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Conférence de presse de M. Yves Séguin, député d'Outremont

Commentaires au sujet du nouveau Conseil des ministres

Version finale

Le vendredi 18 février 2005, 13 h 01

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Treize heures une minute)

M. Séguin: Alors, si vous le voulez bien, je vais lire le texte, un texte qui vous a été distribué, et je répondrai aux questions.
Le premier ministre a décidé de remanier le Conseil des ministres et m'a informé de son désir que je quitte mes fonctions de ministre des Finances. Au-delà de l'invitation que m'a faite le premier ministre d'occuper une autre fonction, j'ai compris qu'il y avait entre nous un écart important.
Lors de la dernière campagne électorale, avec hésitation, j'ai décidé de m'engager de nouveau dans l'action politique avec un profond et sincère désir de servir le Québec. Contribuer au redressement des finances publiques, participer à l'élaboration des politiques fiscales pour le mieux-être des contribuables et travailler fort à corriger le déséquilibre fiscal sont pour moi des défis majeurs justifiant à mes yeux tous les sacrifices et les difficultés que représente l'engagement politique. Je vais continuer de représenter le comté d'Outremont avec fierté et intégrité.
Je voudrais, ici, rendre hommage à tout le personnel et les collaborateurs du ministère des Finances, lesquels m'ont permis un passage que je n'oublierai jamais. Ma décision est prise avec sérénité. Le moment est venu pour moi de faire autre chose. Il n'y a pas de petites choses, il n'y a pas de grandes choses, il n'y a que les choses auxquelles on croit et que l'on fait. Merci. Je peux répondre à vos questions.

M. Plouffe (Robert): M. Séguin, voulez-vous nous parler de l'écart important entre vous et M. Charest? Voulez-vous nous dire de quelle nature?

M. Séguin: Manifestement sur un ensemble de dossiers ou de manières de faire. Il y a peut-être des écarts, des distances qui sont difficiles, je crois, avec le temps de diminuer. Et je respecte la décision et le choix du premier ministre, c'est son privilège de remanier son Conseil des ministres et d'appeler ceux qu'il croit être les plus utiles à l'appuyer.

M. Plouffe (Robert): M. Béchard disait que vous n'étiez pas un bon joueur d'équipe, c'est ce qu'on vous reproche, semble-t-il, dans le caucus... dans le Conseil des ministres.

M. Séguin: Ce sont là des critiques faciles, je les laisserai à ceux qui les font. Je me contenterai de dire que le seul guide que j'ai toujours eu, ça a été de rendre service aux Québécois puis aux Québécoises puis à défendre l'intérêt du Québec. J'ajouterais que personne ne me doit rien, mais surtout, je ne dois rien à personne.

Mme Langlois (Sophie): M. Séguin, vous dites que vous êtes serein, on le croit, mais en même temps vous étiez prêt, vous aviez plongé, convaincu que tous les sacrifices étaient justifiés pour la bonne cause. Êtes-vous triste?

M. Séguin: Je n'ai pas compris.

Mme Langlois (Sophie): Êtes-vous triste de ne pas pouvoir aller au bout de vos convictions?

M. Séguin: Je reste député d'Outremont, je crois qu'il y a plusieurs façons de servir. C'est parce que je crois à l'engagement qui est le mien que je conserve des fonctions à titre de député d'Outremont, et je vais continuer à défendre ce à quoi je crois.

Mme Langlois (Sophie): Mais êtes-vous triste? Est-ce que ça vous déçoit?

M. Séguin: J'ai des regrets, j'ai le regret de quitter le ministère des Finances parce que j'ai adoré mon travail aux Finances, j'ai adoré les équipes. J'en ai rencontré plusieurs ce matin, plusieurs m'ont témoigné beaucoup d'affection, ça m'a fait plaisir. Et je me suis rendu compte que mon passage n'était pas inutile, et ça m'a certainement réjoui de voir qu'à certains égards on a fait avancer certaines choses. Et c'est pour ça que j'avais accepté de plonger dans l'action politique malgré, comme je l'ai dit tantôt, tous les compromis, les sacrifices personnels que ça implique, et je n'hésite pas à rester député d'Outremont et à persévérer dans ce que je crois utile de défendre.

Des voix: ...

M. Thivierge (Jean): On va y aller dans l'ordre, s'il vous plaît. Jocelyne Richer, Robert Dutrisac, Gérard Deltell, et il y en a d'autres.

Mme Richer (Jocelyne): M. Séguin, est-ce que vous vous sentez trahi aujourd'hui par le premier ministre Charest?

