(Onze heures quarante-sept minutes)
M. Ferland
: Alors,
bienvenue à tous. Bienvenue à cette importante conférence de presse. Nous
sommes aujourd’hui en présence… accompagnés aussi de nos amis inuits, nos amis
de cet immense et beau territoire du Nunavik. Je vous présente M. Jobie
Tukkiapik, président de la Société Makivik, qui est à ma droite; Mme Maggie Emudluk,
qui est présidente de l’Administration régionale Kativik, qui est ici présente
dans la salle, assise en avant; M. Tunu Napartuk, qui est maire de Kuujjuaq, à
l’extrême droite; et il y a aussi M. Joë Lance, qui est adjoint exécutif au
président de la Société Makivik. Si jamais il y a des questions qui nécessitent
des réponses un petit peu plus techniques, donc M. Lance est disponible aussi
pour compléter au besoin, M. Louis Mercier également, qui est ici, en avant,
avec nous.
Nous sommes tous réunis pour aborder un
dossier majeur, important, qui est au cœur de nos préoccupations, bien sûr,
pour notre gouvernement, celui du logement au Nunavik. Depuis mon arrivée, en
2007, ici, à l’Assemblée nationale, comme député d’Ungava, représentant également
les représentants du Nunavik et ceux, bien sûr, du territoire de la Baie-James,
les Cris et les Jamésiens, ce dossier fait partie de mes préoccupations
constantes. Alors, je sais également que le gouvernement du Québec est
pleinement conscient de la gravité... notre gouvernement est pleinement
conscient de la gravité de la crise du logement social dans le Nord-du-Québec,
plus précisément au Nunavik.
Je vous rappelle qu’il y a plus de
12 000 Inuits au Québec, répartis dans 14 villages. Le Nunavik couvre un
territoire de 507 000 kilomètres carrés. Imaginez, c’est aussi grand que
l’Espagne. Et il faut aussi savoir qu’il n’y a pas de matière première,
c’est-à-dire il n’y a pas de présence de forêts, comme on en connaît ici, au
sud... plus au sud de la région, donc ce qui rend beaucoup plus difficile et
beaucoup plus onéreuse la construction de logements dans ce secteur du Québec,
dans ce territoire.
Aujourd’hui, qui m’accompagnent : le
ministre, M. Alexandre Cloutier, qui va vous faire un état de la situation et
qui va présenter les revendications du gouvernement du Québec envers Ottawa;
également, la ministre déléguée aux Affaires autochtones, Mme Élizabeth
Larouche, va, quant à elle, vous faire un portrait plus détaillé des
conséquences sociales de cette crise du logement sans précédent; par la suite,
M. Jobie Tukkiapik présentera les demandes précises de la Société Makivik; et
suivi de M. Tunu Napartuk qui témoignera de la situation vécue sur le terrain
par les Inuits. Je leur laisse donc maintenant la parole.
M. Cloutier
: Alors,
bonjour à vous tous. Alors, je veux être très clair, là, il y a une véritable
crise sociale qui se vit dans le Nord-du-Québec et il faut cesser
l’indifférence. Le gouvernement fédéral, comme dans bien d’autres dossiers,
fait preuve de mépris, fait preuve d’indifférence et fait preuve, je dirais
aussi, de mépris envers les institutions du Québec, en ce sens qu’il ne
retourne même pas les appels qu’on leur fait.
Il y a une pénurie majeure de logements
sociaux dans le Nord-du-Québec, qui contribue à des problèmes sociaux
comparables, malheureusement, aux situations les plus graves qui peuvent être
vécues dans d’autres pays : drames humains, tuberculose, alcoolisme,
violence conjugale. Et n’importe quel peuple, placé dans ces mêmes conditions,
aurait exactement les mêmes résultats. Comment voulez-vous élever une famille
normalement quand vous êtes 15 dans un quatre et demie? Comment voulez-vous
gagner votre vie, avoir une bonne nuit de sommeil, être reposé, être capable de
faire les devoirs le soir avec les enfants quand tu es 15 dans une si petite
maison?
