Point de presse de M. Bernard Landry, chef de l'opposition officielle, et de Mme Diane Lemieux, leader de l'opposition officielle
Version finale
Le jeudi 24 mars 2005, 15 h 28
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Quinze heures vingt-huit minutes)
M. Landry: Nous avons fait cette motion de censure en étant absolument certains de parler au nom d'une immense majorité de la population québécoise qui, comme nous, pense que le gouvernement nous fait nager dans l'improvisation, l'imprécision, les décisions inattendues et aux effets souvent catastrophiques, par exemple, ce qui se passe en éducation, on n'a pas besoin d'insister, les relations très mauvaises avec l'ensemble des agents socioéconomiques du monde syndical ou du monde communautaire et là, avec le geste intempestif sur la forêt, le monde patronal qui emploie des mots extrêmement durs. Quand la présidente des chambres de commerces parle de catastrophe économique et sociale en région, vraiment il est plus que temps de faire une motion de censure. Alors, c'est ce que nous avons fait et nous espérons que le gouvernement va enfin comprendre. Parce que généralement plus la population est mécontente, plus le premier ministre dit d'une façon simpliste: Nous allons garder le cap. Bien ça, c'est garder le cap vers le naufrage, et c'est ça qu'on essaie de leur faire comprendre, c'est notre rôle d'opposition. Mais, je pense que la population comprend aussi que la seule solution viendra bientôt et ce sera de se défaire du gouvernement le plus impopulaire, d'une part, mais le plus inefficace de l'histoire du Québec.
M. Larocque (Paul): Est-ce que vous demandez des élections, M. le chef de l'opposition?
M. Landry: Je pense que la population déjà commence à faire son raisonnement. On envoie des indices un peu partout que ce gouvernement n'en a pas pour longtemps. Mais, en attendant, c'est le gouvernement, et notre rôle c'est d'essayer de le ramener dans le droit chemin le plus possible en parlant au nom de la population, comme on l'a fait au nom des étudiants ces jours derniers.
Mme Thibeault (Josée): À quoi vous attribuez cette attitude? Vous avez beaucoup d'expérience comme parlementaire.
M. Landry: D'abord, même ceux qui ont de l'expérience ont de la difficulté à comprendre parce qu'on est dans le jamais vu, alors. Mais c'est plutôt une approche de réflexion et, oui, j'en ai fait une. Je peux vous dire brièvement, ils ont violé deux lignes fondamentales de la société québécoise. La solidarité sociale. Le Québec est une société solidaire. Ce n'est pas une société dure, c'est une société d'entraide. Je pense que ça nous est venu dès la conquête britannique, quand les aristocrates sont retournés en France et les riches, on a appris qu'on pouvait survivre et vivre et prospérer en concert et tous les gouvernements du Québec avaient compris ça.
Je me souviens, moi, d'avoir entendu Jean Lesage - et j'en étais très fier, parce que j'étais libéral à cette époque - dire: Je suis de centre gauche. Alors, là, ils ont rompu avec cette première ligne. Le Québec est une société solidaire et tout le reste en a découlé. Ils ont rompu avec une deuxième ligne. Tous les premiers ministres du Québec faisaient passer le Québec avant le Canada et voulaient régler la question du Québec avec plus de pouvoirs pour le Québec, un nouveau statut pour le Québec. Daniel Johnson a écrit Égalité ou indépendance. Robert Bourassa a fait la commission Bélanger-Campeau qui était aussi réforme du fédéralisme ou indépendance. Inutile de parler des premiers ministres du Parti québécois. Et là, ça a été salué comme ça dès son élection, d'ailleurs: A real federalist. Et ça aussi, c'est franchir l'autre ligne.
Alors, quand on franchi ces deux lignes, on s'en va vers l'impopularité, qui est déjà arrivée, et la défaite qui va arriver.
M. Larocque (Paul): Vous dites qu'il n'en a plus pour longtemps. Ce gouvernement-là a un mandat qui pourrait se poursuivre encore trois ans. Qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Landry: C'est la Constitution. Je dis que c'est... Nous sommes obligés de respecter la Constitution et les traditions, mais la pression peut monter aussi.
M. Larocque (Paul): Qu'est-ce que vous voulez dire «pas longtemps»? Qu'est-ce qui pourrait arriver? Qu'est-ce que c'est?
M. Landry: Bien, je veux dire que, là, on a un mécontentement très, très élevé puis on est avant les négociations de la fonction publique, alors, là, les professeurs, le personnel hospitalier, le personnel de la fonction publique, la Sûreté, etc. Ça peut faire un niveau de mécontentement considérable qui fait que ça n'avait pas la tendance à allonger le mandat et j'imagine que le gouvernement, quand il réalisera qu'il n'a plus la crédibilité et l'autorité morale pour gouverner, bien, il fera ce qu'un gouvernement fait dans ce cas-là.
