Forum national sur le déséquilibre fiscal
Événement spécial
Version finale
Le lundi 7 octobre 2002, 15 h 09
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Quinze heures neuf minutes)
M. Garneau (Richard): Mesdames, messieurs, bonjour. Mon nom est Richard Garneau. Je serai l'animateur pendant ces deux journées sur le Forum national sur le déséquilibre fiscal. Je vous souhaite d'abord la bienvenue, et je vous dis que le Forum se déroulera en deux temps. La séance d'aujourd'hui portera sur la problématique globale du désiquilibre fiscal entre le gouvernement fédéral et le Québec. Elle vise à favoriser un échange informel entre les participants et les présentateurs de façon à approfondir la compréhension de la réalité du déséquilibre fiscal et de ses conséquences pour le Québec et les autres provinces.
Cette première séance comportera trois présentations: d'abord M. Yves Séguin, fiscaliste et président de la Commission sur le déséquilibre fiscal, qui va présenter le rapport de la Commission et ses recommandations; puis M. Luc Bussière, économiste et directeur de la recherche au Conference Board du Canada, économiste et directeur de la recherche au Conference Board, donc, qui viendra présenter l'étude réalisée par le Conference Board sur l'évolution budgétaire respective du gouvernement fédéral et des autres provinces au cours des prochaines années; et enfin la vice-première ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances nous présentera la marge de manoeuvre budgétaire de l'État québécois dans le contexte actuel du déséquilibre fiscal. Chaque présentation sera suivie d'une discussion d'environ 45 minutes, mais pas plus, entre les participants et les présentateurs.
La séance de demain, par ailleurs, sera consacrée aux grandes orientations en termes de consolidation ou d'accélération des réformes en cours dans les secteurs de la santé, de l'éducation et du soutien aux familles qui seraient privilégiées si le déséquilibre fiscal était corrigé.
Et, avant d'entreprendre la première présentation, j'invite maintenant le premier ministre du Québec, M. Bernard Landry, à prononcer son allocution d'ouverture du Forum national sur le déséquilibre fiscal, M. le premier ministre.
M. Landry: M. le modérateur, chers collègues de l'Assemblée nationale et du Conseil des ministres, Mmes et MM. les participants et participantes et chers compatriotes.
Il est des moments et des sujets dans la vie d'une nation qui transcendent à la fois les intérêts partisans et corporatifs des uns et des autres. Le débat sur le déséquilibre fiscal croissant entre le gouvernement central et les provinces fait partie de ces enjeux fondamentaux, car ce qui est au coeur de ce débat, c'est la capacité même de notre État national de disposer des moyens pour faire les choix qui correspondent aux priorités et aux besoins légitimes de nos compatriotes. Ce qui est en cause, c'est d'abord et surtout l'avenir de nos programmes sociaux et, en particulier, ceux de santé et d'éducation. Les enjeux sont donc considérables. La population vieillit et elle est en droit d'attendre des soins adaptés à ses besoins croissants. Dans le domaine de l'éducation, les standards ne cessent d'augmenter, ce qui nous impose un système de plus en plus performant, et donc coûteux, pour assurer l'avenir même de nos enfants.
Par ailleurs, et plus que jamais, nous voulons que le Québec soit le meilleur endroit pour élever une famille. Tous ces défis doivent être relevés en maintenant l'équilibre de nos finances publiques et en assurant une croissance économique solide, ce que nous réussissons d'ailleurs actuellement dans les deux cas. En dépit des sacrifices et des efforts considérables qu'il a fallu déployer pour retrouver l'équilibre budgétaire et pour que nous puissions investir à nouveau en santé, en éducation et dans les services sociaux, notre État québécois ne dispose plus des moyens lui permettant de répondre aux besoins croissants dans ces secteurs. C'est aussi simple et dramatique que cela.
L'essentiel de notre marge de manoeuvre est consacré à la santé, à l'éducation et au soutien à la famille alors que, dans d'autres secteurs comme la culture, le logement social, les infrastructures ou l'environnement, on retrouve aussi des besoins pressants. Pendant ce temps, le gouvernement central engrange des surplus budgétaires importants parce qu'il dispose de revenus qui dépassent largement ses besoins dans les secteurs qui relèvent de sa propre compétence. Les besoins sont au Québec, en d'autres mots, puis les moyens sont à Ottawa. Je pourrais dire: Les moyens sont à Ottawa et les besoins sont dans toutes les provinces.
Cela ne peut plus durer. C'est aussi ce que pensent mes collègues des autres provinces canadiennes, précisément, et c'est pour cela que le Québec et les provinces ont créé le Conseil des premiers ministres sur la sensibilisation à la santé pour inciter le gouvernement central à contribuer davantage au financement des soins de santé et à faire sa juste part. L'État québécois doit disposer d'un niveau de revenus qui correspond au niveau des besoins et des services qu'il offre à ses contribuables. Il doit pouvoir bénéficier d'une plus grande marge de manoeuvre et récupérer une partie du champ fiscal occupé par le gouvernement central. C'est ce qu'a recommandé le rapport de la Commission sur le déséquilibre fiscal, si bien présidée par M. Yves Séguin. C'est ce qu'a demandé, de façon unanime, notre Assemblée nationale. Et ce que je souhaite, en fait, lors de ce Forum, c'est de voir l'ensemble des partenaires socioéconomiques, ici représentés, ajouter leurs voix à celles unanimes des députés.
Je rappelle ici le libellé exact de la motion devant notre Assemblée nationale. Je cite: «Que l'Assemblée nationale, principalement en vue d'améliorer les services de santé, d'éducation et de soutien aux familles, demande au gouvernement fédéral de reconnaître et de corriger le déséquilibre fiscal constaté par le rapport Séguin en tenant compte des recommandations qui dessinent un cadre nouveau pour les relations financières et fiscales au sein de la Fédération canadienne, notamment afin que cessent ces interventions dans le champ des provinces.» Fin de la citation.
À l'issue de nos discussions, je vous inviterai donc à signer une déclaration qui reprend les termes mêmes de la motion adoptée par l'Assemblée nationale en juin dernier. Le Québec n'est jamais aussi fort que lorsqu'il parle d'une seule voix. Ce que les circonstances nous imposent, c'est de nous placer au-dessus de nos intérêts particuliers ou partisans, même s'ils sont parfaitement légitimes dans notre système. Je nous souhaite à tous et à toutes de relever collectivement ce défi parce que c'est de l'intérêt de l'ensemble des Québécois et des Québécoises qu'il s'agit. Le gouvernement central doit non seulement reconnaître que le déséquilibre fiscal existe, il doit le reconnaître et il doit s'engager à le corriger sans délai. C'est pourquoi ces délibérations sont si importantes, et je vous les souhaite bonnes et fructueuses.
M. Garneau (Richard): Merci, M. le premier ministre. J'invite maintenant M. Yves Séguin, président de la Commission sur le déséquilibre fiscal, à présenter le rapport de la Commission et ses recommandations.
M. Séguin (Yves): Merci à M. Garneau, merci à M. le premier ministre, mes salutations à la ministre des Finances, Mme Marois, et à tous les collègues et ex-collègues que j'ai pu fréquenter ici, dans ce salon. Et, d'ailleurs, je reconnais plusieurs personnes parmi les invités qui sont venues devant la Commission, en audiences publiques, apporter leur témoignage ou leur intervention. Donc, j'imagine qu'à la période d'intervention tantôt, d'autres questions seront soulevées. C'est un grand défi pour moi de vous résumer l'ensemble de tous les travaux de la Commission en 10 minutes. Je risquerais évidemment d'être très incomplet de le faire de cette façon-là et je présume aussi que depuis la publication du rapport, au mois de mars, beaucoup d'informations, beaucoup de connaissances ont complété l'ensemble des travaux de sorte que je ne veux pas reprendre ici l'ensemble de tout ce qu'on a décrit dans nos travaux mais peut-être, en deux parties, exposer ce qu'il me semble essentiel de retenir, dans une première partie, très succinctement, les axes de nos travaux et peut-être, dans une deuxième partie, revenir d'une façon un peu plus personnelle sur des points qui sont dans nos travaux, mais qui n'ont peut-être pas été soulignés ou qui ont été peut-être oubliés aujourd'hui. Et je vais revenir sur quelques explications qui me semblent particulièrement intéressantes dans le contexte actuel où sont rendus les débats sur le sujet.
Je suis aussi très conscient que beaucoup d'analyses ont été faites avec – et je les salue d'avoir fait les travaux avec nous – le Conference Board, lesquels expliqueront eux-mêmes, suite à mon intervention, leur propre rapport. Mais vous comprendrez que je le citerai souvent parce que nous avons fait ces travaux ensemble et que nous avons intégré leurs conclusions dans nos constatations. Donc, il ne faudrait pas se surprendre à ce stade-ci que nous ayons fait les nôtres la plupart des constatations du Conference Board, mais on a ajouté aussi des analyses dans l'ensemble des travaux qu'on a rendus publics. Je signale d'ailleurs à cet effet-là qu'on avait rendu publics une série de documents au mois de juin avant la publication, évidemment, du rapport qui est venu au mois de mars après. Et les documents, notre rapport du mois de mars, tout en reprenant l'essentiel, si vous voulez, de ce que nous avions rendu public au mois de juin, n'est pas complet, sans relire aussi les documents de juin. Ça, je tiens à le souligner parce que, dans certains commentaires que j'ai pu entendre depuis quelques semaines, il m'a semblé qu'il était utile de rappeler que nous avions déjà répondu à certains énoncés par la publication des premiers documents. En tout cas, je pourrai approfondir ces points-là.
De sorte que l'ensemble des documents – et je peux le dire de façon... sans orgueil mais avec une certaine fierté – depuis le mois de mars, n'a pas reçu des critiques qui font, si vous voulez, reconsidérer l'ensemble de nos travaux. Je puis réaffirmer aujourd'hui que ce rapport demeure tout à fait d'actualité, tout à fait pertinent; même que, si j'avais encore le temps et le mandat, je me permettrais de le compléter encore. De sorte que, comme on le voit même aujourd'hui, dans les actualités, le déséquilibre fiscal n'est pas un sujet passager ou simplement qu'on peut régler d'une façon à la fin d'une négociation. C'est un phénomène des finances publiques, attaché, si on veut, à l'administration publique moderne.
Et c'est pour ça qu'on a insisté dans nos travaux de la commission – et je vais réinsister maintenant sur ces deux points-là – on a insisté sur le fait qu'il ne s'agissait pas, dans nos travaux, de trouver une solution financière et de simplement faire régler par un montant d'argent. Et, d'ailleurs, la plupart des intervenants en audiences ont bien saisi qu'il ne s'agissait pas de négocier un montant d'argent suite à un écart financier. On est devant un phénomène, d'ailleurs, qui n'est pas strictement budgétaire, mais, dois-je le rappeler, un phénomène de partage de champs fiscaux. Le déséquilibre fiscal n'est pas un déséquilibre financier ou budgétaire à proprement parler; il est, d'abord et avant tout, un déséquilibre fiscal avec des conséquences budgétaires et financières.
Ceci étant dit, on a fait plusieurs constatations, et je pense que vous les avez entendues à maintes reprises. Je pense que la publication du rapport du Conference Board a en lui-même apporté un éclairage considérable. Je ne veux pas le reprendre ici, mais ne serait-ce que pour souligner que, dans notre rapport, nous avions trois causes ou trois phénomènes pour expliquer le déséquilibre fiscal: le premier étant l'occupation du champ fiscal par l'un des deux ordres de gouvernement au détriment de l'autre, alors un des deux occupe le champ et ne permet pas à l'autre de réaliser pleinement ses recettes fiscales; deuxième phénomène, une diminution des transferts; troisième phénomène, le pouvoir de dépenser ou l'allégué pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, puisqu'on le sait, c'est une page grise au niveau constitutionnel, à savoir si le gouvernement fédéral... Bon.
Mais, même en mettant en veilleuse ce débat qui, par ailleurs, est fort intéressant, on constate que le phénomène qui dérive du déséquilibre fiscal nourrit des surplus qui permettent au gouvernement fédéral, bien sûr, à l'occasion, d'intervenir. Les actualités des dernières semaines ont resouligné ce phénomène où le gouvernement fédéral même annonce des projets d'investir directement soit dans des projets qui relèvent des municipalités, ou carrément dans certains domaines qui relèvent de la compétence des provinces.
Si je ne rentre pas dans le débat politique que cela peut soulever, je suis quand même forcé de voir que cela nourrit le déséquilibre fiscal lui-même. Quel est-il ce déséquilibre fiscal? Si je rentre au vif du sujet maintenant, dans cette deuxième partie de mon intervention, pour vous résumer l'essentiel, il apparaît que le gouvernement fédéral, tel qu'on l'a démontré dans notre rapport, occupe à l'impôt sur le revenu des particuliers au Québec non pas 40 %, et le Québec occupe 60 %... Parce que lorsqu'on demande aux contribuables en général – et ceux qui suivent nos travaux et nos débats ont probablement cette opinion – lorsqu'on leur demande lequel des deux gouvernements, à l'impôt sur le revenu des particuliers, a-t-il le plus de prélèvements, la plupart répondent: le gouvernement du Québec. Ou, dans les autres provinces... parce qu'on a fait des sondages qui se sont également vérifiés, cette question dans d'autres provinces, dans toutes les provinces, les gens spontanément répondent que c'est probablement la province, le gouvernement de la province qui doit lever le plus d'impôt sur le revenu des particuliers, sous-entendant – et on l'a vérifié aussi – que c'est la province qui a le plus de responsabilités.
Or, dans la réalité, c'est l'inverse. Et ça, ça a été une première constatation au niveau de nos travaux, qui a quand même été importante. Effectivement, présentement, le gouvernement fédéral perçoit l'impôt sur le revenu au Québec, impôt des particuliers au Québec, 58 %, laissant à la province la différence. Donc, si on résume, en gros, 60 % au niveau fédéral, 40 % au niveau du gouvernement du Québec, et c'est à peu près la proportion dans les autres provinces, même si les autres provinces n'ont pas d'impôt sur le revenu des particuliers, parce que, comme on le sait, le Québec est la seule province à avoir son ministère du Revenu.
Cette notion d'occupation du champ fiscal à l'impôt sur le revenu des particuliers est majeure et ça sous-tend toute la dynamique du déséquilibre fiscal. On doit reconnaître que le fardeau fiscal des contribuables, que ce soit dans la perspective canadienne ou la perspective québécoise, le fardeau est très lourd et tous les efforts pour assainir les finances publiques, réduire les déficits, que ce soit par tous les gouvernements, malheureusement, n'a pas réussi encore aujourd'hui à baisser le fardeau fiscal général de l'ensemble des contribuables à un niveau qu'on pourrait dire normal. Autrement dit, nous sommes encore surtaxés. Ce qui veut dire que le gouvernement fédéral, pour ne mentionner que lui, lorsqu'il dit que les provinces pourraient régler leurs problèmes financiers en décidant d'augmenter – elles, les provinces – leur impôt sur le revenu, tout de suite ça soulève une réaction.
On ne peut pas rester silencieux devant un tel argument parce que ça voudrait dire en pratique que si le gouvernement fédéral baisse quelque peu son fardeau fiscal – et il le fait, et le gouvernement du Québec aussi, et l'ensemble des gouvernements des autres provinces aussi, et chacun pourra juger si c'est suffisant ou pas, mais je pense que l'ensemble des contribuables souhaiteraient que ce soit encore plus significatif que cela – on ne peut pas accepter que l'un des deux gouvernements puisse penser régler la dynamique financière en suggérant à l'autre de cotiser plus. Parce que de toute façon, les impôts et taxes, et je l'ai dit tantôt, dans la perspective canadienne et québécoise – c'est quand même encore plus vrai au Québec – sont au plafond et ça va prendre encore plusieurs années d'efforts avant de ramener ce fardeau fiscal là ne serait-ce à quelque chose de plus raisonnable au niveau des contribuables, de sorte qu'il est inutile pour l'un des deux gouvernements de trouver sa solution dans simplement aller chercher plus d'impôts et taxes, puisque les contribuables ont atteint, et ça fait longtemps d'ailleurs, leur seuil presque d'intolérance vis-à-vis les impôts et taxes.Selon une étude de l'OCDE publiée en 1999, le Canada est celui où l'impôt sur le revenu des particuliers, lorsqu'on le compare à la progressivité du PIB, est le plus élevé au monde, atteignant 14,6 % de son PIB. Ce n'est habituellement pas le tableau qui est publié le plus souvent au Canada parce qu'on aime plus publier l'autre tableau qui fait état de la comparaison sur l'ensemble des collectes d'impôts et taxes au Canada par rapport aux autres pays membres de l'OCDE, les 21 signataires des accords fiscaux.
Mais, à ce seul chapitre, on doit être inquiet au Québec de constater que nous sommes les champions, et ça, qu'on soit contribuable tant au niveau de l'ensemble des provinces que strictement chez nous, on supporte au niveau du fardeau fiscal un seuil considérable. Alors, comme je l'ai dit dans ce contexte, il est assez étonnant d'entendre certaines personnes au niveau du gouvernement fédéral suggérer de régler le problème de financement au niveau des provinces par une augmentation des impôts et taxes. Il faut avoir vu la réaction récemment à une rumeur qui voulait que la TPS augmente pour financer peut-être la santé pour voir comment les réactions ont été vives.
L'occupation de l'espace fiscal soulève un autre problème parce que si nous sommes effectivement au plafond, on comprend que si le gouvernement fédéral occupe à lui seul 60 % de l'assiette fiscale, le gouvernement du Québec, lui, à 40 ou 41 %, ne peut pas espérer améliorer sa perception fiscale à moins que l'autre gouvernement, le gouvernement fédéral, renonce à une partie du champ qu'il occupe. Je viens d'expliquer que le recours à un autre espace fiscal n'existe pas, donc il faut qu'un des deux, et en l'occurrence le gouvernement fédéral, concède un transfert partiel ou, enfin, j'indiquerai un peu quelques pistes d'évaluation de cet espace, mais il doit céder un espace aux provinces.
Il est intéressant de mentionner, de faire un petit peu de retour sur l'histoire. On a oublié que l'impôt sur le revenu des particuliers au Canada s'est appliqué la première fois par la ville de Montréal en 1939. Je ne sais pas si des gens de la ville de Montréal sont ici, je ne voudrais pas leur inspirer des nouvelles pistes de taxation. Mais, effectivement, la première levée d'impôt, à titre de l'impôt sur le revenu des particuliers, s'est faite en 1939 par la ville de Montréal, qui a été suivie en 1940 par le fédéral qui a demandé aux provinces de lui transférer l'impôt sur le revenu des particuliers que la plupart des provinces pouvaient lever mais qu'en pratique elles levaient peu. Il est vrai que, dans ces années-là, l'impôt sur le revenu des particuliers, au niveau des provinces, était plutôt très faible. Ce n'était pas une source de revenus importante.
Le gouvernement fédéral, lors de la Deuxième Guerre mondiale, a donc négocié avec les provinces un transfert de la gestion fiscale par les provinces vers le fédéral, qu'on a appelé les accords fiscaux, de sorte que l'accord fiscal signé pour cinq ans permettait au gouvernement fédéral de directement lever des impôts et financer l'ensemble de ses dépenses quitte à remettre aux provinces signataires des ristournes qui ont été faites.
À la fin de la première période de cinq ans, le gouvernement fédéral a décidé de prolonger encore une fois ces accords de location de sorte qu'ils se sont prolongés avec des négociations pendant un certain nombre d'années, à toutes fins pratiques jusqu'en 1974, avec un sommet de négociations en 1971 et ensuite en 1974, de sorte que, à partir de 1974, le gouvernement fédéral est devenu, à toutes fins pratiques, le propriétaire du champ fiscal, malgré que les provinces commençaient à vouloir renégocier de reprendre, si vous voulez, la possession du champ fiscal qu'elles avaient consenti auparavant, et le fédéral, plutôt que d'accepter de rétrocéder l'administration, a préféré négocier un abattement de points d'impôt, c'est-à-dire que, rendu à un seuil où il était le seul à percevoir l'impôt sur le revenu des particuliers, il a commencé à consentir de retransférer des points d'impôt vers la province, non pas sous forme de montants d'argent mais sous forme que lui, le gouvernement fédéral, baissait son impôt fédéral de base cotisé, si vous voulez, à l'ensemble des contribuables par la déclaration fiscale, en invitant la province ou les provinces, si elles le souhaitaient, à remplir cet espace-là en imposant elles-mêmes le même point d'impôt cédé par le gouvernement fédéral.
Ce transfert de points d'impôt s'est effectué 11 fois et a façonné le système fiscal actuel où, en principe, l'impôt sur le revenu des particuliers, au taux maximum, est censé ne pas dépasser 50 % – imaginez, il atteint même 52,7 % – c'est-à-dire que, dans le fond, les deux ordres de gouvernement prélèvent à peu près chacun la moitié, 25 points ou 25 % au fédéral et 25 % au niveau des provinces. Et comme le Québec est le seul à percevoir un impôt sur le revenu des particuliers, comme on le voit, comme contribuable du Québec, on est censé vivre dans un système où les deux gouvernements partagent à peu près la moitié de l'impôt sur le revenu des particuliers. J'ai dit «en principe», mais, en pratique, ce n'est pas tout à fait ce qui s'est présenté. Mais, comme je l'ai expliqué tantôt, on a vu que, depuis une quinzaine d'années, le gouvernement fédéral a fini par occuper – et c'est l'évaluation qu'on fait aujourd'hui – plus à l'impôt sur le revenu des particuliers que la moitié. Ce transfert de points d'impôt est d'ailleurs bien visible dans les formulaires de déclaration fiscale du Québec. À titre d'exemple, l'abattement spécial du Québec que tous les contribuables du Québec qui font leur rapport d'impôts réclament, le fameux 13,5 %, comme abattement spécial de l'impôt pour diminuer l'impôt fédéral de base et que le gouvernement fédéral soustrait de la facture du contribuable de son impôt fédéral à payer.
Ce transfert par le fédéral – et c'est important de le resouligner pour qu'on comprenne cette clé d'explication du déséquilibre fiscal – ce transfert par le fédéral vers les provinces d'un espace fiscal ne s'est malheureusement pas réalisé dans son objectif qui a été de rendre le partage des revenus plus juste entre les deux ordres de gouvernement, et cela pour deux raisons, et je les donne brièvement. Malgré le transfert par lequel, en principe, le fédéral devait se retirer d'un champ fiscal au moins en partie pour permettre à l'autre ordre de gouvernement, les provinces et, en l'occurrence, chez nous, le Québec, d'occuper ce champ-là, les travaux de la Commission ont permis de constater que, dans les quelques années qui ont suivi chacun des transferts – et ils se sont répétés 11 fois de 1953 à 1971 – les recettes fiscales à l'impôt sur le revenu des particuliers du gouvernement fédéral ont diminué, faisant apparaître que, normalement, il se retirait, mais réaugmentaient après trois, quatre ans. On a pu établir que, aujourd'hui, le gouvernement fédéral, à l'impôt sur le revenu des particuliers, collecte sensiblement, en proportion de son PIB et de l'ensemble des ses recettes fiscales, le même montant aujourd'hui après transfert important de points d'impôt que ce qu'il collectait avant, comme si le transfert de points d'impôt avait peu d'effet sur sa capacité de réaliser année après année les mêmes recettes fiscales. Ça, je dirais que c'est un élément important de nos travaux à comprendre le déséquilibre fiscal. On réalise par ce phénomène qu'on n'est pas tout à fait dans un écart budgétaire passager, on est devant un phénomène un peu plus profond. C'est d'ailleurs ce qui nous a animés à suggérer des pistes de solution pour le redresser, pour reprendre un espace fiscal et, dans nos recommandations, vous vous en rappelez, on avait suggéré de rétrocéder aux provinces un espace fiscal.
Deux pistes qu'on a élaborées à ce moment-là, soit: des points d'impôt, qui est la méthode – excusez-moi l'expression – un peu classique, mais qui soulève, lorsqu'on voit que le gouvernement fédéral a pu de toute façon, avec sa capacité fiscale, récupérer les mêmes ressources, une mise en garde qu'on ne peut pas espérer réparer le défaut, le déséquilibre fiscal par le seul transfert de quelques points d'impôt, parce qu'on ne changera pas l'occupation du champ fiscal par les deux gouvernements, malheureusement jusqu'à un certain point en concurrence et non pas en harmonie vis-à-vis les intérêts du contribuable payeur de taxes, qui, lui, dans le bout, au fond du champ, voit deux systèmes venir le collecter, et vis-à-vis – et ça, on l'a entendu souvent en audiences publiques – deux systèmes qui ne sont pas en harmonie vis-à-vis de lui, le contribuable payeur de taxes, et il souffre peut-être le dédoublement ou le rapport de forces entre deux gouvernements, et lui en fait les frais, potentiellement.
Comme je l'ai mentionné, le PIB, malgré sa progression, malgré l'administration fiscale et les recettes fiscales, le gouvernement fédéral collecte aujourd'hui à peu près le même montant qu'il percevait avant les transferts, malgré que le montant de transferts en points d'impôt est fort important en pourcentage.
La deuxième raison est également assez étrange. Dans son calcul, à titre d'exemple, du programme TCSPS, c'est-à-dire Transfert canadien en santé et programmes sociaux, le gouvernement fédéral, actuellement, soustrait du montant qu'il doit verser aux provinces les montants que représentent aujourd'hui les points d'impôt qu'il a déjà transférés dans le passé. Prenons l'exemple suivant. Pour l'année fiscale 2001-2002, à la Commission, on a pu vérifier, à titre d'exemple, la formulation suivante pour le paiement du montant versé par le gouvernement fédéral au Québec. Les droits totaux pour le calcul de ce programme en santé et programmes sociaux – je pense, bien connu de vous toutes et tous – représentaient une somme globale aux fins du calcul de 33,5 milliards. La règle veut qu'on applique le poids démographique de la province. Donc, au Québec, à 23,9 %, ça aurait donné une somme de 8 milliards. Mais, de cette somme de 8 milliards qui correspondrait au montant à verser à la province de Québec, il faut soustraire deux abattements d'impôt, deux séries d'abattements: une première série, qui est égale à peu près à 13,5 de l'impôt fédéral de base, puis une deuxième qui est l'abattement spécial sur les déclarations d'impôt fédérales au Québec, de sorte que le chèque envoyé à Québec n'est plus 8 milliards, n'est plus 4, si on tient compte juste du premier abattement, mais de 1 800 000 000,95 $.
Malgré – et ça on a trouvé ça assez étonnant à la Commission – que la déclaration officielle du gouvernement fédéral est de dire qu'il a versé au gouvernement du Québec plus de 4 milliards. Et on a vérifié, en vertu de la Loi de l'administration financière, comment les comptes publics fédéraux et les états financiers et le budget du gouvernement fédéral en tenaient compte. On a été un petit peu surpris de constater que le gouvernement fédéral n'en tient pas compte dans ses livres, c'est-à-dire que le montant qu'il soustrait n'est pas comptabilisé. Parce que, dans le fond, il doit savoir que c'est une arithmétique qui n'est pas tout à fait conforme. Parce que, dans le fond, on ne peut pas avoir un montant qui, annoncé d'un côté, ne correspond pas au montant du chèque qui est versé. Cette façon de réduire la contribution financière du gouvernement fédéral, en la réduisant du montant de l'abattement pour impôt, est certainement... en tout cas, nous, on a trouvé que c'était une très, très grande curiosité, pour ne pas dire autre chose.
Deux mots importants sur le rapport du Conference Board: le premier, les études du Conference, j'ai entendu quelques commentaires à l'effet que, probablement, faire des études sur 20 ans n'était peut-être pas adéquat parce que c'est des longues périodes, le taux d'erreur est élevé, etc. Je dois dire que les profils fiscaux que la plupart des administrations publiques commandent, que ce soit le gouvernement fédéral ou la plupart des provinces ou d'autres instituts de recherche – je parle bien des profils fiscaux – sont toujours sur au-delà de 10 ans, et même préférablement 20 ans.
Il ne s'agit pas ici de faire un énoncé budgétaire pour prévoir, l'an prochain, des revenus ou des pertes ou des déficits; c'est simplement une analyse de tendances socioéconomiques pour voir, comme on le fait en matière fiscale, si, à des paramètres économiques relativement constants, quels sont les phénomènes qu'on est susceptible de voir dans trois ans, dans cinq ans, dans 10 ans.
Le Conference Board et nous sommes arrivés un peu à la constatation suivante: les surplus du côté du gouvernement fédéral sont présents depuis quelques années, ont totalisé dans les trois dernières années fiscales avant celle-ci à peu près 34 milliards. Cette année, on avait une projection faite par le gouvernement fédéral que son surplus pourrait atteindre 6 milliards. Il y a une semaine, on a entendu qu'il dépasserait probablement ce 6 milliards. Si on y ajoute les dépenses additionnelles en cours d'exercice, nous sommes à peu près au seuil de 10 milliards de surplus pour cette année.
Parce qu'il faut bien comprendre qu'il faut tenir des dépenses additionnelles qui n'avaient pas été annoncées avant et qui ont été annoncées en cours d'exercice comme étant, si vous voulez, une disposition des surplus qui existaient, mais qui ne finissent pas l'année fiscale en termes de surplus, mais qui sont passés aux dépenses durant l'année. Ça, je pense qu'on a bien compris, car on en tient compte dans l'évaluation du surplus potentiel.
