, ça, c'est clair. Et la journée qu'on pourra aller chercher justement tous ces montants qui nous appartiennent, et arrêter d'aller les chercher à la pièce en signant des ententes à rabais, bien, cet argent-là va nous appartenir à nous, puis on va pouvoir décider de la mettre exactement où on veut, et on ne serait peut-être pas obligés justement d'avoir des batailles comme on a connues dans les derniers mois.
M. Bouillon (Pierre): Ma dernière question, oui, vous dites à rabais, mais je pense que c'est autour de 750 millions, et je crois qu'il y a un 250 millions qu'il faudra assumer, employeurs, employés, la façon est à déterminer. C'est quand même 1 milliard, là.
M. Bourdeau: Oui, mais je pense qu'au total, nous, je pense que c'est quelque chose comme 150 millions de dollars de moins que ce qu'on avait commencé à regarder. Je veux dire, c'est une entente à rabais. Ils ont signé ça pour dire: Regardez, en fin de compte, le fédéral, c'est beau, là. Qu'est-ce que le conseil de la souveraineté - le conseil de la souveraineté! - qu'est-ce que le Conseil de la fédération, plutôt, a fait depuis que ça a été fondé? Ils n'ont pas fait grand-chose. Je pense que Jonathan aussi pourrait peut-être répondre à ça, notre porte-parole en matière d'affaires intergouvernementales.
M. Valois: Oui. Sur le dossier des congés parentaux, ce qu'on doit comprendre, là, c'est que ça fait depuis 10 ans qu'il y a un consensus au Québec qui existe. Et, pendant 10 ans, il y a des jeunes qui étaient des travailleurs autonomes qui n'ont pas eu droit à ce congé-là parce que le gouvernement fédéral faisait la sourde oreille aux demandes du Québec. Alors, ça, là, consensus à l'Assemblée nationale, les grands rendez-vous qu'on faisait, que ce soient les rendez-vous économiques, tous ces consensus-là, sociaux, du Québec ont été bafoués par le gouvernement fédéral. Dix ans plus tard, alors qu'il est minoritaire, alors qu'il est en campagne électorale, alors qu'il y a un jugement de la Cour suprême qui dit: C'est de l'affaire du Québec, il dit: Je vais régler avec le Québec.
Là, aujourd'hui, on a un gouvernement... Évidemment, c'est le gouvernement du Parti québécois qui a travaillé toute cette entente-là. On arrive dans un moment clé où est-ce que le ministre de l'époque se retrouve avec quatre as dans son jeu - comme je vous dis, ils sont minoritaires, il y a le Bloc qui est fort, il y a une campagne électorale puis il y a un jugement de Cour suprême - et là ils disent: Bien, finalement, on va peut-être écouter le Québec. Mais, pendant 10 ans, il y a des jeunes, au Québec, qui étaient des travailleurs autonomes, qui n'ont pas eu droit à ce service-là, malgré que les Québécois, depuis 10 ans, avaient fait le consensus que c'était quelque chose qu'on voulait aller de l'avant.
Alors, moi, là, je... Dans une société normale, la victoire, c'est quand il y a un consensus. Dans une société provinciale, la victoire, c'est quand le grand frère d'Ottawa, il décide que, lui, il est d'accord. Ça, ça n'a pas de maudit bon sens. Les jeunes, ils le comprennent, ça. Puis, dans toutes les autres choses, bien on pourrait parler aussi des chèques que vous parliez, là, qui sont universels, sont envoyés aux parents. Ça, là, c'est de la... Il n'y a pas une cent qui est rajoutée là-dedans par le gouvernement du Québec. C'est réellement une grosse opération de visibilité sur des crédits d'impôt puis des services gouvernementaux qu'à chaque année, avec nos rapports d'impôts, on faisait. Alors, plutôt que ce soit par rapport d'impôts... Oui, il y a une idée... on va faciliter la vie à bien du monde, parce qu'on sait que les rapports d'impôts, ça peut être complexe, sauf que, de l'autre côté, il y a eu une grosse opération visibilité sur l'argent qui est envoyé aux familles.
Est-ce qu'il y a beaucoup de montants de plus pour aider les jeunes? Visiblement, le tableau du député de Berthier nous démontre que c'est un demi-milliard de moins dans l'aide directe aux jeunes.
M. Bourdeau: Et de plus on n'avait pas calculé non plus la hausse des frais d'électricité, là. Ils ont financé les chèques qu'ils envoyaient via la hausse des tarifs.
M. Bouillon (Pierre): ...peut-être déjà indiqué, sur une autre tribune, mais est-ce que d'après vous, à la suite des ententes entre la FEUQ, FECQ et le gouvernement, les étudiants... est-ce que pour vous il est temps qu'ils entrent? Qu'ils disent oui et qu'ils suivent leurs cours? Qu'ils mettent fin à toute grève?
M. Bourdeau: La seule chose qu'on souhaite, c'est clair, c'est que les sessions puissent se terminer. On ne peut pas penser qu'on va retarder. Mais le problème, c'est le gouvernement, là, qui l'a créé, là, c'est à lui de trouver des solutions. Il y a des cégeps, il y a des étudiants et des étudiantes qui sont fâchés, qui sont encore fâchés, parce qu'ils ont des raisons de l'être, fâchés, et c'est le gouvernement qui devra trouver des solutions pour justement faire en sorte que les sessions ne soient pas perdues, là.
M. Bouillon (Pierre): Oui, mais le mot d'ordre que vous, vous donnez, si je comprends, c'est qu'il est temps tout de même pour les étudiants d'entrer.
M. Bourdeau: Je n'ai aucun mot d'ordre à donner. Je ne suis pas sur les tables de négociation. Ce n'est pas nous, c'est aux leaders étudiants à décider ce qu'ils vont faire et aux étudiants et étudiantes, démocratiquement, lorsqu'ils vont voter, de décider ce qu'ils vont faire. Pour eux, nous, ce qu'on a dit aujourd'hui, c'est: On a présenté la réalité de ce gouvernement-là, qui est un gouvernement qui ne répond pas aux aspirations de la jeunesse, mais pour ce qui est des votes pour le retour en classe, ce sera à eux de décider de ce qu'ils voudront faire. Mais, d'une façon ou d'une autre, ces jeunes-là vont se souvenir que ce gouvernement-là a coupé directement dans les poches des plus pauvres au Québec.
M. Bouillon (Pierre): Mais est-ce qu'il est temps pour eux de rentrer, de suivre leurs cours?
M. Bourdeau: C'est à eux de décider, démocratiquement, par vote, s'ils vont le faire ou pas.
Une voix: Merci bien. Bonne fin de journée.
M. Bourdeau: Bonne journée.
(Fin à 12 h 12)