Le gouvernement du Québec a fait sa part.
Le gouvernement du Québec a mis 80 millions sur la table pour la construction
de logements sociaux, pour faire du rattrapage. Non seulement on fait du
rattrapage, mais on fait aussi partie de l’entente quinquennale. Lorsqu’on se
tourne vers le gouvernement d’Ottawa, on ne retourne même pas les appels. On
traite ce sujet-là avec indifférence, alors que nos amis inuits sont tout aussi
Québécois que n’importe quel autre Québécois qui vient au Sud. C’est
inacceptable, l’indifférence dont fait preuve le gouvernement d’Ottawa, et on
doit absolument corriger la situation actuelle.
Je veux que vous compreniez que
l’obligation d’Ottawa donne suite à la Convention de la Baie James, où le gouvernement
fédéral a l’obligation de la construction, puis essentiellement le gouvernement
du Québec s’occupe de l’entretien des logements sociaux dans le Nord. Ce qui s’est
passé, c’est qu’en 1994 on a cessé de construire des logements sociaux de la
part du gouvernement fédéral. Alors, placez-vous dans le contexte. C’était quoi
en 1994? C’était la lutte au déficit… au retour à l’équilibre budgétaire. On a
coupé dans les transferts fédéraux, on a coupé dans les transferts pour le Québec,
mais on a aussi coupé pour les Inuits. Bien, depuis ce temps-là, là, il y a un
retard qui s’est accumulé, et c’est ce retard-là qui est à l’origine, entre
autres, des nombreux problèmes sociaux actuels. En 2000, on a recommencé à
signer des ententes quinquennales, 2000‑2005, 2005‑2010, 2010‑2015, mais le
problème des ententes quinquennales, c’est que ce n’est pas suffisant. On doit,
en plus des ententes quinquennales, avoir un programme de rattrapage, et c’est
là que le gouvernement du Québec s’est engagé. En plus de l’entente
quinquennale, on s’est engagé à faire du rattrapage pour combler ce retard.
Le fédéral a été sollicité à plusieurs
reprises. En avril 2013, la Société Makivik a écrit une lettre au ministre
Bernard Valcourt pour solliciter une rencontre. Le chef de cabinet de M.
Valcourt a répondu que le ministre était trop occupé, que le ministre des
Affaires autochtones, celui qui a la responsabilité des relations avec les
nations inuites… avec les nations autochtones, pardon, et la nation inuite
était trop occupé pour s’occuper d’une crise sociale qui est vécue dans le
Nord-du-Québec. En juin 2013, Makivik envoyait une deuxième lettre à Valcourt,
en insistant sur les problèmes criants de santé publique dus à la
surpopulation, et ils attendent toujours l’accusé de réception.
Et, s’il en fallait davantage, on a aussi
le rapport de la médiatrice qui a été nommée conjointement par la Société
Makivik, parce que, devant l’échec dans les négociations pour avoir une entente
sur le rattrapage, il y a eu une médiatrice de nommée par Makivik et le gouvernement
fédéral. La médiatrice parle de mauvaise foi du gouvernement d’Ottawa et de
négligence. Dans le dernier discours du trône, le gouvernement fédéral a
manqué, à notre point de vue, une belle occasion pour dire qu’il allait
s’engager à combler le problème de déficit de logements sociaux sur le
territoire inuit.
Puis comme mon collègue député d’Ungava le
disait d’entrée de jeu, on ne peut pas traiter la nation inuite comme ailleurs
au Québec. Il y a un sérieux problème d’accès aux ressources naturelles. Il
s’agit de regarder la carte pour le comprendre, le territoire inuit, c’est la
grandeur de l’Espagne. Ils sont 14 villages, 14 villages qui ne sont pas reliés
par la route, et tous les transports de matériel arrivent par bateau. Alors,
inévitablement, à une situation exceptionnelle, ça prend aussi des budgets qui
sont exceptionnels.