M. Séguin: Non. C'est sûr que j'aurais préféré continuer. Je crois que les finances publiques commandent des actions vigoureuses, je crois qu'il y a des enjeux majeurs à l'horizon, je crois qu'au seul titre du déséquilibre fiscal nous passons une période très critique, et vous comprenez que j'aurais mal accepté de m'éloigner de ce dossier pour occuper une autre fonction. Alors, je ne vois pas tellement comment j'aurais pu vraiment collaborer et être utile au gouvernement dans des fonctions où, finalement, là où je croyais être le plus utile n'était pas le choix du premier ministre. Alors, en tout respect... J'ai beaucoup de respect pour M. Charest, il a aussi une tâche difficile, il a décidé de remanier et de faire des propositions différentes à plusieurs de ses ministres, dont moi. On s'est rencontrés hier, assez brièvement, c'était cordial mais c'était clair aussi.

Mme Richer (Jocelyne): Mais M. Charest savait que si vous reveniez en politique, c'était pour occuper les Finances ou rien, n'est-ce pas?

M. Séguin: Il n'y a jamais eu, entre lui et moi, ce genre d'entente, pas du tout. C'est clair que j'ai indiqué que je serais très heureux de pouvoir servir aux Finances, c'est là où je croyais apporter une contribution, c'est là où je croyais que mes années passées pouvaient être utiles, et j'ai été très heureux qu'il me donne cette chance d'y être. Et, comme je l'ai dit tantôt, je suis très content d'avoir fait ce passage que j'aurais souhaité plus long mais je suis heureux d'avoir fait ces deux années. Je l'ai fait à chaque jour - à chaque jour -  avec la seule question en tête à savoir qu'est-ce que je pouvais faire de plus et de mieux. Et j'ai la satisfaction du devoir accompli, en toute sincérité.

Mme Richer (Jocelyne): Demeurez-vous au caucus libéral?

M. Séguin: Pour le moment, je vais demeurer. Vous comprenez que je franchis des ponts assez rapidement. Pour le moment, je vais rester. Bien, je vais voir.

M. Dutrisac (Robert): M. Séguin, vous avez été dit que ce sont des critiques faciles de dire que vous n'étiez pas quelqu'un d'équipe. Mais, vous constatez qu'il y a un écart entre vous puis le premier ministre ou entre vous et le gouvernement. Finalement, quelle était vraiment la nature du différend? Parce que, là, on a nommé M. Audet, là, qui semble vouloir privilégier, par exemple, l'économie et la création d'emplois. C'est ce qu'il nous a dit quand on lui a demandé s'il était plus à droite. Quelle était véritablement la nature de vos différends?

M. Séguin: Il y a des orientations, vous savez, qui sont le fruit des décisions d'un gouvernement, du premier ministre, et puis je pense que la solidarité commande d'y participer ou de se retirer. Il y a eu plusieurs dossiers sur lesquels j'ai hésité à m'associer pleinement, qui ont interpellé d'ailleurs beaucoup de groupes ou beaucoup de personnes. Et probablement que l'accumulation d'un certain nombre de choses a fait que finalement on réalise qu'on ne se reconnaît pas tout à fait les uns et les autres dans ce que nous voulons partager ensemble. Alors, je pense que c'est un travail d'équipe. La politique, c'est comme autre chose. Et je ne porte pas de jugement à savoir si les choix qui ont été faits par d'autres sont les bons ou moins bons, je ne prétends pas que les miens étaient meilleurs. J'ai dit tout simplement que j'ai dit au premier ministre - et c'est dans mon texte ce matin, ça, aujourd'hui - qu'il y a manifestement un écart entre lui et moi et ce n'est pas une fonction qui va réparer cet écart.

M. Dutrisac (Robert): Mais est-ce que vous considériez justement plus au centre gauche, ou plus progressiste, selon ces définitions-là, que le gouvernement ou M. Charest, est-ce que ce n'était pas ça...

M. Séguin: J'ai toujours dit que 80 % de la population gagne 30 000 $ et que c'était à eux que je pensais. Je l'ai dit souvent, je le dis d'ailleurs depuis 30 ans que dans toutes les politiques fiscales, les budgets que j'ai eu l'occasion de présenter, je l'ai répété souvent comme une pensée personnelle en me disant: C'est à eux qu'il faut penser. Certains m'ont peut-être fait le reproche d'avoir une orientation trop sociale. Moi, je pense que ça n'existe pas. On n'a pas des orientations trop économiques ou trop sociales. On fait un budget pour tout le monde. Et il faut se rappeler que 80 % de la population gagne en moyenne 30 000 $.