Donc, l'ensemble des provinces, on l'a démontré dans nos études, ont un ensemble de dépenses à la hausse. À tout le moins, avec le Conference Board, et surtout en santé, il a été clairement entendu que l'ensemble des provinces – et c'est le cas particulièrement au Québec, avec le vieillissement de la population, avec un certain rétrécissement de l'enrichissement collectif – sont dans une situation où l'ensemble des revenus à partir de 2003 ne seront pas aussi en croissance que par le passé de sorte que, combiné avec des dépenses qui, elles, demeurent sous forte pression, le Québec va se retrouver bientôt, dans quelques années, en danger de déficit ou, à tout le moins, dans une perspective difficile, une marge de manoeuvre financière extrêmement réduite. Et toutes les évaluations concordent à ce point de vue, et on a arrêté notre période d'analyse en 2020.
Au contraire, le gouvernement fédéral voit les surplus continuer, et il va arriver que, des années, il y ait moins qu'anticipé ou qu'à d'autres, il y en ait plus. Il ne s'agit pas ici de faire un débat année après année, mais on a pu constater que la progression... Et je vais abréger, M. le Président, c'est un sujet extraordinaire où il n'y a pas de... on pourrait en parler longtemps. C'est pour ça que je vous ai dit au départ que me limiter à 10 minutes, c'est très difficile, mais je vais terminer assez rapidement en disant que, sur l'ensemble des revenus et dépenses, lorsqu'on fait une comparaison avec le fédéral et les provinces – et c'est le cas au Québec – qu'importe la finesse des statistiques que nous utilisons, les tendances à l'horizon apparaissent que, au Québec, la tendance, va certainement être, à chaque année, mettre le gouvernement du Québec dans une difficulté financière pour finir l'année sans déficit, alors que, du côté fédéral, les surplus vont continuer de croître et de s'accumuler de sorte que, dans 20 ans, la dette fédérale, qui est à peu près 580 milliards sera presque éteinte et celle du Québec atteindra, à la progression actuelle, à peu près 160 milliards. Donc, certainement pas une perspective très heureuse.
Le déséquilibre fiscal, on l'a évalué à 2 milliards, puis ce n'est pas rien que nous. Je souligne tout de suite que c'est le constat du Conference Board avec nous qui a évalué que la marge financière déficitaire du gouvernement du Québec dans les tendances actuelles, à partir des années 2004, 2005, serait de 1,8 ou 2 milliards. Donc, on estime que c'est le... Sans faire allusion aux autres efforts que le gouvernement doit faire pour maintenir une saine administration et un sain équilibre dans ses propres finances publiques, il devra faire un effort particulier d'au moins 2 milliards qui apparaît dans le phénomène du déséquilibre fiscal dès maintenant. Il va monter peut-être à 3 milliards pour atteindre 5 milliards à partir des années 2010.
Un mot sur la dette. On a dit dans notre document – et on l'a même souligné plusieurs fois – que la lutte au déficit avait été tellement difficile et que c'était tellement important qu'il ne fallait pas d'aucune façon revenir à cet état de situation, au contraire. Et on a voulu être tout à fait responsable à recommander ce qui nous semble être une certaine prudence dans les pistes de solution pour redresser le déséquilibre à l'effet qu'on ne souhaite pas, pour aucun des gouvernements, retourner au déficit, que ce soit celui du Québec ou celui du fédéral, et de tenir compte des circonstances financières, des disponibilités financières évidemment pour ajuster ce qui nous semblait être le correctif à faire, que ce soit par un nouveau partage des points d'impôt ou par un champ fiscal, que ce soit aux taxes à la consommation ou autres.
Mais, cependant, il semble d'ores et déjà acquis que le seul surplus de cette année, en tout cas si le gouvernement fédéral le voulait bien, pourrait lui permettre, certainement en partie en tout cas, d'amorcer un début de solution dans ce redressement en termes financiers.
En terminant, je dirais que j'aurais pu continuer évidemment à tracer ce grand tableau du déséquilibre fiscal, mais il me semblait important de réitérer une préoccupation, partagée par tous les membres de la Commission et certainement par moi au premier chef, qu'à tout événement, il faut penser aux payeurs de taxes, aux contribuables, aux citoyens et citoyennes. Le déséquilibre fiscal n'est pas une arithmétique intellectuelle désincarnée. Elle s'adresse à des individus qui paient des impôts et taxes et l'avenir de beaucoup de décisions en dépend. Et je pense que la perception de l'opinion publique a été telle – et je rappelle que, dans notre mémoire, on a publié un sondage que nous avions fait durant l'hiver dans toutes les provinces où l'opinion publique a partagé cette image – que, effectivement, le gouvernement fédéral bénéficie de surplus faits d'une manière un petit peu arbitraire par son administration fiscale dans l'ensemble des provinces et place les gouvernements des provinces dans une situation plus difficile, surtout en santé. De sorte que je ne peux que souhaiter – et c'est là d'ailleurs, je pense, que beaucoup d'intervenants, en audiences publiques l'avaient resouligné – que les gouvernements et, sans doute aussi, le gouvernement du Québec qu'on peut présumer qu'ils ont à coeur l'intérêt des contribuables, n'oublient pas que toutes ces décisions-là doivent être prises dans le sens des contribuables. Merci beaucoup.
M. Garneau (Richard): Alors, merci, M. Séguin. Et avant d'entendre M. Bussière, qui est directeur de la recherche au Conference Board du Canada, vous avez une quarantaine de minutes pour donner des commentaires ou poser des questions et vous manifester, tout simplement de la façon traditionnelle, c'est-à-dire en levant le doigt. Je sais que M. Charest a demandé d'abord d'être le premier à vous adresser la parole.
M. Charest: Merci, M. Garneau, M. le premier ministre, collègues de l'Assemblée nationale et participants. Nous aurons l'occasion plus tard, à la fin, les chefs de parti, de faire des commentaires. Je vais donc tenter de me limiter à la question d'information que je vais poser à M. Séguin parce que, dans les solutions qui ont été avancées, vous avez soulevé la possibilité d'un transfert de points d'impôt, vous avez soulevé également la possibilité d'un transfert de la TPS, et j'aimerais vous entendre sur une information qui me semble très importante dans l'élaboration des solutions, c'est-à-dire une précision sur les conséquences d'un transfert de points d'impôt seulement. Je crois que c'est très important que les gens sachent qu'un transfert de points d'impôt pour le Québec, ce n'est pas nécessairement à notre avantage. D'ailleurs, c'est très clair lorsqu'on consulte les autres gouvernements sur cette question-là. Ce n'est pas par accident que, par exemple, dans l'Atlantique, les gouvernements provinciaux sont très prudents sur la question du transfert de points d'impôt, parce que la taille de leur économie ferait en sorte qu'ils seraient au net perdants. Et la même chose pourrait être vraie pour le Québec. Nous, ça nous a paru une question très importante. Vous vous rappellerez, M. Séguin, dans le mémoire qu'on vous a soumis, qu'il nous paraissait très important de parler aussi d'un changement à la formule de péréquation qui sera négociée en 2004. Et puisque les sources de financement qui nous viennent du fédéral, c'est à la fois le transfert canadien pour la santé puis les programmes sociaux, c'est aussi les transferts de points d'impôt et c'est la péréquation.
Pourriez-vous nous dire si, effectivement, c'est important d'aborder les deux en même temps et nous dire quelles seraient les conséquences de simplement faire un transfert de points d'impôt?
M. Séguin (Yves): Sans rentrer dans toute la mécanique des deux scénarios, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral transfère, exemple, au Québec un certain nombre de points d'impôt qu'il réduirait de son impôt fédéral de base, il faut comprendre que, dans les deux scénarios, et le deuxième étant que, comme vous l'avez signalé, notre suggestion étant de, si vous voulez, rapatrier, si je peux dire, la TPS qui, pour, moi n'est pas nécessairement le meilleur des souvenirs, et ce n'est pas parce que je l'haïs qu'il ne faut pas mieux la contrôler. Je pense que, quoi qu'on puisse en dire aujourd'hui, cette TPS, elle est là, elle est gérée, administrée. Elle perçoit au Québec un certain nombre de revenus et, en fait, lorsqu'on l'examine, c'est qu'on se rend compte que, dans le fond, on remet au gouvernement fédéral à peu près l'équivalent près d'à peu près ce que lui devrait verser au Transfert canadien en santé et programmes sociaux et qu'il l'annonce lui-même qu'il verse, à peu près 4,8 milliards, qui est le chiffre officiel annoncé par le gouvernement fédéral de sa contribution, mais qui n'est pas le chèque qu'il envoie pour les raisons que je vous ai expliquées tantôt.
Dans le gros, la différence entre les deux, au-delà de cette équation un petit peu philosophique, c'est dans la mécanique. Il y a une grosse différence et, à la Commission, on a été très sensible à faire cette différence. Premièrement, si on négocie des transferts de points d'impôt ou qu'on négocie un transfert d'espace fiscal à la TPS ou à une taxe à la consommation ou s'il y en a dans cette salle qui pensent à d'autres champs fiscaux, comme l'impôt des sociétés, etc., il y a une dynamique qu'il faut tenir compte: c'est que, dans les deux cas, on abolit le Transfert canadien. Pour être logique, on ne peut pas demander au gouvernement fédéral de payer deux fois. Donc, dans les deux scénarios, on abolit le Transfert canadien, TCSPS, et on cherche à le compenser par des revenus similaires, 4 à 5 milliards. À l'impôt sur le revenu des particuliers, il faudrait donc que le gouvernement fédéral se retire à peu près à cette hauteur-là également pour que le Québec, lui, prenne cette place-là.
Mais ce qu'il est important de souligner, au-delà de cette mécanique d'impôt sur le revenu, puis déclaration, puis comment on va éliminer l'abattement, c'est que la plupart des revenus qui vont venir du premier scénario à l'impôt sur le revenu des particuliers ne viendront pas de nouvelles recettes fiscales, ils vont venir de la péréquation. La formule de la péréquation va automatiquement être ajustée par un transfert de points d'impôt, de sorte que 80 % du revenu qui va venir d'un accord, d'une nouvelle entente de transfert de points d'impôt va venir de la péréquation. Et, pour nous, on a estimé que ce n'était pas la meilleure piste d'avenir parce que, quoique la péréquation est un système pour lequel on a donné notre accord, notre appui pour qu'il soit maintenu, mais on a dit aussi qu'il fallait qu'il soit corrigé. Il y a beaucoup de lacunes dans le calcul de la péréquation et ça rend vulnérable le bénéficiaire de retomber à 80 % sur le seul programme de la péréquation pour avoir des revenus, un remplacement du Transfert canadien. Et c'est pour ça qu'on soulèverait un gros paradoxe de remplacer un accord relativement direct avec le gouvernement fédéral et les provinces qu'est le Transfert canadien en santé et programmes sociaux par un transfert de points d'impôt qui se paierait finalement par la péréquation.
On sait que la péréquation, à chaque année, maintenant plus qu'antérieurement, connaît certaines ratées dans ses calculs qui sont fort complexes. Alors, imaginez toute la fragilité à l'horizon. Deuxièmement, la péréquation peut être modifiée de temps en temps dans ses calculs, pas dans son principe, de sorte qu'il pourrait devenir très difficile d'avoir une source de revenus assurée dans un tel scénario quand on sait que, de plus en plus, la péréquation a une variabilité annuelle de plus de 30 % entre ce qui était prévu qu'on recevait et ce qu'on ne reçoit pas et ce qui est corrigé d'une année à l'autre, etc.
De sorte qu'on a préféré axer la discussion pour remplacer ce transfert canadien non pas par des points d'impôt qui seraient payés sous forme de péréquation, finalement, mais plus par un transfert véritable d'un espace fiscal. Et on a pensé qu'il était intéressant de regarder du côté de la TPS, qui est une taxe à la consommation qui, au Québec, est gérée par Revenu Québec. C'est-à-dire vous vous rappelez cet accord de 1991 par lequel le gouvernement fédéral a transféré la gestion de la TPS à Revenu Québec, qui collecte et remet au gouvernement fédéral tout près de 5 milliards par année et qui correspond à peu près à ce que devrait être le programme du Transfert canadien en santé et programmes sociaux.
Mais, si on y ajoute une certaine bonification pour revenir au niveau que devrait être potentiellement le Transfert canadien, qui est un niveau de 1993, c'est-à-dire revenir à peu près à 24 % des coûts de santé et sociaux supportés par les provinces... Il est actuellement remonté peut-être à 18 ou 19, mais il avait baissé à 14, hein. Mais, à l'origine, 1991-1992, il était déjà à tout près de 24 %. Et on a estimé qu'il était peut-être plus intéressant de travailler sur un véritable transfert de l'espace fiscal, quitte à dire au gouvernement fédéral que lui n'aura plus à verser le Transfert canadien. On a trouvé que c'était plus respectueux, finalement, du contribuable.
Parce que pourquoi, finalement, un des deux gouvernements irait collecter plus de surplus qu'il en a besoin simplement pour le remettre de toute façon dans un programme? Parce que c'est exactement ce qui se produit actuellement. Le gouvernement fédéral collecte des surplus, avec lesquels, en partie, il remplit son obligation de Transfert canadien qu'il retourne au Québec. Alors, c'est un genre de dédoublement et, ne serait-ce que là, on pense qu'il y a certainement une économie de moyens à penser qu'on pourrait passer à une façon plus directe en transférant aux provinces une meilleure autonomie pour qu'elles rencontrent elles-mêmes ce financement plutôt, et là, qui pourrait venir par le transfert de la TPS, qui correspond d'ailleurs, à l'ensemble des provinces, à peu près au même niveau qui est transféré.
Mais, sans rentrer dans le détail de ces calculs-là, je pense que la grande différence, c'est ça. C'est que, par un transfert d'un champ fiscal, il n'y a plus de péréquation, mais, le montant, il rentre par l'occupation que fait la province d'un champ fiscal. Si la province collecte la TPS à la place du fédéral, elle va collecter 5 milliards. Alors que, présentement, le 5 milliards est conditionnel au TCSPS, c'est-à-dire le programme fédéral santé et programmes sociaux. Puis, si on le remplace par des transferts de points d'impôt, on tombe sur un paiement de péréquation pour le montant de 5 milliards, et la péréquation, bien, avec tous ses défauts, risque de fragiliser le financement que la province souhaiterait certainement voir bonifier au cours des prochaines années, puis être à l'abri de l'arbitraire puis des renégociations à tous les deux ou trois ans. Alors, c'est un peu ça, je pense, qui est la grande différence entre les deux.
M. Garneau (Richard): Alors, vous avez des questions ou des commentaires? Ceux qui en ont, levez le doigt, s'il vous plaît. Il ne semble pas y en avoir beaucoup, pour le moment, en tout cas. Je pense que... Donc, tout le monde... M. Charest.
M. Charest: Une précision, parce que vous avez parlé, avec raison, de l'option de la TPS que je trouve intéressante. Mais, juste pour que les gens comprennent bien ce que je voulais dire et vous demander de confirmer, c'est que s'il y avait, si on devait avoir sur la table l'hypothèse de transfert de points d'impôt... et rappelons-nous que l'hypothèse que nous anticipons et que vous avez vous-même établie comme prémisse dans votre rapport, c'est que ce changement-là se fait dans le cadre de la Fédération canadienne, donc on n'est pas seuls, il y a d'autres gouvernements qui sont à la table. Donc, l'hypothèse de la TPS, elle est intéressante. Moi, je l'aime bien, je pense que ça vaut la peine de l'explorer. Mais il se pourrait très bien qu'on se retrouve, M. Séguin, avec l'autre scénario sur la table.
Et ce qu'il faut savoir, c'est que, pour des gouvernements, plusieurs gouvernements au Canada, un transfert de points d'impôt dans la forme actuelle, si ce n'était qu'un transfert de points d'impôts, ils sont financièrement perdants, donc ils vont résister à ce scénario. Et c'est possible que le Québec soit également perdant. Et ce que je voulais vous entendre dire ou commenter, M. Séguin, c'est qu'il ne saurait... pour nous au Québec en tout cas, l'hypothèse d'un transfert de points d'impôt n'est pas acceptable, à moins qu'il y ait des ajustements à la péréquation. Il faut absolument qu'il y ait des ajustements à la formule de péréquation, qu'on va renégocier en 2004, à défaut de quoi c'est une solution qui, selon toutes probabilités, serait perdante pour nous.
M. Séguin (Yves): Si je me permets un commentaire. Dans notre mémoire, au chapitre des recommandations, on a d'une part bien dit que les deux scénarios étaient tout à fait valables. On a exprimé, nous, un certain point de vue peut-être un peu plus favorable à la taxe à la consommation comme transfert d'espace fiscal, parce qu'on a éliminé toute la question de l'impôt sur les sociétés. L'impôt sur le revenu, c'est par des transferts de points d'impôt. Mais c'est faisable en transfert de points d'impôt, mais à certaines conditions. Il y a des balises probablement à mettre en place, qu'il serait un peu long à élaborer ici. C'est faisable, mais le danger principal, comme je l'ai mentionné, c'est qu'on retombe sur un paiement de péréquation pur et non pas sur des recettes véritables.
Et ce qu'on a voulu éviter en renégociant, si vous voulez, ces accords-là avec le gouvernement fédéral, qui est allé vers quelque chose de moins arbitraire, risque de faire revenir les provinces – le Québec en particulier – dans le même genre d'entente où il est à la merci, finalement, d'une formule de péréquation, que je n'ai pas eu le temps de vous parler ici, mais dont simplement écrire la formule en termes algébriques prend à peu près 85 pieds, donc probablement plus d'espace, M. Garneau, que vous auriez pu m'en donner. Je ne veux pas développer ce thème, on pourra, si vous avez des questions, mais la péréquation, c'est sûr que... Puis vous avez vu cette année, particulièrement, il y a plusieurs événements qui ont fait que le gouvernement fédéral, dans les calculs de montant partiellement avec le gouvernement du Québec, a eu à faire face à des surprises assez considérables, et le gouvernement du Québec aussi. Il y a des écarts dans la formulation des calculs fort complexes. Alors...
Le moins qu'on puisse dire sur tout ce débat-là, c'est que certainement que les deux avenues sont possibles, mais l'avenue du transfert, du champ fiscal à la taxe à la consommation, la TPS – on peut penser peut-être à d'autres possibilités, mais ça nous semble être celle-là qui est la plus simple, en tout cas – elle a peut-être aussi le mérite, qu'on n'a pas élaboré dans nos travaux mais que beaucoup de gens en audiences nous ont fait valoir, c'est que ça pourrait permettre aussi au gouvernement du Québec de reprendre un certain leadership, si vous me permettez l'expression, sur cette taxe-là qui lui échappe presque entièrement, puisqu'elle est, vous le savez, actuellement sous la gouverne du gouvernement fédéral qui est le seul au Canada à lever la TPS. Puis, remarquez que, depuis quelques mois, plusieurs ont commencé à trouver intéressante cette idée.
Peut-être qu'une combinaison, sans rentrer dans trop de technicités, on peut même imaginer une combinaison des deux. D'ailleurs, dans notre mémoire, on a dit que, dans les deux cas, il va peut-être falloir procéder par étapes. C'est plus facile à la taxe à la consommation jusqu'à un certain point que des transferts de points d'impôt, parce que si vous négociez un bloc de cinq points ou six points de points d'impôt, vous ne pouvez pas les faire appliquer par étapes, tandis qu'un transfert de champ fiscal peut se faire par étapes. Donc, ceci étant dit, nous, à la commission, on a dit que les deux pouvaient être tout à fait acceptables, mais chaque scénario a des avantages et des inconvénients.
M. Garneau (Richard): Alors, maintenant, M. le premier ministre.
M. Landry: Bien. Je dois donner un point de vue du gouvernement. L'hypothèse de la taxe de vente est très séduisante, plus séduisante pour bien des raisons.
D'abord, on la perçoit déjà, alors c'est extrêmement simple, là. Je ne parle pas juste des frais postaux d'envoyer le chèque à Ottawa, je parle de toute la mécanique que nous contrôlons parfaitement.
Deuxièmement, elle a une réaction immédiate à l'économie. On la reçoit tous les mois, ce qui n'est pas la même chose les divers impôts qui demandent des déclarations fiscales annuelles, et puis elle nous libère davantage de la péréquation. Ce qui équivaut à plus d'autonomie véritable, ce que tout le monde recherche, j'imagine, argent et autonomie.
Quant au transfert de points d'impôt, le passé est suspect, comme l'a bien démontré M. Séguin. Ça peut donner toutes sortes de fantaisies comptables à la Arthur Andersen. Mais, même en dehors de cela, on s'est rendu compte que quand il nous a transféré des points d'impôt, le gouvernement fédéral les a repris dans les trois ou quatre ans qui ont suivi. Ce qui, avec le mécanisme simple et presque mathématique comme la taxe de vente, ne serait pas possible. Alors, ça vous donne déjà le penchant du gouvernement, mais ce serait intéressant d'entendre tout le monde.
M. Séguin (Yves): Si je peux ajouter un bref commentaire, c'est qu'il y a un autre aspect qui n'est pas négligeable, qu'on a mentionné dans nos études, qu'entre les deux choix, les deux scénarios, il y a une économie d'échelle au point de vue administration publique assez intéressante. On peut imaginer que c'est une demande formulée depuis des années par plusieurs intervenants au Québec à l'effet qu'on simplifie la fiscalité, l'administration fiscale, qu'on évite de prolonger deux systèmes en concurrence dos à dos, mais qu'on revienne à une meilleure harmonisation.
Alors, il est sûr que cette idée de reprendre la TPS peut aider dans cet objectif de simplification et d'allégement administratif plutôt que de rester entre deux systèmes. C'est sûr que Revenu Québec, tant qu'à la gérer, va continuer à la gérer, mais va devenir décideur de l'ensemble de la politique fiscale à la TPS et il pourra continuer dans cette voie-là, selon les décisions des politiques fiscales du gouvernement du Québec.
De sorte qu'on a essayé d'évaluer sommairement un peu, au point de vue administratif, qu'est-ce que ça pourrait représenter. Et pour avoir été, dans une autre vie, au ministère du Revenu, je peux penser que – sans vous donner un chiffre très, très scientifique – ça serait assez considérable d'éliminer peut-être 50 % de l'administration reliée à ce genre de taxe en revenant avec un seul système plutôt que continuer dans les deux administrations combinées actuellement.
M. Garneau (Richard): Alors, il y aura d'abord M. Pellerin, ensuite M. Audet, M. Desharnais, M. Roy et M. Taillon. D'abord, M. Pellerin.
M. Pellerin (Laurent): M. le premier ministre, mesdames et messieurs. D'abord, un commentaire, si le gros de ce débat-là sur le déséquilibre fiscal semble porter sur la santé, l'éducation, les grandes dépenses gouvernementales, on a pu à l'occasion de la commission Séguin illustrer qu'il n'y a pas beaucoup de secteurs qui sont à l'abri de ces écarts-là, dont l'agriculture et, je pense qu'on a déposé des chiffres fort intéressants sur ce qui s'est passé depuis le début des années quatre-vingt-dix, le Québec ayant relativement maintenu son intervention en agriculture – légère baisse – et le fédéral ayant, de 1990 à 1995, réduit de 50 % son intervention. Alors, le Québec intervient maintenant pour près des deux tiers de l'intervention auprès du secteur agricole, agroalimentaire québécois, et le fédéral pour à peu près le tiers.
On est en train de négocier, de renégocier avec le gouvernement fédéral une entente pour les cinq prochaines années. Le gouvernement du Québec, les producteurs, on intervient auprès du gouvernement fédéral, auprès des autres groupes de producteurs canadiens parce qu'il y a aussi un cadre dans lequel ça doit se situer, cet accord-là. Et je peux vous dire que, en plus du déséquilibre, il y a des effets qui découlent de ce déséquilibre-là, entre autres quand l'argent est à un endroit, puis il faut aller le chercher pour le transférer, il y a des conditions qui sont attachées à l'argent aussi. Dans le système de santé, ça, on peut les comprendre assez facilement ces conditions-là: accès pour tout le monde, gratuité; pas qu'on le débattra pas très longtemps, je pense qu'on accepte ces conditions-là. Dans d'autres domaines, quand les conditions vont jusqu'à former le cadre des programmes qu'on doit appliquer, les lier et de retenir le versement d'argent, si la livraison de certains programmes n'est pas comme on l'a souhaité ailleurs, ça devient assez problématique. De sorte qu'aujourd'hui, au Québec, on est dans une situation où les chèques pour les autres provinces sont partis vendredi dernier et que le Québec, on n'a pas encore terminé la négociation d'une entente particulière pour le Québec. Quand les versements auront lieu au Québec? Aucune idée, alors que les solutions ou les formules que vous proposez, que ce soit des points d'impôt ou de TPS, pourraient permettre de gérer d'une façon plus autonome une certaine partie de ces argents-là. Santé, je le dis, ça va de soi, éducation et d'autres grands secteurs, mais aussi pour des secteurs auxquels on ne pense pas nécessairement, qui ont à vivre ces difficultés-là. Il y a un délai dans un temps qui est souvent très néfaste.
Alors, si ces solutions-là que vous avancez pouvaient aider à résoudre une partie de la problématique, d'abord des conditions qui, dans certains cas, vont nous obliger à démanteler ou défaire des façons de faire qu'on a au Québec que d'autres provinces ont choisi de ne pas faire, soit, on n'a pas de problème avec ça. Ils ont leur façon de procéder. Au Québec, on a les nôtres qu'on a développées ensemble par consensus, et on va être obligé de les modifier parce que l'entente nous oblige à le faire. C'est d'ailleurs pour ça que le Québec ne signe pas l'entente puis que les producteurs sont d'accord aussi pour que l'entente ne soit pas signée, mais il y a une problématique qui là, peut-être qu'avec vos solutions, nous aiderait à avancer un petit peu plus.
M. Garneau (Richard): Alors, merci, M. Pellerin. M. Audet maintenant, qui sera suivi de M. Desharnais, de M. Roy, M. Taillon et de Mme Labrie.
M. Audet (Michel): M. le premier ministre, je m'excuse de ma voix. J'avais un commentaire un petit peu à l'égard de l'historique que nous a raconté M. Séguin, peut-être un commentaire que je me permettrai, ayant été très actif, dans les années passées, au ministère des Finances, dans cette négociation des arrangements fiscaux, et mon deuxième point va porter sur justement la mécanique, un peu plus.
Très brièvement, quand vous avez parlé des années antérieures, je me souviens parce que j'y étais, j'étais responsable de représenter le Québec à cette table, en 1975-1976, on a eu une grande conférence fédérale-provinciale et une conférence nationale qui a duré une année, justement pour projeter les dépenses de revenus et de dépenses entre les provinces et le gouvernement fédéral pour les prochaines années. Ça a donné lieu... Et les provinces se plaignaient, auparavant, que les dépenses... et le fédéral partageait 50 % des dépenses et les provinces, dont le Québec, se plaignaient que c'était très tatillon puisque ça enlevait toute flexibilité, étant donné qu'on approuvait... le fédéral vérifiait chacune des dépenses et nous payait 0,50 $ dans la piastre. Donc, on a profité de ces dépenses-là, on a profité des revenus. Ça a donné lieu à un transfert fiscal effectivement. Le problème du transfert fiscal, c'était... le Québec a eu six points d'impôt, comme toutes les autres provinces. C'est pourquoi c'est passé de 22 à 16, ces fameux points dont vous parliez tantôt.
Ce qui se passe, c'est qu'un point d'impôt, au Québec, ça rapporte environ 200 millions, de mémoire, ça rapporte 450 millions en Ontario, et chacune des provinces, évidemment, n'a pas la même richesse. Donc, ça doit être ramené... Et ça, il n'y a pas de lien entre la dépense et le transfert, d'où la formule... l'importance d'avoir une péréquation et aussi d'où l'importance – et c'est mon deuxième commentaire – que la formule qui va être proposée, soit applicable à toutes les provinces. Et c'est ça que je me suis demandé: Est-ce que vous avez vérifié avec les autres provinces pour assurer que la formule que vous mettez de l'avant soit applicable ailleurs, puisqu'on peut se mettre tous d'accord qu'on manque tous d'argent, mais si on n'est pas d'accord pour aller au deuxième but sur la formule utilisée, je pense que ça ne fera pas une partie très longue.
M. Séguin (Yves): Alors, deux questions. À la première, à savoir comment interpréter, si vous voulez, l'évaluation d'un point d'impôt qui est le sujet de la conversation et d'ailleurs même de nos débats, parce qu'on parle beaucoup du transfert fiscal, que ce soit en partie plusieurs points d'impôt ou tout un bloc comme la TPS ou une partie de la TPS, il y aura toujours une évaluation à faire des points d'impôt ou du champ fiscal que l'on concède et, au niveau de la Commission, on fait la nuance suivante: c'est qu'il faut faire attention que le même point d'impôt ne peut pas s'évaluer simultanément de façon différente et pour le fédéral et pour, exemple, au niveau d'une province. Un point d'impôt au fédéral, vous le savez, c'est environ 1 milliard, hein, parce qu'il y a à peu près 100 milliards d'impôt. Alors, un point, c'est 1 %, donc, faites le calcul, tandis qu'au niveau des provinces, c'est vrai que c'est différent. Mais on évalue par rapport à l'assiette fiscale, une seule, toujours la même, comme référence aux fins des calculs. Et vous avez été un fin négociateur à l'époque, vous savez qu'il suffirait probablement, dans cette perspective, de négocier, exemple – et, probablement, c'est ce qui arrive en pratique maintenant: présentement, au moment où on se parle, c'est qu'on préfère utiliser le point d'impôt dans l'assiette fédérale comme référence de calcul, puis on détermine après coup qu'est-ce que ça impliquerait au niveau de la province ou des autres provinces, parce que chaque province peut avoir un impact différent, et on ajuste en conséquence.
Deuxième question. Vous allez me la... Pouvez-vous me la répéter, là?
M. Audet (Michel): Non, mais c'est que je vous avais demandé si vous aviez vérifié avec les autres provinces... Il y avait une discussion pour voir si la formule proposée était applicable partout ailleurs.
