(Quinze heures dix-huit minutes)
M.
Bédard
: Bon,
bien, alors merci d'être ici cet après-midi pour réagir, au départ, aux
événements qui se sont produits hier à Montréal, des événements tristes, je
pense, que tout le monde condamne de façon unanime. Ces événements n'ont pas sa
place dans une société démocratique, et j'invite tous les acteurs à agir de
façon responsable.
Je suis bien heureux de la réaction, par
contre, du chef de police de Montréal qui a pris la chose en main et qui a été tout
à fait responsable. Par contre, j'ai beaucoup d'inquiétude par rapport à ce que
le premier ministre qualifie lui-même maintenant de «tensions sociales». On est
à quelques mois de l'arrivée au gouvernement du Parti libéral et on est déjà
dans les tensions dans un dossier qui avait tous ses équilibres, où on avait
déposé un projet de loi qui avait été accueilli par les associations
municipales, les maires, les syndicats, les retraités, par tout le monde, les
partis d'opposition, qui avait été accueilli favorablement et qui disaient que
c'était un bon point d'équilibre qui faisait en sorte qu'on pouvait revoir
certaines problématiques qu'il y avait au niveau des régimes de retraite dans
le secteur municipal.
Et, si le gouvernement avait agi de façon
responsable, sans amateurisme comme c'est le cas actuellement, il aurait
redéposé le projet de loi de Mme Maltais et du Parti québécois et il aurait
annoncé lui-même ses amendements, parce qu'il peut légitimement proposer des
amendements, mais il les aurait justifiés en commission parlementaire. Or, il a
adopté une attitude complètement différente et fermée, amateure, sans
consulter, d'ailleurs, les principaux groupes, en disant : Voici ma
position, elle ne changera pas, maintenant bonne négociation, alors qu'on sait
très bien que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne prévoit pas de marge
de manoeuvre pour ceux et celles qui sont appelés à négocier.
Alors, j'invite le gouvernement à se
ressaisir. On a vécu des crises dans le passé, on n'a pas le goût d'en revivre
dans le contexte actuel. Et que le premier ministre, je vous dirais, participe
à cette déstabilisation qu'il y a actuellement, je pense que c'est
irresponsable de sa part.
Ce qu'on souhaiterait plutôt actuellement,
c'est parler de création d'emplois. On sait qu'au niveau économique
actuellement c'est anémique. Il y a des inquiétudes, et je pense que toute
l'énergie du gouvernement devrait être là-dessus plutôt que créer des zones de
tension comme on vit actuellement. Et là il y a ce qu'on a vu à Montréal, mais
partout au Québec il n'y a personne qui comprend pourquoi le gouvernement a
choisi cette voie unilatérale sans faire preuve d'ouverture.
Alors, je demande au premier ministre, là…
ce n'est pas un test de leadership, là, c'est un test pour arriver à une
solution où tout le monde va être gagnant : les contribuables, la classe
moyenne, les travailleurs, les municipalités. Et cette voie-là, elle avait été
tracée. Donc, pour les prochains jours, je demande au premier ministre
d'adopter un ton qui est convenable, qui est responsable et qui va faire en
sorte qu'on va être capable de retrouver le calme, de regarder en commission
parlementaire les différentes représentations, de voir s'il y a des
modifications possibles et à faire sur le projet de loi et, par la suite,
parler aussi d'économie, de création d'emplois, de développement régional. Je
pense que tous les Québécois ont des craintes légitimes actuellement. Voilà.
Mme Prince (Véronique)
:
Qu'est-ce que vous pensez du terme, justement, qui a été utilisé par le premier
ministre? Il parle de «tensions sociales». Est-ce que vous pensez qu'on est
près d'une crise? Est-ce que ça vous rappelle ce qui s'est passé en 2012?
M.
Bédard
: On
ne veut pas revivre ce qui s'est passé en 2012. Il n'y a personne qui a le
goût, surtout dans le contexte économique que nous vivons, où l'hésitation du
gouvernement... Il y a eu certaines coupures au niveau des crédits d'impôt. La
politique d'austérité amène un fléchissement au niveau économique qui est
inquiétant. Alors, il n'y a personne qui a le goût de revivre ça. Donc, à
partir de là, on n'est pas encore là.
Donc, il faut créer des conditions qui sont
favorables à la discussion, et cette recette-là, elle existait. On ne peut pas
dire qu'elle n'existait pas, là. Le Parti libéral a appuyé le projet de loi
quand on l'a déposé, qui a fait l'objet d'une négociation intense avec les
syndicats, les retraités, et les unions municipales, et les maires. Quand on
brise un consensus, le fardeau de preuve, il repose sur nous. Pourquoi on a
brisé un consensus? Ça peut être légitime, mais il faut le démontrer et le
justifier.