M. Thivierge (Jean): Gérard Deltell.

M. Deltell (Gérard): Oui, M. Séguin, il y a une quinzaine d'années, vous avez claqué la porte du cabinet à titre de ministre du Revenu. Là, vous quittez le cabinet, on ne vous offrait plus... on vous offrait un autre ministère, vous avez quitté le cabinet. Là, vous n'êtes pas sûr de rester à l'intérieur du caucus du Parti libéral. Comment ne pas prêter crédit aux déclarations de vos confrères qui disent que vous n'êtes vraiment pas le joueur d'équipe?

M. Séguin: Bien, écoutez, il faudrait poser la question aux députés qui étaient réunis à Montebello. J'ai été récemment deux heures, trois heures avec eux à une consultation prébudgétaire et la grande majorité des députés ont salué la présentation que j'ai faite. Je ne connais pas de malaise avec des collègues. S'il y en a, qu'ils le disent, ne me l'ont pas dit à moi. Je pense c'est plutôt des... non pas des difficultés entre personnes, et là-dessus, je vous dirais que je suis insensible à ce genre de commentaire. Dans un gouvernement, on ne travaille pas pour un parti, on ne travaille pas pour un premier ministre, on travaille pour l'intérêt public et on travaille pour la population. S'il m'est arrivé d'avoir à choisir entre une orientation gouvernementale ou l'intérêt que j'estimais mieux défendu pour le public, je n'hésitais pas.

M. Deltell (Gérard): Vous avez eu des négociations difficiles avec le fédéral. Est-ce que ça a ébranlé votre foi de fédéraliste?

M. Séguin: Les négociations depuis deux ans avec le gouvernement fédéral soulèvent pour moi un problème profond dans les relations Ottawa-Québec. C'est clair que nous sommes devant une situation qu'on n'a pas vue depuis 20, 25 ans. La chute de la péréquation est massive, les tentatives de réparation modestes, et se profile à l'horizon, du côté du fédéral, une grande générosité pour d'autres provinces, comme les Maritimes, alors que nous, au Québec, on est obligé de négocier des programmes à la pièce. Et, ne serait-ce qu'à la péréquation, je l'ai déjà dit mais je n'en ferai pas un cas ce matin, on a perdu... la quantité d'argent perdue à la péréquation, environ 2,5 milliards, ne sera pas récupérée avant 2009, et c'est déjà, en soi, un problème majeur de discussion avec le gouvernement fédéral. Et toute la question du déséquilibre fiscal ne fait que s'accentuer et, à mon avis, il devient urgent que le gouvernement du Québec s'y attaque vigoureusement.

M. Deltell (Gérard): ...

M. Séguin: Pardon?

M. Deltell (Gérard): Vous êtes encore fédéraliste, donc?

M. Séguin: Je crois encore à la fédération canadienne, le fédéralisme moderne, j'ai souvent dit: Pour moi, l'avenir du Canada va passer par un fédéralisme qui respecte les provinces, qui donne la place aux provinces. Je milite en faveur d'un fédéralisme décentré. J'ai rencontré tous les collègues des autres provinces. J'ai participé à nombreux comités. J'ai proposé une réforme de la péréquation, les accords fiscaux, dans cette perspective-là. Je croyais que le gouvernement de M. Martin voulait aller dans cette direction-là. Tant mieux si c'est ça qu'ils souhaitent, mais disons que ce n'est pas évident.

M. Thivierge (Jean): Robert Houle.

M. Houle (Robert): On approche un peu de la nature des conflits qui vous opposaient avec M. Charest, le premier ministre. Quand vous dites que, vous, vous vouliez faire un budget ou vous pensiez toujours aux gens qui gagnent 30 000 $, autour de 30 000 $, alors que le gouvernement veut à tout prix une réduction d'impôts pour tout le monde, est-ce que ce n'est pas là finalement le coeur d'un des sujets les plus importants de discorde entre vous?

M. Séguin: Il ne faut pas vraiment exagérer les différends qu'il peut exister dans la préparation d'un budget parce que les équipes de discussion et de préparation du budget sont très assidues, travaillent de façon très précise entre le cabinet du premier ministre, le premier ministre, le ministre des Finances et toutes les équipes. Il n'y a pas un mot, dans un budget, qui n'est pas totalement bien senti par le premier ministre et bien sous sa bonne approbation, de sorte que c'est absolument inexact de penser que le ministre des Finances à lui seul peut donner une directive, une orientation dans un budget qui n'est pas partagée.

M. Houle (Robert): Juste une question en aparté. Vous êtes député d'Outremont, le CHUM... là vous n'êtes plus au cabinet, là, vous, c'est quoi votre position sur le CHUM? Vous étiez un allié de Couillard, dit-on. Est-ce que le CHUM...