M. Séguin (Yves): Au niveau du mandat de la Commission, on n'a pas fait d'échanges officiels avec les autres, ce n'était pas dans notre mandat et ce n'était pas dans nos attributs de le faire. On a eu des échanges informels, on a eu des correspondances informelles, on a eu de l'intérêt exprimé informellement par à peu près l'administration publique de toutes les autres provinces. On n'a pas non plus suggéré cette avenue-là comme simplement la seule solution, on a simplement suggéré à cette idée des transferts de points d'impôt une autre avenue qui ne remplace pas la première et, pour les raisons que j'ai expliquées tantôt, qui peut présenter des avantages ou des inconvénients différents. On a voulu simplement avoir plus large que simplement dire qu'on va transférer des points d'impôt, puis il suffirait de les calculer de période en période pour savoir si c'est quatre point ou cinq points ou six points. On a fait valoir...
D'ailleurs, plusieurs chercheurs s'interrogeaient à savoir si, au lieu de négocier des points d'impôt isolément, est-ce qu'il n'y a pas un transfert d'espace fiscal. Lequel? Si vous excluez l'impôt sur le revenu, vous le savez, M. Audet, on parle de l'impôt des sociétés. Or, c'est encore plus problématique à l'impôt des sociétés, étant donné que c'est le gouvernement fédéral qui est le grand maître d'oeuvre à l'impôt des sociétés, les provinces étant de petits cotiseurs, si je peux dire, à l'impôt des sociétés, particulièrement au Québec, un des taux les plus bas au Canada. Alors, vous voyez tout de suite que là l'arrimage serait d'une complexité inouïe, et peu d'intérêt pour la province, de sorte qu'il reste les taxes à la consommation, et la seule taxe à la consommation actuellement où on peut faire ces réflexions-là... Puis je dis bien qu'on est encore au niveau, nous, en tout cas, au niveau des travaux de la Commission, c'est une piste de solution qu'on a suggérée, c'est à l'effet qu'on devrait regarder, effectivement, dans ce champ-là de taxation, où je me souviens très bien d'ailleurs d'avoir lu en 1993, sous la signature de M. Jean Chrétien, à l'époque en campagne électorale, tout un document explicatif qu'il trouvait que c'était la façon, s'il prenait le pouvoir à ce moment-là, de retransférer vers les provinces une meilleure autonomie financière, donc de leur transférer la TPS. En 1993! Alors, l'idée n'est pas totalement neuve.
Remarquez que le gouvernement fédéral a changé d'avis et le gouvernement Chrétien a changé d'avis par rapport à ce qu'il pensait, avant d'aller au gouvernement, de la TPS, puisqu'il avait promis qu'il l'abolirait. Mais, aujourd'hui, elle est là et puis elle continue. Alors, elle ne fleurit pas autant qu'on l'avait souhaité à l'époque pour la recommander. mais elle est là, et puis moi je pense que c'est raisonnablement un champ fiscal qu'il faut regarder.
Mais, comme j'ai voulu répondre tantôt à M. Charest, qui m'a demandé un petit peu... par rapport entre les deux scénarios, je dirais qu'on peut imaginer techniquement peut-être d'autres combinaisons. Ça peut être, dans le fond, sur les deux fronts que des discussions peuvent peut-être se faire, parce qu'il est entendu qu'il faudra imaginer une période d'étapes pour parvenir à cette réorganisation, tout ne se fera pas d'un seul bloc dans la même année. D'ailleurs, c'est ce qui rend difficile toute ingénierie fiscale, vous le savez, parce que, sur une année fiscale de 12 mois, la mise en marche de ces systèmes est fort complexe, comme la TPS elle-même, en 1991 a nécessité pendant des années une ingénierie qui ferait pâlir l'ingénierie suisse, qui trouverait que c'est beaucoup plus élaboré là que dans leurs montres célèbres.
M. Garneau (Richard): Merci. M. Desharnais.
M. Desharnais (Renald): Oui. M. le Président, M. le premier ministre, Mmes et MM. les parlementaires, chers collèges participantes et participants, je crois qu'on ne doit pas oublier le point de départ de la rencontre d'aujourd'hui. La tenue, c'est le Forum sur le déséquilibre fiscal. Il y a un manque à gagner de quelque chose comme 2 milliards par année, et notre objectif, c'est de faire entendre raison au gouvernement fédéral. Aujourd'hui, on a un pas de plus à faire que ce qui a été fait, ce qui n'est pas rien.
Il y a un consensus qui s'est dégagé à l'Assemblée nationale, il y a un consensus qui s'est dégagé aussi à l'échelle des premiers ministres, des différentes provinces et aussi des ministres des Finances des différentes provinces. Les 18 000 membres que je représente, qui sont des professionnels qui travaillent dans les différents ministères et organismes du gouvernement du Québec et dans une vingtaine d'établissements des réseaux de la santé et de l'éducation, sont vraiment aux prises avec la situation budgétaire qu'on vit.
On est littéralement asphyxié. Nous manquons de ressources pour réaliser les missions des différents ministères. Mes membres, mes professionnels qui travaillent au ministère de la Sécurité publique, ont de la difficulté à appliquer la loi n° 184 que l'Assemblée nationale a adoptée en juin dernier. Pourquoi? Parce qu'à un moment donné, une loi peut s'appliquer dans la mesure où les ministères ont les ressources. C'est la même situation dans les différents ministères, comme de l'Environnement, aux Ressources naturelles – ce n'est pas rien ce qu'on fait là-bas, on gère la forêt publique – dans d'autres ministères comme le ministère de la Culture.
Je vais faire un commentaire sur une affirmation que faisait M. Séguin qui disait: Le surplus que le fédéral est en train de dégager cette année est assez mince, c'est 6 milliards, peut-être 10 milliards. Et là, avec 10 milliards, oui, éventuellement, il pourrait, comment dire, donner ce que les provinces réclament pour être capables de s'acquitter de leurs responsabilités.
Le problème qu'il y a là-dedans, c'est que la situation budgétaire du gouvernement fédéral est aussi le résultat de ses engagements, de ses empiétements dans les champs de compétence des provinces. Et moi, je pense que la tenue du Forum d'aujourd'hui, on ne doit pas recommencer le Forum – pas le Forum, mais la commission Séguin – les discussions que nous avons eues à ce moment-là, mais plutôt faire un pas de plus au niveau politique pour s'assurer d'une affirmation politique que le 1,8 milliard ou le 2 milliards, nous le voulons, et la société civile va prendre les moyens pour se faire comprendre du gouvernement fédéral. Je crois que c'est le principal enjeu et objectif du Forum que nous tenons aujourd'hui et demain. Je vous remercie.
M. Garneau (Richard): Alors, je vous signale qu'il reste environ une douzaine de minutes et nous avons encore cinq intervenants: d'abord, M. Roy, qui sera suivi de M. Taillon, de Mme Labrie, de Mme Carbonneau et de M. Brisson. M. Roy.
M. Roy (Jean): Alors, en l'absence de notre présidente, Mme Hamalian, et à titre de représentant de la Fédération québécoise des professeurs et professeures d'universités, je voudrais vous signaler que nous partageons bien sûr le constat général; nous y avons participé au moment des assises de la commission, participons aussi à ce désir d'une solution rapide, sommes préoccupés, bien sûr, des enjeux d'un partage éventuel puis des arbitrages qui vont devoir jouer à ce moment-là, au cas où la solution rapide qu'on recherche manifestement ici serait trouvée, ou en tout cas qu'on en trouverait l'amorce dans l'espace qu'on occupe ici, du triptyque santé-famille-éducation.
C'est certain qu'il y a des besoins plus criants; on en voit le poids pressant dans les médias. Et donc c'est certain que l'éducation en général, l'enseignement supérieur en particulier, je crains en tout cas que cela risque de passer ou d'être relégué au second plan, d'autant qu'il y a une certaine vision réductionniste de la santé qui a tendance à nous la faire voir seulement dans les hôpitaux ou dans les salles d'attente. La santé, à mon avis, c'est aussi l'environnement, c'est aussi l'agriculture, c'est aussi le loisir. Je pense qu'il faut s'en donner une définition assez large.
En venant maintenant, si j'en viens maintenant à la question que je veux soulever – parce que ce sera une question – mes souvenirs de Samuelson sont bien anciens et, comme spécialiste en didactique des sciences de l'éducation, la question de savoir s'il faut y aller par points d'impôt ou par TPS est pour moi une question qui est à un niveau qui est très au-delà de ma patinoire habituelle. Je vous demanderai, la chose avait été signalée par notre Fédération, le questionnement est revenu dans les médias à la suite de la publication du rapport de la Commission et c'est autour... en rapport avec les aspects tout de même ou certains aspects tout de même négatifs de la solution TPS.
Je comprends qu'elle soit élégante, je comprends que la solution points d'impôt comporte certains risques, que l'histoire nous en inquiète, mais on avait soulevé la question de la «régressivité» possible du choix de la solution TPS, d'une solution qui passe par la taxation. Alors, il ne manque pas de professeurs ici pour nous rassurer peut-être sur le fait que cette solution vers laquelle on semble s'orienter n'ait pas cet impact négatif qui serait indésirable pour les contribuables.
M. Séguin (Yves): Un bref commentaire. Lorsqu'on parle de taxe à la consommation, vous avez tout à fait raison. Une taxe à la consommation est plus régressive que probablement notre système actuel d'impôt sur le revenu. Cependant, la TPS et la TVQ existent et fonctionnent actuellement. Et on cumule, on paie déjà au-delà de 15,2 %. Je ne crois pas que le fait qu'un seul gouvernement comme celui du Québec puisse, au-delà du fait qu'il administre déjà la TPS qu'il reverse à la fin d'année au fédéral qu'il en devienne un peu le maître d'oeuvre, je ne crois pas que ça aille dans le sens de surélever le fardeau fiscal. Au contraire, on pourrait souhaiter... Mais là, je dépasse un peu, comme vous, la patinoire qui était la mienne au niveau de la Commission. Je ne peux pas présumer des intentions du gouvernement, mais on peut penser qu'un gouvernement à Québec, qui reprendrait la maîtrise d'oeuvre de cette taxe, pourrait développer des politiques fiscales, que ce soient des taux variables, des assiettes variables, comme d'autres pays l'ont fait avec ce genre de taxe. Ça, ça dépendra des représentations que tout le monde fera à ce moment-là et ça, ça fait partie des politiques fiscales. Mais, présentement, de toute façon, le gouvernement du Québec n'a pas le choix. Il n'a aucune prise de décision sur ce volet-là de la TPS de toute façon et il n'a qu'à la gérer et remettre les argents à la fin de l'année.
M. Garneau (Richard): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup. M. le premier ministre, M. le Président. Alors, M. Séguin, le rapport sur lequel vous fondez, dans le fond, vos recommandations, la projection du Conference Board, prévoit des excédents fédéraux pour les deux prochains exercices 2003-2004, 2004-2005, autour, là, de 2 milliards, deux milliards et demi de dollars. Vous recommandez donc de transférer aux provinces 8 milliards à court terme. Est-ce que je dois comprendre que cette recommandation-là pourrait placer le fédéral en déficit et c'est pour ça que vous avez dit: il ne faut jamais – dans une autre recommandation – placer le fédéral en déficit, et, si vous me dites oui, est-ce que ça veut dire que le transfert de TPS se ferait graduellement?
M. Séguin (Yves): ...dernière phrase.
M. Taillon (Gilles): Est-ce que le transfert de la TPS, si on recourait à cette formule-là, se ferait à ce moment-là graduellement?
M. Séguin (Yves): Bien, on a exposé d'ailleurs dans notre dernier chapitre de notre mémoire exactement tout ce point de vue là dans le sens suivant. L'évaluation que l'on fait de l'écart financier dû au déséquilibre fiscal à peu près 1,8 ou 2 milliards, arrondi, pendant un certain nombre d'années et après une certaine croissance qui est due finalement au solde budgétaire négatif du Québec qui va aller grandissant, sa correction va certainement passer par une certaine étape pour arriver à réétablir, si vous voulez, le seuil que, nous, on estime être déséquilibre zéro. Parce que si vous avez lu notre rapport, tout notre équation tient au fait, dans la définition du déséquilibre fiscal, qui est d'éviter ou enfin permettre au Québec comme toutes les autres provinces, d'éviter une certaine dérive dans ses finances et réajuster en conséquence. De sorte que, sans rentrer dans le détail de tout ça, ça veut dire ceci, ça veut dire qu'on a estimé qu'il y avait un manque à l'ensemble des provinces de 8 milliards dans le temps. Au Québec, on a estimé le déficit ou le déséquilibre fiscal, je devrais dire pour ne pas se tromper avec le déficit budgétaire, là, mais c'est très conséquent un dans l'autre, environ 2 milliards. Donc, les méthodes qu'on a suggérées, que ce soit un transfert de points d'impôt, vont d'ailleurs de toute façon devoir se faire sur un certain nombre d'années. Alors, on ne peut pas envisager, dans la mécanique de l'administration fiscale, d'aborder ces sujets-là même dans leur côté pratique très rapidement.
Deuxièmement, on a bien dit dans le... On a été très clair dans ça, même au début dans la première publication de nos documents de juin, et, moi-même comme président de la Commission, je l'ai répété souvent, qu'il n'était pas question de faire aucune demande qui obligerait le gouvernement fédéral à retomber dans le déficit ou suggérer des choses qui l'amèneraient carrément en déficit. Je pense que la période de lutte au déficit a été une période difficile, a été nécessaire, elle a été faite avec succès d'ailleurs, et il n'y a personne, je pense, qui souhaite qu'on retourne dans ces équations-là. Et je pense que, au contraire, on a fait preuve de beaucoup d'esprit de responsabilité à dire que, selon les disponibilités qui apparaîtront à l'horizon... Puis d'ailleurs, on a eu une prudence et le Conference Board aussi à faire les évaluations des surplus d'une manière, en tout cas, plus conservatrice que ce qu'on a vu finalement. Et cette année – comme je le disais tantôt – on va probablement voir apparaître des surplus un peu plus importants que ce qu'on avait estimés déjà. Et on n'a pas révisé, pour autant, le point de vue, parce que, bon, sur quelques années, vous allez admettre avec moi, que, à une tendance qu'on veut voir un peu l'historique, on est conscient qu'il y a certaines années, il n'y en n'aura pas autant qu'on a estimé, de surplus, puis, à d'autres années, il y en aura peut-être plus, mais c'est la moyenne un peu, c'est la tendance qu'il faut regarder. Et il nous semble tout à fait raisonnable de dire que, effectivement, les accords devront tenir compte des disponibilités financières des uns et des autres et faire sorte que ça aille par étapes. De là, qu'entre les deux scénarios, il y en a un qui est plus facile que l'autre pour envisager un calendrier, si on veut, ou une transition. Mais, ça, c'est des considérations peut-être un petit peu administratives et techniques qui n'ont rien à voir avec le principe en cause.
Mais, pour répondre à votre question, oui, c'est très clair qu'au niveau de la Commission, on a voulu que nos recommandations soient tout à fait responsables et soient à l'intérieur des disponibilités financières, d'ailleurs, des deux gouvernements. M. Garneau (Richard): Merci. Alors, il y aura d'abord Mme Labrie, Mme Carbonneau et nous allons terminer cette première intervention avec M. Brisson. Ensuite, nous allons passer au Conference Board avec M. Bussière. Alors, Mme Labrie.
Mme Labrie (Vivian): Oui. M. Séguin, j'ai une question d'éclaircissement. C'est une question de colonnes de revenus et de dépenses, là. Alors, ça va comme suit: Dans les deux méthodes possibles dont on parle, celles de récupérer des points d'impôt ou une marge de manoeuvre du côté de la TPS, est-ce qu'il a une différence dans la possibilité de dépenser ensuite, c'est-à-dire dans les choix budgétaires? Puis je vais circonstancier un petit peu ma question. On a évoqué, depuis le début de l'après-midi, l'utilisation de ces fonds-là pour les services communs: santé, éducation, famille, hein. Maintenant, il y a toute une autre fonction de l'État, là, qui est la redistribution de la richesse. Puis à supposer qu'au Québec on se placerait dans une situation de redistribuer mieux la richesse, de réduire les écarts entre nous autres, d'agir sur la pauvreté – c'est quand même un dossier important cet automne, peut-être même de le faire plus que dans d'autres provinces – est-ce qu'il y a une des deux hypothèses qui est plus intéressante ou plus efficace dans une perspective comme ça d'une société avec moins d'écarts?
M. Séguin (Yves): Bien. Je me rappelle que quand vous étiez venue en audiences, ça avait été d'ailleurs un sujet de discussion. Ça me permet de... Votre question me permet de dire deux choses. La première, c'est que, si on fait une comparaison entre les deux systèmes, je suis obligé d'admettre que le deuxième scénario la taxe à la consommation, la TPS, il a l'avantage d'être clair, précis et net. Il y a beaucoup de gens qui nous ont dit ça que ça éviterait d'être devant la situation où un gouvernement pourrait récupérer des sommes par quelques négociations ou discussions avec le fédéral, mais, lui, bénéficiaire ne s'engagerait pas, après coût, à rediriger ces fonds-là d'une manière certaine vers les services publics qu'il a voulu mieux soutenir comme la santé et autres. Ça, on a entendu ça beaucoup en audiences publiques et ça fait partie de nos constatations d'ailleurs. Et c'est ça qui nous a fait dire aussi que le deuxième scénario, toute cette question de la TPS, aurait un mérite, parmi d'autres, d'être beaucoup plus imputable pour le gouvernement s'il va dans ce sens-là.
Deuxièmement, c'est tellement clair et direct que ça pourrait même peut-être permettre au gouvernement d'identifier, s'il le veut, mais, ça, ça n'appartient pas à la Commission, dans son mandat, de l'élaborer. Ça fait partie des politiques fiscales que le gouvernement réfléchit et qu'il fait, mais ça pourrait permettre de mieux identifier le pourquoi de cette taxe vers des services qui sont plus identifiés que simplement être versée au Fonds consolidé à titre de l'impôt collecté à l'ensemble de l'impôt des individus. C'est sûr que quand on joue sur les points d'impôt... d'ailleurs il y aura une annonce... si ça se faisait où vous verriez, d'un côté, le gouvernement fédéral annoncer que, lui, il baisse son impôt sur le revenu des particuliers au Québec, obligeant automatiquement le gouvernement du Québec, lui, par le transfert de points d'impôt, à annoncer aux mêmes contribuables que lui, dans sa sagesse, les augmente d'autant. Et même si tout le monde ici, après une séance de travail, était convaincu que c'est ce qu'il fallait faire puis que c'était équitable, puis que ça avait beaucoup de bon sens, je suis convaincu qu'en dehors de cette salle il n'y a pas beaucoup de citoyens qui vont comprendre ça puis ils vont dire: Bien, Ottawa baisse puis Québec augmente ses impôts. Donc, le contribuable, il va avoir l'impression d'être pris dans ce piège, si je peux dire et c'est pour ça que de rendre plus dédié un effort fiscal apparaît plus une taxe à la consommation présentement.
D'ailleurs, il y a beaucoup de suggestions qui circulent dans plusieurs milieux pour faire des réformes fiscales, puis on pointe plus dorénavant les taxes à la consommation. Certains suggèrent qu'il y ait des taux plus élevés sur des biens de luxe, puis des taux moins élevés pour des biens de nécessité courante, etc. On tombe dans tout un autre chapitre. Mais pour répondre à votre question, c'est sûr qu'à moins de faire énormément de réformes à l'impôt sur le revenu des particuliers, dans le système actuel, le citoyen risque de ne pas, lui, se rendre compte de toute cette mécanique qui ferait que le gouvernement du Québec, à titre d'exemple, s'il récoltait cinq ou six points d'impôt transférés par le gouvernement fédéral dans une très belle entente, en pratique, dans son formulaire, va-t-il vraiment réaliser cette... Mais là, ça, ça appelle aussi à la façon avec laquelle le gouvernement pourra l'expliquer, et ça, ça lui appartient. Mais il n'y a aucune façon très scientifique d'être assuré. On est dans un système – d'ailleurs il faut le rappeler – d'autocotisation même si ça devient de plus en plus difficile de faire un rapport d'impôts, mais c'est le contribuable qui vit dans un système d'autocotisation, puis on n'a pas de fonds dédié.
Les fonds sont collectés et gérés par un gouvernement qui est élu démocratiquement. Il y a beaucoup de gens qui ont répété ça aussi en audiences qu'il ne fallait quand même pas obliger le gouvernement d'avance à investir dans des programmes, ce qu'on appelle des fonds dédiés, parce que, dans le fond, on vient de court-circuiter la démocratie dans le sens que si on élit des gens, Parlement, etc., c'est quand même pour leur laisser un minimum de marge de manoeuvre dans les choix. Ils en répondent devant l'électorat et on n'a pas voulu, à la Commission, ouvrir ce chapitre-là sur ces questions de fonds dédiés, d'obligations. Déjà, on est satisfait que la loi sur la réduction de la dette, les versements sur la dette existent et vont peut-être continuer. On pense que c'est au gouvernement à répondre de ses choix comme dans toute administration, et d'ailleurs on n'a pas exigé la même chose ni non plus du gouvernement fédéral parce que ça appartient au Parlement de le décider.
M. Garneau (Richard): Nous allons dépasser de quelques minutes, une fois n'est pas coutume. Mme Carbonneau et M. Brisson pour terminer cette première intervention.
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, M. le Président, Je serai très brève quant à moi. Je vous avoue que, quand je me suis inscrite, c'était d'abord, comme d'autres intervenants l'ont souligné, qu'on ne perde pas de vue ce qui m'apparaît être l'objectif fondamental de ce Forum, l'importance de financer adéquatement la santé, l'éducation, la famille. C'est tout à fait majeur et quant à moi de l'exposé, résumé, que vous avez fait, ce que je retiens principalement, c'est qu'il s'agit vraiment d'un problème qui n'est pas passager, qui a vraiment une base structurelle et que, quelle que soit la solution qui soit envisagée, elle n'est pas de l'ordre de rechercher un montant qui, cette année, pourrait être là, l'année prochaine être un peu moins au rendez-vous mais appelle vraiment quelque chose de beaucoup plus fondamental: un partage des champs d'imposition. Je considère qu'on doit vraiment réaffirmer très largement ce consensus, c'est le départ pour se mettre en route.
Par ailleurs, j'entendais tantôt la question que M. Taillon vous posait concernant une réaffirmation de la volonté de ne pas replonger le gouvernement fédéral vers des déficits. Vous avez évoqué, à juste titre, que les surplus du fédéral sont faits sur des prévisions somme toutes très conservatrices. Nous partageons, à la CSN, ce point de vue là et j'ajoute en outre que, quant à moi, ce qui est questionné aussi dans les marges ou les disponibilités dont bénéficient le gouvernement fédéral, c'est aussi ses choix politiques, ses choix de dépenses, que ce soit la diminution des impôts et surtout cette volonté qu'on sent d'occuper des champs de juridiction fédérale. Mais, pour moi, l'essentiel, c'est vraiment de sortir de cette journée avec une conviction partagée par tout le monde, qu'il y a là un problème important, un problème structurel qui ne peut pas être traité à la légère et qui ne peut pas souffrir d'une solution variable au fil de la conjoncture.
M. Garneau (Richard): Merci. Alors, M. Brisson.
M. Brisson (Nicolas): Oui. Merci de m'avoir invité à cet important Forum. Pour la Fédération étudiante universitaire, il était très clair, et on en a subi les effets en éducation, notamment dans les universités, qu'il y a un déséquilibre fiscal. Mais, au-delà de ça – comme le premier ministre l'a si bien mentionné – le véritable enjeu, c'est de faire en sorte qu'on puisse être capable, comme société, de maintenir des services publics – je dis bien publics – en santé, éducation, accessibles à tous à long terme.
Nous, la Fédération étudiante, quand on a déposé notre mémoire, et aussi d'autres groupes représentant la jeunesse ont lancé l'idée de créer une caisse santé en vue de faire face à ce qu'on appelle un choc démographique qui s'explique très simplement par le fait qu'il y a une population vieillissante qui entraîne une hausse des coûts en santé et qu'il y a de moins en moins de contribuables pour assumer ces coûts-là.
Et il y a deux solutions, à notre avis, dont l'une qui n'en est pas une si on considère qu'on veut maintenir des services publics, c'est-à-dire de privatiser, à moyen terme, et il y en a qui voudraient même à court terme, les services de santé; et là c'est l'accessibilité qui est remise en question. Parallèlement à ça, on pourrait aussi diminuer le financement des autres services publics, notamment l'éducation. Ou il y a: économiser maintenant pour s'assurer que, dans 10, 15, 20 ans, on ne soit pas obligés d'augmenter les impôts ou de privatiser, pour faire en sorte qu'il y ait un financement et de s'assurer qu'il y ait un financement adéquat et à long terme de l'éducation, la santé et les programmes sociaux.
Et on était un peu déçus que, dans le rapport, on n'a pas pris en compte cette solution-là. Sans nécessairement la mettre de l'avant, il aurait été intéressant qu'on se penche sur cette question-là, et on espère qu'en fin de semaine, notamment après la présentation de M. Legault, on puisse en arriver à un consensus sur l'importance de prendre des moyens pour faire face au choc démographique. Merci.
M. Garneau (Richard): Alors, merci. Et merci à M. Séguin; M. Séguin qui sera remplacé maintenant par M. Luc Bussière, qui est économiste et directeur de la recherche au Conference Board du Canada et qui va venir nous présenter l'étude réalisée par le Conference Board sur l'évolution budgétaire respective du gouvernement fédéral et des autres provinces au cours des prochaines années. M. Bussière.
M. Bussière (Luc): Bien, merci, M. Garneau. M. le premier ministre. Bien, le mandat du Conference Board du Canada était essentiellement d'examiner la question du déséquilibre fiscal entre le gouvernement fédéral sur un horizon de long terme. Notre travail consistait à projeter, pour les 20 prochaines années, les équilibres financiers des deux paliers de gouvernement en accordant une attention particulière à l'impact des changements démographiques sur les coûts en soins de santé et en éducation au Québec.
Les projections de long terme que je vais vous présenter aujourd'hui sont basées sur un scénario de statu quo de la politique fiscale et budgétaire. Cela implique que le taux de taxation, tant au Canada... que tous les taux de taxation au Canada et au Québec demeurent à leur niveau actuel, à moins que ces changements aient été annoncés lors des derniers budgets. De la même façon, aucune nouvelle initiative de dépenses n'a été intégrée à nos projections. S'il y a présence de surplus budgétaires, on devait les consacrer entièrement au remboursement de la dette.
Cet exercice nous a donc permis de mesurer la marge de manoeuvre budgétaire dont disposerait chacun des deux paliers de gouvernement. Cela donne une idée de l'ampleur des moyens dont disposent le gouvernement fédéral et le Québec pour mettre en place de nouvelles initiatives ou, inversement, l'effort budgétaire qu'ils devraient consentir pour atteindre l'équilibre budgétaire.
Les perspectives économiques de long terme pour le Canada et le Québec ont été reproduites à l'aide des modèles macroéconomiques du Conference Board du Canada, des modèles national et provincial. Ces modèles contiennent un certain nombre de données importantes dont un scénario démographique fourni par Statistique Canada.
Brièvement, on s'attend à ce que le taux de croissance annuel moyen de la population s'établisse à 0,2 % au Québec tout au cours de la période de prévision, comparativement à un taux de 0,7 % au Canada. On envisage que les économies du Canada et du Québec retourneront vers leur niveau respectif de production potentielle à court terme donc d'ici la fin de 2003-2004. On ferme le cycle économique présent puis ensuite on a une économie, deux économies qui vont performer à leur potentiel tout au cours de la période de prévision, c'est-à-dire de 2004-2005 à leur potentiel jusque 2019-2020.
On prévoit que la croissance du PIB réel au Canada passera de 2,9 % en 2005-2006 à 2,2 % en 2019-2020 Le rythme de croissance du PIB réel au Canada devrait s'abaisser également de 2,6 % en 2005-2006 à 1,8 % en 2019-2020. Les principaux facteurs qui causent cette décélération de la croissance sont le vieillissement de la population et son effet modérateur sur la croissance de la population active, ainsi qu'un ralentissement général du rythme des changements technologiques qui devrait ralentir la croissance des investissements au pays.
Il importe de noter qu'on ne prévoit pas des cycles économiques une fois que l'économie canadienne et québécoise ont atteint leur production potentielle. C'est une hypothèse qui est tout à fait courante lorsqu'on effectue des prévisions économiques de long terme. En effet, même si on devait introduire des cycles économiques, il y a tout le temps une période de redressement où les taux de croissance sont plus élevés que le potentiel. Donc, en moyenne, au cours d'une prévision de long terme, les résultats... projeter une économie qui performerait à un taux potentiel tout au cours de la période est très correct. Mais évidemment, dans la vraie, il y a tout le temps des cycles économiques, mais en moyenne des prévisions de long terme sont très solides.
Les revenus budgétaires du gouvernement fédéral et du Québec sont fonction des variables tirées de notre prévision économique de long terme. Par exemple, les impôts directs sont fonction du revenu des particuliers, des bénéfices des sociétés. Les revenus de taxes indirectes sont basés sur l'évolution des dépenses de consommation ou de l'activité économique en général. Il faut noter que les deux paliers de gouvernement ont accès à toutes les assiettes fiscales d'importance, les impôts sur le revenu des particuliers des sociétés, les taxes de vente et les taxes sur la masse salariale. Tous ces taux d'imposition, toutes ces assiettes fiscales sont pris en compte explicitement dans nos modèles macro-économiques.