M. Deltell (Gérard): M. Landry, concernant le conflit avec les étudiants, encore, M. Fournier était très ferme sur ses positions. Ça fait plus d'un mois que ça dure et on se dirige vraiment vers un cul-de-sac ou un mur, appelons ça comme on veut. Est-ce qu'il pourrait être envisageable de nommer, je ne sais pas, moi, une espèce d'arbitre ou un médiateur quelconque qui pourrait essayer de trancher le débat? Est-ce que c'est envisageable, ça?
M. Landry: Ce n'est sûrement pas une idée absurde. Ça s'est fait dans divers conflits. Mais là, ce n'est pas comme un conflit de travail, là, c'est un conflit de société. Alors, dans un conflit de travail, c'est rarement des principes qui sont en cause. C'est le salaire, c'est les conditions de travail. Là, les étudiants sont dans une position de principe appuyée par à peu près l'ensemble de la société québécoise. Il ne faut pas - toujours la première ligne dont j'ai parlé, solidarité - il ne faut pas alourdir l'endettement des étudiants. Alors, c'est dur d'avoir un médiateur sur une question comme celle-là. Le ministre a dit... Ça aussi, c'est très surprenant, le gouvernement crée un cauchemar pour les étudiants puis, après ça, il a dit: Faites-moi des suggestions pour mettre fin au cauchemar. Je comprends un peu leur réaction. Mais elle en fait une, suggestion, qui est assez simple et qui serait bonne, on renonce aux baisses d'impôts. Quand même Alain Dubuc n'en veut plus, là, il n'y a pas beaucoup de monde qui vont se battre pour en avoir. Alors, qu'ils sautent là-dessus. Pas de baisse d'impôts, on revient à 103 millions puis on a la paix.
M. Boivin (Simon): Êtes-vous d'accord avec M. Massé à l'effet que les étudiants devraient faire des compromis?
M. Landry: Bien, j'ai relu ce qu'il avait dit puis c'est... et ce qu'il a dit qu'il avait dit en plus, ce n'est pas tout à fait ça.
M. Brunet (Claude): M. Landry, pourquoi vous acharner sur le cas du ministre Mulcair?
Mme Lemieux: Non, ce n'est pas de l'acharnement, c'est tout à fait justifié. Moi, je vous invite à lire le jugement, le jugement parle de lui-même. Et il est assez clair que M. Mulcair n'est pas digne d'occuper les fonctions qu'il occupe.
M. Larocque (Paul): Ce sont des paroles qui sont lourdes. M. Landry. Qu'est-ce que vous demandez, vous, comme chef de l'opposition au premier ministre, dans les circonstances?
M. Landry: Je lui ai déjà dit ce que je pensais. Il doit demander au député de Chomedey d'évacuer le Conseil des ministres.
Les paroles du jugement sont extrêmement dures et, moi, si j'avais eu un de mes ministres qui avait été l'objet de telles remarques d'un juge de la Cour supérieure, j'aurais été obligé de conclure qu'il ne pouvait plus être ministre. Et je pense que notre premier ministre actuel devrait faire la même chose.
M. Deltell (Gérard): Quant au délai d'appel, dans 30 jours vous pouvez poser la question mais en attendant, pourquoi ne pas justement laisser le...
Mme Lemieux: Ça ne change pas...
M. Landry: Il pourrait s'en aller, nonobstant appel, et puis revenir, s'il allait gagner en appel, s'il fait appel. Mais, pour l'instant, il n'a pas fait appel. Alors, c'est la...
Mme Lemieux: Et l'appel ne suspend pas le jugement, le jugement existe. Cette décision existe. Alors, à tout le moins, s'il décide d'aller en appel, au moins durant cette période, il pourra lui demander de se retirer. Mais peu importe l'appel, ce jugement existe. Le seul effet de l'appel, c'est que le jugement n'est pas exécutoire. Mais cette décision, elle existe.
M. Brunet (Claude): M. Landry, pourquoi... comment vous interprétez le silence du premier ministre Charest à l'égard de M. Mulcair?
M. Landry: Je pourrais conclure facilement qu'il le trouve indéfendable, donc ne le défend pas. Mais je ne peux pas lire dans l'esprit du premier ministre.
Mme Lemieux: Mais il ne le défend pas. Et cet après-midi, j'avais une question au départ qui était simple, de deux choses l'une, ou le premier ministre se lève et le défend, ou il exige sa démission. Il ne s'est pas levé, il ne l'a pas défendu. Alors, maintenant la question qui reste, c'est: Pourquoi ne l'a-t-il pas fait jusqu'à maintenant? Pourquoi ne le fait-il pas au cours des prochaines heures? Parce qu'il ne l'a pas défendu. Parce que c'est indéfendable.