M. Séguin: J'ai déjà dit que sur la question du CHUM il y a une question de cadre financier qui est majeure. En tout respect pour l'ensemble des décisions qui ont été rendues dans ce dossier, il y avait été convenu par le gouvernement du Québec de donner à chacun des projets 800 millions. C'est la capacité du gouvernement du Québec de l'assumer dans son cadre financier, et j'ai toujours dit que ça devait être le cas. Et qu'importe où le site est choisi, ce qui est important, c'est que ça respecte cette capacité de payer. Et jusqu'à maintenant, les informations n'ont pas... à mon humble avis ne sont pas concluantes à l'effet qu'il y a évidemment absence de coûts additionnels du côté d'Outremont, mais ça se peut. Alors, espérons que les études qui vont venir vont le démontrer.

M. Thivierge (Jean): Mylène Moisan.

Mme Moisan (Mylène): Dans l'entourage du premier ministre, on dit que vous ne donniez pas toujours l'heure juste, certaines personnes parlent même de mensonges, vous leur auriez menti sur certains dossiers. Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?

M. Séguin: Bien, comme je l'ai dit tantôt, si des gens s'adonnent à dénigrer une personne qui a simplement été invitée à une fonction et qui a préféré ne pas l'accepter, je leur laisse ce genre d'attitude, ce genre de bassesse, parce qu'ils démontrent qu'ils ne sont peut-être pas eux-mêmes très courageux dans leurs fonctions. S'ils avaient le courage, au moment où ils l'ont pensé, pourquoi ils ne l'ont pas dit?

M. Thivierge (Jean): Simon.

M. Boivin (Simon): M. Séguin, vous connaissez les chiffres, vous connaissez la situation budgétaire du gouvernement. Est-ce que vous pensez qu'il est possible et souhaitable d'offrir aux Québécois une baisse d'impôts dans le prochain budget?

M. Séguin: C'est un sujet difficile, difficile dans le sens que tout repose sur la capacité de payer, les finances publiques et qu'importe le titulaire qui occupe cette fonction. Il ne faut pas penser que la personne du ministre des Finances peut tant influencer que ça l'économie, les revenus, l'équilibre budgétaire. Même un gouvernement a de la difficulté à faire ce genre d'influence sur l'économie. On a des revenus, on a des transferts d'Ottawa puis on a des dépenses. Et dans l'organisation du budget - et à chaque année, c'est toujours la même chose - on n'a jamais de surplus puis on arrive en fin d'année de façon toujours très difficile. C'est sûr qu'une baisse d'impôts, c'est souhaitable, c'est un... moi-même, j'y crois depuis fort longtemps. Durant la campagne électorale, je me suis fait très fort de défendre cette idée-là, mais en même temps il faut être en mesure de le faire. Et je pense que les contribuables du Québec ne pardonneraient pas à leur gouvernement de faire une baisse d'impôts qui serait au détriment des services courants et de toutes les autres obligations auxquelles le gouvernement doit faire face, alors c'est une question d'approche raisonnable. Oui, c'est... Mais, je vous dirais qu'avant la baisse d'impôts, il y a le déficit zéro aussi puis il y a la dette.
Ce n'est pas des sujets populaires et c'est naturel pour le ministre des Finances d'avoir des conflits avec des collègues sur l'organisation financière de leurs décisions parce que le ministre des Finances, comme la présidente du Conseil du trésor, doit veiller à ce que le cadre financier soit respecté. Et, à ce que je sache, je le répète, il n'y a pas une décision dans le budget et toutes les principales orientations ont toutes été partagées avec le premier ministre et souvent avec la présidente du Conseil du trésor. Là-dessus, il n'y a jamais eu d'espace flou sur ces questions. Le ministère des Finances, le Conseil du trésor ont des équipes importantes qui partagent ces informations constamment.

M. Thivierge (Jean): Denis Lessard.

M. Lessard (Denis): Juste pour finir avec ça. Donc, il n'y a pas de baisses d'impôts possibles de 1 milliard selon vous sans coupures draconiennes dans les services?

M. Séguin: Je n'ai pas dit ça. Ce que je dis, c'est que c'est toujours difficile et ça l'est présentement difficile d'orchestrer le budget pour livrer ces engagements. C'est souhaitable. C'est certainement très bon de tendre à ces objectifs-là. Est-ce que la situation économique peut changer d'ici la fin de l'année? Est-ce que d'autres choix que fera le gouvernement peut permettre cette réalisation? Peut-être. Moi, je ne peux pas parler, à partir d'aujourd'hui, de ce qui n'est pas sous mon contrôle, mais ce que je peux vous dire, c'est, M. Lessard, c'est que la baisse d'impôts... Et d'ailleurs si je me rapporte à la réunion, qu'il y a eu avec l'ensemble des députés à Montebello, ça a été un grand sujet et j'ai défendu moi-même le principe de la baisse d'impôts.