La croissance des revenus budgétaires devrait être assez semblable pour le Canada et le Québec au cours de la période de prévision. En effet, on prévoit un taux de croissance annuel moyen de 3,2 % dans le cas du Canada et de 3,1 % pour le Québec. Cette prévision pour le Québec est basée sur une croissance prévue des transferts fédéraux de 2,9 % en moyenne par année.
En parlant de ces transferts, notons que les montants de TCSPS sont ceux présentés au dernier budget fédéral pour la période 2001-2002 à 2005-2006. Puis on a présumé, pour les besoins de notre étude, qu'il serait en hausse d'un taux égal à l'inflation et à la croissance de la population à partir de 2006-2007 jusqu'à la fin de la période de prévision. Donc, ce qu'on dit, ce qu'on assume essentiellement, c'est un niveau réel par habitant qui est constant tout au cours de la période de prévision, à partir de 2006-2007.
On a construit des modèles satellites pour mieux prendre en compte l'impact des changements démographiques sur les dépenses en santé et en éducation. L'analyse des dépenses en soins de santé se fonde sur les tendances historiques de dépenses publiques réelles, donc ajoutées pour l'inflation de soins de santé par habitant, et on a fait le travail pour 18 groupes d'âge et aussi selon le sexe. Les dépenses publiques de soins de santé sont projetées à partir de l'année fiscale 2001-2002 jusqu'en 2019-2020, selon l'évolution des dépenses réelles par habitant et la structure changeante de la population.
Comme la population du Québec continuera de s'accroître et de vieillir, on prévoit un taux de croissance annuel moyen de 4,8 % pour les dépenses publiques de soins de santé au cours de la période de prévision. De ce taux, 2,1 points de pourcentage peuvent être attribués à l'inflation, 1,5 point de pourcentage à l'augmentation réelle du volume des services fournis. On parle ici du niveau d'accès ou le niveau d'utilisation qui devrait être accru d'année en année de 1,5 %. On parle... le 1,2 point de pourcentage que vous avez aussi, si vous cernez... essentiellement, vous pouvez voir sur le tableau, vous cernez le... pour recréer le 4,8 % qu'on prévoit pour toute la période de prévision, bien, essentiellement, on cerne les contributions de tous ces changements-là, 1,5, 1,2, puis le taux d'inflation de 2,1.
Ce qu'il est important de noter ici, ce n'est pas tellement l'impact de l'inflation, le 2,1 % par année qui ferait partie du 4,8 % parce que, ça, vous l'avez aussi sur le côté des revenus. Mais le 1,5 de croissance réelle par habitant est très important, puis les changements démographiques aussi. Le 1,2 de point de pourcentage que vous avez pour les changements démographiques, il y a un point de pourcentage qui est dû au vieillissement de la population, puis j'ai mentionné que la population du Québec allait croître en moyenne au cours des 20 prochaines années de 0,2 point de pourcentage, donc on recrée le 1,2.
Des 16,4 milliards de dollars qu'elles étaient en 2000-2001, les dépenses en soins de santé, lorsqu'on les projette par un taux de 4,8 % tout au cours de la période prévision, atteindraient 39,6 milliards de dollars en 2029-2020. Puis, encore une fois, ça, c'est structurel, on sait tous qu'on va vieillir l'année prochaine ou ainsi de suite. C'est très... C'est du solide là. C'est vraiment quelque chose de structurel. La part des revenus budgétaires du gouvernement du Québec donc consacrée à la santé passerait de 31,6 % en 2000-2001 à 43,2 % en 2019-2020 soit une augmentation de 11,6 points de pourcentage au cours des 20 prochaines années et c'est beaucoup. Cela veut dire que – puis vous êtes bien placés pour le savoir – ça représenterait plus de 43 sous de chaque dollar de revenu du gouvernement du Québec qui irait, qui seraient alloués à la santé. Donc, c'est beaucoup, c'est pratiquement la moitié du budget pour une composante des dépenses puis on n'a pas parlé encore d'éducation ou de services aux familles et ainsi de suite.
Le modèle de prévision des dépenses d'éducation utilise également des résultats de régression économique dans le modèle satellite qu'on a construit pour prévoir l'évolution des dépenses pour soit, ici, trois niveaux d'enseignement, à savoir: le niveau primaire, secondaire; le niveau collégial et le niveau universitaire. Globalement, en raison du déclin prévu de la population étudiante, on parle d'une baisse stable de 1 % en moyenne par année au cours des 20 prochaines années. Les dépenses en éducation du gouvernement du Québec augmenteraient en moyenne de 2,2 % par année jusqu'en 2019-2020 soit un taux sensiblement égal au taux d'inflation prévu pour les 20 prochaines années. En dollars, les dépenses éducation passeraient de 10,1 milliards de dollars en 2000-2001 à 15,3 milliards de dollars en 2019-2020. Si on regarde la proportion des revenus budgétaires alloués à l'éducation, elles étaient 19,8 % en 2000-2001, cette part-là serait réduite à 16,7 % en 2019-2020.
Il est clair que l'équilibre entre les revenus et les dépenses est beaucoup plus précaire pour le Québec qu'il ne l'est pour le gouvernement fédéral. Alors que le gouvernement du Québec devra réaliser un effort budgétaire annuel moyen de 3 milliards de dollars pour atteindre l'équilibre financier sur l'ensemble de la période de prévision, le surplus budgétaire du gouvernement fédéral atteindrait près de 88 milliards de dollars en 2019-2020. En extrapolant les régimes fiscaux actuels, le gouvernement fédéral éliminerait sa dette au cours des 20 prochaines années puis enregistrerait un surplus de 88 milliards de dollars en 2019-2020.
Si on regarde la dette par rapport au PIB au Québec, on rejoindrait le niveau de 39 % avec le Canada vers la fin de la décennie, là, vers les années 2010 où est-ce qu'il y a un croisement, là, au niveau du poids de la dette par rapport à la capacité de payer par rapport au PIB. La dette publique brute du Québec atteindrait 161,3 milliards de dollars en 2019-2020 pour présenter 35,8 % du PIB. Puis, ça représente une augmentation de plus de 57 % par rapport au niveau, là, du point de départ, les 102 milliards de dollars en l'an 2000-2001.
Du côté fédéral, comme on peut le voir, la dette est à toutes fins pratiques complètement éliminée, là, en 2019-2020.
Si on résume, on sait maintenant que le Québec verra ses dépenses de programmes augmenter plus rapidement que ses revenus budgétaires au cours de la période de prévision. La pression viendra des soins de santé avec une croissance annuelle moyenne de 4,8 %, ce qui est beaucoup plus rapide que le taux de croissance moyen de 3,1 % prévu pour les revenus budgétaires. À cause de la diminution de la population étudiante, on prévoit une augmentation plus lente des dépenses en éducation, mais cela ne compensera pas l'augmentation prévue des coûts des soins de santé. Pris globalement, le rythme de croissance de dépenses demeure supérieur à celui des revenus au Québec. Sur la base des régimes fiscaux actuels, le déséquilibre fiscal entre le Canada et le Québec va continuer de s'accentuer dans l'avenir. Nos prévisions montrent que le gouvernement fédéral pourra dégager un surplus budgétaire à chaque année, et ainsi, rembourser sa dette pour entrer dans ce qu'on appelle, nous, les économistes, le cercle vertueux de la performance budgétaire. Le gouvernement fédéral sera le seul à disposer de la capacité financière pour mettre en place de nouvelles initiatives telles les réductions d'impôts ou des nouveaux programmes de dépenses.
C'est bien important de comprendre: le travail qu'on a fait, c'est vraiment extrapoler sur le statu quo. On vient déterminer des marges de manoeuvre au niveau du gouvernement fédéral, puis c'est très clair que le gouvernement fédéral va utiliser ces marges de manoeuvre là pour réduire les impôts davantage, pour même augmenter les transferts au niveau des provinces ou pour augmenter ses propres dépenses.
Notre étude devait répondre à la question fondamentale suivante: Existe-t-il un déséquilibre entre la marge de manoeuvre dont dispose le gouvernement fédéral et celle du Québec sur la base des projections effectuées dans un contexte de statu quo de la politique fiscale et budgétaire? La réponse est définitivement oui.
M. Garneau (Richard): Alors, Merci, M. Bussière. Si vous avez des questions et des commentaires, vous avez une trentaine de minutes pour le faire. Il y a M. Taillon qui a demandé la parole.
M. Taillon (Gilles): Alors, M. Bussière, un postulat de base de vos projections montre que tous les excédents budgétaires des deux gouvernements, prenons le cas du fédéral, tous les excédents budgétaires sont versés au remboursement de la dette. Qu'adviendrait-il de la marge de manoeuvre si ce n'était pas le cas?
M. Bussière (Luc): Bien, la seule façon qu'on puisse calculer une marge de manoeuvre, c'est en faisant ce qu'on fait. Les argents, il faut que ça aille quelque part. S'il y a des surplus qui sont accumulés, ces surplus-là, il y a trois choses qu'on peut faire avec...
M. Taillon (Gilles): Mais si les surplus étaient dépensés, par exemple.
M. Bussière (Luc): Bien, les dépenser, là, on se retrouve dans un scénario de référence, puis c'est tout à fait contraire, là, à l'essentiel du travail qu'on a fait dans le cadre de la Commission Séguin, à savoir de déterminer cette marge de manoeuvre là. Puis, pour déterminer une marge de manoeuvre, bien, il faut maintenir fixes tous les taux de taxation pour les deux paliers de gouvernement puis laisser tous les programmes comme ils sont présentement, sans les bonifier ou, peu importe, puis vous projetez ça dans le temps.
M. Taillon (Gilles): ...tout à fait d'accord avec vous, mais vous avez un postulat aussi qui dit que les excédents servent au remboursement de la dette, ce qui réduit le coût du service de dette, ce qui dégage des marges de manoeuvre.
M. Bussière (Luc): Oui. Bien, c'est ce que je décrivais, le cercle vertueux, là, de la gestion financière. Ces argents-là, rien ne se perd, rien ne se crée, il faut que ça aille quelque part, puis il faut absolument, dans notre cas, que ça aille au remboursement de la dette. Puis effectivement, les intérêts sur le coût du service de la dette va diminuer d'année en année. C'est pour ça qu'on a une accélération très importante de la dette, puis même une accumulation toujours plus importante là de surplus avec les années qui passent là, parce que ça s'accélère, tout ça, là.
M. Garneau (Richard): Alors, il y aura Mme Wheelhouse, d'abord, suivie de M. Vaudreuil, de M. Massé et de M. Cadieux.
Mme Wheelhouse (Jocelyne): Oui. Alors, merci. Je comprends que les chiffres qui nous ont été donnés visaient à appuyer toute la démonstration qui nous a été faite par M. Séguin. Alors, vous allez comprendre que, comme centrale syndicale qui représente 160 000 membres dans les services publics, dont 100 000 en éducation et services sociaux, la santé, alors on est aux premières loges pour voir comment il y a des difficultés dans les réseaux, comment ça s'est traduit, chez nos membres, par un manque de soutien, une précarité d'emploi, une surcharge de travail, en tout cas, qui occasionnent des problèmes majeurs, démotivation, découragement. Et là, ce qu'on constate, c'est qu'actuellement, on a subi un désengagement du fédéral, mais on a subi aussi l'atteinte du déficit zéro, et tout ça a placé nos réseaux dans une nécessité, même s'il y a eu un réinvestissement dans les dernières années, de développer de nouveaux services et puis de consolider ce qui existe déjà. Alors, comme centrale syndicale, la démonstration qui est faite par M. Séguin et le Conference Board, même si on a certaines réserves, elle nous prouve hors de tout doute qu'il y a un déséquilibre fiscal entre Ottawa et Québec et qui compromet la capacité du Québec à poursuivre le développement des services publics, et c'est majeur qu'on intervienne.
Alors, nous, dans notre mémoire, on avait visé une solution à court terme, c'est-à-dire, on s'était appuyés sur le consensus des premiers ministres, c'est-à-dire rétablir la part du financement des programmes sociaux à 18 % comme il l'était en 1994-1995, mais on avait avancé aussi comme piste la question d'un transfert d'espace fiscal sous forme de points d'impôt, mais accompagné d'une formule de péréquation, mais qui introduirait aussi un critère de lutte contre la pauvreté. Alors, je pense que cet exercice-là de cet après-midi, c'est un constat que l'on fait depuis longtemps, puis ça nécessite des rectifications.
M. Bussière (Luc): Je pense que ce qu'il y a de plus important, c'est de déterminer cette marge de manoeuvre là, de voir que structurellement il y a un problème, qu'il y a un problème de déséquilibre fiscal entre les deux paliers de gouvernement. À savoir comment ça pourrait être corrigé, il me semble que c'est de la mécanique puis que ça dépasse le mandat du Conference Board, mais il y a quand même un certain attrait à un transfert de TPS, étant donné que c'est quand même une source stable de revenus puis que, même si vous avez une économie, par exemple, qui devait entrer en récession, comme c'est une taxe de vente qui s'applique aux biens et aux services, donc une assiette quand même assez large, même s'il y avait ne serait-ce que de l'inflation dans l'économie, les revenus de TPS vont s'accroître. Donc, c'est quand même assez intéressant. Si vous avez une économie aussi qui a un taux d'inflation prévu de 2 % par année avec une croissance économique à son potentiel de 2,5, toutes choses étant égales par ailleurs, vous savez que, année après année, vous allez avoir une croissance de vos revenus, s'il n'y a pas changement de l'assiette ou élargissement de l'assiette ou rétrécissement de l'assiette, de 4,5 % de vos revenus.
Donc, c'est très intéressant pour un gouvernement de pouvoir s'approprier ce champ-là, d'autant plus qu'on regarde au niveau des dépenses de la santé, puis ça marque que le 4,8 % qu'on prévoit est très conservateur, mais c'est quand même proche, là, il y a pratiquement équivalence entre les coûts puis la source de revenus au niveau de la croissance, le mouvement qu'on prévoit dans le temps.
M. Garneau (Richard): Alors, M. Vaudreuil et ensuite M. Massé. M. Vaudreuil.
M. Vaudreuil (François): Merci. Alors, dans un premier temps, je voudrais vous informer que nous, à la CSD, au cours de la dernière assemblée plénière qui réunit tous nos syndicats affiliés, les délégués présents ont fait leurs les recommandations et les conclusions du rapport de la commission Séguin, et, à cet égard-là, nos membres sont donc très préoccupés par le problème structurel de déséquilibre fiscal qui existe.
J'aurais un commentaire dans la présentation que vous nous avez faite qui est le suivant. Il était de deux ordres. Le premier, Jocelyne en a parlé précédemment, c'est que nos réseaux d'éducation et nos réseaux de santé sont un peu comme une entreprise qui a des difficultés financières puis qui fait moins d'entretien préventif, qui fait en sorte que, quand on va avoir un jour à réinvestir, il va y avoir des investissements qu'on n'a pas faits aujourd'hui mais qu'on va devoir faire dans quelques années. Dans ce cadre-là, je considère donc vos prévisions très, très conservatrices, doublées en éducation... Parce que vous mentionnez dans votre rapport qu'en éducation il va y avoir une augmentation plus lente des dépenses pour des raisons démographiques. Moi, je pense qu'il y a une autre réalité que vous avez probablement sous-estimée dans votre rapport, c'est la nécessité, aujourd'hui comme dans les années futures – et, d'ailleurs, le gouvernement s'est doté d'une politique en ce sens – d'accorder beaucoup plus d'espace à la formation continue, et ça, je pense que ça va interpeller directement le ministère de l'Éducation. À mon avis, c'est peut-être une sous-estimation qu'on a faite. Et, à notre humble avis, en tout cas, ça accentue l'ampleur du problème qui est devant nous.
M. Bussière (Luc): Je pourrais répondre à ça. C'est là, dans nos estimés. Mais, essentiellement, en regardant toutes les tendances historiques, c'est comme si tous les... Parce qu'on a eu les effets de ça au cours des 10 dernières années. Ce qu'on prévoit, c'est que ça va se poursuivre: que les besoins par exemple d'éducation continue, tout ça, que ça va se poursuivre au même rythme qui a été enregistré au cours des cinq ou des 10 dernières années. Donc, c'est inclus dans nos prévisions économiques. Mais on ne dit pas qu'il y a une accélération. C'est-à-dire, on peut penser par exemple... Ça fait depuis quand même plusieurs années maintenant qu'on parle d'une nouvelle économie puis axée sur les services puis les besoins en éducation puis l'éducation continue. C'est-à-dire, je pense qu'on a pris nos données à partir des années quatre-vingt-dix pour pouvoir extrapoler ces tendances-là sur les 20 prochaines années.
Donc, on a pris ça en compte. Mais il n'y a pas accélération, il n'y aura pas davantage de ça qu'on a prévu. Ça veut dire, s'il devait y avoir quelque chose de plus, effectivement le 2,2 % qu'on prévoit par année pourrait être conservateur. Puis je dirais que ça s'applique aussi pour ce qu'on a prévu au niveau des soins de santé.
M. Garneau (Richard): Alors, M. Massé. Ensuite, M. Cadieux et M. Boucher. M. Massé.
M. Massé (Henri): Moi, ce qui m'a le plus impressionné dans votre présentation, ce n'est pas les chiffres mais – j'y reviendrai tantôt – c'est quand vous dites que le fédéral va investir de nouveaux champs, qu'il va prendre la marge de manoeuvre. Et ça, ça me préoccupe beaucoup, ça nous préoccupe, à la FTQ.
D'abord, régler la question du déséquilibre fiscal, je pense qu'on en a encore pour quelques années, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas. Ça nous a pris 15 ans à régler la question de la formation de main-d'oeuvre.
Mais ce qui est très important, je pense, le nouveau, le prochain budget fédéral qui se prépare, on entend la rumeur, on entend les annonces et il ne faudrait pas qu'il se passe des choses au fédéral dans le budget qui nous couperaient la route à tout jamais parce que, effectivement on aurait investi ce champ fiscal là.
Et, nous, à la FTQ, on a supporté – là je le rappelle au monde des affaires entre autres parce que je sais que, des fois, il y a un petit peu de... vous avez un petit questionnement un peu sur le déséquilibre fiscal, on va se permettre de se dire les choses franchement – on a supporté le rééquilibrage des finances publiques au Québec, la FTQ, jusqu'au bout. Et Dieu sait que j'en ai payé le prix; dans la Centrale, ce n'était pas unanime et extrêmement difficile des bouts. Mais on l'a fait pour sauver l'éducation, pour sauver la santé parce qu'on pensait que, si on ne le faisait pas, un jour tout notre système s'écroulerait. On a dit: On a travaillé fort, il faut le faire.
Et, là, on dirait que, bon, ça va un petit peu mieux mais ça ne va pas si bien que ça non plus. Et, là à travers le même argent qui va au fédéral, on va se lancer dans n'importe quoi. C'est pour ça que je pense que c'est extrêmement important qu'on ait un exercice, qu'on repense à notre éducation, qu'on repense à notre santé puis l'argent, il faut qu'elle soit bien dépensée. Et, moi, c'est ça que je vois dans un premier temps dans l'utilité du forum qu'on a aujourd'hui, c'est vraiment de mettre de la pression tout le monde ensemble pour ne pas qu'on retombe dans des folies puis qu'on mette l'argent vraiment à la bonne place. Ça, on est capable de le faire assez rapidement. Bon.
Sur les chiffres là, moi, je vous dirais: Écoute, j'ai calculé ça tantôt, je ne suis pas un comptable ni un économiste, mais c'est 2,2 milliards, 2,5 milliards. C'est 50 millions par semaine, grosso modo, 350 $ per capita par année, si on met tout ça dans la même poche. Ça veut dire 1 $ per capita par jour. Bon, ce n'est pas... C'est un montant important mais c'est quand même 1 $ per capita par jour.
Et on sait, quand un premier ministre s'en va – puis je parle du premier ministre Chrétien – un premier ministre a toujours tendance à laisser un certain testament politique, bien si on réussissait tout le monde à lui mettre assez de pression pour comprendre ça, on pourrait appeler ça «la piastre à Chrétien», tu sais. Je pense qu'il aurait une belle place là pour...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garneau (Richard): Alors, merci. M. Cadieux, ensuite M. Boucher et M. Audet.
M. Cadieux (Jean-Paul): Merci. Depuis quelques années, les hôpitaux au Québec ont fait l'objet d'une attention à un niveau de beaucoup supérieur à ce qu'on aurait souhaité, nous, administrateurs et gestionnaires, et pas nécessairement pour les raisons non plus qu'on aurait souhaitées. Et ça, ça tient à plusieurs raisons.
Au nombre de ces raisons-là, il y en a une évidemment qui fait l'objet du présent débat aujourd'hui, c'est la question du financement. Excusez du sous-financement.
Et qu'est-ce qui explique ça – puis, là je voudrais descendre ça à un niveau qui n'est pas toujours suffisamment regardé – quand je regarde par exemple dans ce qu'on appelle les «autres dépenses» dans le budget, hein, on sait qu'il y a 80 % des budgets d'un établissement qui va au personnel, 20 % s'en va dans d'autres dépenses. Au nombre de ces autres dépenses là, il y en a qui sont incontournables, exemple médicaments. Je prends juste celui-là, il y en a quelques autres aussi. Alors, comment comprendre, et pendant combien encore, est-ce qu'un gouvernement, quel qu'il soit, va devoir imposer aux administrateurs puis aux gestionnaires d'établissement de fonctionner avec 2 % ou à peu près d'indexation, alors que, dans la réalité, on est dans l'ordre de 6 % ou à peu près? Ça fonctionne entre le tiers et à peu près 50 % du vrai coût. On ne peut pas tenir ça indéfiniment, et ça explique pourquoi... C'est une des raisons. On ne peut pas tenir ça indéfiniment à bout de bras, et il va falloir bien sûr qu'on retrouve des moyens de financer d'une façon régulière... Tantôt M. Séguin disait bien, hein, la notion d'équilibre ou de déséquilibre fiscal, c'est une notion qui est là pour y rester, c'est un problème qui est constant. La même chose se retrouve dans les établissements. Alors, il va falloir qu'on trouve un moyen de maintenir d'une façon constante, durable le financement suffisant – on parle de suffisant – pour faire en sorte que l'attention dans les établissements aille à autre chose que des problèmes de financement et se tourne davantage vers la seule préoccupation qui devrait être c'est-à-dire les patients qui demandent des soins et des services. Alors, évidemment, on ne fait que souscrire à un meilleur partage de l'équilibre fiscal.
M. Garneau (Richard): Merci, M. Cadieux. M. Boucher, et ensuite ce sera M. Audet et Mme Carbonneau.
M. Boucher (Gaëtan): M. le premier ministre. M. Bussière, je ferai un commentaire puis je terminerai sur une question. En vous écoutant, jusqu'à un certain point, je trouvais qu'il y avait un certain nombre de bonnes nouvelles, on voyait le budget de l'éducation progresser de 10 à 16,7 milliards, 2,2 %. Et vous dites dans votre rapport que, dans le fond, ça couvre le coût de l'inflation. C'est contre-balancé par une diminution de clientèles de 1 %. Mais, par ailleurs, derrière ces chiffres qui peuvent apparaître, une baisse de clientèles de 1 %, il faut bien voir qu'il y a une réalité, si on regarde le Québec, où, effectivement, dans les régions-ressources, dans sept de nos régions-ressources, il y a des baisses de clientèles... des baisses de clientèles, des baisses démographiques qui sont littéralement dramatiques. Alors, si, par ailleurs, dans la région de la couronne nord de Montréal, les clientèles vont augmenter parce que la population augmente par l'effet d'étalement urbain, en Gaspésie, pendant ce temps-là, les clientèles scolaires, parce que les populations baissent, les clientèles scolaires vont baisser jusqu'à 25 % dans l'horizon de 2009-2010. Autrement dit, effectivement, le problème que vous évoquez va connaître une amplitude négative ou positive plus ou moins grande si on se trouve à Gaspé ou si on se trouve sur l'île de Montréal.
Ma question est la suivante: Est-ce que, effectivement, dans cette étude, dans une sous-étude, une autre étude, vous avez modalisé, dans le fond, l'impact de l'évolution de ces dépenses en éducation au primaire, au secondaire, au collégial et universitaire?
M. Bussières (Luc): On les a modalisées par niveau d'enseignement. On les a faits pour les collèges, pour le primaire et le secondaire puis les universités. Je crois que le secteur qui montrait la plus forte croissance c'était le secteur universitaire, puis, encore une fois, on parle de tendances structurelles, là, du vieillissement de la population, dans la mesure que le taux de croissance prévu, là, de 0,2 % par année au niveau de la croissance de la population du Québec est valide puis qu'il repose sur des hypothèses au niveau des mouvements, là, interprovinciaux, ainsi de suite, là, migratoires.
Toutes les projections qu'on présente sont macro-économiques. Pour l'ensemble de la province, on n'a pas regardé évidemment les régions, mais c'est des tendances lourdes. Il serait intéressant de regarder pour les sous-régions, mais c'était en dehors de ce mandat-là qu'on avait avec la Commission. Mais c'est un argument qui est très bon.
Peut-être le point le plus important pour les provinces, parce que c'est une étude qu'on a reprise pour l'ensemble des provinces, puis comparé toutes les provinces ensemble, les provinces et les Territoires par rapport au gouvernement fédéral puis on est arrivé plus ou moins aux mêmes conclusions. C'est difficile. Puis on sait très bien que les provinces, une par rapport à l'autre, sont quand même assez inégales au niveau de leur capacité de générer des revenus, ainsi de suite. Mais la question de l'incertitude, à savoir que même si le fédéral, là, avait réglé le problème jusqu'en 2005-2006, en rajoutant x millions de dollars, bien, les provinces font face à quelque chose de structurel, font face à devoir payer puis à devoir prendre les mesures, dès maintenant, pour assurer les soins de santé puis ils n'ont pas les moyens, ils n'ont pas les revenus à moins que le fédéral, encore une fois, qu'en 1995-1996, si on devait ne pas être dans un cycle économique ou une récession, puisse remettre encore ces sommes d'argent là, ça veut dire... C'est sûr que, pour les provinces et les territoires, c'est stressant, d'une certaine façon, parce qu'on sait qu'on va devoir faire face à ces coûts-là. On va tous vieillir puis c'est quand on est dans notre lit de mort que ça coûte cher à se faire soigner.
Ça veut dire le fédéral pourrait tout simplement, au lieu de recevoir ça comme un cadeau puis que ça dépende du cycle économique pour qu'on se trouve dans ce cycle économique là, mettre... de replacer les champs fiscaux, là, puis de s'assurer que les provinces puissent dormir le soir, puissent faire face au vieillissement de la population au cours de 20 prochaines années. Mais c'est très clair que vous ne verrez jamais le gouvernement fédéral afficher un surplus de 90 milliards. Il n'y a aucun Canadien qui pourrait supporter ça. Ça, c'est très, très clair. Ça veut dire... Ces perspectives économiques là sont très invraisemblables. On n'aura jamais ça. On n'aura jamais un gouvernement fédéral qui a accumulé une dette, là, au cours des 30, 35 dernières années puis éliminer cette dette-là en l'espace de 20 ans. On n'aura pas ça.
Donc, le fédéral va dépenser davantage au niveau de ses propres programmes, au niveau des transferts aux provinces, au niveau de baisses additionnelles d'impôts, ça, c'est très clair. Mais est-ce qu'il y aurait moyen, pour les provinces, de s'assurer d'un meilleur partage, dès maintenant, pour pouvoir faire en sorte, là, de dire: Bien, écoutez, là, la santé, on vieillit tous, là, puis on voudrait pouvoir être en mesure de faire notre budget puis de pouvoir vivre avec ça puis avoir l'esprit tranquille au lieu d'avoir, à chaque année, à cogner à la porte puis se demander: Bien, coudon, on pourrait-u avoir une couple de milliards de plus? C'est ça le gros problème. Puis c'est peut-être le problème au Québec. Mais on a parlé à toutes les provinces, nous, au Conference Board, puis, dans toutes les provinces puis les territoires, on a eu tout le temps le message, le même message, c'est au niveau d'une incertitude, d'un inconfort certain, là, au niveau de ce déséquilibre fiscal là.
M. Garneau (Richard): Alors, la liste est encore longue et il nous reste une douzaine de minutes à peu près. Il y aura d'abord M. Audet. Ce sera suivi de Mme Carbonneau, de M. Charest, de M. Legault, de M. Fahey, de M. Lucier, de Mme Gendron et de Mme Grégoire. M. Audet.
M. Audet (Michel): Oui. Alors, au risque de surprendre mon ami Henri Massé, je suis assez d'accord avec lui que les chiffres qui sont là, effectivement, pour les premières années sont plutôt modestes comme surplus et c'est un petit peu ce qui est préoccupant, dans un certain sens, puisque, au fond, ce qui est le plus crédible dans la tranche des prévisions qu'il y a là, c'est les cinq ou six premières années et, finalement, les surplus sont, somme toute, assez modestes comme on les voit là. Puisque les prochains arrangements fiscaux vont se porter sur 2004-1009, c'est la base, c'est ce qui va servir un peu de la base à la discussion qu'il va y avoir au plan fédéral-provincial. Alors, moi, personnellement, je trouve que... Je suis surpris même que ça ne soit pas... que ces chiffres-là soient aussi modestes.
Deuxièmement, est-ce qu'ils ne tiennent pas compte également déjà d'un surplus à l'assurance emploi? Et qui, comme nos amis les syndicats le disent – et là-dessus on partage le même point de vue – ce sont des surplus de cotisations d'employeurs et d'employés qui font ce surplus-là principalement. Qu'est-ce que vous avez à répondre à ça?