Mme Thibeault (Josée): Je...
M. Larocque (Paul): Vas-y.
Mme Thibeault (Josée): Je voudrais revenir seulement sur les étudiants.
M. Larocque (Paul): Tu permets, juste finir sur Mulcair?
Mme Thibeault (Josée): Oui, bien, là-dessus...
M. Larocque (Paul): O.K. Parfait. Vous avez soulevé la question du serment que chaque membre du Conseil des ministres prête lorsqu'il arrive au pouvoir. Est-ce que vous considérez que Thomas Mulcair a enfreint son serment comme ministre?
Mme Lemieux: Oui. D'abord, en lien avec le jugement de cette semaine, où il n'a pas fait...
M. Larocque (Paul): Mais ça, c'était avant.
Mme Lemieux: Non, mais les gestes dont il a été accusé se sont déroulés il y a plusieurs mois de ça. Alors, il n'a pas fait preuve d'honnêteté, comme le dit ce serment. Et par ailleurs, on a aussi de graves inquiétudes au sujet de la Loi d'accès à l'information et des documents auxquels il aurait eu accès. Il aurait demandé accès à des documents, alors, là, il y a une problématique également. C'est clair.
M. Larocque (Paul): Problématique, vous voulez dire que...
Mme Lemieux: Bien, écoutez, je pense qu'il faut refaire le fil des événements...
M. Larocque (Paul): Mais je ne veux vous mettre les paroles dans la bouche, puis je ne veux pas, moi, dire qu'il a enfreint le serment. Est-ce que, vous, vous considérez...
Mme Lemieux: Moi, je considère qu'il a enfreint son serment au niveau de l'esprit et de la lettre. Un ministre qui représente des citoyens, qui a des responsabilités ministérielles ne peut pas se comporter comme cela.
Mme Thibeault (Josée): Simplement concernant les étudiants. Je voudrais savoir: Que signifie pour vous le petit carré rouge? Et pourquoi vous trouvez important, l'opposition, de le porter tous?
M. Landry: Parce que nous sommes totalement d'accord avec le fond des revendications étudiantes, et ça, on est en phase avec l'ensemble de la société québécoise, je crois. Les moyens leur appartiennent, comme je l'ai dit souvent. J'ai déjà été leader étudiant moi-même, j'ai utilisé certains moyens, et personne du gouvernement, de façon paternaliste, m'a dit qu'ils étaient bons ou qu'ils n'étaient pas bons. Nous appuyons le fond des choses en leur demandant, dans les moyens, de respecter la loi et de s'abstenir de toute violence. Mais pour le reste, ça leur appartient. Mais je leur ai encore redit ce matin, j'ai été en contact avec eux par hasard, lors d'une promenade sur la colline, et puis j'ai pu leur parler par un système ingénieux de radio qui communiquait avec le haut de la tour, et puis je leur ai redit ça: Nous sommes 100 % avec vous, même 103 % avec vous, puis utilisez les moyens qui sont compatibles avec notre démocratie.
M. Deltell (Gérard): Trouvez-vous que l'occupation de ce matin était compatible avec notre démocratie?
M. Landry: Bien, là, je n'ai pas de détails. Ce que j'ai vu, c'était parfaitement compatible, parce que le droit de manifester, c'est un droit reconnu.
M. Deltell (Gérard): Occuper des locaux de ministre...
M. Landry: Bien, ça dépend lesquels, là. Ils sont dans l'observatoire?
M. Deltell (Gérard): Non, c'était au 21e étage.
M. Landry: S'ils observent...
M. Deltell (Gérard): Non, non, ils étaient au 21e étage.
M. Landry: En tout cas, vous prouvez que je ne peux pas répondre à votre question parce que je n'ai pas de détail.
Mme Thibeault (Josée): Ça fait que là, vous en avez... Vous êtes rendus que vous avez trois médailles, si je peux dire, dont une est un petit peu plus prestigieuse que les autres. Est-ce que ça ne mine pas un peu l'importance que peut avoir le fait de s'afficher pour une cause ou pour une autre?
Mme Lemieux: Bien, il faut comprendre que la troisième, c'est la Journée de l'épilepsie, et qu'il y a une entente avec le président de l'Assemblée nationale, lorsqu'il évalue qu'il est approprié que les députés signifient qu'ils savent qu'il y a journée particulière au Québec, dans ce cas-ci, ça concerne l'épilepsie. Il nous suggère - d'ailleurs il y a des gens qui nous attendent à l'entrée du salon bleu - il nous suggère de le porter, et j'ai dû passer trop vite.
M. Landry: Et puis l'autre, j'espère que vous le savez, ce n'est pas le drapeau du Canada parce que, vu de loin, il y a certaines personnes qui fronçaient les sourcils.