Alors, si on veut que nos amis inuits
continuent à vivre dignement, à gagner leur vie honorablement et qu’ils aient
accès à des conditions humaines, bien, nous, on a la responsabilité de ne pas
les laisser tomber et de mettre de la pression sur le gouvernement fédéral pour
nous assurer qu’on va enfin combler ces retards. Je cède maintenant la parole à
ma collègue aux affaires autochtones.
Mme Larouche
: Alors,
merci beaucoup, Alexandre. Il est très enflammé. Alors, moi aussi, je suis très
heureuse d’être ici aujourd’hui avec mes collègues et de faire ensemble cette
déclaration, parce que nous avons en commun cette grande préoccupation, autant
les leaders inuits que nous, ici, au gouvernement. Et cette pénurie de
logements, que vous avez constatée et qu’on vous fait état ici, de 900 logements,
qui cause un surpeuplement est très, très… affecte énormément les conditions de
vie chez les Inuits.
Actuellement, on sait que ce surpeuplement
amène aussi des conditions pour les enfants, parce que, nous, on a constaté que
les enfants sont dans une situation extrême et qu’à chaque fois qu’on a à
travailler pour ces enfants-là, étudier, par exemple, comme le mentionnait
Alexandre, il y a une situation qui n’est pas favorable aux études.
Alors, vous savez que presque 20 %
des enfants du Nunavik ne complètent pas leur secondaire. Mais d’abord vous
parler aussi du rapporteur des Nations unies, le rapporteur spécial, M. James
Anaya, que j’ai rencontré aussi. Il mentionnait une situation qui est
vraiment... qu’il apporte à la face du monde. Il apporte cette situation-là à
la face du monde, et nous sommes obligés de constater qu’il a raison et que la
qualité de vie des Canadiens… oui, la qualité de vie des Canadiens, en général,
elle est très bonne, mais celle des autochtones et des Inuits en particulier,
plus spécifiquement dans le Nunavik, nous avons une situation où est-ce qu’il y
a une crise sans précédent, et ça amène un taux de problèmes sociaux immense
dans les familles inuites.
Alors, le rapporteur des Nations unies a
mentionné qu’il y avait une situation où est-ce qu’on a un taux de tuberculose
élevé. En effet, le directeur de la santé publique l’a aussi mentionné le 13
juin dernier, et ce taux de tuberculose, il est — je vais chercher
mes chiffres, ici — 320 cas sur 100 000 habitants, alors qu’on a
presque éradiqué cette maladie ici, au Québec, quand on constate que trois cas
sur 100 000 ailleurs au Québec.
Alors, cette situation, on l’avait aussi
constaté en 2007, lorsqu’il y avait eu un constat qui avait été fait par la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui faisait
des observations vraiment similaires. Et, à ce moment-là, on avait bien
mentionné que le surpeuplement, le rapport qu’on faisait sur les logements, il
compromet la sécurité du développement des enfants. On dit que ça contribue aux
problématiques de décrochage scolaire. Alors, c’est sûr qu’étudier dans une
maison où il y a plusieurs générations, c’est très difficile d’étudier dans ces
situations-là. Il y a des abus physiques, sexuels, conjugaux, de violence, et
de… toxicomanie, pardon, et d’alcoolisme, et ça entraîne aussi des désordres
physiques et mentaux graves. Alors, ceci est tiré vraiment du rapport de la
commission de la protection de la jeunesse et des droits de la personne.
Donc, en conclusion, ce rapport nous
disait que les enfants étaient dans l’atteinte de leurs droits fondamentaux,
des enfants et des adolescents, tels que reconnus par la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec. Alors, ce qu’on dit, c’est que les droits à
l’intégrité de la personne, à la dignité, à la protection, à la sécurité, à
l’attention des parents, ils sont bafoués, dans des conditions comme celles-là.
Donc, oui, la situation est grave, elle
est préoccupante, et ce que je tiens à dire en tant que ministre déléguée aux
Affaires autochtones, c’est que je serai toujours aux côtés des Inuits pour ces
revendications face au fédéral, et, mon collègue l’a bien mentionné, c’est des
revendications que nous allons porter en haut lieu. Moi, j’ai déjà rencontré le
ministre Valcourt et j’ai déjà fait état de cette situation-là, et nous n’avons
pas eu de réponse, aucune réponse satisfaisante, et donc je reprendrai le
flambeau et j’irai à côté des leaders inuits.