M. Bussière (Luc): Des très bons points. Au niveau de l'assurance emploi... Je devrais peut-être... Il y avait une exception. Je vous ai dit que tous les taux de taxation demeuraient inchangés au niveau actuel à moins que des baisses d'impôt, peu importe, aient été annoncées dans les derniers budgets. Mais l'assurance emploi puis les taux de contributions à l'assurance emploi, étant donné qu'on sait que le régime doit être balancé au niveau d'un cycle économique, on a abaissé ces taux-là pour ne pas... Donc, le surplus, si on avait laissé inchangé les... parce qu'on a une économie qui n'a pas de récession puis qui performe à son potentiel qui saura générer des surplus additionnels puis, au lieu de se retrouver au alentour de 88 milliards de surplus en 2019-2020, ça aurait été, quoi? Possiblement au-dessus de 100 milliards. Mais c'est le seul taux de taxation qu'on ait effectivement baissé en sachant que l'assurance emploi, le régime d'assurance emploi au niveau d'un cycle économique doit présenter un budget balancé, si on veut. C'est un bon point.
Vous avez mentionné que c'est crédible pour les cinq à six prochaines années. Il me semble pour un économiste, c'est plus difficile prévoir l'activité économique demain ou dans un mois que de la prévoir au cours des 20 prochaines. Puis, comme je vous ai dit, il va tout le temps y avoir un cycle économique, mais les prévisions économiques de long terme sont tout le temps, tout le temps, très solides parce qu'elles sont fondées sur des tendances lourdes à savoir la population, ainsi de suite. Mais c'est un beau point de dire qu'au niveau des cinq ou six prochaines années, étant donné les transferts, la hausse des transferts de TCSPS qui ont été annoncés par le gouvernement fédéral, il n'y a pas apparence de surplus très, très, très importants. Ça se fait de façon exponentielle, je dirais plus, vers la fin de la présente décennie.
M. Audet (Michel): Juste un petit commentaire: Est-ce que vous ne craignez pas justement... C'est plus facile à long terme, Vous savez ce que Cairns disait à ce sujet-là: C'est qu'à long terme, on va tous être mort.
M. Bussière (Luc): Oui, oui. Bien, c'est ça, ce dont on parle aujourd'hui, on parle de soins de santé.
M. Garneau (Richard): Alors, Mme Carbonneau, ensuite M. Charest et M. Legault. Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): Je vais essayer d'être plus optimiste que M. Audet qui voulait tous nous faire mourir. Non, blague à part, je voudrais comme d'autres saluer la qualité de l'étude du Conference Board, la clarté de la démonstration et, pour moi, c'est assez majeur qu'on ait accès à des données qui vont au-delà du Québec. Je pense qu'on peut aussi construire là-dessus un consensus assez large se développant dans d'autres provinces sur des sensibilités qui s'expriment exactement sur la même nécessité de maintenir des services névralgiques tout à fait de qualité pour la population.
Je souhaite, puis j'ai bien entendu votre réponse tantôt, joindre aussi ma voix à ce que disait François Vaudreuil au sujet de l'éducation des adultes. Vous nous dites: On en a tenu compte. Je le souhaite. Quant à moi, je continue à penser qu'il s'agit là, particulièrement au chapitre de l'éducation, de prévisions très, très, très conservatrices. On verra peut-être demain avec un peu les volontés d'utiliser une nouvelle marge de manoeuvre, comment les choses vont se placer. Mais, quant à moi, je maintiens, un, que la politique gouvernementale en matière de formation continue, elle est très neuve. L'entrée beaucoup plus massive des adultes dans le monde de l'éducation, ça recèle un changement de mentalités, et ça, ça prend un certain temps avant de donner tous ses fruits. Et d'autre part, je ne peux pas non plus m'empêcher de faire remarquer à quel point le monde de l'éducation des adultes est un monde qui repose sur des gens très, très précaires qui dispensent ces services-là. Alors, la consolidation de ce réseau-là va nécessairement appeler, à mon sens, un certain nombre d'investissements. J'ajoute aussi à la liste les changements majeurs qu'on connaît dans le monde du travail: les technologies de l'information, les changements technologiques vont faire pousser davantage cette demande extrêmement importante au niveau des adultes. Alors, je m'arrête là.
M. Garneau (Richard): M. Charest.
M. Charest: Merci. D'abord, M. Bussière, je dois vous dire que, de mon point de vue à moi, c'est extrêmement important le travail que fait le Conference Board pour la raison suivante: C'est qu'il faut, je crois, chiffrer. Puis il faut parler des chiffres peut-être et je suis d'emblée d'accord avec ceux qui disent qu'il ne faut pas s'enfarger dans les détails, pour en parler pour peut-être vraiment concentrer le débat sur les bons choix, et l'échange que vous avez eu avec M. Boucher me semble très important et, pour tout le monde, ici aujourd'hui, pour qu'on parle des mêmes choses. Et il y a une chose qui m'a frappé dans ce que vous avez dit à M. Boucher et à tout le groupe, c'est que, dans vos projections, quand vous parlez de 80 milliards de dollars dans vos prévisions tendancielles, c'est basé sur la prémisse que le gouvernement fédéral ne fera pas d'autres nouvelles dépenses. C'est exact.
M. Bussière (Luc): C'est exact.
M. Charest: On sait tout le monde autour de la table que la probabilité que cela arrive est à 0 %. 0 %. Peu importe que ce soit dans nos domaines de compétences ou dans les domaines de compétences du fédéral, juste après le 11 septembre, on sait très bien que donc les chances que ça se réalise, c'est 0 %. Vous avez, je pense, été très honnête en soulignant le fait, en attirant l'attention des participants à cette réalité, parce que s'il fallait qu'on sorte d'ici aujourd'hui et que, par malheur, on se présente dans un forum et qu'on plaide que le gouvernement fédéral va avoir un surplus de 80 milliards de dollars en 2020, bien, on vient juste de ruiner une bonne partie de notre crédibilité. Il faut faire attention, il faut parler des vraies choses, donc.
Et je vous réitère que, moi, je suis tout à fait de votre avis qu'il y a là un déséquilibre qui est structurel, qui n'est pas conjoncturel. On ne parle pas d'une année de déficit. Puis le fédéral, de temps en temps, quand je les entends parler puis qu'ils nous disent: L'économie ralentit, ça m'inquiète, parce qu'ils essaient de nous attirer dans un débat qui est faux; et il faut rester sur les prémisses que vous nous laissez, dans les tendances, c'est-à-dire que c'est structurel. Ce n'est pas 80 millions de dollars dont on parle; il faut faire attention, ce n'est pas de ça. Puis, si on devait, nous, donner, lancer ce chiffre-là auprès des Québécois, bien, on les induirait en erreur puis on aurait tort de le faire. Il faut rester sur le plancher des vaches.
Je remarque aussi, dans les études du Conference Board, que vous placez la croissance économique pour le Canada, la croissance réelle, c'est-à-dire à peu près à 3,2 % pour les années 2005 à 2009; vous êtes dans cette zone-là, ce qui reflète à peu près ce que, nous, nous voyons aussi pour la croissance au Canada et au Québec. Ma question donc, pour rester sur le plancher des vaches, que je veux vous poser est la suivante: À combien vous chiffrez, pour les années 2002-2003, puis 2003-2004, le déséquilibre fiscal? Pour ces deux années-là, est-ce que vous êtes capable de nous dire dans quelle zone nous sommes?
M. Bussière (Luc): Bien, je vais répondre à certaines des remarques que vous avez faites. Tous les programmes qui existent présentement, tous les programmes, au niveau fédéral, de dépenses, et des provinces vont continuer là. Je veux dire, les montants, les sommes d'argent ne sont pas constantes. On n'ajoute pas de nouveaux programmes. On ne crée pas de nouveaux programmes. Mais il y a une croissance, il y a une inflation dans les programmes existants.
Même au niveau des transferts fédéraux, en termes de TCSPS, il y a une croissance qu'on a même tablée davantage que si je regarde la législation présente, qu'on a des hausses puis des montants qui ont été présentés dans le budget jusqu'à l'année fiscale 2005-2006. Déjà, le Conference Board présume de nouvelles dépenses en disant que le fédéral va mettre quelque chose en place qui ferait en sorte que le taux, le niveau réel par habitant va être moins connu. Parce que ce n'est même pas encore annoncé. C'est-à-dire, si on avait... C'est pour ça que je vous dis que, ce qu'on a fait, c'est tellement conservateur. Parce que j'aurais pu vous créer un 150 milliards de surplus en 2019-2020, s'il s'avérait, par exemple, juste que j'élimine la croissance pour maintenir le taux per capita plus élevé.
Je pense que, au niveau à court terme... Le débat du déséquilibre fiscal, pour le Conference Board puis, j'imagine, pour les provinces – puis j'espère que, le Québec, c'est la même chose – dans les discussions qu'on a eues avec toutes les autres provinces, c'est quelque chose de long terme; c'est quelque chose de structurel. Puis il n'y a pas vraiment intérêt pour le Conference Board ou pour ce forum-là de savoir quel serait le surplus au cours des prochaines années au niveau fédéral. Puis on pourrait avoir, par exemple, un autre 11 septembre.
M. Charest: Mais pour 2002-2003 puis 2003-2004, êtes-vous capable de nous donner une idée?
M. Bussière (Luc): Bien, on avait terminé ça sur la base, je crois, des comptes nationaux du troisième trimestre. L'analyse qu'on a refaite, par la suite, pour tout l'ensemble des provinces, je pense qu'on tablait pour le surplus qui avait été annoncé par le gouvernement fédéral – je ne me rappelle pas exactement; c'est dans le document. Mais c'est plus, encore une fois, au cours des 20 prochaines années, la croissance de ce surplus-là qui nous intéresse plutôt que son niveau comme tel. Parce que son niveau comme tel, que ce soit 6 milliards ou 8 milliards, pour moi, ça m'importe peu.
M. Garneau (Richard): M. Legault.
M. Legault (François): ...va être très simple, c'est que, dans son document intitulé Programmes de transferts fédéraux aux provinces , la commission Séguin soutient que les transferts fédéraux représentent une part décroissante des revenus du gouvernement du Québec depuis le début des années quatre-vingt, passant de 28 à 16 %. Il est également mentionné qu'après avoir consacré plus du quart de ses revenus au paiement de transferts aux provinces, en 1983-1984, le gouvernement fédéral n'y consacrait plus que 14 % en 1990-2000. Pourquoi? Avez-vous une réponse à ça?
M. Bussière (Luc): Ah! la réponse est très simple: il y a eu un ralentissement économique important au début des années quatre-vingt-dix, puis le gouvernement fédéral a fait maison neuve. Puis, au niveau de ses transferts aux provinces, bien, ça marque que c'est une partie importante de ses dépenses. Puis ces dépenses-là ont été coupées de façon très importante. Puis ça a créé des pressions au niveau des provinces puis des pressions au niveau de l'ensemble des hôpitaux puis des systèmes d'éducation au Canada, puis ça, au Québec puis dans toutes les autres provinces. Pourquoi? Il faudrait demander au fédéral pourquoi.
M. Legault (François): Je pensais que vous pouviez me répondre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bussière (Luc): Bien, c'est toutes des données véritables, c'est toutes des données historiques. Le fédéral, je veux dire, a fait plus ou moins des coupures de dépenses qui maintenant, pas après coup, on peut se questionner, après avoir vu les effets puis les impacts néfastes que ça a pu avoir sur les listes d'attente ou sur le système d'éducation. Mais je pense qu'on devrait, au lieu de regarder l'histoire puis l'histoire récente, bien, regarder vers l'avenir. Puis avec le vieillissement de la population, je pense que c'est peut-être plus important que jamais de regarder au cours des 15 ou 20 prochaines années.
Ce qui est peut-être le plus important, c'est que l'effet du vieillissement de la population va être encore plus important à la fin de la période de prévision qu'on a. Si on devait, par exemple, là, rajouter 10 ans à notre prévision puis terminer ça pour en 2030, ce serait encore plus catastrophique pour les provinces, il y aurait encore un déséquilibre fiscal encore plus important.
M. Legault (François): Mais il est surprenant que vous mentionnez que c'est le vieillissement de la population. Si ça vieillit au fédéral, ça vieillit au provincial. Alors, je pense que le fédéral devrait étudier en fait une façon de pouvoir rémunérer... d'une façon de faire des transferts de fonds aux provinces qui pourraient correspondre justement à tous ces problèmes.
M. Bussière (Luc): Parce que, il me semble, de toutes les diapositives qui ont été présentées, il y en a une qui, d'après moi, est la plus importante, c'est celle où on montre la contribution du 4,8. Puis je demeure persuadé que ce 4,8 % de croissance annuelle moyenne au cours des 20 prochaines années, s'il y a de quoi, c'est très conservateur, comme à peu près tout ce qu'on fait au Conference Board.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bussière (Luc): Mais ce qu'il y avait d'important, c'était au niveau de la croissance, on voyait les changements démographiques, puis l'effet vieillissement de la population ça représente 1 %, 1 point de pourcentage de ce 4,8 là. Donc, ça, c'est important, puis le 1,5 des services... de la croissance, en termes réels, à savoir tous les nouveaux médicaments, les nouvelles technologies. Puis est-ce que le Canada peut se mettre à l'abri de ça puis vivre à côté des États-Unis puis que tous ces nouveaux services-là en soins de santé vont être disponibles puis on va se fermer les yeux puis on va dire: On n'en veut pas?
C'est-à-dire... là, vous avez 1,5 de point de pourcentage plus un autre point de pourcentage qui est causé par le vieillissement de la population, puis le 0,2 qui est la croissance de la population moyenne qu'on prévoit au cours des 20 prochaines années. Ce 0,2 là, s'il s'avérait que ce ne soit pas 0,2 et que ce soit 0,6, qu'il y ait une croissance de la population plus importante au Québec, est-ce que
ça cause problème pour le Québec? Pas vraiment à mon avis parce que ces gens-là vont travailler, vont payer des impôts, vont aussi contribuer à augmenter les recettes. C'est comme au niveau du coût de l'inflation. L'inflation, vous l'avez à la fois au niveau des revenus, surtout si vous avez des taxes de vente puis que vous l'avez au niveau de vos dépenses.
Mais le Canada pourrait décider ou les provinces pourraient décider que cette croissance-là réelle, bien, on se ferme les yeux puis on a une certaine qualité de service puis qu'on va la maintenir, puis on va arrêter de vivre avec tous les nouveaux médicaments puis les nouvelles technologies, comme on l'a fait au cours des 20 dernières années. On pourrait très bien décider ça. Bien, à ce moment-là, c'est un choix de société.
M. Garneau (Richard): Alors, il y aura M. Fahey, M. Lucier et nous allons terminer avec Mmes Gendron, Grégoire et Skene. D'abord, M. Fahey.
M. Fahey (Richard): Merci, M. le président, M. le premier ministre, j'ai bien aimé votre définition du déséquilibre fiscal en disant: Bien, la marge de manoeuvre à Ottawa comparativement à la marge de manoeuvre à Québec parce que c'est dans ce sens-là qu'on l'avait analysé, nous autres.
On l'avait analysé d'un point de vue – et c'est là, c'est peut-être la personne qui est absente alentour de la table en ce moment – du contribuable. Du contribuable qui, comme disait M. Massé tantôt, l'argent, son dollar per capita vient toujours de la même poche, du même contribuable. Et là, j'ai l'impression qu'on se chicane par rapport à une tarte à savoir: Est-ce que je devrais avoir une partie de la tarte fédérale ou je devrais l'avoir toute? Alors que le contribuable, il n'y a peut-être plus faim. Il n'a peut-être plus le goût d'envoyer de l'argent aux différents gouvernements parce qu'il a l'impression qu'il en a envoyé assez par rapport aux dépenses que ce gouvernement-là doit réaliser dans le cadre de ses champs de compétence. Et, ça, je pense que ça serait un élément qu'il faudrait considérer dans le cadre de nos travaux pour demain.
M. Massé nous parle de revoir le système, revoir les systèmes dans le cadre de nos prochaines discussions. Moi, j'aurais une question pour vous quand vous parlez de la santé. On a eu... Il y a plusieurs réformes, même en éducation, qui ont été annoncées, qui sont enclenchées. Dans quelle mesure est-ce que ces réformes-là, ces nouvelles façons de faire qu'on propose, sont intégrées dans les prévisions de dépenses? Parce que, encore une fois, regardez juste le volet revenus autonomes du gouvernement, c'est une chose, il faudrait peut-être revoir la façon dont dépense cet argent-là parce que, encore une fois, le même dollar vient du contribuable.
M. Bussière (Luc): Pour vous répondre, encore une fois, on ne pense pas qu'il va y avoir une accélération de ces changements-là. Tout ce qu'on dit, au Conference Board, c'est qu'on a regardé les tendances au cours des 10, 15 dernières années au niveau de la croissance réelle par habitant puis on dit que ça va se poursuivre au cours des 20 prochaines années. Exactement. C'est comme le rythme de nouvelles découvertes en médicaments, ainsi de suite, en soins que ça va se poursuivre au cours des 20 prochaines années. Mais... Puis il me semble que c'est conservateur parce qu'on pourrait même penser que ça pourrait s'accélérer. De la façon avec l'ADN, tout ça, on pourrait même penser qu'il va avoir, tu sais... qu'on est à la veille de changements importants puis qu'il pourrait avoir une accélération encore très importante puis de nouveaux médicaments.
Mais tout, par exemple, l'impact qu'un nouveau médicament pourrait avoir sur les effets, là, réduire le temps d'hospitalisation. Tout ça, c'est inclus dans toutes les données historiques puis on dit que ça va se poursuivre dans le temps. Est-ce que c'est une hypothèse qui est valable? Je dirais que oui, mais je la qualifierais de conservatrice.
M. Garneau (Richard): M. Lucier.
M. Lucier (Pierre): Merci, M. le président. Un bref commentaire et un commentaire question.
Le commentaire concerne la prévision des besoins, des dépenses en éducation. Il m'apparaît assez évident que c'est plutôt sous-estimé que surestimé. D'abord, on ne prévoit aucun type de réinvestissement. Mais, même au plan de la fréquentation, moi, j'ai observé que depuis qu'on fait des prévisions de type démographique en éducation, on a été régulièrement, je dirais, surpris ou trompé. Ça se passe autrement parce qu'il n'y a pas de rapport linéaire pur entre la démographie et la fréquentation surtout au niveau postsecondaire. Il y a des phénomènes qu'on avait mal vus venir, la formation continue, la fréquentation, à l'époque, des femmes, on n'avait pas non plus prévue. Je regarde, par exemple, les prévisions, simplement pour 2002-2003, dans le cas de l'université, vous êtes dans la négative ici. Si vous avez vu les journaux ces derniers jours, vous avez pu voir que c'est un résultat tout à fait différent. Donc, je suis d'avis qu'on est plutôt dans du très, très conservateur, et ce n'est pas un reproche, c'est une observation qui tendrait à montrer que l'acuité des besoins dont on va parler demain est probablement plus grande que ce que laisse entendre les prévisions purement mécaniques qui sont là.
Mon autre commentaire est une question, mais vous jugerez si c'est une question, et j'aurais aimé aussi le faire tout à l'heure à M. Séguin. Jusqu'à quel point il est possible de discuter du déséquilibre fiscal sans soulever, je ne dirais pas le problème des compétences, parce que là on entrerait dans un débat de type constitutionnel, mais, en tout cas, sans une discussion sur l'opportunité des choix. Mais un recoupe l'autre, hein, parce qu'il pourrait ne pas y avoir déséquilibre fiscal ou, en tout cas, marge de manoeuvre excessive si tout était utilisé pour des actions présumées légitimes parce qu'entrant dans le pouvoir de dépenser, par exemple, le pouvoir fédéral de dépenser. Donc, on pourrait résoudre la question de cette manière-là.
Il me semble important de le voir, que nous ne dénonçons pas la réalité du déséquilibre fiscal seulement parce qu'il y a des surplus, et j'imagine que nous ne sommes pas ici pour dénoncer le déséquilibre fiscal parce qu'il y a des surplus, mais parce que nous avons à crier haut et fort quels sont les vrais besoins auxquels nous ne pouvons pas répondre. Et c'est pour ça que je suis très heureux que, demain, on parle des besoins et des intentions, parce que c'est ça, la vraie question. S'il n'y avait pas de surplus à Ottawa, est-ce qu'on pourrait continuer à parler sinon de déséquilibre fiscal du moins de l'inopportunité de dépenser. Alors, n'entrons pas dans le débat des compétences mais sûrement sur l'opportunité politique des choix. Mais ce n'est peut-être pas une question.
M. Bussière (Luc): Mais pour répondre à ça, les argents sont là. Les montants pour couvrir le vieillissement de la population, toutes les sommes d'argent sont là. C'est juste de rééquilibrer, de repartager ces assiettes-là. Parce que, imaginez, là, c'est que c'est basé sur une prévision qu'on éliminerait une dette qu'on a pris 35 ans à accumuler au niveau fédéral. C'est aberrant. Tu sais, le pays pourrait très bien, le Canada, avoir une dette par rapport au PIB qui représenterait, quoi, 35 % ou 30 % puis vivre avec ça, puis il n'y a aucun problème. Bien, imaginez les argents qu'il y a là vont pour... Même, on pourrait faire face à une croissance de soins de santé encore plus importante que 4,8 %. Le Canada n'est pas forcé d'éliminer sa dette, là. On pourrait très bien vivre avec puis vivre avec une dette qui représenterait... Bien, c'est bon de la diminuer, mais, tu sais, à quel niveau là? Ce n'est sûrement pas bon de la diminuer pour que ça représente 0 % du PIB. Je ne pense pas, comme Canadien, qu'on y gagnerait là.
Mais ça veut dire que les sommes d'argent sont là, puis c'est à savoir bien repartageons cette assiette-là. C'est pour ça qu'on entend parler... puis dernièrement, ils parlaient dans les journaux peut-être d'une nouvelle hausse de taxes ou de points d'extension là qui pourraient s'ajouter à la TPS pour couvrir les... mais le Conference Board est très clair, les argents sont là, là, puis je ne pense pas qu'il y a un Canadien qui pourrait supporter... parce que le fédéral, ces gens-là, c'est le gouvernement, puis ils sont élus par les Canadiens, mais je vous dis que, la journée qu'il va y avoir un surplus de 30 milliards puis que les Canadiens vont voter pour ces gouvernements-là, les choix se font là lorsqu'on va voter. Mais je ne pense pas que le gouvernement fédéral gagnerait plusieurs appuis à accumuler un surplus de 40 milliards qui serait alloué au service de la dette pour réduire la dette, surtout s'il y a des problèmes pressants au niveau des soins de santé et tout ça. À la limite, vous pouvez étirer ça jusqu'à 14, 15 milliards, puis c'est déjà, là... Puis on crée des discussions et des forums comme ça, parce que, vous avez raison, s'il n'y avait pas de surplus au niveau d'un palier de gouvernement comme le fédéral...
Mais il y a tout le temps eu déséquilibre fiscal. Mais, quand les gouvernements étaient tous endettés puis on avait déficit sur déficit, il n'y a pas eu de discussion à savoir: Mon déficit pourrait être plus gros ou ton déficit plus petit, peu importe, parce qu'il y a tout le temps eu un déséquilibre à ce niveau-là. Ça veut dire: C'est parce qu'il y a de l'argent à Ottawa que le monde s'intéresse puis parle de déséquilibre fiscal, puis c'est très clair.
Mais c'est à savoir comment ça va tout être réaménagé, ces sommes-là. C'est une question de contrôle. Peut-être que si moi j'étais à Ottawa, j'aimerais bien pouvoir distribuer des cadeaux à tous les cinq ans puis dire que je mets 20 milliards de plus à la santé puis me faire réélire par la suite. Mais je pense que le contrôle, si les provinces et les territoires sont responsables de livrer des soins de santé de qualité à tous les Canadiens, ce serait bon qu'ils aient les moyens aussi de le faire puis ne pas attendre que le Père Noël passe à tous les cinq ans pour mettre l'argent, parce que c'est très clair que l'argent va venir d'Ottawa. De quelle façon? Je pense que ce serait mieux que ce soit une façon qui est plus simple puis qui est plus simple aussi à planifier puis à projeter dans le temps plutôt qu'avoir tout le temps à cogner à la porte puis essayer tout le temps de demander plus d'argent. Ça vient que, même, je pense que tout le monde se tanne de demander de l'argent à un moment donné, puis ce serait mieux de mettre un régime en place qui pourrait assurer effectivement qu'on ait des soins de qualité au niveau de la santé et de l'éducation.
Puis l'éducation, effectivement, de la même façon que le 4,8 est conservateur, le 2,2, je vous dirais qu'il est conservateur aussi puis qu'on pourrait avoir une accélération de l'éducation pour faire en sorte de refléter les changements qui s'opèrent maintenant dans l'économie, qui est de plus en plus une économie de services où est-ce que le capital devient de moins en moins important, mais la composante main-d'oeuvre de plus en plus importante. Puis, effectivement, on devrait peut-être s'arranger et avoir des travailleurs puis investir encore davantage en éducation pour pouvoir faire en sorte que, plutôt que de parler d'un potentiel de production de 2,2 % pour le Québec... Pourquoi ne pas le monter à 2,4 % en ayant une main-d'oeuvre qui soit plus qualifiée encore? Ça aussi, c'est un choix de société. Ça veut dire: Vous avez très, très, très bien raison, à 2,2, c'est... Mais moi, je dirais qu'il y a de l'argent pour l'éducation puis la santé puis que cet argent-là est à Ottawa, c'est très clair.
M. Garneau (Richard): Mme Gendron.
Mme Gendron (Andrée): Au nom du président de l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec qui est à l'extérieur actuellement, je voudrais vous redire notre préoccupation face au déséquilibre fiscal que l'on vit actuellement. On avait déjà pris une position très claire à cet effet-là parce que, je pense, entre autres que, dans le cadre du virage que voulait faire le Québec en matière de dispensation des services de santé il y a quelques années qui s'est appelé notre grand «virage ambulatoire» et au moment où se sont faits les transferts ou le blocage des transferts, on a vu que cette initiative qui était porteuse de conséquences et d'efficience s'est un peu arrêtée et limitée parce qu'on n'a pas été capable de faire suivre l'argent avec le client. Et on est resté un petit peu avec un système en déséquilibre, avec une pression très forte actuellement sur des services spécialisés à l'urgence ou au secteur hospitalier parce qu'on n'arrive pas, à domicile, à avoir l'offre de services qu'on aurait souhaitée pour les gens.
Alors, donc tout le phénomène du déséquilibre fiscal, pour nous, nous préoccupe beaucoup parce qu'un jour, ça pourrait être aussi la bascule vers un autre système qu'un système public et équitable pour les gens.
Deux remarque majeures: la première remarque, je pense effectivement que les extrapolations sont des chiffres très, très conservateurs. Très conservateurs d'abord parce que ça ne concerne pas une mise à niveau. Et, effectivement au Québec, actuellement, et on le sait, on a pris beaucoup de retard à adapter notre offre de services à une population vieillissante. Ce n'est pas seulement parce qu'on a plus de personnes âgées, parce qu'on a beaucoup de personnes âgées en bonne santé, et c'est notre fierté, mais c'est aussi parce que les personnes malades vivent plus longtemps.
Alors, donc on n'a pas adapté, on n'a pas été capable d'adapter ça à cette nouvelle réalité parce qu'au Québec, c'est là où ça s'est développé le plus rapidement. Quand on voit les chiffres comme ici, c'est un petit peu comme si on partait d'une offre de services aujourd'hui adaptée puis on la faisait progresser dans le temps. Il y a ça.
Il y a aussi le fait, bien le niveau d'inflation, on le sait, au cours des dernières années, on n'a pas été capable au Québec de couvrir le taux réel d'inflation. donc,1 on a fait une compression aussi sur l'offre de services. Donc, il y a du retard à récupérer. Et, là je ne vous parle pas non plus du manque d'investissement dans les bâtiments, dans les équipements et tout ça.
Donc, c'est vrai que ces chiffres-là sont conservateurs, mais je voudrais aussi vous dire qu'au même moment, au gouvernement fédéral, en même temps où est-ce qu'on n'avait pas ces argents-là au Québec, au moment où le gouvernement fédéral créait trois fonds, un fonds pour l'équipement, un fonds pour les systèmes d'info alors qu'ici, on allait le mettre sur pied, mais aussi un fonds qui nous préoccupe beaucoup, qui porte sur l'organisation des services de première ligne alors que le Québec – et la semaine dernière, j'étais au Canada, à Saskatoon – et que le Québec a une infrastructure de services de première ligne comme il n'en existe pas dans une autre province. Et on a 800 millions actuellement qui sont bloqués au gouvernement fédéral pour faire de la recherche sur comment étaient implantés les services de première ligne.
Alors, tout ça pour venir appuyer le fait que je pense qu'il faut qu'on s'occupe de ça, je pense qu'on a fait des choix de société, je pense qu'on a des savoir-faire qui sont uniques et qu'il faut être capables de les financer par choix parce qu'on... Je pense qu'on veut rester à domicile, je pense qu'on veut vieillir en bonne santé et je pense qu'il y a des réajustements de cet ordre-là qu'il faut faire. Alors, tout notre appui.
M. Garneau (Richard): Mme Grégoire.
Mme Grégoire: Bien, effectivement je pense que tout le monde a l'air à s'entendre sur le fait que le déséquilibre est structurel, ça, je pense que, là-dessus il n'y a pas de doute.
Cependant, M. Massé m'a un peu questionnée parce qu'on dit: Ça va peut-être prendre 15 ans à se régler puis là, là-dessus, je sens plutôt l'urgence d'agir, moi. Je sens plutôt l'urgence à bâtir un consensus au Québec, rapide, pour qu'on puisse intervenir au niveau fédéral. Parce qu'on le voit dans les tableaux qui ont été présentés que, plus on attend et plus la situation s'aggrave. Et, moi, j'appelle ça aussi mon «déficit intergénérationnel» parce qu'il y aura des gens qui auront payé justement pour un certain panier de services avec... tu sais et ne pourront plus y avoir accès parce qu'on sera dans une situation beaucoup trop difficile, beaucoup trop précaire.