M. Lessard (Denis): Tantôt vous avez dit: J'ai peut-être heurté certains groupes ou personnes. Maintenant que vous avez le droit de parler, pouvez-vous mettre des étiquettes sur ces groupes-là et ces personnes-là, est-ce que c'est Magna est-ce que c'est Intrawest, est-ce que c'est des lobbys en particulier ou...

M. Séguin: Non, je n'ai pas d'idée en tête en particulier. Je pense que... J'ai voulu que nos processus au ministère soient les plus rigoureux et je ne connais pas de situation où il y a pu y avoir, que ce soit avec des collègues ou des groupes, des discussions qui n'étaient pas partagées et pleinement dans la perspective que le gouvernement le souhaitait.

M. Lessard (Denis): Je termine avec ça. Est-ce que vous prévoyez, dans les prochains mois, pour l'avenir, une sorte de conscience sociale, si on veut, du gouvernement, c'est-à-dire dire à chaque fois quand le gouvernement va virer à droite trop fort à votre goût, vous prononcer ou au contraire rentrer dans vos terres et puis...

M. Séguin: J'ai l'impression que, depuis le début, j'ai été un peu dans cette conscience sociale, puisque je n'ai jamais... pas trop hésité.

M. Lessard (Denis): Pas l'habitude de parler.

M. Séguin: J'ai déjà pris... j'ai déjà fait connaître quelques opinions, et, à ce que je sache, c'était aussi dans le sens qu'une bonne partie de la population se reconnaissait. Et je l'ai fait absolument que pour faire valoir l'intérêt public que je pensais bien vouloir défendre, et si ça a pu froisser des gens, ce n'est certainement pas sur le bienfait de l'idée, mais peut-être sur le fait de le dire.

M. Lessard (Denis): Et pour l'avenir? Pour l'avenir, vous allez continuer ou...

M. Séguin: Oui. Moi, je pense qu'en restant député, c'est parce que je veux rester dans la discussion. Il y a des sujets qui m'intéressent, le Québec traverse et va traverser dans les prochaines années une période avec des enjeux importants. Je pense que... je ne verrais pas pourquoi je ne prendrais par un certain droit de parole et faire valoir mon point de vue.

M. Thivierge (Jean): Rémi Nadeau.

M. Nadeau (Rémi): M. Séguin, on a senti à plusieurs reprises que vous aviez envie de vous montrer plus mordant, plus critique face au gouvernement fédéral, entre autres par rapport au déséquilibre fiscal, vous en avez parlé. Est-ce que maintenant que vous n'êtes plus là... avez-vous l'impression qu'on va assister à un aplatventrisme accentué de la part du gouvernement fédéral face à Ottawa?

M. Séguin: Je n'oserais pas prendre votre qualificatif, mais ce que je peux dire, c'est que, je l'ai dit tantôt, je pense qu'il y a un moment très important actuellement dans l'histoire du Québec, et ça me semble indispensable que le gouvernement saisisse toutes les occasions, tous les moyens pour faire valoir son point de vue à l'encontre, je dirais, de l'attitude actuelle du gouvernement fédéral, qui refuse de réparer l'injustice. Je reviens sur la péréquation.
Il n'y a aucune province qui a perdu 35 % des transferts, 2,5 milliards à peu près, sur 20 mois, depuis la Deuxième Guerre mondiale. C'est un trou énorme, et la seule façon qu'on a eu, dans les discussions avec le gouvernement fédéral, pour le réparer, c'est un prêt sur 10 ans. Dans le fond, on doit le rembourser sur 10 ans, ce qui, malheureusement, ne remplace pas des revenus qu'on n'a pas, et qu'on devrait avoir.
Et j'ajouterais ici, parce que je veux répondre à des critiques que j'ai entendues dans d'autres milieux à l'effet que le gouvernement du Québec était un peu gâteux, demandait toujours de l'argent, n'avait pas fait son ménage et que, dans le fond, parce qu'il y avait des surplus à Ottawa, on voulait juste une part, la péréquation, je regrette, ça revient au Québec, et c'est unilatéralement qu'en 2002 le gouvernement fédéral a changé les données et a décidé que le Québec devait rembourser ces argents-là. Toutes les représentations qu'on a faites depuis deux ans sont demeurées vaines pour les faire corriger, et je pense que ça devrait se faire. Et c'est une injustice. Et vous voyez que, dans les autres provinces... Exemple, je voyais, hier, M. McGuinty, premier ministre de l'Ontario, lever le ton à l'encontre du gouvernement fédéral.
Alors, je pense que ce sujet-là va connaître, oui, dans les prochains mois, durant l'année, une grande intensité.