Vous dire que cette situation apporte des
conséquences graves, on l’a bien mentionné, mais moi, je tiens à souligner que
les leaders inuits, ils sont… ils représentent bien leur population. C’est une population
qui est résiliente, et j’ai grande confiance que, si nous continuons à les
accompagner de cette manière et qu’on continue ce combat ensemble, on pourra
essayer d’avoir des résultats. Et comptez sur nous pour les appuyer à long
terme. Merci.
M. Ferland
: M. Tukkiapik.
M. Tukkiapik (Jobie) :First of all, I’d
like to thank the Minister
Cloutier, Minister Larouche, Luc and the Government of Pauline Marois
for their support. It’s very much appreciated, considering the situation that we have. And I’m here also on
behalf of the Inuits of Nunavik to demand that the federal
Government take immediate action to end the housing
crisis in Nunavik. This has dragged on for too long. We’ve been waiting for a
long time for this. We need it to be treated with dignity and to have access to
adequate housing.
October 15th, the United
Nations Special Rapporteur on the rights of indigenous people, like others
before him, concluded that the housing conditions of many Inuit families are
unacceptable. Yet, despite these findings, the Throne Speech delivered by the federal Government the very next day contained no commitment to
address the shortage of 899 dwellings that are needed in Nunavik. Many families
in our region live very unhealthy conditions due to this. We have pictures of
people that can live in… a number of 15 people in a family can live in a two
bedrooms unit. These are not new. We have been demanding that the federal
Government have been taking… to take action on the shortage of the housing that
we have, and it’s been going on for quite a long time.
As it was said, the
conditions… the health condition of our region is being affected quite a lot, especially
for our youth and that for the future. We are citizens of Québec and Canada and we are taxpayers too. In a sense, we need to have this
corrected in a way the health conditions that we have also… This summer, in a
few of the communities, the onset of tuberculosis came around. In our region,
we have 320.4 cases per 100,000 people, and, in the rest of Québec, it’s three people per 100,000 people
that are affected, and this has a direct effect on the housing shortage that we
have. And is it right that the federal Government treat Inuits differently whether they live in Nunavik, Labrador or Nunavut, or that the federal Government tells Nunavik to take
agreement with Québec? Our health and living conditions should not be a pawn in
Canada and Québec constitutional squabbles.
The federal Government
has a responsibility towards the Nunavik Inuits. It is a signatory of the James
Bay and Northern Québec Agreement, our treaty, and Canada must respect its
promises. A mediator report prepared in 2012 recommend that the federal Government
comes to an agreement with Nunavik Inuits on innovative and concrete solutions
to the region’s housing shortage. While Canada has been funding regular
constructions in the region since 2000, the 2000 report makes it clear that the
funding will never resolve the shortage of 899 units in our community. This is
the reality of our living condition for the Inuits in Nunavik and this is being
ignored by the federal Government.
Today, on behalf of the
Nunavik Inuits, I demand that the immediate action be taken to eliminate the
housing crisis that has existed in our communities for decades. The needs are
known. Without any further delay, 899 units must be built to allow our families
to live in dignity. The federal Minister of Aboriginal Affairs and Northern
Development has not had time to meet with me in 2013 to discuss the housing,
health and social well-being of the Inuits? And who’s
going to make the Minister responsible to act on this serious housing shortage
that we have?
M. Ferland
: Je passe
la parole à M. Tunu Napartuk.
M. Napartuk (Tunu) : Merci,
Luc. M. Cloutier, Mme Larouche...
(S’exprime dans sa langue).