Et, d'ailleurs, tantôt, on regardait ça puis on se disait: On parle d'un processus, d'un déséquilibre qui est structurel, mais, pour faire suite à la question de M. Legault, est-ce que... Je serais curieuse de voir – puis peut-être que vous l'avez regardé dans d'autres études – quelle proportion du problème structurel vient des surplus justement de la coupure de 18 et 14 %. Alors, je pense que c'est peut-être une façon intéressant d'aborder le sujet, mais je pense que, pour un peu résumer ce que je disais, une chose qui est importante c'est l'urgence d'agir, là, l'urgence de bâtir un consensus solide au Québec pour aller voir nos partenaires dans le reste du Canada pour régler le plus rapidement possible parce que dans 20 ans, on le sait, il sera vraiment trop tard.
M. Bussières (Luc): Oui. Bien, on n'a pas regardé comme tel dans... Les coupures, on les a vécues, elles sont dans les données historiques. Ça a été notre point de départ. On a regardé ça au cours des... Tu sais, c'est mécanique, mais il y a aussi beaucoup de jugement. Puis, dans nos tendances, on a vu ces baisses-là, là, même au niveau par habitant puis il a fallu composer avec ça puis oublier et ignorer les périodes de fortes coupures puis retrouver la tendance avant ces coupures là importantes qui... je veux dire, on ne pouvait pas vivre avec, là.
Il me semble, mais on parle d'urgence, il y a quand même beaucoup de temps. Tu sais, le vieillissement de la population, ce n'est pas quelque chose qui est... demain je vais être une journée plus vieux puis, je veux dire... puis vous aussi. Je veux dire, il y a quand même beaucoup de temps. On parle, c'est quelque chose qui va se faire graduellement. On peut même continuer à en discuter l'année prochaine puis dans deux ans encore une fois. Je pense que même au niveau des prévisions qu'on a présenté jusqu'en 2005, l'année fiscale 2005-2006, même au niveau fédéral, là, on n'a pas de surplus astronomique, là, de prévu. Mais le problème devient plus criant, à mon avis, dans cinq ans. C'est-à-dire il y a quand même beaucoup de temps pour prendre de bonnes décisions pour, encore une fois, parce que c'est structurel puis je ne pense pas qu'il y ait une urgence.
Mme Grégoire: Je ne suis pas d'accord.
M. Garneau (Richard): Alors, Mme Skene, ensuite M. Landry, et nous passerons à Mme Marois tout de suite après. Donc, Mme Skene.
Mme Skene (Jennie): Écoutez, quand j'écoute ce qui se dit ici, M. Séguin, M. Bussière, je pense que les constats qu'on peut faire, au-delà des détails, parce qu'on pourrait toujours dire: l'étude n'est pas allée assez loin, on n'a pas prévu suffisamment dans tel domaine ou dans tel autre. Ce qui ressort, c'est que le trouble, il est dans les provinces, il est au Québec. C'est nous qui devons assumer les services de santé, les services sociaux, les services d'éducation, et, dans ce contexte-là, on a du temps. Moi, je pense que c'est hier qu'il aurait fallu faire ça. Parce que, actuellement, ce qu'on vit depuis que le gouvernement fédéral fait des surplus budgétaires, c'est la création de fondations – madame vient d'en parler – la création de fondations qui «by-pass» le politique, hein, on met de l'argent à différents endroits, les parlementaires n'ont plus un mot à dire là-dedans puis l'argent va sortir d'une boîte à surprise, on ne sait pas quand. On fournit de l'argent à plein de groupes de recherche, il y en a qui sont de la recherche pure, qu'on prenne dans le monde médical, mais on n'a même pas l'argent pour les mettre en application, les résultats de ces recherches-là. On se retrouve devant des beaux dossiers, des beaux documents, des beaux résultats, mais il n'y a pas l'argent pour payer l'investissement nécessaire pour les mettre en application et les mettre en place. C'est flagrant dans le réseau de la santé, celui que je connais le mieux. Il y a des gens en éducation qui sont capables d'en dire autant, j'en suis convaincue.
Et, dans ce cadre-là, la rapidité, elle est, je pense, essentielle. C'est sûr que, entre le 15 ans de Henri puis peut-être la semaine dernière, pour moi, il y a peut-être quelque chose dans les prochaines semaines et les prochains mois qu'on doit faire bouger, parce que je partage votre avis sur le fait que le fédéral n'accumulera pas 88 milliards de surplus. Il va le dépenser. Mais il va le dépenser où? Comment? C'est l'argent des contribuables et ce qu'il y a quelque chose d'essentiel pour eux, ce sont les services de santé, d'éducation, diminuer la pauvreté, tout le social. Et dans ce contexte-là, on ne peut pas attendre. Et s'il faut faire de quoi, c'est, nous, se donner un consensus large d'étudier ce momentum-là pour les citoyens du Québec puis pour les citoyens du reste du Canada, puisqu'ils vivent la même problématique.
Alors, moi, je pense qu'il faut éviter de s'en aller dans les détails puis tout le monde ici on va être d'accord, on voudrait, tout le monde, ne pas payer d'impôt, ou le moins possible. Hein. On voudrait tous être riches puis en santé, mais il y en a des pauvres puis il y en a des malades puis, quand on en a besoin, c'est avec les impôts de ses concitoyens qu'on est capable de faire face à la musique. Et, dans ce cadre-là, il faut vraiment réagir puis passer par-dessus les petites douleurs qu'on peut avoir les uns et les autres. L'atteinte du déficit zéro est extrêmement douloureuse. Dans ce contexte-là, les efforts qu'on a faits ont accumulé des besoins supplémentaires. C'est vrai que nos réseaux sont en difficultés graves et, pour récupérer ces difficultés-là, ça demande plus d'argent que si on avait maintenu un niveau de services qui, sans s'accroître, n'avait pas subi de diminution.
Et donc, aujourd'hui, ça va nous demander encore plus d'efforts pour convaincre la population qu'il y a quelque chose à faire et que, ce quelque chose là, il y a de l'argent de disponible quelque part et il faut aller le chercher, parce qu'on en a besoin chez nous puis on en a besoin dans les provinces pour dispenser les services.
M. Bussière (Luc): Quand je disais qu'on pouvait attendre, je parlais de l'ensemble des provinces, mais, évidemment, les provinces sont inégales. Puis il y a certaines provinces que, même dans le cas du Québec, le Québec pourrait, là, selon notre scénario de statu quo, s'il ne devait pas réduire ses dépenses ou augmenter ses impôts se retrouvant en situation déficitaire puis, ça, c'est complètement inacceptable.
Donc, pour les provinces, pour l'ensemble des provinces, il y a quand même un peu de temps. Mais vous prenez... Comme, par exemple, pour la Colombie-Britannique, vous prenez le cas du Québec, bien, ces provinces-là vont être en déficit puis, ça, ça pourrait même forcer ces gouvernements-là à couper davantage dans les services en santé, ainsi de suite, pour équilibrer le budget puis c'est important d'équilibrer le budget aussi. Mais, si on regarde pour l'ensemble des provinces, il y a des provinces, comme, par exemple, l'Alberta ou l'Ontario, qui ne pourraient même pas vraiment être intéressées d'avoir une étude similaire, parce qu'on verrait, par exemple, l'Alberta se retrouve quand même en situation assez avantageuse par rapport à certaines autres provinces. Mais l'étude qu'on a faite, la plus récente, à court terme, pour l'ensemble des provinces, c'était correct, mais ça ne veut pas dire qu'il y a certaines provinces, encore une fois, comme le Québec, qui ne se retrouveraient pas à devoir prendre des actions pour corriger le problème. Ça veut dire, pour les provinces qui sont dans le rouge, si on veut, bien, effectivement, ça serait d'agir tout de suite. Ils vont devoir agir tout de suite, soit augmenter les impôts ou couper dans les services ou dans les dépenses.
M. Garneau (Richard): Alors, M. le premier ministre.
M. Landry: Oui. Je suis d'avis aussi, comme plusieurs d'entre vous, qu'il y a des débats qui doivent finir quand l'évidence est établie, ça devient malsain et obscurantiste de les faire durer.
Le regretté Gérard D. Levesque tenait déjà largement le discours que nous avons tenu cet après-midi. Il y avait à Londres une société de la terre plate, Flat Earth Society. Et quand les Américains ont démontré avec de puissants moyens photographiques que la terre était vraiment ronde, la Société de la terre plate a perdu 80 % de ses membres. Il reste encore un club négationniste du déséquilibre fiscal. Là, on est au cinquième niveau intellectuel au cours de l'année pour démontrer que ce déficit existe, qu'il est dramatique: on a l'excellente commission Séguin, on a Conference Board appuyant Séguin, on a Conference Board travaillant pour toutes les provinces arrivant à la même conclusion, on a Statistique Canada puis on a les études internes de Romanow. Il me semble que sur le plan intellectuel, le débat, il est terminé. Et notre rôle, c'est de – d'abord, la conscience, elle est prise autour de cette table – c'est de l'élargir
à l'ensemble de la population du Québec. Les mots «déséquilibre fiscal» pour certains de nos concitoyens – puis ils ne s'occupent pas de politique à tous les jours, puis ils ne font pas ça à plein temps, puis ils ont leur famille, puis les sports, puis etc., puis tant mieux – ils pensent que le déséquilibre fiscal c'est qu'il y en a qui paient trop d'impôts puis d'autre pas assez. On en est là. Alors, il y a un effort d'information considérable à faire. La plupart des gens pensent qu'ils paient plus d'impôts à Québec qu'à Ottawa. C'est le contraire.
Alors, les membres, les formations politiques, je pense, on fait leur travail, les trois partis ont fait un consensus exemplaire, reconnaissons-le. Les membres de la société civile ici réunis ont l'air à penser de la même façon. Il faut que ça devienne un consensus panquébécois presque populaire. Parce que, encore, il y a quelques jours, le ministre fédéral des Finances – ce n'est pas le moindre personnage dans cette aventure – disait qu'il n'y avait pas de déficit et que, de toute façon, les provinces avaient juste à augmenter leurs impôts – on a vu ce que nos experts en disent – ou de fermer les délégations du Québec. Les délégations du Québec, ministère compris, c'est 100 millions de dollars par année. Le déséquilibre fiscal, c'est 50 millions par semaine. Ça veut dire que même si on faisait cette absurdité de fermer un chose qui a été ouverte par Honoré Mercier, fondateur du Parti libéral, ça durerait deux semaines. Alors, il me semble que la plaisanterie a assez duré et que, là, un consensus solide doit s'établir ici et sortir d'ici et devenir un consensus québécois puisque c'est déjà un consensus canadien, là.
Avec vos excellents travaux, on est allé à Halifax et les premiers ministres de toutes les provinces souscrivent aussi au même diagnostic au point que, pour la première fois dans l'histoire, ils publient une page dans les journaux pour le dire avec la signature graphique de toutes les provinces et territoires. Il me semble que le temps de l'action est venu, puis je suis aussi du club des pressés. Vous êtes du club des pressés Mme Grégoire. Mais moi aussi là, 50 millions par semaine. En éducation, en santé, pour attaquer la pauvreté. Il y a urgence.
M. Garneau (Richard): Alors, merci. Merci, M. Bussière. Alors, j'invite maintenant Mme Pauline Marois, la vice-première ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances à nous présenter la marge de manoeuvre budgétaire de l'État québécois dans le contexte actuel du déséquilibre fiscal.
Mme Marois: Merci, M. Garneau. Alors, M. le premier ministre, Mmes et MM. les membres de l'Assemblée nationale et chers amis participants à cette rencontre, moi aussi, je suis aussi très pressée parce que, comme le disait M. Bussière, j'aimerais bien pouvoir dormir tranquille le soir. Et puis là, on est un peu au bout du rouleau. Puis je ne le dis pas en exagérant, parce que vous allez voir qu'on va s'en parler un petit peu, on est à la croisée des chemins et au bout du rouleau. Parce que ce qu'on vient de vous décrire, d'une part, Yves Séguin... et il en fait une démonstration absolument éloquente dans son rapport, comme il l'a fait cet après-midi. Ce que vous dit M. Bussière: quelque part, ça finit par nous rattraper. Et je voudrais un petit peu vous faire la démonstration, aujourd'hui, que c'est sur le point de nous rattraper; toutes ces descriptions théoriques qu'on en a fait, on va maintenant regarder ce que ça donne, concrètement, sur le budget du gouvernement du Québec. Et donc, moi, je suis très pressée aussi, comme un certain nombre d'entre vous autour de cette table.
D'abord, le plan de la présentation est le suivant. On va regarder l'évolution récente des finances publiques pour voir que les hypothèses choisies par le Conference Board sont des hypothèses tout à fait vérifiables, réalistes et même conservatrices. On va regarder, rapidement parce qu'on n'a pas tous les chiffres à ce moment-ci, quel est le cadre financier pour 2002-2003 et 2003-2004 à partir de l'expérience des dernières années et, particulièrement, du dernier budget 2001-2002. Vous allez voir qu'on a pas mal utilisé les réserves qu'on avait, de telle sorte qu'à ce moment-ci on risque d'avoir des problèmes s'il n'y a pas des corrections qui sont apportées. Et, enfin, les conséquences sur la capacité d'agir du Québec.
Depuis un moment, on nous dit: Est-ce qu'il y a vraiment déséquilibre fiscal? Parce que, dans le fond, vous avez réussi à baisser les impôts; vous avez fait des surplus; vous avez réinvesti en santé. Vous savez que, depuis 1997-1998 jusqu'à 2002-2003, on aura réinvesti, en santé, en moyenne, pour lui permettre de croître, comme budget, à une hauteur de 6 %. Si je recule et je tiens compte de l'effort budgétaire qui avait été fait dans les années précédentes, ce sera quand même une moyenne se situant entre 5 et 6 % de croissance du budget de la santé pour ces mêmes périodes. Alors... Et l'éducation a crû aussi. Donc, les gens nous disent: Est-ce qu'il y a vraiment un déséquilibre fiscal? Puisque vous êtes en train de faire la preuve qu'il n'y en a pas. Alors, moi, je vais essayer de démontrer, chiffres à l'appui, avec ce qui nous a été apporté par nos deux conférenciers précédents et les commentaires que vous avez faits sur ces questions, pourquoi nous croyons aussi qu'il y a déséquilibre fiscal et qu'on peut même, concrètement, le constater. Bon.
Alors, la fiche, la deuxième fiche, c'est le maintien de l'équilibre budgétaire, et cela, malgré le déséquilibre fiscal. Alors, ça, c'est tout simplement la réalité, c'est-à-dire qu'est-ce qu'il s'est passé depuis 1992-1993 jusqu'à 2001-2002, où on a réussi, à compter de 1998-1999, à rétablir la situation budgétaire du gouvernement du Québec pour se retrouver avec de légers surplus, hein: 126 millions en 1998-1999; 7 millions en 1999-2000; 427 millions en 2000-2001; 22 millions en 2001-2002. Si on reculait, on constaterait qu'il y a eu des surplus plus importants que cela dans les années précédentes. Cependant, on les a investis, ces surplus-là, en fin d'année pour couvrir des dépenses réellement encourues ou pour des programmes qui se développaient, autant en matière de santé, et surtout en matière de santé, et en matière d'éducation. Donc, oui, on a réussi à le maintenir, cet équilibre budgétaire, malgré le déséquilibre fiscal.
Maintenant, on l'a fait aussi malgré une autre réalité, soit celle des coupures fédérales aux transferts. Et là vous avez la courbe, le fameux 0,14 $ là dont on parle tout le temps, qu'on retrouve dans la pub qui a été faite avec les autres provinces, vous retrouvez ici exactement comment il est apparu et à partir de quand il est apparu. Alors, la part que représentait le financement fédéral par l'intermédiaire du Transfert social canadien dans chaque dollar qu'on mettait en santé, dans les services sociaux puis un certain nombre d'autres programmes, dont ceux concernant la lutte à la pauvreté, c'était 0,229 $ ou 0,23 $ dans chaque dollar qui se mettait et le reste était versé par les provinces. C'était vrai en 1984-1985 et vous savez qu'à l'origine on disait que, dans le domaine de la santé, c'était 50-50 que les coûts devaient être partagés. Quand vous regardez la courbe, elle descend depuis ce temps-là d'une façon évidemment dramatique et, en particulier, à partir de 1992-1993 où on a vu une réduction du Transfert social canadien pour les programmes de santé et de services sociaux atteindre un plancher en-deçà du 0,13 $ dans le dollar. Ce qui veut dire qu'à chaque fois qu'on met 1 $ en santé dans les services sociaux, le Québec en met actuellement 0,86 $ et le fédéral 0,14 $. C'est ça la réalité à laquelle on est confrontés maintenant, donc une réelle baisse du transfert.
Et là, il y a eu une sorte d'artifice, puis vous le voyez cet artifice sur le graphique, la courbe assurée, là, si on veut, où on a rehaussé le transfert social canadien en dégageant une somme forfaitaire, un montant unique, autrement dit, puis on a dit: On vous le met en fiducie à Toronto. Vous vous souvenez, d'ailleurs, ça avait soulevé quelques débats. On vous le met en fiducie à Toronto – ce n'est pas le Québec qui avait décidé ça là, hein, c'est Ottawa – et vous pouvez dépenser cet argent-là mais c'est une somme unique, c'est une somme qu'on vous donne d'un coup, on ne renouvellera pas cette somme-là pour les années futures. Dans notre jargon, on parle de somme non récurrente. Alors, on ne peut pas bâtir des programmes qui, eux, vont croître à chaque année, qui vont demander que les mêmes sommes soient investies alors qu'on ne les a pas, puisqu'on nous les a données une fois ces sommes-là. Donc, ça, c'est la réalité à laquelle on est confrontés, d'où vient le 0,14 $ dont on parle que met le fédéral à chaque fois qu'on met 1 $ dans les programmes sociaux et de santé.
Donc, nous avons réussi à maintenir l'équilibre budgétaire grâce à une autre réalité, et celle-là, je vous dirais, elle nous a interpellés, tout le monde autour de la table, puisqu'on a réussi à gérer de façon très rigoureuse les dépenses de programmes. Certains diraient même trop rigoureuse parce que ça a été très dur à un certain moment quand on a réduit littéralement les dépenses de programmes, et on l'a fait pendant trois ans. On a gelé d'abord les dépenses, ensuite on les a réduites réellement. Puis je suis certaine que tous ceux et celles qui ont vécu cela dans le domaine de la santé, des services sociaux, des politiques sociales, des dépenses gouvernementales, savent exactement de quoi on parle. Et ça a été un succès que nous avons atteint ensemble, ce n'est pas seulement le gouvernement du Québec qui a réussi à contrer la progression de nos dépenses mais c'est parce que tout le monde a mis l'épaule à la roue et la main à la pâte puis qu'on a, à travers ça, souffert un peu, on en convient ensemble.
Alors, qu'est-ce que ça nous a permis de faire? La proportion de nos dépenses, de toutes les dépenses du gouvernement, par rapport à l'ensemble de notre richesse collective, notre produit intérieur brut, représente environ, maintenant en 2001-2002, 18,8 % de toutes les dépenses faites ou de toute notre richesse collective québécoise et le PIB, c'est ça, et cette proportion, elle représentait en 1993-1994, 22 %. Alors, souvent les gens disent: L'État prend trop de place, on met trop d'argent ou trop de nos richesses collectives dans l'ensemble de nos dépenses. Ce qu'on peut vous dire c'est qu'à cause de l'effort que nous avons consenti ensemble, on a réussi à atteindre un niveau qui nous apparaît raisonnable. On peut dire qu'il n'est pas encore assez bas, qu'il pourrait être plus haut mais, au moins, on l'a ramené année après année à un niveau, à ce moment-ci, qui nous apparaît suffisamment acceptable entendu, bien sûr, que nous l'avons fait tous ensemble. Bon.
Alors donc on a maintenu l'équilibre budgétaire malgré le déséquilibre fiscal, malgré une baisse des transferts d'Ottawa parce qu'on a géré rigoureusement nos dépenses mais aussi parce qu'on a connu une performance économique absolument exceptionnelle. Là, je vais me permettre de faire un petit commentaire parce que je ne voulais pas intervenir tout à l'heure quand M. Bussière présentait les résultats du Conference Board. Il disait: «Sur une période de 20 ans, les tendances... c'est-à-dire les creux et les moments de hauts finissent par s'annuler et nos prévisions sont relativement correctes, croyons-nous, ou justes.»
Alors, moi, je veux témoigner de cela par l'exemple, par le retour dans le passé. La croissance économique du Québec au cours des 20 dernières années, 20 dernières années, a été de 2,2 % annuellement et la projection qu'on fait sur la croissance du PIB c'est de cet ordre-là pour les 20 prochaines années. Alors, donc, dans les faits, je crois que les données du Conference Board sont conservatrices à cet égard-là mais la période, que nous venons de vivre, elle est exceptionnelle par rapport aux 20 dernières années. Et le tableau c'est ça qu'il vous dit ici, là. Il vous dit: En fait, notre croissance annuelle du PIB de 1997 à 2001 a été, en moyenne, de 4,1 %. C'est remarquable. Ça ne s'est pas passé depuis les derniers 20 ans puisque ça a été en moyenne beaucoup plus bas que ça. Et la dernière année, celle de l'année 2001, là, ça a été beaucoup plus difficile et vous savez pourquoi, le ralentissement chez nos voisins du sud, les événements du 11 septembre qui se préparaient, les surévaluations dans certains secteurs économiques – je pense aux télécommunications qui se sont effondrées au cours des derniers mois. Donc, une croissance de 1,1 % pour l'année 2001.
Alors, cette croissance exceptionnelle de 1997-2000, c'est ça qui nous a permis de maintenir le rythme et de dépenses, et de réinvestissements, et aussi de baisse des impôts – parce que je vais aussi vous en parler de ça. On a, dans les faits, baissé les impôts de 11 milliards de dollars ou de 20 %. C'était assez considérable, mais nous avions les moyens de le faire. Et le résultat net a permis à nos concitoyens de retrouver la confiance dans leur économie, de consommer davantage et c'est ce qui a soutenu notre économie parce qu'elle va mieux que les autres autour de nous – ou du moins chez nos amis américains. Alors, on pourra y revenir.
Ce qu'on a fait aussi dans les années où ça allait bien, et la dernière année en particulier, on s'est constitué une réserve. Souvenez-vous, 950 millions mis de côté. On voulait investir ce 950 millions dans la santé, dans l'éducation, dans les programmes sociaux, dans la lutte à la pauvreté. Mais vous allez voir que, malheureusement, nous avons déchanté parce qu'il a fallu l'utiliser autrement.
Et là, c'est la prochaine acétate qui vous dit comment... Revenez là, on a eu 4,1 % de croissance. On a réussi à passer à travers malgré le déséquilibre fiscal. On se retrouve en 2001. Notre croissance est de 1,1 %. Là, c'est compliqué. On pourrait ne pas être capable, à ce moment-là, d'atteindre l'équilibre budgétaire. Alors, qu'est-ce qu'on a fait pour y arriver en 2001-2002? Ce qu'on a fait, on arrive avec un petit surplus de 22 millions de dollars. C'est tout petit, hein. Sur un budget de dépenses globales, incluant le service de dette, de 51 milliards là, c'est une infinitésimale. Alors, ce qu'on a fait, on a encaissé la fiducie du TCSPS là. Les gens qui s'inquiétaient, elle est vidée, cette fiducie. Elle nous a servi à passer à travers. C'était de l'argent... notre argent qui nous revenait puis elle ne reviendra plus l'année prochaine. C'est pour ça que j'insistais tantôt là, il n'y en a plus, hein. Il reste des grenailles au fonds qui sont prévues dans les dépenses qu'on va faire pour l'année prochaine, et on a utilisé la totalité de la réserve, 950 millions, ce qui veut dire que, dans les faits, on aurait pu, si nous n'avions pas eu... Prenez juste la réserve, oubliez le TCSPS là, le transfert, la fiducie qu'ils avaient mis en réserve, on serait quand même en déficit cette année, 2001-2002 là, qui s'est terminée en mars, à 950 millions de dollars ou 925 millions puisqu'on a fait un surplus de 22. D'accord? Ce serait ça, la réalité avec laquelle il faudrait vivre cette année, c'est-à-dire l'année qui vient de se terminer, 2001-2002.
Est-ce que notre situation est si différente de celle des autres provinces? Oui dans certains cas, vous allez le voir, mais non pour la majorité des cas. Et là, vous avez un tableau qui vous indique quelle est la situation dans toutes les autres provinces. Et comme vous voyez, les bâtonnets verts là, ils ne sont pas beaucoup en haut ni pas beaucoup en bas de la ligne qui est à l'équilibre budgétaire, puisque, dans les faits, on a quatre provinces actuellement qui sont en déficit, certaines de façon très mineure, et ça, c'est pour le budget 2001-2002: 64 millions, Terre-Neuve, mais 64 millions, Terre-Neuve, c'est énorme pour eux, hein, par rapport à leur richesse collective, et de la même façon l'Île-du-Prince-Édouard. Ça a l'air tout petit mais c'est très important; et la Colombie-Britannique qui est, elle, en situation très difficile au plan du déficit, puisqu'ils sont a 2,7 milliards de dollars; seule l'Alberta finit par s'en sortir, et nous savons exactement pour quelle raison, à cause de ses ressources naturelles qui lui permettent d'avoir des revenus absolument remarquables et exceptionnels. D'ailleurs, ils n'ont pas de taxe de vente. Imaginez, et ils sont en surplus de 1 133 000 000, mais toutes les autres provinces... Puis souvenez-vous du budget de l'Ontario, hein. Toutes les autres provinces sont à peine en léger sur plus ou en léger déficit sauf Colombie-Britannique. Et rappelez-vous l'Ontario, ils ont décidé de reporter des réductions d'impôts au dernier budget parce qu'ils étaient conscients qu'ils ne pouvaient pas arriver et attacher les deux bouts, comme on dit, pour assurer l'équilibre budgétaire.
Et la dernière colonne, ça, ce sont les surplus du gouvernement fédéral, les surplus 2001-2002. Et là, vous allez me permettre, parce qu'on a eu une discussion tout à l'heure. Plusieurs ont fait des commentaires: Est-ce que les surplus actuels du gouvernement fédéral finalement ne sont pas surévalués, et si on les utilise pour corriger le déséquilibre fiscal, ils n'en auront plus, ils ne pourront plus réduire la dette. Je vais me permettre de vous passer une feuille sur laquelle on a accumulé les informations. C'est au ministère des Finances qu'on a fait ça: une information sur, d'abord, les prévisions budgétaires du gouvernement fédéral de 1996-1997 à 2002-2003, pour voir que leur prévision initiale, qui était toujours: Zéro, zéro, pas de déficit, pas de surplus... et ils ont fait des surplus dans les dernières années; mais, plus important que cela, dans le bas du tableau, vous allez voir que le gouvernement fédéral a fait des surplus de 3 milliards en 1997-1998, 3 milliards en 1998-1999, 12,3 milliards en 1999-2000, qui ne sont pas des surplus faramineux et très, très importants, mais regardez les deux autres lignes qui suivent, ils ont engagé des nouvelles dépenses à hauteur de 4 milliards, 7 milliards, 10 milliards, 12 milliards, 18 milliards. Et là, vous irez voir dans le document produit par la commission Séguin, Pour un nouveau partage des moyens financiers , qui est le rapport comme tel, et, à la page 124, il y a un exemple seulement d'initiative fédérale dans les champs de compétence des provinces où ils sont venus chercher près de 15 milliards de dollars.
Alors, autrement dit, oui, il y a déséquilibre fiscal. Ils ont plus de ressources disponibles par l'impôt, mais, en plus, à cause de leur pouvoir de dépenser, ils décident de dépenser dans les champs de responsabilité des provinces et donc ils donnent l'impression qu'il n'y en a plus, de surplus, ou qu'il y en a moins. Mais, pendant ce temps-là, ils ont occupé nos champs de responsabilité puis ils ne nous ont pas donné les moyens d'assumer les responsabilités qu'on a en vertu de la Constitution canadienne. C'est en vertu de la Constitution canadienne qu'on a la responsabilité de la santé, de l'éducation, de l'aide aux familles. Alors, je termine, parce que ça, c'est important, ça a fait l'objet de beaucoup de discussions depuis qu'on est arrivé puis beaucoup de commentaires. Je pense qu'elle mérite d'être regardée, cette petite feuille-là. Et, même si on disait: D'accord, les baisses d'impôt, c'était nécessaire, c'était important, regardez encore quand même les nouvelles dépenses qui ont été engagées par le gouvernement fédéral dont une grande partie dans les champs de responsabilité des provinces. Je ne leur enlève pas le droit – et c'est strictement leur responsabilité – que d'investir à l'égard de la sécurité des personnes, bien sûr, surtout avec les événements qu'on a eus, mais pas à la hauteur de ce qui est là, c'est ailleurs que c'est allé. Ce n'est pas allé que dans la sécurité des personnes, c'est allé dans nos champs de responsabilité. Un des derniers budgets, on a mis 2 milliards au Fonds canadien d'infrastructures stratégiques. C'est peut-être tout à fait pertinent de faire ça, mais vous savez très bien ce que ça fait: c'est que nous, ça nous oblige à aussi dépenser dans ce type de dépenses-là, parce qu'on doit effectivement apparier la dépense.