Le gouvernement a agi de façon cavalière
et amateure dans ce dossier. J'avais des craintes, quand le projet de loi a été
déposé, pour les raisons que vous connaissez, et actuellement elles se
matérialisent. Pourquoi? Parce que le gouvernement… et le premier ministre
renchérit, provoque actuellement, et ce n'est pas ça qu'il faut faire.
Mme Prince (Véronique)
:
Est-ce que vous craignez une commission bidon? Parce que c'est ce que craignent
un peu les syndicats. Ils disent que le gouvernement est tellement fermé à
modifier son projet de loi parce qu'il veut conserver les éléments principaux
tels quels, ils ont l'impression, dans le fond, que c'est une commission qui va
permettre de discuter, mais qui ne changera rien.
M.
Bédard
: Il a
fait preuve — actuellement, le gouvernement, là, depuis le dépôt du
projet de loi — d'une intransigeance et d'une insouciance par rapport
à ces gestes, là, que personne ne lui demande. Qui a demandé ça? Quelle
manifestation il y a eu dans la rue pour dire : il faut absolument
modifier le projet de loi qui avait été déposé? Avez-vous vu une grande
manifestation, vous, une prise de position sociale épouvantable qui dénonçait
ce qu'on avait fait? Personne. Au contraire, il y avait un consensus.
Donc, le gouvernement, en brisant ce
consensus, s'est mis dans une position où lui-même est sur la défensive. Et là
le mieux qu'il aurait dû faire, qu'il doit faire de façon urgente, c'est de
dire : On est prêts à discuter, on est prêts à regarder comment on peut
bonifier. Au lieu de ça, le gouvernement en remet et là il parle de tensions
sociales. Je ne sais pas s'il pense que c'est de nature à créer un climat
facile pour la négociation. Je pense que tous les maires, au Québec, ne sont
pas contents — et mairesses — de l'attitude du gouvernement
dans le contexte actuel. Il met de la tension. J'ai vu différents maires, dans
d'autres endroits qu'à Montréal aussi, manifester leur surprise dans le
contexte.
Et à quatre mois, à cinq mois de l'élection
et avec les défis économiques et de création d'emplois qu'on a, on n'a pas le
temps ni le luxe de se payer un affrontement que personne ne demandait, là. Et
d'ailleurs ça n'a même pas fait l'objet d'un débat pendant la campagne
électorale. Y a-tu quelqu'un qui a vu que le Parti libéral avait pris
l'engagement de briser le consensus? Est-ce que ça a été l'objet d'un débat
lors de la dernière campagne? D'aucune façon.
Donc, je l'invite à retrouver ses esprits
et à bien lire ce qu'on avait déposé comme projet de loi. On est prêts à les
aider, à les appuyer, à améliorer, mais il faut éviter à tout prix une
fermeture qui cristalliserait les positions et qui créerait un climat de
tension comme on vit actuellement, qui est inutile, je vous le répète, là, inutile,
qui n'est demandé par personne.
M. Corbeil (Michel)
:
Les propos de M. Couillard et les propos de son ministre, dans le fond, ça
revient à ce que disait un de vos collègues : Le premier ministre a couru
après, après le trouble.
M.
Bédard
: Bien,
il y a une chose qui est sûre, c'est qu'on l'a avisé. Quand il a déposé le projet
de loi, on a dit : Pourquoi ne pas avoir gardé le projet de loi tel quel?
Et là je vous donne la méthode, là. Je la redonne au premier ministre, il peut
encore la prendre. On est très ouverts, s'il souhaitait... c'est redéposer… il
aurait pu, il aurait dû faire ça, redéposer le projet de loi, annoncer ses
amendements, de dire : Voici quelles dispositions je veux modifier. Et là,
à ce moment-là, les gens se seraient sentis respectés dans le processus. Il ne
l'a pas fait, en pensant que par sa seule voix et par le simple fait de dire :
Voici la vérité, là, la vérité, elle passe par ça, que tout le monde allait se
rallier autour de ça. Ce n'est pas le cas.
Alors, il y a des problèmes qui sont
particuliers à Montréal, à Québec, puis il y a des réalités différentes dans
chacune des régions du Québec. Alors, ce que les maires, mairesses du Québec,
les citoyens, et les contribuables, et les travailleurs ne veulent pas, à tout
prix, là, c'est un climat de tension comme le premier ministre a créé.
Tout le monde veut un climat d'ouverture
où les gens vont se parler puis en sachant qu'il peut y avoir une solution et
des compromis, alors que le problème du projet de loi, c'était une fermeture
par rapport aux enjeux. Et là de dire après ça que je ne modifierai pas le
projet de loi, bien là, il crée lui-même le problème.