Bonjour, mesdames, messieurs. Je m’appelle
Tunu Napartuk, je suis le maire de Kuujjuaq. C’est une petite communauté de
2 500 personnes, à peu près. La réalité est assez spéciale pour nous. La situation
des maisons que je reçois les demandes, c’est très, très régulier, c’est là,
c’est dans ma face puis c’est urgent, c’est important. C’est la réalité qu’on
vit chaque jour, n’est pas… It’s not fair.
M. Cloutier
: Pas
juste.
M. Napartuk (Tunu) : Ce n’est
pas… Oui, ce n’est pas juste, ce n’est pas équitable. Je voulais commencer en
disant aussi que les Inuits du Nunavik, en haut, ceux qui restent ici, à Québec,
partout dans le Canada, on paie des taxes. Ça, c’est quelque chose que j’aime toujours
apporter. Ça, c’est une chose qui, je pense, la population générale du Canada, Québec,
oublie souvent, peut-être aussi même les membres du gouvernement. Je ne sais
pas si c’est la réalité ici, mais on paie des taxes.
Ce n’est pas… Je ne le mentionne pas parce
que ça nous donne un droit, mais c’est que notre réalité, chez nous, c’est
qu’on a besoin de soutien, on a besoin de support, puis la motion qui a été
mise par vous, M. Cloutier, était un geste qui était énorme pour moi, quelqu’un
qui reste à Kuujjuaq puis qui voit la réalité. Le gouvernement fédéral ne
travaille pas assez fort, il nous ignore pour avoir cette communication, au
moins une communication, au moins une réponse pour nous dire : Ça, c’est
la façon qu’on peut faire, ça, c’est la façon qu’on ne peut pas faire, au moins
une réponse. On ne reçoit pas une réponse.
Quand le gouvernement fédéral ne répond
pas, il ne répond pas aux besoins de ma population inuite au Nunavik. Alors, le
support qu’on reçoit du gouvernement provincial est très important et nécessaire.
Ce n’est pas une situation humaine, basique. Alors, je vous remercie. Je suis
touché par le geste que le gouvernement, présentement, fait, puis ça va nous
faire… ça nous encourage, ça nous donne de l’énergie pour continuer le débat qu’on
travaille ça pour plusieurs, plusieurs puis plusieurs années. Alors, merci.
(S’exprime dans sa langue) Nakurmik. Merci.
M. Ferland
: Merci, M. Napartuk,
nakurmik. Alors, maintenant, c’est… Vas-y, oui.
Le Modérateur
: On va
passer aux questions On va commencer avec Robert Dutrisac du Devoir.
M. Dutrisac (Robert)
:
Oui. J’aurais quelques questions. La première, c’est que Québec a investi… a
promis d’investir 80 millions, là, dans le… pour la construction de
logements sociaux. La Convention de la Baie James dit que la construction des
logements sociaux, c’est l’affaire du gouvernement fédéral. Est-ce que c’est
une forme de chevauchement humanitaire que vous avez fait, là? De quoi
s’agit-il?
M. Cloutier
: …sur le
partage des compétences, vous avez entièrement raison, la responsabilité de la
construction appartient au gouvernement fédéral. Dans un geste exceptionnel, le
gouvernement du Québec a décidé de procéder à l’annonce de la construction de
300 logements sociaux pour que le gouvernement fédéral fasse aussi sa part pour
le rattrapage. Alors, en bout de course, ce qu’on souhaite, c’est que le gouvernement
fédéral emboîte le pas pour qu’on vienne régler la crise qui est vécue, à
l’heure actuelle, sur le territoire du Nunavik et vienne combler les retards
qui ont été accumulés depuis le début, voire le milieu des années 90.
M. Dutrisac (Robert)
: Par
rapport à ce rattrapage-là, est-ce qu’il y a des possibilités, comment dire,
légales, en vertu de la Convention de la Baie James, pour l’obtenir ou est-ce
qu’on est soumis simplement à des ententes?
M. Cloutier
: Bien, il
y a des obligations de bonne foi. D’abord, dans les relations qu’a à entretenir
le gouvernement fédéral avec la nation inuite, ils doivent agir de bonne foi.