Alors, je termine rapidement, parce que j'imagine qu'il y a des gens qui voudraient aussi poser quelques questions. Donc, vous avez vu les surplus, etc. Pour 2002-2003, malgré la bonne performance de l'économie... Et ça, ici, c'est le tableau que vous retrouvez dans la Synthèse des opérations financières que j'ai déposée il y a quelques semaines maintenant, qui dit: Voilà où en sont les revenus et dépenses du gouvernement du Québec pour les trois premiers mois de l'année budgétaire et fiscale, soit avril, mai, juin, donc se terminant au 30 juin. Si on se fie à l'amélioration des perspectives économiques – parce qu'on avait établi un taux de croissance plus bas que ce qu'il va être en réalité – on peut penser qu'on aura des rentrées un peu plus importantes qu'on évalue environ à 400 millions de dollars simplement en disant: Un point de pourcentage nous donne x millions de rentrées de plus. Mais ce qu'on constate, c'est que l'impôt à payer des particuliers pour 2001 donne de moins bons résultats qu'escompté. Ça a été difficile en 2001! Souvenez-vous comment on est arrivé à l'équilibre budgétaire.
Le rapport d'acomptes des sociétés, bon, vous vous souvenez, j'avais annoncé au moment des difficultés économiques de l'automne dernier que les entreprise pouvaient reporter leurs acomptes, ne pas les payer immédiatement, les acomptes provisionnels qu'ils doivent verser au gouvernement et les payer cette année. Or, certains s'en sont mieux tirés que d'autres et ont décidé de les payer l'année dernière, ce qui nous a aidés probablement à mieux passer l'année. Mais, cette année, ça fait moins de rentrées que ce qu'on avait prévu. Donc, sur notre cash-flow là ou sur les flux financiers, ça a été un problème.
Et le remboursement aux impôts des sociétés, les sociétés ont vécu des problèmes difficiles l'année dernière et ont passé un certain nombre de pertes évidemment et ont liquidé de mauvais placements ou peu importe. On se retrouve donc avec un manque à gagner de 135 millions.
On a haussé la taxe sur les tabacs depuis l'annonce du budget mais cet argent-là faisait tellement défaut pour soutenir les dépenses et les investissements en santé, en éducation et ailleurs qu'on l'a remis dans le niveau de dépenses de cette année.
Maintenant, qu'arrive-t-il pour 2002-2003 et 2003-2004? Je ne peux pas actuellement vous donner de chiffres qui soient plus complets que ce que je viens de vous dire par rapport à ce qu'on a connu dans les derniers mois. On va le faire plus tard cet automne. D'ici un mois, on devrait être à même d'identifier quelle va être la situation budgétaire pour 2002-2003, fermer l'année et l'année prochaine 2003-2004.
Mais, d'ores et déjà je sais que je pars, en plus du fait qu'il y a un déséquilibre fiscal qui n'est pas corrigé, avec un problème de 479 millions. Ça là, mes équilibres, imaginons qu'ils sont... que je réalise l'équilibre budgétaire, ce qui est difficile actuellement. Puis je viens de vous démontrer un peu pourquoi j'ai 479 millions, parce que le fédéral a fait une erreur, qu'il a décidé de la corriger, cette erreur-là, l'erreur dans le calcul de sommes qui nous étaient... qu'il prélevait à l'égard de fiducies, des revenus qu'il prélevait sur les fiducies. Et la façon de le calculer a été faite de façon erronée.
Ils nous ont fait payer à tout le monde cette erreur parce que ça a eu des impacts sur notre péréquation. Donc, il corrige rétroactivement une partie de cette erreur. Ça veut dire m'envoyer une facture de 479 millions, pour faire une histoire courte, qui a un effet récurrent de 250 millions l'année prochaine.
Là, je n'ai rien fait, je n'ai pas amélioré mes revenus, je n'ai pas contrôlé mieux ou plus mes dépenses, et ça, ça m'arrive.
Puis je dois vous dire que je ne le prends pas trop bien, ce 479 millions, parce qu'il m'arrive à quelques mois de la fin de l'année. Je trouve que ça n'a pas de bon sens. Bon. Et je suis prise avec cette situation-là actuellement.
Maintenant, sur les autres revenus, qu'est-ce que j'ai comme signaux actuellement au-delà de ceux que je viens de vous donner là sur la rentrée de nos impôts, des questions d'impôt? C'est évidemment ce qui se passe du côté de nos voisins américains. Et, nous, on souhaite... Puis, moi, j'ai plutôt tendance à être optimiste – d'ailleurs, parfois on me l'a reproché – mais les résultats ont été bons. Alors, j'étais assez contente.
Mais ce qui se passe du côté de nos voisins américains est un peu inquiétant parce que la reprise est plus lente que prévu. En fait, durant les 30 derniers mois, il ne s'est créé aucun nouvel emploi aux États-Unis. Et ceux qui apparaissent dans la dernière période là, c'est anémique, le rythme auquel ça croît. Mais, sur 30 mois là, il ne s'est pas créé d'emploi, aucune création nette d'emplois aux États-Unis. Ensuite, la confiance des consommateurs aux États-Unis – ce n'est pas le cas chez nous – est plus basse à l'heure actuelle, leur taux là, le taux est plus bas que celui qu'ils avaient atteint après le 11 septembre. Puis le niveau d'endettement est très élevé et en particulier du côté des entreprises parce qu'ils ont vécu des moments assez difficiles, donc ils se sont endettés, ajoutez à cela le risque qu'il y ait un conflit avec l'Irak et avec son impact sur le prix du pétrole avec toutes les répercussions que ça a dans le portefeuille des consommateurs mais des entreprises aussi.
Donc, encore là, je ne suis pas pessimiste et puis l'économie québécoise a très bien résisté jusqu'à maintenant. Mais on exporte 60 % de notre PIB et, de ce 60 %, 40 va à l'international puis, là, c'est 85 % aux États-Unis. Alors, un moment donné, si ça ne va pas bien aux États-Unis, ça va finir par nous rattapper. Alors, évidemment, on souhaite que ça aille bien puis... Mais on n'est pas à l'abri de cela. Alors, ça veut dire qu'on va continuer, nous, à faire des efforts comme on les a faits jusqu'à maintenant pour soutenir notre économie, mais les risques sont là et, en plus, la croissance de mes dépenses, elle, est à la hauteur de ce qu'on vous a décrit par le Conference Board tout à l'heure et même un peu plus. Alors, là, vous avez le prochain tableau. La croissance des dépenses, pour maintenir le niveau actuel de services – et, ça, selon les données, là, directement prises au rapport du Conference Board – c'est en moyenne, c'est de 1997 à 2003 on parle de 4 %, en 2002-2003 3,8 %, 2003-2004 4 %. Mais, en santé, depuis 1997 jusqu'à 2003 ou fin 2002, on aura investi annuellement 6,2 %. Les dépenses en santé auront crû annuellement à hauteur de 6,2 %. Si notre croissance nous permet d'engranger des revenus à hauteur de 4 % puis que nos dépenses en santé croissent de 6,2, bien, on a un problème. Ça veut dire qu'ailleurs ça ne croît pas ou qu'on doit comprimer autrement. Hein.
Alors et ce qui est prévu à l'énoncé complémentaire, pour l'année actuelle, l'année en cours, là, 2002-2003, c'est une croissance de 2,7 % du côté des dépenses. C'est-à-dire, c'est ça, ce qu'on a réservé dans notre budget. Puis, si nos dépenses croissent réellement à 4,3 % en santé, bien, là, j'ai un trouble et nous avons un trouble pas seulement moi, parce que je pense que c'est collectivement qu'on a des problèmes et de sérieux problèmes. Et ça vient confirmer, en fait, exactement tout ce que nous dit le Conference Board dans son étude où les besoins et le rythme de croissance des besoins est plus élevé que le rythme de croissance de nos rentrées. Qu'est-ce qui se passe dans ce temps-là? Un trou. On a réussi jusqu'à maintenant. Ce que je vous dis, c'est que l'avenir risque d'être plus difficile et c'est pour ça que, moi, je suis pressée que l'Alberta sûrement, hein, pour corriger ça, parce que, demain, il faut qu'on continuer à les donner, les services puis les gens, qui sont autour de la table, savent de quoi on parle quand on dit ça.
Bon. Je fais un résumé rapide. Ne pouvant tabler sur une conjoncture économique exceptionnelle, un recours à des réserves comme par le passé – vous avez vu cette année, on a utilisé les réserves – donc, s'il n'y a pas d'engagement fédéral de corriger le déséquilibre fiscal, je me retrouve devant quoi comme possibilité? Essentiellement trois choix, soit je retourne en déficit, soit je compresse davantage les dépenses – c'est la stratégie qu'on a utilisée, hein, en 1996-1997, 1995-1996 – ou soit j'accroîs le fardeau fiscal. Et on nous a dit, depuis le début, que ce n'était peut-être pas une bien bonne idée. Je suis assez d'accord aussi avec ça.
Alors, qu'est-ce que ça signifie? Sinon, si on va vers un déficit, on s'endette davantage, hein, c'est autant d'argent qu'on doit aller emprunter, puis quand j'emprunte, bien, je dois payer les intérêts sur ce que j'emprunte. J'augmente ma dette. Je dois payer les intérêts, et évidemment, ça m'enlève de la marge de manoeuvre pour investir dans le domaine de la santé et des services sociaux ou de la lutte à la pauvreté.
Si je dois prendre pour acquis la prévision que fait le Conference Board par rapport à la projection des dépenses en santé qui passeraient de 40,4 % du budget de dépenses du gouvernement du Québec à 49,4 %, ça veut dire que si je veux maintenir le même niveau d'investissement, soit que je vais chercher ailleurs, soit qu'encore une fois je reprends mes autres stratégies, je fais un déficit, je vais chercher de l'impôt, hein. Il n'y a pas 56 solutions. Par ailleurs, nous pensons – et ça, c'est l'autre acétate – nous pensons que les impôts sont suffisamment élevés au Canada et au Québec.
En fait, c'est vrai que notre fardeau fiscal, il est lourd. Ici, vous l'avez en comparaison de certains pays de l'OCDE en pourcentage du PIB. Alors, que représente notre fardeau fiscal par rapport au produit intérieur brut, par rapport à toute notre richesse collective? Et vous voyez que, en bout de piste, on retrouve le Japon avec 26,2 %; les États-Unis, 28,9; et le Canada, 38,2 %; et le Québec, 42,1 %. Je vous dirai cependant, en nuançant le tout, que nous avons ici accès à des services auxquels on n'a pas accès ailleurs. Prenons juste l'exemple de nos services de garde à prix réduit, à 5 $, c'est essentiellement au Québec qu'on retrouve de telles mesures qui ont des avantages pour répondre aux besoins des familles, conciliation travail-famille, développement des enfants, etc. Et c'est vrai ailleurs aussi. Donc, on paie des impôts pour des services, mais on en paie quand même beaucoup, puis on pense que ce ne serait pas souhaitable d'augmenter ce fardeau-là plus qu'il ne l'est maintenant, surtout qu'on a réussi à le réduire pendant les périodes où on avait un peu de surplus, mais, encore là, on atteignait l'équilibre à ce moment-là puis on réinvestissait en santé. N'oubliez pas, 6 % en moyenne réinvesti en santé. Donc, à partir du moment où on est en concurrence avec le reste du Canada puis avec les États-Unis, c'est évident que ça a un impact sur le coût qu'on a à assumer.
Donc, je vous disais tout à l'heure que nous étions à la croisée des chemins. Moi, je dis: On est un peu au bout du rouleau. Ne rien faire, ça voudrait signifier simplement que la capacité d'agir du Québec va s'effriter graduellement. Il nous semble qu'il faut être capable – et c'est l'objet, j'imagine, de notre discussion, de notre forum aujourd'hui – c'est d'essayer d'unir un peu nos voix pour demander qu'il y ait des corrections d'apportées par rapport à ce fameux déséquilibre fiscal qui nous prive de moyens et de ressources nous permettant d'éviter d'aller et vers le déficit et vers la hausse d'impôts ou la réduction de services. Et c'est ce que M. Bussière – je l'écoutais attentivement tout à l'heure – disait: Dans le fond, les sommes sont là. L'argent est là. Il s'agit qu'il soit partagé autrement, et nous ne souhaitons pas plus que vous que le fédéral retombe en déficit, mais cependant, on peut progressivement faire ce changement et ce transfert et ce rééquilibrage de nos finances publiques, sachant qu'ils ont utilisé leur pouvoir de dépenser de toute façon pour augmenter les niveaux de dépenses dans des champs de responsabilités qui n'étaient pas les leurs et faisant paraître ainsi un surplus qui était moins élevé. Enlevons ça, le surplus là, il monte pas mal, hein. Regardez votre petite feuille, vous allez voir que c'est pas mal intéressant. Alors, moi, je conclus sur le fait que nous devons, par une phrase bien simple, il faut revoir le partage des ressources fiscales pour que nous puissions être en mesure de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et concitoyennes autant en matière des services sociaux de santé, de lutte à la pauvreté que d'éducation. parce que, n'oubliez pas que le transfert social canadien comprend aussi l'enseignement postsecondaire. Ça couvre ça aussi.
M. Garneau (Richard): Merci, Mme Marois. Il y aura maintenant une période de questions et de commentaires, après quoi, nous aurons l'intervention des trois chefs de partis. Je pense qu'il y a M. Belzil et M. Massé qui ont demandé la parole. M. Belzil, d'abord.
M. Belzil (Michel): ...premier ministre. Alors, bien sûr que j'ai apprécié les interventions, les trois interventions aujourd'hui, particulièrement, celle Mme Marois. Toutefois, le fait d'énoncer que le gouvernement est troublé, ça me trouble aussi particulièrement comme représentant des municipalités dans les régions du Québec. Et nous avons connu, il y a cinq ans, la lutte au déficit zéro avec les partenaires qui se sont exprimés ici cet après-midi et, pour nous, ça s'est soldé par quand même un montant d'au-delà de 350 millions et la seule perspective pour le Québec de retourner dans ces discussions-là et dans ces difficultés-là, pour nous fait en sorte que c'est impensable de demander à nos gens encore une fois, d'éponger un déficit tel qu'il a été énoncé cet après-midi.
Alors, l'objectif final de toute cette discussion, c'est d'assurer – en tout cas, moi, au sens où je l'entends – d'assurer des services de qualité à nos citoyens. Le monde municipal investit une dizaine de milliards de dollars par année pour les services à leurs citoyens et, quant à nous, c'est évident qu'avec l'expérience du passé, avec les discussions qu'on va avoir avec vous, Mme Marois, bientôt, sur le pacte fiscal qui doit se solder pour 2005, à la discussion de revenus autonomes, dont on doit parler, je vous dirai que, pour nous, l'appui à notre gouvernement du Québec est évident et on veut poursuivre dans cette démarche-là. On a des intérêts tout comme vous avez des intérêts et ils sont pratiquement indissociables.
M. Garneau (Richard): M. Massé et ensuite M. Hémond.
M. Massé (Henri): Oui. Tantôt, je ne voulais pas laisser croire que ce n'était pas urgent. Maintenant, là, il faut regarder la réalité bien en face. Il faut être pragmatique dans cette question-là. Le budget fédéral, ils sont en train de travailler dessus. Moi, je suis convaincu que la question du déséquilibre fiscal, on ne l'aura pas réglé en février ou mars. Et entre-temps, on a à travailler pour influencer les décisions qui vont se prendre dans le budget fédéral. Si on dilapide le surplus qui est là, on aura beau travailler après, il va être parti puis on ne sera plus capable de mettre les sommes d'argent où on devrait les mettre.
C'est un peu ça que je voulais faire voir que c'est important les discussions parce que souvent on a le coeur à gauche, mais la poche à droite, le portefeuille à droite. Tu sais, moi, j'ai vu, dans le cas de la main d'oeuvre, dire au fédéral: Ah! Je n'en veux pas de cet argent-là, c'est au Québec. Mais on allait en chercher pareil des budgets au fédéral parce qu'il y en avait. On s'en servait. Et là, il ne faudrait pas permettre, au fédéral de rentrer, le gouvernement fédéral de rentrer dans des nouvelles... dans des nouvelles juridictions. Maintenant, moi, là, je ne veux pas faire de politique. On est ici pour un consensus. Mais on peut bien crier à l'urgence mais si en même temps, nous autres ici, on dit: Bon, pas tellement de problèmes que ça puis on peut baisser les taxes, puis on peut, juste en réaménageant puis en sacrant quelques fonctionnaires dehors, régler le problème de la santé, on peut bien crier à l'urgence sur la question du déséquilibre fiscal, mais on ne s'aide pas non plus, là. Puis je ne veux pas rentrer... Je comprends ça, chaque parti politique a son programme puis ils ont le droit de l'avoir. Ça, il n'y a pas de problème avec ça. Moi, je suis capable de vivre avec ça. Mais, en même temps, je pense que les deux doivent être dosés.
Quand on a fait l'équilibre budgétaire au Québec, les deux gros budgets où on a été fouiller, c'est la santé puis l'éducation. Puis, ça, ça a fait mal. Puis on le savait que ça faisait mal. Puis, si on n'arrachait pas la dent – je me rappelle de l'expression de M. Bouchard: pour avoir une dent, tu ne fais pas juste la twister un peu, il faut que tu l'arraches – moi, je suis convaincu qu'aujourd'hui on serait dans une pire situation. Puis ce n'est pas facile pour du monde, en tout cas comme nous à la FTQ, de prendre des décisions comme ça puis de les supporter. Mais je ne voudrais pas qu'aujourd'hui on laisse voir que, tu sais, non, il n'y a pas eu... Il y a eu des dommages de faits, c'est le temps qu'on les règle. Et, en même temps, il y a des responsabilités à Ottawa, mais il y en a aussi au Québec là, dans Québec. On ne peut pas se défiler là-dedans.
M. Garneau (Richard): M. Hémond et, ensuite, M. Desharnais.
M. Hémond (Michel): Pour les manufacturiers exportateurs du Québec, je pense que le discours sur le déséquilibre fiscal est salutaire, parce que la conclusion, nous, qu'on en tire, c'est que notre message est passé et qu'il n'y a plus de place pour augmenter le fardeau fiscal.
Ce qui nous inquiète, c'est que, ces démarches-là, ce n'est pas un peu pour nous préparer à des augmentations, qu'elles soient au niveau municipal, provincial, fédéral, et que ça serve justement à amener le débat là où il doit être, c'est-à-dire entre les différents paliers de gouvernement. Parce que j'entendais parler le premier intervenant, suite à votre énoncé, et, déjà, j'ai l'impression qu'on est en train de dépenser ce qu'on n'a pas trouvé.
Et, ça, c'est toujours un peu l'inquiétude quand on fait ces démarches-là. Après 20 ou 25 années où on a utilisé l'imagination de tous nos cerveaux pour trouver des façons de taxer sous différents noms, qu'ils soient impôt, taxe, frais d'utilisateur ou toute forme de charge quelconque, il est très difficile après ça, et on le voit présentement ce qui se passe, à vos dires, au fédéral, lorsque ça va relativement mieux ou ça va bien, de ramener ça à une taille raisonnable ou à des proportions peut-être plus équitables – pour employer ce mot-là, parce que je ne sais pas trop, trop quel mot utiliser dans cette situation-là. Parce que comment faire pour vraiment déterminer le rapport entre les responsabilités et les revenus pour remettre, entre les mains des gens qui ont des responsabilités, les argents nécessaires pour les rencontrer? Mais, ça, c'est un débat qui n'est pas facile, et j'en conviens.
M. Garneau (Richard): Alors, M. Desharnais. Ensuite, M. Sawyer et Mme Labrie.
M. Desharnais (Renald): Oui, M. le Président, je pense que la démonstration, l'exposé qu'a fait Mme Marois, ministre des Finances, est assez – comment dire? – nous place les yeux en face des trous – je vais le dire comme ça. Et il faut travailler avec lucidité ici. Moi, je crois que ce forum-là, ça ne se tient pas tous les jours, et il faut qu'à un moment donné les priorités soient établies clairement. Et je pense que la société civile, on est bien représentés autour de la table; j'en fais partie. Et je voudrais qu'un moment donné on sorte d'une espèce de conte de Noël – même si Noël s'en vient – on sait tous que le Père Noël n'existe pas et que c'est nous qui payons les cadeaux. Donc, on ne peut pas tout promettre.
Écoutez, moi, je suis le président du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec; j'écoute les discours. On accorde une priorité à la santé, j'en suis; à l'éducation, j'en suis. Mais disons qu'on sent que la guillotine est proche en sacrifice dans notre secteur. Et là-dedans, bien, je dis: Bien, doucement, doucement, on va essayer de se parler clairement. J'en suis pour l'augmentation des investissements dans la santé, dans l'éducation, mais, à un moment donné, avec le discours de la réduction des impôts, je crois qu'on doit donner un discours clair aussi. Quand on fait des comparaisons avec le Canada et les États-Unis et le Québec et les États-Unis et qu'on constate que nos impôts sont beaucoup plus importants, 42,1 % au Canada et 28,8 % aux États-Unis, mais c'est que les Américains, ils paient aussi de leur poche, la classe moyenne américaine, elle paie pour avoir accès à des services de santé et elle paie aussi pour inscrire ses petits gars, ses petites filles à l'école. Ça fait qu'à un moment donné je crois qu'il faut que les messages soient clairs. On ne peut pas parler des deux côtés de la bouche. Je crois qu'un service public de qualité dans le domaine de la santé et de l'éducation va coûter moins cher à la classe moyenne. Et je crois aussi qu'en ayant des services de qualité, ça va nous permettre aussi d'être à la hauteur de nos responsabilités pour les autres missions de l'État que nous avons à réaliser dans les différents ministères et organismes. Ça fait qu'on est prêts à mettre l'épaule à la roue, mais on ne paiera pas... ce ne sera pas seulement un groupe qui va faire les frais de l'opération. Merci.
M. Garneau (Richard): Alors, merci. M. le premier ministre, ensuite M. Sawyer et Mme Labrie.
M. Landry: M. Desharnais et tous les autres, vous méritez une réponse claire à la question grave que vous venez de poser. D'ailleurs, cette réponse a été donnée par la vice-première ministre, ministre des Finances et de l'Économie, à plusieurs reprises et par moi-même, et je la réitère. Il faut que nos concitoyens et nos concitoyennes sachent qu'aucune baisse d'impôts ne sera possible sans règlement de cette question du déséquilibre fiscal, de un, et sans que l'économie du Québec ne soit au rendez-vous, de deux. Le reste, c'est de la littérature. Vous voyez bien, là, quelle est notre condition de dépenses. Nous ne pouvons plus baisser les impôts. Ce qu'on a fait au cours des dernières années, ça a été de combler l'impasse. Il y a eu des hausses de 11 milliards sur cinq ans. On les a baissées du même montant plus quatre en récurrence pour les années qui viennent. Ce serait mentir effrontément à la population de prétendre que nous pouvons faire plus dans le contexte présent. Réglons ce déséquilibre, ayons l'économie au rendez-vous, puis on se reparlera de baisses d'impôts après.
M. Garneau (Richard): M. Sawyer.
M. Sawyer (Michel): Oui. Bon, bien, je vous salue tous. J'attendais la mise à la table de la ministre des Finances, c'est pour ça que je ne suis pas intervenu bien, bien avant. Bon. On s'entend sur une chose: il y a un déséquilibre fiscal. En plus, je rajouterai: Il y a de l'argent, il est au fédéral, puis on est ici pour essayer de dire qu'on peut faire quelque chose ensemble, puis faire quelque chose. Cependant, moi, je dois vous avouer que ma réalité, là... Je suis un fonctionnaire de l'État avec plusieurs années de service également, mais, au-delà de tout ça, je ne suis pas ici cependant pour négocier, pour faire des tractations de quelque nature qu'elle soit qui vont remettre en question l'intégrité des services publics. Desharnais l'a indiqué tantôt, il y a un élément qu'on a rajouté depuis l'ouverture de ce midi, c'était la pauvreté. La fonction publique semble être un élément... Je ne suis pas pressé, dépendamment, on peut être gelé, on peut être coupé puis, pour l'autre, je le sais pas vraiment pour le moment.
Alors, des éléments de base. Premièrement, la notion... Je ne suis pas... Moi, je n'embarquerai pas, puis on n'embarquera pas, dans toute notion de désinvestissement de l'État. Et, s'il y a une voie à suivre, ce serait plutôt à l'inverse. La dernière décennie a fait en sorte que la fonction publique directe a assumé énormément de coûts. Deuxièmement, le renouvellement, parce que tout le monde parle qu'il va y avoir plusieurs départs, on en a chez nous environ 12 000 qui vont partir d'ici 10 ans – ce qui, en théorie, devrait m'inclure, entre parenthèses. Eh bien, n'espérez pas de faire la décroissance par le non renouvellement parce que, ça aussi, on risque ne pas véritablement s'entendre.
En plus, je vous dirai que, actuellement, même sur le terrain, il y a des éléments qui font en sorte que, de toute façon, la fonction publique est dans la mire. Moi, ce que j'appelle des bons de commande qui ont passés dans des ministères actuellement pour équilibrer les choses. Je vous dis tout ça parce que, nous, au dernier sommet économique notre président avait quitté – ce n'est pas une habitude, moi, j'aime beaucoup les grands ralliements où est-ce qu'il y a du monde intéressant puis tout ça. Mais, au-delà de ça, moi, je suis ici puis les gens que je représente c'est ça qu'ils m'ont donné comme mandat: c'est de travailler pour amener un surplus d'impôt qui se retrouve ailleurs, de se donner une volonté collective ensemble puis un point commun ensemble, il faut aller le chercher. Et, je pense, c'est la seule et unique voie qu'il faut essayer de travailler. Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir de la gestion. Mais, je ne donnerai aucune bénédiction et je me promenerait partout où on voudra pour dire qu'on ne doit pas donner de la bénédiction sur le rétrécissement ou le non-réinvestissement dans la fonction publique.
Alors, c'étaient les propos que je voulais tenir mais vous pouvez compter... Et d'ailleurs demain on va intervenir au nom de mon organisme sur chacun des secteurs – et j'avais déjà annoncé de toute façon qu'on va également parler un peu plus de la fonction publique comme telle en bout de ligne – mais nous sommes adhérents à cette volonté d'avoir un consensus pour faire en sorte que le bien qui nous appartient revienne chez nous.
Cependant, comme l'a dit M. Massé, moi, je pense que le Père Noël existe, là, mais pas... c'est dans l'esprit, c'est créatif plutôt qu'autre chose. Mais, je ne pense pas qu'on règle ça d'ici Noël mais je pense qu'on est capable de se donner des consensus et des volontés d'action dans ce domaine-là à travers partout puis le faire partager avec l'ensemble des citoyens, des citoyennes du Québec, on peut faire un bout de chemin. Je suis assuré de ça et, peut-être, qu'on aura la piastre à M. Chrétien. J'ai terminé. Je vous remercie.
M. Garneau (Richard): Alors, Mme Labrie, ensuite M. Audet, M. Cadieux, Mme Ruest-Jutras et nous allons terminer avec Mme Barbot.
Mme Labrie (Vivian): Oui. Alors, M. Landry, j'amenderais vos conditions par rapport aux baisses d'impôts par une troisième: il faut s'occuper d'abord des dollars vitaux. Il est énormément plus urgent au Québec en ce moment de mettre un dollar sur 6 000 que de mettre un dollar sur 100 000.
Et, dans ce sens-là, je... Et, en plus, c'est beaucoup plus utile à l'économie parce que cet argent-là va circuler dans la communauté. On n'a pas arrêté de le dire depuis quelques années: un dollar vital, c'est un dollar local et ça vaut vraiment la peine d'y penser.
Dans ce sens-là, pour poursuivre un peu le débat qu'on commence à avoir entre nous, je pense que les démonstrations sont faites. Vous l'avez dit, il y a un vrai problème de déséquilibre fiscal, il faut s'en occuper et il faut aller récupérer ce qui devrait revenir à... nos obligations de dépenser au Québec.
Maintenant, j'ai un problème pour demain. Je vais l'annoncer. Il y a trois débats d'annoncés pour demain: un sur la famille, un sur la santé et un sur l'éducation, où est-ce qu'on va parler de lutte à la pauvreté? Est-ce qu'on va en parler, incidemment? Où est-ce qu'on en discuter, alors qu'il y a une commission parlementaire cet automne, qui justement aborde l'idée qu'au Québec on se donne les moyens de lutter correctement contre la pauvreté? Il va falloir arriver à dépenser là-dessus.
Et peut-être que... À ce sujet-là, moi, ce qui m'empêche de dormir le soir, c'est comment vous convaincre de faire les dépenses nécessaires au bas de l'échelle et de faire en sorte que les besoins qu'on a, qui sont vitaux, soient couverts au Québec.
C'est difficile d'arriver à bouger quand ce n'est même pas possible de faire changer un gouvernement d'idée sur le fait de mettre 18 millions pour abolir la coupure de partage de logement en juillet, plutôt qu'en janvier 2003. Quand on est rendu à ce niveau-là, c'est difficile de comprendre comment on va faire la suite. Alors, moi, je vous pose la question: Demain, comment allons-nous en parler?
Il est très clair qu'une société qui convient que c'est bien pour elle de réduire les écarts, elle fait un grand pas parce que, dans le fond, on sait très bien que ces sociétés-là sont en meilleure santé: les enfants apprennent mieux à l'école, les gens fonctionnent mieux, la société est plus heureuse. C'est bon pour nous dans 20 ans d'avoir réduit les écarts. Mais c'est maintenant, dans les choix qu'on va faire sur tous ces milliards-là, qu'il va falloir prendre la décision. Nous avons manqué une occasion dans les dernières années. Le gouvernement du Québec s'est privé dans le fond d'environ 3,5 milliards de revenus récurrents en baisses d'impôt et qui vont avoir été attribués à un 60 % de la population alors qu'on aurait pu faire circuler ça à 100 % de la population en agissant d'abord au bas de l'échelle. Et je pense que le ministère des Finances le sait, c'est payant d'investir au bas de l'échelle.