Ce problème-là a été créé à 100 %,
actuellement, là, par le Parti libéral. Le problème des régimes de retraite,
c'est une chose, on le connaît, il a été documenté à l'époque qu'on était au
gouvernement. On a vu le rapport, on a agi, on a déposé des dispositions pour
justement faire en sorte d'assurer la pérennité de ces régimes-là tout en
respectant la capacité de payer des villes. Et tout le monde était d'accord
avec les avenues qu'on avait. Alors, pourquoi, là... y avait-u urgence à
modifier ce qu'on avait fait?
Donc, le premier ministre... actuellement,
le Parti libéral, vous savez, depuis le début… j'ai vu sa réaction dans le cas
de l'affaire Bolduc, et c'était beaucoup d'amateurisme, mais, dans un dossier
comme ça, là, on ne peut pas se permettre de l'amateurisme. Ça a coûté 215 000 $
aux Québécois dans l'autre dossier; lui, là, ça va se calculer par dizaines de
millions. Alors, il faut arrêter l'hémorragie là, prendre la situation telle
qu'elle est, condamner ce qui s'est passé à Montréal hier, qui est inapproprié,
inacceptable, indéfendable, mais revenir avec des propositions concrètes
d'ouverture.
M. Corbeil (Michel)
:
Voyez-vous un double standard dans le travail des policiers entre ce qui s'est
fait au printemps...
M.
Bédard
: Je
n'ai pas à commenter. J'ai vu la réaction, par contre, du chef de police de Montréal,
qui a été à la hauteur de la situation. Je tiens d'ailleurs à le féliciter ici
et je pense que, notre devoir à tous, comme responsables, comme élus, c'est
d'appuyer son travail. Il a dit qu'il allait faire une enquête interne, qu'il
allait regarder...
M. Corbeil (Michel)
:
Vous ne constatez pas qu'il y a un double standard dans le travail des
policiers? Vous avez vu leur travail pendant les...
M.
Bédard
: Ce
que je... je n'étais pas là, j'ai vu les images comme tout le monde hier. Et,
ce que je suis particulièrement content, c'est de savoir que le chef de police
va prendre les choses en main, et je pense que c'est la meilleure garantie que
peuvent avoir les Montréalais et l'ensemble des Québécois pour que...
M. Corbeil (Michel)
: …vous
prononcer, parce que visiblement on a vu que les policiers ne faisaient rien,
étaient là les bras croisés.
M.
Bédard
:
Bien... et c'est pour ça que le chef de police a réagi en conséquence, et je
pense qu'il a pris la bonne attitude. Il a pris la bonne attitude. C'est ça qui
est important.
Journaliste
: Est-ce
que c'est le SPVM qui devra enquêter sur le SPVM ou c'est la SQ qui devra
enquêter?
M.
Bédard
:
Première chose, le maire de Montréal est satisfait des interventions du chef de
police. Moi, je l'ai écouté, et je trouve que c'est quelqu'un de crédible, qui
a pris la chose au sérieux et qui compte agir. Donc, voyons le résultat de ses vérifications,
après ça, on avisera. L'important, c'est de soutenir les municipalités
là-dedans puis, en même temps, avoir une préoccupation pour l'ensemble des
travailleurs du Québec.
Le Parti québécois, on est un parti de travailleurs,
un parti de classe moyenne. Et ce qu'on vit actuellement, là, il ne faut
surtout pas créer deux catégories au Québec, là : ceux qui travaillent
pour les villes puis les autres Québécois, là. Ça, c'est à éviter. Il n'y a
personne qui va être gagnant là-dedans, là. Alors, il y a eu des régimes de
négociation depuis 50 ans, là — ça n'a pas été inventé cette année,
là — donc qui ont mené à des conditions de travail qu'on connaît, et
de circonscrire le problème avec les régimes de retraite, bien, il faut y aller
intelligemment. On ne touche pas à quelque chose de simple, là. On touche à
quelque chose de complexe et compliqué individuellement pour les gens, donc il
faut les respecter. Et ils voient... Les travailleurs, les retraités voient les
problèmes qu'ont leurs régimes de retraite actuellement. Ils sont ouverts. Ils
sont ouverts, puis les contribuables disent : Bien, nous, on ne veut pas
se ramasser avec toute la facture. Tout le monde s'entend. Alors, c'est
seulement de trouver les voies, qu'on avait trouvées dans le projet de loi, là.
Si encore on n'avait pas fait de projet de loi puis on serait dans les
possibilités… il y avait des dispositions qui existaient, il y avait un
consensus négocié par Agnès Maltais, par le gouvernement du Parti québécois.