Or, il y a un rapport qui vient dire exactement le contraire. Les mots exacts,
que je vais vous citer, je vous les ai cités tout à l’heure mais je vais les
reprendre, on parle de négligence, on parle carrément de mauvaise foi. Alors, c’est
vraiment l’expression qui est utilisée.
Alors, de toute évidence, on semble être
en violation des principes, des bons principes qui doivent gouverner les
relations entre la nation inuite et le gouvernement fédéral, mais ce n’est pas
la première fois qu’on vient dire à Ottawa qu’ils n’agissent pas avec tout
l’effort nécessaire pour venir combler la situation de logements.
M. Dutrisac (Robert)
: Maintenant,
le gouvernement fédéral a annoncé 100 millions pour le Nunavik, pour les
habitations, les logements sociaux… au Nunavut, plutôt, excusez-moi. Comment
est-ce qu’on peut expliquer ce deux poids, deux mesures?
M. Cloutier
: Bien, il
y a un problème d’équité, d’abord, en partant, parce que la situation qui est
vécue là-bas, elle est évidemment comparable, hein, que ce soit sur
l’accessibilité des ressources naturelles, le climat, le mode de vie de ses
résidents. Alors, on est dans des situations similaires. À situation similaire,
on s’attend aussi à avoir un traitement similaire. Évidemment, on se réjouit
pour les gens du Nunavut qui, eux, ont réussi à obtenir une somme importante
pour venir combler leurs besoins à eux, en plus des ententes actuelles qu’ils
ont, hein? Il faut comprendre que, le 100 millions annoncé, c’est un bonus
en plus de ce qui existait déjà. À la fois, on se réjouit pour eux, à la fois
on souhaite la même équité pour les Inuits qui habitent sur le territoire québécois.
Le gouvernement fédéral a tendance à
s’occuper du cercle arctique, de s’occuper de tous ceux et celles qui habitent
le cercle arctique, sauf ceux qui habitent le cercle arctique sur le territoire
québécois. On l’a vu dans une politique nationale du développement arctique de
façon plus générale où le territoire québécois est exclu. Il y a d’autres
enjeux que ceux du logement social, que je ne souhaite pas nécessairement
aborder aujourd’hui. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a un traitement
différent pour ceux et celles qui habitent en haut du 60e parallèle québécois par
rapport aux autres, ailleurs au Canada.
Le Modérateur
: Rhéal
Séguin, le Globe and Mail.
M. Séguin (Rhéal)
: M.
Napartuk, à moins que je ne m’abuse, la dernière fois qu’un premier ministre
canadien s’est pointé dans votre communauté, à Kuujjuaq, c’est lors de… C’est
Jean Chrétien, il y a environ 15 ans, au moment de l’avalanche à Kangiqsualujjuaq,
où il passait par Kuujjuaq pour aller aux funérailles, et, à ce moment-là, le maire
de Kuujjuaq l’a mis au courant de la situation, de la crise du logement et du
haut taux de tuberculose dans la communauté. Qu’est-ce qui a changé en 15 ans?
M. Napartuk (Tunu) : En 15
ans? Oh! Il n’y en a pas beaucoup. Le seul changement que je peux être certain,
c’est que notre taux de natalité est très, très… est haut. Le niveau est très,
très haut. On est une population qui est très, très jeune. En dessous de 25
ans, on est à peu près 60 %, 65 % de la population. Si on monte ça à
35 ans, on est à peu près 60 % de la population est en dessous de 35 ans,
des 14 communautés de 12 000 personnes qu’on a dans… de la population
inuite. C’est à peu près la seule chose qui a vraiment changé. Il y a 15 ans,
on était une population à peu près de 8 000 personnes, on est rendus à
12 000.
Puis la situation des maisons… on reçoit
des maisons… un montant de maisons chaque année, mais, comme on a expliqué tout
à l’heure, là, il y avait une période où il n’y avait pas des fonds disponibles
pour nous, pour notre région, puis ça nous a donné une situation de crise. Puis
ça, c’est une des raisons, c’est notre taux de natalité qui est très, très
haut. On a beaucoup d’enfants puis, dans un autre 15 ans, les enfants vont
avoir besoin des maisons aussi. Puis, si on ne fait rien, même le nombre de 900
maisons qu’on a besoin, si ça ne change pas immédiatement, dans quelques… 10
ans, la situation va être pire, ça va être une situation plus haute qu’une
crise.