M. Thivierge (Jean): Pierre Tourangeau termine en français.

M. Tourangeau (Pierre): M. Séguin, vous êtes plus à gauche que votre parti. Ça, c'est un secret de polichinelle. Vous avez dit que vous pourriez quitter le caucus. Est-ce que vous envisagez de traverser la Chambre?

M. Séguin: Bien, écoutez, je vais quitter le caucus si mes collègues formulent des critiques à mon égard qu'ils n'ont jamais faites avant. Je n'aime pas travailler avec des gens qui se cacheraient derrière leur opinion. J'ai des défauts, mais j'ai toujours eu le courage de mes idées et j'admire les gens qui en ont. Et, pour le moment, ce n'est pas dans mon intention d'aller plus que de ne pas avoir accepté l'invitation que m'a faite le premier ministre pour les raisons que je vous ai expliquées. Je suis député d'Outremont, je suis encore membre du Parti libéral et, si je peux y jouer un rôle ou être utile, je pense que je peux faire valoir mon point de vue, ce sera les autres qui m'indiqueront ce qu'ils en pensent.

M. Thivierge (Jean): Rosemary Barton, en anglais maintenant.

Mme Barton (Rosemary): Mr. Séguin, you're recruited as the star candidate just two years ago. I'd like to know what happened to your position in Cabinet to your position in the party since that day when you were seemingly so happy to be there?

M. Séguin: Yes. Well, yesterday the Prime Minister proposed to me another function, another duty and I had to say to him that was not in my intention to just continue in other functions because I feel that, at the Finance Department, we have so much to do and, for me, it was very important to continue some dossiers. And I just realized that it was not just a question of duties or functions but may be a question of some distance between the Prime Minister and myself. And I think both realize that, as a conclusion, it may be better to just say good luck.

Mme Barton (Rosemary): There has been talk of other problems of divide and division between Mr. Charest and other Cabinet members. You're not alone. It's what we've been hearing. How bad are things in Cabinet and should Mr. Charest have been the one to be shuffled out?

M. Séguin: Well, as you know, as a minister, I agree to not say nothing in my duties or give any information during my duties and I will respect that. I respect M. Charest, I respect the Prime Minister, I respect the function I occupied during that two years. I will not comment on that. And what I can say is that it's true that there's some tension or «controverse» but I think that the Prime Minister will work on it and he will find his way to have a solution. I hope that this will be good for Quebec because the result of all this is to work for the population and find the best solution possible.

M. Thivierge (Jean): Rhéal Séguin.

M. Séguin (Rhéal): Mr. Séguin, you said in your letter here that there was an important gap between us, referring to Mr. Charest. Could you be more specific as to what was that gap? Can you define that? Can you explain it to us?

M. Séguin: Well, you know, I think there's too much things that we do not see or share the same perspective. So at the end, you know, it's difficult to continue and I think that's why the Prime Minister decide to ask a colleague to take care of the finance department. And as I explained, I don't see how I can collaborate at the same level and to just have another function, for me it's not a question to have a job, it's not a question to have a limousine, it's not a question to have anything. I'm just there because I feel that I have something to bring at the table. And the minute I don't have that feeling, to be a good collaborator or to bring something of my own, well I think I just have to do something else.

M. Séguin (Rhéal): ...be more specific on what issues you and Mr. Charest did not see eye to eye?

M. Séguin: Well, it's difficult to say a particular item. I think that the approach, the way maybe I question, ask information about some files, etc., because I ask a lot of questions. And, I don't know, I think that after time, this create a malaise and I don't know. I'm not the one who ask nothing here. The Prime Minister asked me to resign from the job of Finance Department, I didn't ask that. I was really to continue. So, I just react to something happened yesterday, last night, and I just evaluate that it's not... I'm not in the position to agree to continue in the cabinet just to have another function who do not represent what I believe I have to do.

M. Thivierge (Jean): John Grant.

M. Séguin (Rhéal): ...thinks you pose a threat to his leadership?

M. Séguin: No, that's not the question. You know, yesterday I was working on some files to prepare the budget, etc. So, today, I'm just in face of you and have a different perspective. But I'm happy to continue and to... You know, I'm the good help, good spirit. So, the ... is just behind me.