Alors dans ce sens-là, je me dis qu'il faut se donner un cadre éthique plus large que celui qui est annoncé aujourd'hui pour aborder la question de l'utilisation demain de ces fonds-là, quand on voudra les récupérer. Et ça va être beaucoup plus facile de vivre des consensus si c'est clairement dit. Voilà!
M. Garneau (Richard): M. Audet.
M. Audet (Michel): Je ne voudrais pas répondre pour Mme la ministre des Finances, mais je pense que la baisse d'impôt qu'on a eue ces dernières années non seulement s'imposait mais nous laisse encore avec un écart important avec nos voisins, qu'ils soient de l'Ontario, qu'ils soient du Nouveau-Brunswick, qu'ils soient des États-Unis.
À titre d'illustration – et ce n'est pas des chiffres des personnes riches – un travailleur, un revenu de 50 000 $, classe moyenne, professionnel, paie actuellement 30 % de plus d'impôt au Québec que les revenus de – j'ai des chiffres de Samson Bélair – comme l'Ontario et 12 % de plus qu'au Nouveau-Brunswick.
Donc, je pense qu'il faut... Pourquoi est-ce qu'il faut baisser les impôts? C'est parce que, effectivement on ne peut pas se permettre, nous, de s'éloigner, de s'écarter complètement du reste du Canada et du reste du monde. Alors, je pense que c'est un message à l'égard de nos collègues qui viennent de faire des sorties sur ce sujet-là.
Le deuxième point – et je voudrais m'adresser à la ministre puis reprendre un petit peu ce que disait Henri tantôt – au fond, si on veut faire concret, il y a une loi sur les arrangements fiscaux qui va repartir de 2004-2009. Donc, c'est comme ça que c'est défini dans le système fédéral. Est-ce qu'il y a une proposition, si on voulait que le consensus aboutisse à quelque chose d'un peu, disons, ciblé, pour qu'il y ait une commission nationale quelconque, fédérale-provinciale par exemple, qui tente d'établir un cadre ou une sorte de consensus autour des chiffres et au moins des diagnostics de ce qu'on appelle effectivement ce déséquilibre? Je pense qu'avec les provinces il y a un travail qui a été fait. Est-ce qu'il ne pourrait pas être prolongé avec Ottawa, puisqu'on est à un an du renouvellement des accords fiscaux? Et là, ça pourrait cibler la discussion sur, justement, les cinq prochaines années, ce qui est un horizon assez raisonnable. Ce ne sera pas dans le prochain budget; je pense que, là-dessus, il faut le reconnaître, le budget fédéral, il est pas mal fait pour la prochaine année. Donc, c'est plus dans un horizon de cinq ans, sur un horizon de cinq ans qu'il faudrait voir la perspective. Est-ce que je me trompe?
M. Landry: Moi, j'ai parlé de tout ça avec mes collègues à Halifax et à Victoria, puis ils n'ont pas du tout envie d'attendre deux ou trois ans. Ils s'attendaient à des déclarations du gouvernement central cet automne. Puis il y a une conférence des premiers ministres des provinces avec le premier ministre du Canada prévue au début de 2003, et mes collègues et moi-même nous attendons à du rendement pour cette date: 50 millions de dollars par semaine.
Mme Marois: Et j'ai moi-même fait cette démarche avec mes collègues des Finances, et, effectivement, le ministre des Finances du gouvernement fédéral, à ce moment-là, ne souhaitait pas même qu'on en débatte. Alors, actuellement, il faut bien comprendre qu'il y a un seul interlocuteur qui dit qu'il n'y a pas de déséquilibre fiscal, qui le nie, et moi, je crois que c'est la pression, c'est la représentation que l'on va faire sur ces questions, comme d'ailleurs les autres provinces veulent le faire, et c'est le premier ministre qui est allé chercher le consensus la dernière fois pour – c'est l'unanimité, en fait, des autres provinces – rencontrer M. Chrétien et faire valoir ce point de vue là. Qu'il y ait un pont entre le moment où on corrigera le déséquilibre fiscal et maintenant, c'est peut-être une hypothèse qui peut s'envisager, mais dans la perspective où on va corriger le déséquilibre fiscal, parce que, si on ne le corrige pas, ce n'est pas demain matin que j'ai les problèmes, moi, c'est maintenant.
Mais je comprends le point de vue d'Henri tout à l'heure, de M. Massé, qui disait: On peut aller en chercher peut-être entre-temps. Oui, bien sûr, mais pas seulement si on va en chercher dans une perspective où on ne corrige pas le fond des choses, parce qu'on va se retrouver sans arrêt en train d'aller quêter et frapper à la porte d'Ottawa pour notre argent. Soit dit en passant, c'est le nôtre qu'on envoie là.
M. Garneau (Richard): M. Cadieux.
M. Cadieux (Jean-Paul): Merci. Ce forum a été convoqué pour qu'on discute entre nous ici de la façon la plus objective possible, la plus rationnelle possible d'un sujet qui saute aux yeux, et on arrive à une conclusion. En tout cas, en ce qui me concerne, j'arrive à une conclusion principale, c'est que, notamment en santé, ou bien on a les fonds ou bien on va faire un choix notamment au niveau des soins ou des services. Je pense qu'on n'aura pas bien, bien le choix et je ne pense pas qu'il y ait grand monde qui veuille aller là.
Si je regarde ici, on est tous bien portants, donc on est loin d'une réalité. Mais j'essaie de m'imaginer un petit peu, si on devait faire des choix à un moment donné, quelles conséquences est-ce qu'on verrait dans les établissements. C'est déjà assez pénible dans le contexte actuel, avec une limitation de ressources, c'est déjà assez pénible pour tout le personnel, pour tout le monde qui est là de vivre cette condition. J'essaie de m'imaginer un peu ce que ça pourrait représenter si on devait faire un choix puis peut-être encore réduire davantage dans les soins et les services. J'aime autant ne pas y penser maintenant, d'une part. Deuxièmement, en supposant qu'on ferait ces choix, on dit: Voilà, ça entraînerait une économie. Mais ce n'est pas une économie nette, ça. Il y aurait des coûts qui continueraient, il y aurait des frais fixes qui continueraient, il y aurait un coût improductif de main-d'oeuvre qui demeurerait dans le réseau. Enfin, il y a tout ça qu'il faut considérer aussi, et j'aime autant ne pas y penser. Alors, je pense que, quand on regarde tout ça, là, la nécessité d'un partage de l'assiette fiscale, je pense, là, est assez évidente.
M. Garneau (Richard): Alors, Mme Ruest-Jutras, et nous allons terminer ensuite avec Mme Barbot.
Mme Ruest-Jutras (Francine): Alors, tout d'abord, un commentaire, et puis après, peut-être une question à Mme Marois.
Alors, disons d'entrée de jeu que l'Union des municipalités du Québec, on a apporté notre support au gouvernement et à l'Assemblée nationale dans le dossier du déséquilibre fiscal. On comprend très bien que Québec a besoin d'un nouveau partage de l'espace fiscal, un partage qui appelle à un financement qui soit assuré, qui soit prévisible, pour mieux donc répondre aux soins en santé notamment, en éducation et aussi au soutien aux familles.
On comprend que le gouvernement veuille aussi être à l'abri de l'arbitraire le plus possible, mais c'est une réflexion qui trouve aussi beaucoup de résonnance au niveau du monde municipal, puisque nous sommes, nous aussi, il faut se le dire, à la recherche d'un meilleur équilibre fiscal. On est, nous aussi, à la recherche de diversification de sources de revenus outre l'impôt foncier parce que la situation du monde municipal a évolué. Elle n'est plus ce qu'elle était au moment où on donnait seulement des services aux immeubles. On s'aperçoit maintenant qu'on donne de plus en plus de services aux individus.
Et M. Séguin, dans son rapport, citait certaines études de l'OCDE. Il y en a qui viennent de sortir. Il y en a une qui est sortie en septembre 2002 qui notait que les villes ont des capacités financières limitées par rapport à leurs responsabilités; qu'elles ont besoin de nouvelles sources de revenus durables; que le pouvoir fiscal des municipalités est limité aux taxes foncières; que les transferts ont tendance à diminuer; que la taxe foncière est un outil médiocre de financement dans les programmes de redistribution, notamment dans le cas du logement social. Il y avait également une lettre de la présidence du Conference Board au National Post qui parlait justement des villes et qui disait que les villes avaient besoin d'une stabilité financière pour planifier leur avenir; qu'elles ont des revenus presque statiques alors que les pressions sur leur budget sont de plus en plus fortes.
Bref, je pense que c'est important de se dire que le rôle des municipalités, il a considérablement évolué. Nous parlons maintenant de transport des personnes, d'aménagement du territoire, de soutien à l'action communautaire. Nous faisons des politiques de développement culturel; nous parlons de développement durable. L'action municipale touche maintenant des secteurs d'intervention qui n'étaient pas les siens auparavant, et vous savez, M. le premier ministre, que le passage d'une économie manufacturière à une économie du savoir a aussi des répercussions sur l'assiette foncière, sur l'impôt foncier. Alors, ce sont des considérations dont nous tenons à vous faire part parce que, pour nous, il y va aussi de l'avenir des villes qui deviennent de plus en plus des piliers dans le développement économique, dans le développement communautaire, social, culturel.
Alors, dans le document que vous nous avez fourni sur le rééquilibrage fiscal, on y lit que, bon, toute somme récupérée du gouvernement fédéral ferait l'objet de réinvestissements prioritairement en santé, en éducation, en soutien aux familles. Ce sont les secteurs dont on aura à discuter demain, mais vous ouvrez aussi une porte en disant que, avec une plus grande marge de manoeuvre, l'État pourrait aussi notamment répondre à des besoins au niveau des affaires municipales. Alors, je voulais savoir jusqu'où vous aviez poussé votre réflexion à cet égard.
Mme Marois: Si vous permettez, effectivement, ce que nous affirmons là, nous l'avons affirmé et parce que nous croyons cela possible, mais, actuellement, si on ne résout pas à la base ce problème de manque de ressources, on voit bien que toute la croissance de nos revenus va... Essentiellement à la limite, on pourrait mettre toute la croissance de nos revenus du côté de la santé et de l'éducation puis il ne resterait pas un sou pour le reste des missions de l'État qui sont tout aussi importantes, qu'on pense à l'environnement, qu'on pense à la culture ou à toute autre forme d'intervention pertinente pour aider nos concitoyens et nos concitoyennes. Alors, à partir du moment où on peut régler à la base cet accès à des ressources suffisantes pour combler les besoins vis-à-vis lesquels nous avons une responsabilité à partir des réalités même constitutionnelles, c'est évident que ça nous dégage d'une certaine marge pour pouvoir ensuite établir est-ce que c'est un nouveau pacte fiscal avec les municipalités ou d'essayer de voir comment les municipalités pourraient avoir accès à des sources qui leur seraient propres de revenus et réduisant la dépendance vis-à-vis l'État national québécois. Toutes ces questions-là peuvent être soulevées, mais si déjà on a un tel manque à pourvoir pour les besoins essentiels que sont la santé, l'éducation, la lutte à la pauvreté, puisque cela fait partie aussi du remplacement du transfert social canadien, que cette correction du déséquilibre fiscal, bien, là, oui ça nous ouvre des horizons, mais on n'a pas poussé plus loin à ce moment-ci parce qu'il y a aussi, je dirais, l'obligation que nous avons d'en trouver des solutions concrètes et de ne pas faire miroiter par ailleurs des choses que nous ne pourrions pas faire dans les circonstances actuelles si cette première correction n'est pas apportée.
M. Garneau (Richard): Mme Barbot. Mme Barbot (Vivian): La Fédération des femmes adhère au consensus qui semble s'établir quant à la nécessité d'aller chercher ce qui nous appartient à Ottawa. Nous avons bien compris que le déséquilibre fiscal est un phénomène structurel, un phénomène à long terme sur lequel il faut agir. Mme Marois a rajouté que l'argent est là et qu'il s'agit de le partager autrement. M. le premier ministre a fait part du fait qu'il faudrait que nous en parlions à notre monde, entre guillemets, pour que la population adhère à cette idée-là de nous battre finalement pour que ce déséquilibre-là cesse. Cependant, je ne peux pas m'empêcher de vous faire remarquer que ce déséquilibre ne devrait pas cacher d'autres déséquilibres qu'il y a dans la société, déséquilibre entre riches et pauvres, déséquilibre entre les femmes et les hommes, entre les revenus des femmes et les hommes. Alors, ce déséquilibre-là, il faut aussi qu'on s'en occupe. Et il ne faudrait pas que la recherche de l'équilibre fiscal nous fasse oublier notre devoir collectif d'agir sur ces autres déséquilibres, pas seulement le devoir du gouvernement mais aussi celui de toutes les instances qui sont ici autour de la table. Et, par exemple, je suis un peu inquiète quand j'entends parler de baisses d'impôts à n'en plus finir. Nous savons très bien que, quand on parle de baisses d'impôts, il y a une très grand partie de la population qui n'a rien à voir, qui n'en bénéficiera absolument pas, parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer des impôts justement.
Donc, ce que j'ai à dire, c'est que les femmes du Québec adhèrent à la proposition qui est sur la table en autant que nous soyons assurées que notre propre recherche d'équilibre en regard de la pauvreté, en regard de l'égalité entre les sexes soit aussi prise en compte avec la même ardeur et la même détermination, que les besoins spécifiques des femmes soient prises en compte et à la fois en matière de santé, d'éducation, des services sociaux, etc.
Et ma question, c'est aussi une question de savoir: Est-ce que, à la fois... Dans les analyses qui ont été... dont on a parlé aujourd'hui, les analyses et les projections, et aussi dans les travaux que nous avons faits sur la table, est-ce qu'on s'est assurés qu'il y aurait une place juste et équitable pour les pauvres et pour les femmes?
M. Landry: Bien, d'abord, le gouvernement s'est engagé, avec divers éléments de la société civile, dans une lutte implacable à la pauvreté et à l'exclusion. Il y a déjà eu beaucoup de choses qui ont été faites. Il y en aura d'autres. Mais je voudrais, avant que ces grands combats n'aient porté leurs fruits complets, rappeler que, ce fardeau fiscal, qui est lourd, comme la ministre l'a bien démontré par ses graphiques, il est compensé par une société de services exceptionnels. Pour les classes moyennes en particulier, il vaut mieux vivre, tous impôts payés, dans notre Québec qu'en Ontario. Faire garder un enfant en Ontario, ça coûte en une journée ce que ça coûte en une semaine au Québec. Les coûts d'électricité, les coûts des maisons, les taxes municipales. Alors, ce n'est pas la honte du genre humain que vous avez vue sur le tableau, que nos impôts soient relativement lourds, puisque nous avons la fierté de dire qu'on a une société fraternelle et qui permet aux hommes et femmes qui y vivent d'avoir une existence somme toute tout à fait comparable à bien d'autres et supérieure à bien d'autres.
Cela dit, il faut faire cette lutte implacable à l'exclusion et à la pauvreté. Elle est commencée. Elle va se poursuivre. Et vous avez bien fait de dire qu'elle ne se poursuivra pas que par le gouvernement du Québec, mais par tous les agents socioéconomiques: les syndicats qui sont là pour faciliter la répartition de la richesse; les patrons qui, plus que jamais en cette période sombre de l'histoire du capitalisme, ont des obligations éthiques. On a vu des choses vraiment pas drôles depuis un an là. Heureusement que Karl Marx est mort, parce qu'on aurait droit au capital numéro 2, hein? Alors, ça, ça va se régler dans une concertation sociétale plus vaste que celle qui est sur la table aujourd'hui. Mais il faut que ça se règle aussi.
M. Garneau (Richard): Alors, nous allons terminer cette première journée avec l'intervention des trois chefs de parti, d'abord, M. Mario Dumont, qui est chef de l'Action démocratique du Québec. M. Dumont.
M. Dumont: Merci, M. Garneau. Bonjour à tout le monde. Le Québec est toujours plus fort lorsqu'il est uni que lorsqu'il est divisé. C'est dans cet esprit que les membres de l'Assemblée nationale ont adopté une motion unanime, en juin dernier, pour appuyer les recommandations du rapport Séguin. Sur l'initiative du premier ministre, nous sommes aujourd'hui rassemblés pour élargir ce consensus et pour que la voix du gouvernement du Québec résonne plus forte lorsqu'elle s'exprime au nom des Québécois face à Ottawa.
Malgré le sérieux du travail de la commission, qui démontre un déséquilibre fiscal majeur dans le système canadien, le gouvernement fédéral s'entête toujours à nier l'existence du problème. Dorénavant, le ministre des Finances s'en lave les mains en s'appuyant sur la commission Romanow chargée d'étudier notre système de santé. C'est inacceptable.
Pourtant, de façon impériale, sans respecter les États membres de la Fédération, le gouvernement central a rompu l'équilibre existant quant au financement des programmes sans remettre en retour l'espace fiscal correspondant tant et si bien qu'aujourd'hui le système de santé que le premier ministre Chrétien appelle «canadien» n'est plus financé, par le fédéral, qu'à la hauteur de 14 %. En clair, les besoins sont à Québec, dans les provinces alors que les fonds sont à Ottawa. Les défis auxquels devra répondre le peuple québécois sont nombreux. Avec le vieillissement de plus en plus rapide de notre population, le Québec connaîtra une transformation démographique qui aura des répercussions importantes sur la livraison de plusieurs services publics. Dans ce contexte, la correction du déséquilibre fiscal est encore plus urgente.
De plus, comme le soulignait avec justesse l'Association des CLSC et des CHSLD, dans son mémoire déposé à commission Séguin, le Québec détient le niveau d'endettement le plus élevé au Canada. À lui seul, le paiement des intérêts sur notre dette représente le cinquième des impôts et des taxes versées au gouvernement du Québec. Cette réalité hypothèque de façon inacceptable la marge de manoeuvre financière du Québec. Notre gouvernement a aussi des responsabilités. Nous sommes ici pour faire en sorte que le Québec soit plus uni et plus fort au lendemain de ce Forum. Pour y parvenir et faire reconnaître le problème du déséquilibre fiscal, le Québec doit parler d'une seule voix. Et si vous aviez à prendre une marche, au cours des prochains jours devant le Parlement, rendez-vous au monument de Honoré-Mercier, afin d'y lire les mots suivants: Unissons-nous . Je vous souhaite que cela nous inspire.
M. Garneau (Richard): Merci, M. Dumont. Et maintenant le chef de l'opposition officielle, M. Jean Charest.
M. Charest: Merci, M. Garneau. M. le premier ministre, M. Dumont, mesdames et messieurs, Le dossier du déséquilibre fiscal est un dossier que je connais très bien. M. Legault, dans un échange avec M. Bussière, demandait à quel moment le fédéral avait baissé ses dépenses, si ma mémoire est fidèle. Eh bien, ça m'a rappelé que c'est arrivé après le référendum en 1995. Le gouvernement fédéral était dans une situation financière particulièrement difficile. Vous vous rappellerez que, la communauté internationale avait manifesté ses inquiétudes. Et, là, ils ont posé un geste qui, de mon point de vue à moi, était assez choquant. Ils ont coupé les transferts en argent
de 40 % – je ne parle pas de points d'impôt, de transfert en argent – d'un seul coup sans consultation et ils l'ont fait de façon unilatérale. Eh bien, à l'époque – parce que j'étais, moi, au niveau fédéral, chef du Parti progressiste conservateur – évidemment on a réagi à ça et on se préparait pour une campagne électorale, ce qui m'a amené à proposer un changement qui me paraissait fondamental pour deux raisons. D'abord, il y a une question de financement, mais aussi parce que, sur le plan de la gouvernance, il me paraissait, il me paraît toujours inacceptable un système où votre dollar d'impôt part de vos poches, monte dans les coffres du gouvernement fédéral qui, lui, le fait redescendre, filtré des fois à travers une loi, comme la Loi canadienne sur la santé, pour le retourner dans les coffres du gouvernement du Québec qui, lui, doit ensuite livrer des services. Sur le plan du bon sens et de l'administration publique, il me semble que ce serait dans l'intérêt de tous les citoyens, peu importe l'endroit où ils habitent, que ce soit au Québec, en Ontario ou ailleurs, d'avoir un système plus transparent où l'argent que vous payé en impôt va au niveau de gouvernement qui a la première responsabilité du service que vous recevez. Et, dans le cas de la santé, de l'éducation, c'est l'Assemblée nationale du Québec qui en a la première responsabilité.
Maintenant, c'est quoi, le problème? C'est que la fiscalité et les ressources que nous avons ne reflètent pas les responsabilités que nous avons. Il faut un équilibrage entre les eux et c'est ça le sens de la démarche que nous avons entreprise. Et, ça, j'ai défendu cette idée-là en 1997 et j'en ai payé le prix politiquement. Et lorsque la question s'est posée à nouveau, c'est en 1999, à l'Assemblée nationale, je dois dire à regret, qu'à l'époque, au moment où je suggérais au gouvernement du Parti québécois de demander un transfert de points d'impôt, l'idée a été rejeté du revers de la main. Depuis ce temps-là, on s'est ravisé tant mieux. Bravo! C'est dans l'intérêt de tout le monde qu'on se ravise.
Je vous rappelle aussi que le Québec n'a pas toujours eu un discours constant là-dessus, que M. Bouchard, en juillet 1998, disait que, tant que le gouvernement fédéral coupait pour équilibrer son budget, il trouvait ça correct. Que ce n'est qu'après que le gouvernement fédéral a été en situation de surplus, qu'il a dénoncé la situation. Ah! Il faut faire attention, on n'a pas toujours été constant là-dessus.
Je veux vous faire une autre mise en garde. Faisons bien attention. On est à la veille d'une campagne électorale, peut-être le jour 266, il faut faire la part des choses. Le gouvernement fédéral a une responsabilité que j'ai toujours voulu reconnaître et invoquer. Et là-dessus, j'ai toujours été constant, mais le gouvernement du Québec a aussi des responsabilités. Les départs volontaires des infirmières puis des médecins, il n'y a pas un chat ici dans la salle qui pense que, aujourd'hui, c'était une bonne décision. Ce n'était pas la décision du fédéral. En termes de dépenses dans le domaine de la sanét, on est au dernier rang en produit intérieur brut de dépenses au Québec. Ça, ce n'est pas le choix du fédéral, c'est notre choix à nous. Dans le domaine des soins à domicile, on est les derniers en termes de dépenses per capita. Ce n'est pas le choix du fédéral, ça, c'est notre choix à nous. Alors, il ne faudrait pas que dans l'exercice qu'on entreprend aujourd'hui, qu'on se dédouane collectivement de la responsabilité que nousa vons. Je mets ça au pluriel, c'est M. Landry, son gouvernement, son parti, M. Dumont son parti et la perti que je représente de la responsabilité que nous avons de vous présenter des choix et des les chiffrer. Alors, ça, je pense que c'est fondamental et je pense qu'on ne rendrait pas service si on sortait d'ici après deux jours pour se bomber le torse, puis dire: Bien là, on va partir après le fédéral alors que nous avons des comptes à nous rendre collectivement. Je vais vous donner un exemple: en 1999, les subventions accordées par le gouvernement du Québec aux entreprises ont coûté 3 milliards de dollars aux contribuables québécois. Situons où ça se trouve ça. C'est cinq fois plus que l'Ontario, cinq fois plus, et c'est 500 millions de dollars de plus que toutes les provinces et territoires réunis. Et ça, c'est selon les comptes économiques provinciaux, l'estimé préliminaire de 2001. Alors, on a des choix à faire. Et c'est ce qu'on propose nous. On présente des chiffres. M. Landry, je le dis avec respect, il vient de nous dire il y a une minute qu'on ne peut pas réduire des impôts au Québec, à défaut d'avoir réglé la question du déséquilibre fiscal. Je vous dis franchement, ouvertement, aujourd'hui, que je suis en désaccord avec lui. Et je sais qu'on présente des choix qui sont difficiles. Nous, on présente un gel des budgets de tous les ministères sauf la Santé et l'Éducation. Je sais que ça ne fait pas l'affaire de M. Sawyer. Mais c'est important que vous le sachiez par respect, M. Sawyer, ce qu'on présente comme choix. Puis on dit: À l'intérieur de ça, faisons des réaménagements. Mais je veux aujourd'hui, je ne veux pas qu'il y ait d'Équipvoque et je pense quemoi, en tout cas, je respecte, je témoigne du respect que j'ai pour vous en vous présentant mes choix et en les défendant. Et, peu importe le résultat des discussions que nous aurons aujourd'hui, il y a un autre rendez-vous où ce sera ultimement la population du Québec de donner un mandat au prochain gouvernement du Québec pour que nous puissions passer à la prochaine étape, où il faut rallier tous autres gouvernements.
Et là, je finis sur cette parenthèse parce que pour vous illustrer le travail à faire. Dans la tournée que j'ai faite pour rencontrer les premiers ministres des provinces et les chefs d'opposition pour plaider ce dossier-là du déséquilibre fiscal, et ça, c'était le printemps dernier, le premier ministre de Terre-Neuve en point de presse reconnaissait que le Parti libéral du Québec à ce moment-là était le plus avancé dans sa réflexion sur le déséquilibre fiscal et regrettait le fait que les gouvernements provinciaux n'avaient pas encore fait leur travail.
Depuis ce temps-là, M. Landry, je vous le reconnais, vous avez participé avec Mme Marois à l'élaboration d'un consensus. Il faut l'applaudir et c'est la direction qu'il faut prendre. Mais il va falloir aller encore plus loin parce que la prochaine étape, une fois qu'on sort d'ici, c'est justement de bâtir ce consensus pour que nous puissions réussir ce qu'on entreprend aujourd'hui.
Alors, voilà l'orientation qu'on doit prendre. Alors, vous connaissez notre point de vue là-dessus, certainement le mien, c'est le point de vue que je défend depuis 1997 de façon formelle et je vais, avec vous, défendre avec fermeté l'autonomie du Québec, ses compétences, pour que nous puissions avoir les ressources qu'il nous faut pour prendre les bonnes décisions et vous offrir les choix que nous croyons être les bons choix.
M. Garneau (Richard): Merci, M. Charest. M. le premier ministre.
M. Landry: La beauté de la démocratie, c'est qu'à périodes récurrentes la population a à faire des choix. Il y en aura plusieurs à faire et nous allons vous en présenter, c'est un engagement formel, les uns et les autres. Sauf que, avant que ces assises ne débutent, tous les trois et nos collègues de l'Assemblée nationale, nous avions fait un choix et c'est celui qui vous occupe aujourd'hui: dénoncer le déséquilibre fiscal, l'établir de façon scientifique hors de tout doute, et amener le gouvernement du Canada à le corriger.
Alors, je pense que nous devons nous réjouir que, sur une question aussi fondamentale, notre Assemblée nationale ait pu faire l'unanimité, et que cette Assemblée de la société civile me semble se diriger vers le même objectif avec la mission et le fardeau de faire partager ça par des millions et des millions d'hommes et de femmes au Québec qui vont vivre avec les conséquences cruciales de ce que nous avons établi.
Mais je voudrais insister, en terminant, sur un autre aspect des choses moins matériel et moins matérialiste. Nous avons diagnostiqué un déséquilibre fiscal et les questions d'argent. Mais ce déséquilibre fiscal recouvre un déséquilibre et un déficit démocratiques aux conséquences peut-être plus graves encore, et je m'explique. Les gouvernements des provinces, y compris notre gouvernement national, ont à répondre aux populations de choses extrêmement dramatique. Il y a une grève des médecins à Terre-Neuve présentement. Nous avons connu une grève des infirmières qui est une des choses les plus graves qu'une société puisse connaître. Le même phénomène s'est reproduit dans l'Ouest et les populations, dans ces circonstances, se tournent vers les gouvernements qui sont chargés de donner les services en direct. Alors, M. Bussière, qui n'a rien d'un homme politique et qui a essayé de dépolitiser son exposé autant qu'il le pouvait au point de le rendre presque aseptique, nous a quand même bien expliqué qu'il y a des gouvernements qui font des cadeaux et des gouvernements qui coupent dans le système actuel, des gouvernements qui sont acculés par des réalités épouvantables à dire non et d'autres qui vont à Johannesburg, qui vont au FMI, qui vont à la Banque mondiale et qui offrent des subventions pour les infrastructures municipales. Si j'étais fédéraliste canadien, je serais très angoissé par ce déséquilibre démocratique, et j'ai ma réponse à ces angoisses comme souverainiste québécois.
Mais peu importe l'option que l'on prenne, la situation présente n'est pas saine sur le plan de l'expression de la volonté populaire: la plupart des gens, je l'ai dit, croient qu'ils paient davantage d'impôts à Québec, alors que c'est à Ottawa.
Dans les grèves d'infirmières, j'ai vu les pancartes; il y avait Bouchard, Léonard, Landry, Marois. Il manquait quelques noms en bonne démocratie: il manquait les noms de ceux qui ont fait passer la contribution fédérale de 50 % à 14 %.
Alors, ce que je voudrais vous dire – et, demain on ira plus avant dans le détail de ces choses – c'est que ce qui semble être un problème purement matériel et qui en est un très grave et d'argent, à 50 millions de dollars par semaine, est aussi un problème démocratique qui accable le peuple canadien et le peuple québécois.
M. Garneau (Richard): Merci, M. Landry. Merci, mesdames, messieurs. Nous allons maintenant ajourner jusqu'à demain matin 9 h 30. Nous vous souhaitons une bonne soirée et bon appétit.
(Fin à 19 h 23)