Alors, depuis… le premier ministre du
Canada a passé par… dans notre région dernièrement et récemment, puis il est
allé à Raglan, aux mines. Il est allé visiter une mine, mais il n’a pas vu…
pris une chance de visiter une des communautés. Il était là, mais il n’a pas
visité une communauté inuite de notre région.
M. Séguin (Rhéal)
:
Quel est le taux de tuberculose d’il y a 15 ans comparativement à aujourd’hui?
Et comment vous qualifiez cette situation-là?
M. Napartuk (Tunu) : Il y a
15 ans, je ne me souviens pas trop, trop, c’est… même là, si je me souviens
très bien, il n’y avait pas autant de… la maladie n’était pas… on ne voyait pas
souvent, il y a même 15 ans. Mais, même aujourd’hui, il y a un taux de
tuberculose qui est très, très haut, comparable à Québec et au Canada, mais même
récent, du monde. Le plus…
On pense, la plupart de nous, que c’est
une maladie qui n’est plus là ou une maladie qui est traitable, puis on peut
prévenir si on a des situations basiques, si on a les maisons qui sont tassées.
Mais, dans les dernières années, c’est revenu très, très vite puis c’était
quelque chose qu’on n’attendait pas. On n’était pas trop préparés parce que c’est
une maladie qui… qu’on pensait qui… on ne l’attendait pas du tout.
M. Séguin (Rhéal)
:
Donc, c’est le tiers-monde.
M. Napartuk (Tunu) : Pardon?
M. Séguin (Rhéal)
: C’est
le tiers-monde, en d’autres mots. C’est le tiers-monde.
M. Ferland
: …M. Joë
Lance de donner un complément, là, au niveau technique, là. Joë?
M. Lance (Joë) : Oui. Pour
être spécifique, de 1980 à 2003, le taux de tuberculose est passé de 166 à 35
cas par tranche de population de 100 000 personnes. Donc, de 1980 à 2003,
de 166 à 35. En 2012, tel que rapporté par le rapport de la directrice de la
santé publique, le taux est maintenant de 320, ça, par tranche de 100 000.
Ça fait que votre analogie est vraie, c’est des taux semblables au tiers-monde.
Le Modérateur
: Louis
Gagné.
M. Gagné (Louis) : M. Cloutier
ou Mme Larouche, juste pour avoir une précision, les 900 logements, est-ce que
ça inclut les 300 que vous allez construire, donc plutôt un manque à gagner de
600 ou c’est 900 en plus des 300 logements que vous allez construire?
M. Cloutier
: C’est 900
au total. Donc, il y a un 300 d’engagé par le gouvernement du Québec en plus de
notre volonté à signer une nouvelle entente quinquennale, donc en 2015.
Le Modérateur
: On va
passer à Michel Corbeil, Le Soleil.
M. Corbeil (Michel)
:
Vous parlez beaucoup du fédéral en ce moment. Ma question s’adressait à vous,
monsieur. Bon, avec le précédent gouvernement, le Plan Nord, on avait promis
beaucoup de choses au Nunavik, entre autres l’électrification des villages, de
les relier, par des… avec des ports en eau profonde, au sud. Est-ce que, tout
ça, c’est oublié maintenant? Est-ce qu’il y a du travail qui continue de se
faire?
M. Napartuk (Tunu) : Dans…
les ports, je… c’est vraiment dans la région, le Nunavut, qui a été décidé. C’est
là où, à mon avis, ça continue pour Nunavut. Il y a… Pourriez-vous répéter ça?
Je vais le traduire pour Jobie aussi.
M. Corbeil (Michel)
:
Avec le précédent gouvernement de Jean Charest, le Plan Nord, on promettait,
entre autres, d’électrifier tous les villages et on voulait également amener…
on a même parlé de projet de train pour aller vers Kuujjuaq et même de ports en
eau profonde.