M. Thivierge (Jean): John Grant.

M. Grant (John): M. Séguin, when you look at the cabinet that was named today, is there anybody left around that table that shares your ideas about what you might call social justice or looking after the little guys in society?

M. Séguin: Well, I think there's a lot of questions that I shared that in the long session with all my colleagues a couple of days ago, in the special caucus, and we discussed very deeply the preparation of the next budget. And all the colleagues were there and we discussed how we can construct a new approach of the budget. And the echo I received was very strong and you can ask deputies that they were pleased with that approach.
So I don't feel that there's a big difference in the manner that we have to work on. I think the approach might be different. I don't know. It's difficult for me to understand exactly, I'm not the one who can explain exactly why the Prime Minister decided. He should explain that. But, you know, I just have to receive that notice and say: O.K. I will jump aside the council, the cabinet, and do something else.

M. Grant (John): But, am I wrong in believing that M. Audet isn't the kind of guy who's gonna around saying the average person makes 30 000 $ in Québec, we have to look after?

M. Séguin: I don't know. You can ask M. Audet. He will find that, to prepare a budget, it's not a question to be social or not, it's just a question, you know, to be fare.

M. Thivierge (Jean): Kevin Dougherty.

M. Dougherty (Kevin): Yes. Mr Séguin, you talked about the gap between yourself and the Premier, and the Premier was this morning talking about you emphasizing the program you were elected on, which calls for certain things like a 27% tax cut over time, and I'm just wondering, you talked about a new approach. I mean, is your new approach sort of tailored by the realities? Because, you know, you have a program before you're elected, but when you come into power, you realize you still have the fiscal imbalance, you don't have as much... you don't have money, right? So, maybe you have to have a different way of doing things. Is that what you're talking about?

M. Séguin: Well, what I say, what I can say is that the two first budgets I prepared have been prepared completely and fully with the Prime Minister and all his collaborators and collaborators of the Finance Department, and I don't have any regrets for all the decisions we made. And if I have to... going back to these budgets and start again, I will not change nothing because in these circumstances, it was the best that we were able to do.
So, I don't have any regrets. We made choices. I feel that the population on some issues was pleased, and some other not. But if you see if the Finance Minister was not well appreciated by the population, you will have your answer.

M. Dougherty (Kevin): So, what's your new approach? I mean, you have... the reality is you still have a very difficult situation. You spoke earlier about that, for instance, you know, there are economists who say: Perhaps we should reduce the debt rather than cutting income taxes. Is that something that you were putting on table?

M. Séguin: No. I think that the priority is to, of course, keep the zero deficit a target and, second, reduce the income tax for tax payers. Last year, what we presented was not really seen as a real tax reduction but it was one, and actually, the families receive their payments, and I think the score would be very good this year on that particular issue. But I think we have to return to this.
But, on the other side, the Government faces many obligations, so you have to be reasonable, and that's what I discussed with all the colleagues a couple of days ago at Montebello, and I think everybody... And it's a big controversy in the public, we receive a lot of representations to not reduce the taxes if we have to reduce the financing of public services. Some others say: Yes, you have to reduce the taxes. So, I think we have to be reasonable.

M. Thivierge (Jean): Kristy.

Mme Rich (Kristy): Mr. Séguin, what are your conditions for returning within the Liberal Caucus?

M. Séguin: Conditions? I don't have any conditions.

Mme Rich (Kristy): Well, you said: We'll see. What are you going to wait and see?

M. Séguin: Well, the Prime Minister decided to renew his cabinet and O.K. And I'm still député d'Outremont and I'm still a member of the Liberal Party. And if I don't have any problem to continue, well, I will certainly be pleased to be there.

M. Plouffe (Robert): M. Séguin, est-ce que Jean Charest est un bon premier ministre?

Mme Rich (Kristy): Est-ce que je pourrais continuer en anglais, je m'excuse. How heavy do you think the fact that you lean more to the left played in this gap that you say exists between and Mr. Charest?

M. Séguin: Well, you know, what I can see is that there's a distance, and the communications between the Prime Minister and the Finances Minister have to be very, very tight and we have to share exactly the same, same thing. So, maybe I'm the one who were wrong in some ideas, I don't know, but in that perspective I decided that for me, it was a question to just have another duty or function. But it's true to just realize that the gap is there and he invites me for some other thing, that is the conclusion of himself that...

Mme Rich (Kristy): But do you think it's a personal problem or an ideological problem?

M. Séguin: I don't know. I don't have any problem in the way I'm working, I don't have any problem to see myself in what I believe in good relation with people, with individuals, with the population, and I did my best.

Mme Rich (Kristy): ...talk to Mr. Charest?