Le Modérateur: En anglais.
Mme Rich (Kristy): Mr. Landry, what do you think of the proposal that was made by the FEUQ this morning?
M. Landry: What... Pardon me?
Mme Rich (Kristy): What do you think of the proposal that was made by FEUQ this morning?
M. Landry: It was interesting. Not to have any useless tax reductions and put that to restore the situation with the students, it was enough and interesting.
M. Duboyce (Tim): Could you explain that in English, why you feel that this conflict between the Government and the students is not the same thing as a labor conflict?
M. Landry: No. It's more a society related, a global, social conflict than just fighting for that raise of salary or that couple of hours less of work. Those are very respectable aims. But what the students are talking about is the future of our society in their own future of course, and the importance we must give to education and supporting the freer education possible, which is in the Québec tradition.
M. Duboyce (Tim): Many of the students demonstrating up front today were holding signs that compare Jean Charest and Adolf Hitler, what do you think of that?
M. Landry: I have said many times that I'm backing the objective and I'm absent of the means and the ways. But those ways and means must be legal and respectful of our democratic tradition.
M. Tremblay (Félix): What do you think of Mr. Fournier's reaction saying that what the students have put forward is not a proper proposition? He doesn't perceive it as a proposition.
M. Landry: In due respect, I think, he is wrong. You know that personage Alain Dubuc? Even Alain Dubuc is saying that he doesn't want to touch money from tax decreases obtain this way. And with very strong words he is talking of money stained with blood. So, he is that sort of person, that sort of intellectual very respectable but with strong orientation is up to that, imagine the students. So I think it's wise enough for them, we think they should not decrease the taxes anyhow sacrificing public services.
M. Tremblay (Félix): You recall, Mme Harel was saying that the liberals credit card is full, referring to the fact that they backtrack on a few things and they can't seem to backtrack one more time. What alternative do they have since they can't give in?
M. Landry: That's part of a tragedy. When a government is back to the wall, he is in a very difficult position to govern honestly because he has always to calculate that people are fed-up with the decision he is taking. It's the tragic situation the liberals are in and it's the first time we see that. When we loose power, we were at 51 % of satisfaction, so even during the weeks during before the election, we were still free to act in the public interest. They have dilapidated their capital in two short years and then, our society is in jeopardy on the account of that.
Mme Rich (Kristy): What should be done? What can be done to break this impact that seems to be right now?
M. Landry: I think it would be very easy. Even Séguin, the prior Minister of Finances was saying that it was possible financially to settle for the $103 millions. So, it's not a financial problem, it's more related to what your colleague have mentioned, they back so many times that even when they should back, they are not able to do because they are afraid of the political consequences and conclusions of the population.
M. Dougherty (Kevin): For teaching religion in schools, five years ago, your government extended the «notwithstanding» clause to allow to continue. The issue is coming up again, the Minister talked today about having a parliamentary hearings and a bill and so on. What's the position of the Parti québécois on this issue of not using the «notwithstanding» clause?
M. Landry: We have a position to go in due time and step by step toward a lay school regime respecting religions to the point that history of religions, culture about religions could be a subject of training and lessons in the schools. But, religion like is the case in most advanced countries including the United States and the rest of Canada must not be included in the broad learning pattern of our students. It's an evolution that cannot be done in one day because we have heavy, heavy, heavy traditions. But since the Québec society is pluralistic today, and they are many, many religions... When I was young, three religions, that was the most, and when we were talked about the fourth one, we were very surprised. Today, there are all and nary a religion, and we must respect what Québec is today.
Mme Rich (Kristy): You just said here... if you'll explain again in English how Mr.... how you feel Mr. Mulcair broke his oath as a Minister?
Mme Lemieux: You know, you need to read the decision, and this decision is very clear, and for us and for me he doesn't have the dignity to be a Minister.
Mme Rich (Kristy): What he did to brake the oath that he made?
Mme Lemieux: You know, the «serment» is about honesty. So, it's... that the decision is very clear.
M. Landry: When we... when he was sworn simply to say what I have done to Duhaime was wrong, I'm sorry, I apologize, and Duhaime said this very morning that, with that sort of statement, there wouldn't have been even a trial. Duhaime was ready to accept the excuse and close the file.
M. Tremblay (Félix): What conclusion do you draw from the side that Mr. Charest never stood up to defend his Minister?
M. Landry: Probably because he thinks he is undefendable. But I cannot read the mind of our Prime Minister.
M. DeSouza (Mike): You compare Mr. Mulcair's behavior to that of Jeff Fillion.
M. Landry: Oh, pure speculation then, I leave that to specialists and fantasists.
Mme Lemieux: Merci.
(Fin à 15 h 47)