M. Napartuk (Tunu) : (S’exprime
dans sa langue)
M. Tukkiapik
(Jobie) : For us, the Plan
Nord or what’s coming around with the changing
government, we know, in our region, that development is coming. We have done
consultations with the communities and we are in a process of it. This year,
it’s actually been a very good consultation for us, as leaders as well as a
community, and we are doing the consultation to consult, basically to find out
where we would like to go, where we would like to place ourselves in the
society of Québec and the
development that’s coming. We identified that there are jobs that are needed
for our people, our young people that are coming up and how do we place
ourselves and also have to respect our language and our culture and to maintain
that as well as other Quebeckers want to, and that’s the process that we’re
doing. Yes, the roads will be there, but, in what capacity would we like to see
this coming to our region, that’s the process that we’re going through now.
M. Corbeil
(Michel)
: M. Cloutier, vous vouliez ajouter quelque chose, je
crois.
M. Cloutier
: Bien, puisque
vous me tendez la perche, ça me fait plaisir, mais, non seulement on croit au développement
nordique, mais il y a des projets extraordinaires qui sont en réflexion sur le territoire
inuit. Mais, moi, je pense qu’on est rendus, au Québec, à avoir une vraie
stratégie pour le cercle polaire québécois et de travailler en collaboration
avec nos amis inuits pour vraiment faire du cercle polaire une stratégie
gouvernementale de réel développement, en collaboration avec les partenaires du
milieu. Ce n’est certainement pas nous qui allons dicter unilatéralement la
voie, mais le gouvernement du Québec doit être un partenaire au développement
du cercle polaire, et c’est clair que, nous, on va travailler en collaboration.
Puis je vais vous dire très honnêtement et très humblement, pour moi, c’est un
grand honneur de pouvoir être avec vous, messieurs, aujourd’hui, parce que Dieu
sait que vous habitez un territoire exceptionnel et que, malheureusement, peu
de Québécois ont la chance de mieux connaître.
Le Modérateur
: Et Phil
Authier, The Gazette.
M. Authier (Philip)
: Mr. Tukkiapik, in your
statement earlier, you said your health and living conditions should not be
peons in federal-provincial squabbling. Do you find that the more aggressive
tone of the Minister towards Ottawa helps your cause?
M. Tukkiapik (Jobie) : I like to think so. I think it’s been very good, what happened
today, this morning and also in the last while. We’ve had made efforts with the
federal Government and Valcourt to meet. I was in Rankin Inlet this summer as
one of the Inuit leaders, one of the four Inuit leaders of the Arctic that were
there. We made our plea over there, we had expectations in the Throne Speech,
but nothing has come about. They have obligations to respect the treaty that
they have with the James Bay and Northern Québec Agreement.
Housing is stipulated in
there. They’ve fallen short of that. There was a period of time that there were
no houses that were built for a matter of six years, and that really exacerbated
the housing crisis that we have, and we’re looking at all means in going
forward, in trying to get the Government of Canada to listen to our demands that are there. It’s not just
for the housing that we’re requesting it, it’s our children, our people in the
region that have to live.
M. Gauthier
(Philippe) : The sense of my question is :
Do you find this kind of news conference with the Minister, do you think this
is a more effective weapon in waking up the federal Government? Because there’s a certain logic in… and there have been results in
quiet negotiations one on one.
But do you find that the provincial Government stepping up like this for you… is this useful?
M. Tukkiapik (Jobie) : To me, yes, it is. We’ve been through this dispute resolution
mechanism twice before, and that hasn’t been followed up. The mediator had made
recommendations set that federal Government act in good faith in respecting the James Bay and Northern Québec
Agreement.
M. Gauthier
(Philippe) : So nobody’s listening in Ottawa.
Is that what you’re saying?
M. Tukkiapik (Jobie) : That’s it.
Le Modérateur
:
Merci à tous.
(Fin à 12 h 25)