M. Séguin: I don't know.

M. Plouffe (Robert): M. Séguin, est-ce que M. Charest est un bon premier ministre?

M. Séguin: Je pense que M. Charest est quelqu'un de vraiment passionné par son travail, vraiment sincère et convaincu de faire tout ce qu'il peut pour les intérêts du Québec. Je le crois fondamentalement et je n'ai pas d'hésitation à le dire et à le croire, même si devant vous j'explique que je ne fais plus partie de son cabinet. Je respecte tout à fait sa décision.

Mme Langlois (Sophie): Est-ce qu'il gère bien le gouvernement?

M. Séguin: Je pense que le gouvernement a eu à se poser des questions dans son fonctionnement depuis quelques semaines, quelques mois. Et j'ai moi-même fait certaines propositions et j'aurais souhaité certainement à l'occasion que le ministre des Finances soit plus près de certains dossiers, mais, bon. Je pense que tout ça va s'améliorer avec la formation du nouveau cabinet, et moi, tout ce que je souhaite, c'est que le gouvernement de M. Charest soit le meilleur possible. Et le nouveau cabinet qui a été formé aujourd'hui est susceptible d'améliorer les choses.

M. Lessard (Denis): Mais les écoles juives, les écoles juives, les décisions, là, le Suroît, le CHUM, tout ça, c'est un peu les problèmes d'Hydro-Québec, c'est un peu la pagaille, est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Séguin: Je ne veux pas commenter là-dessus, M. Lessard, je laisserai au temps faire son oeuvre. Pour ma part, j'ai dit tantôt que j'ai participé à un cabinet, j'ai prêté serment de respecter la solidarité, je n'ai pas l'intention d'utiliser de l'information ou de commenter de l'information qui m'est venue par l'exercice donné...

M. Lessard (Denis): Ce n'est pas de l'information privilégiée, là, c'est vos commentaires sur ce qui se passe depuis un mois.

M. Séguin: Tout ce que j'ai pu voir, c'est que les mécanismes de décision, de fonctionnement certainement qu'ils devaient être corrigés. M. le premier ministre en a d'ailleurs dit lui-même qu'il faisait beaucoup de corrections aussi, il en a annoncé plusieurs. Le remaniement d'aujourd'hui fait probablement partie de ces correctifs, et tant mieux si ça améliore l'exercice du gouvernement. Moi, je serais très heureux que toute l'action fasse que la population ait des meilleurs services, etc., bien sûr. Et si je peux apporter une collaboration, des idées par mes opinions, mes commentaires, tant mieux.

M. Tourangeau (Pierre): Pourriez-vous joindre le Parti québécois, M. Séguin?

M. Séguin: C'est une question prématurée. C'est une question à laquelle je ne pense même pas. Je crois encore à défendre les dossiers qui touchent l'organisation d'un fédéralisme moderne, je crois à une fiscalité améliorée, le déséquilibre fiscal me préoccupe beaucoup. C'est des enjeux que partage très, très bien le Parti libéral. Et je ne vois pas pourquoi je penserais autrement.

M. Dutrisac (Robert): Mais si cette voie était vouée à l'échec... Cette voie était vouée à l'échec.

M. Séguin: Je vois que c'est une question qui soulève beaucoup d'intérêt.

M. Dutrisac (Robert): Mais si cette voie était vouée à l'échec, vous n'auriez pas d'autre choix que vous tournez vers d'autres solutions.

M. Séguin: Bien, écoutez, on verra. Moi, il y a une phrase qui m'a toujours profondément inspiré, c'est ce que disait M. Bourassa, en 1990, j'étais avec lui, au lendemain de l'échec de Meech, quand il avait dit: «Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, le Québec a et sera toujours une société distincte libre de ses choix et capable de son développement.» Ça résume ma pensée.

M. Grant (John): M. Séguin, in some way, given the fact that Mr. Charest says that the principles of the Government now are discipline, coherence and solidarity, in some way are you happy not to be there too, in some way regain your freedom of speech?

M. Séguin: Oui, en fait, le droit de parole, c'est un droit qui est dans notre société. C'est là qu'on peut voir aussi quand je dis qu'il y a plusieurs façons de servir et que le droit de parole est important. Je n'ai pas toujours fait de la politique, j'ai été dans différents environnements; j'ai déjà fait partie d'un gouvernement puis j'ai eu une période de plusieurs années où je n'étais pas dans le gouvernement, mais où j'ai été présent beaucoup, et je ne vois pas pourquoi j'aurais quelque plan de ne pas l'être. Je suis un passionné du débat public, et des finances publiques en particulier, mais, bon, à l'occasion, certainement que je veux y participer. Merci.

(Fin à 13 h 43)

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