Donc...
Mais là il n'est pas trop tard. On est au
mois d'août. On ne veut pas d'escalade. Il n'y a pas un Québécois qui veut une
escalade. Alors, ce qu'on souhaite maintenant, c'est que le premier ministre
adopte une attitude qui est conforme, puis ce n'est pas avec des déclarations
comme tantôt, en parlant de tensions sociales, en créant un climat de conflit,
d'affrontement et de rapport de force. Et c'est ça que je lui reproche, moi. On
a ramené ce dossier-là à un strict dossier de rapport de force. Le problème,
c'est un problème de solvabilité des régimes et de durabilité dans le temps.
Ça, c'est le vrai problème.
Journaliste
: Donc,
vous ne croyez pas, comme disent les syndicats... En fait, comme il y a des
élections, vous croyez qu'il n'y a pas de place pour négocier réellement...
M.
Bédard
:
Bien, dans le contexte actuel, le premier ministre dit que je ne négocie pas, voici
mon projet de loi, bonne chance. Si tu regardes le projet de loi, il n'y a pas
grand-chose à négocier dans le projet de loi. Voici le plafond, voici ce qui va
arriver, bonne chance, tout le monde. Bien là!
Écoutez, l'idée, ce n'est pas de savoir
qui a raison. Si tu es de l'autre bord, tu dis : Bien, moi, je m'en vais à
la table, tout est décidé. Puis, de l'autre côté, les municipalités, bien, on
leur donne un contexte aussi explosif. Rapidement… personne ne va être content
là-dedans et surtout personne ne va être gagnant.
Le but, c'est de régler le problème des régimes
de retraite, puis il n'est pas à la grandeur du Québec, là, il n'est pas dans
tous les régimes. Commençons avec ça. Alors, ramenons-nous, là, et surtout
évitons d'en remettre. Et là ce que je vois de l'attitude du premier ministre
depuis quelques jours, c'est d'en remettre. Devant les jeunes, il en a mis, là.
On dirait qu'il voulait les lancer, là. Alors, qu'on arrête, là. Qu'on arrête,
puis toujours condamner les gestes qu'on a vus hier. Ça n'a pas sa place, et
ça, on est sans nuance là-dessus.
M. Corbeil (Michel)
: Qu'attendez-vous
de la ministre de la Sécurité publique?
M.
Bédard
:
Bien, de bien suivre le dossier. Je sais que…
M. Corbeil (Michel)
:
Ça se traduit comment?
M.
Bédard
:
Pardon?
M. Corbeil (Michel)
:
Ça se traduit comment? Les contacter, les…
M.
Bédard
:
J'imagine que les… La ville de Montréal a un corps de police, vous le savez,
qui est important, qui comporte… bon, il y a des gens d'expérience, c'est un
des plus grands corps de police au Québec. Donc, ils ont les compétences à
l'interne pour faire le travail, mais de s'assurer d'un bon suivi et de donner
tout le support au chef de police de Montréal, là. Dans ce temps-là, on renforcit
les institutions, on ne les affaiblit pas. Et le chef de police s'est comporté
de façon tout à fait honorable et responsable.
Ce que, là, je reproche au premier
ministre, on lui donne la chance… N'attendons pas… Je vous le dis, là, on est à
la fin de l'été, il y a encore de la place, il faut simplement changer
d'attitude. On parlait beaucoup du ton, là, alors je l'invite à changer de ton,
changer d'attitude, de l'ouverture, de la responsabilité puis de dire qu'on
parle à du monde, là. C'est des travailleurs, ce monde-là, là, ce n'est pas des
criminels, là, les employés des villes, là, dans l'ensemble du Québec, là.
C'est des bons travailleurs qui ont gagné leur vie puis ils ont un problème
avec certains régimes de retraite et ils sont prêts à le regarder. Alors,
respectons-les, respectons les contribuables, tout le monde va être gagnant.
M. Corbeil (Michel)
:
Est-ce que vous préférez que Mme Thériault en fasse le moins possible?
M.
Bédard
: Je
n'irai pas jusque-là, mais il y a, à l'interne, des autorités au niveau du ministère
toute latitude… D'ailleurs, celui qui est là, le sous-ministre en titre, est quelqu'un
que je respecte beaucoup. Il était là à l'époque des libéraux, on l'a gardé en
poste. C'est quelqu'un de très responsable, qui connaît bien les policiers, qui
établit des bons liens dans l'ensemble des corps de police. Si elle a un rôle à
jouer, bien, ce n'est surtout pas de mettre de l'huile sur le feu. Merci, tout
le monde.
(Fin à 15 h 32)