Point de presse de M. Yves-François Blanchet, ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs
Version finale
Le mercredi 6 février 2013, 16 h
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Seize heures huit minutes)
M. Blanchet: On se connaît un peu, et vous connaissez ma sympathique habitude, effectivement, de faire les entrevues en anglais à l'extérieur par la suite.
Bien, bien le bonjour, messieurs, dame; dame sans s, vous êtes seule, mademoiselle. J'ai voulu vous rencontrer aujourd'hui parce que c'est le moment où le gouvernement du Parti québécois remplit un de ses engagements les plus emblématiques de la... non seulement de la récente campagne électorale mais bien des mois qui l'ont précédée, parce qu'on se rappellera qu'avant la mobilisation étudiante, il y a eu une mobilisation de grande importance, essentiellement dans les basses-terres du Saint-Laurent, sur la question du gaz de schiste.
Il y a un délai qui est court, relativement court, entre le moment de l'élection du gouvernement du Parti québécois et cette annonce-ci, tout simplement parce qu'il faut transposer une volonté politique exprimée par un programme électoral en actions gouvernementales. Il y a des vérifications qui sont juridiques, réglementaires, au niveau des impacts et un minimum de consultations, fussent-elles privées, qui doivent être faites avant qu'on procède à des annonces formelles comme celle qu'on fait aujourd'hui.
Donc, j'ai très... c'est avec une grande satisfaction, une satisfaction d'autant plus grande d'ailleurs que le débat sur les gaz de schiste se concentre dans la région où est ma propre circonscription et dont je suis responsable, le Centre-du-Québec, et donc je suis particulièrement content de vous annoncer aujourd'hui que, d'une part, le mandat du comité étant responsable des études environnementales stratégiques sur le gaz de schiste va être modifié de telle sorte, d'une part, que toute la partie qui est relative aux gaz de schiste sera transférée, donc toutes les études seront transférées au BAPE pour une étude, pour une consultation élargie, qu'on appelle communément un BAPE générique, sur le gaz de schiste.
Par souci de cohérence, parce qu'on ne peut pas présumer du résultat, on ne peut pas présumer de la teneur du rapport qui sera déposé par le BAPE, il nous a semblé essentiel, cohérent d'imposer un moratoire sur les autorisations, les certificats d'autorisation déjà émis ou sur toute nouvelle émission de certificat d'autorisation jusqu'à ce qu'un cadre législatif vienne couvrir, gérer, administrer la question du gaz de schiste au Québec. Alors, voilà, ce n'est pas une surprise, dans le sens où c'est un engagement très clair que le Parti québécois avait pris. C'est une formalisation assez intégrale de ce à quoi on s'était engagé.
Je m'attends... parce que, vous savez - comment dire, je finirai là-dessus - l'engagement qu'on a pris et que, moi, j'ai réitéré, c'est de travailler à la compatibilité entre les intérêts économiques et les intérêts environnementaux du Québec. Et depuis notre élection, sans compromettre les intérêts économiques et lorsque ça pouvait avoir un enjeu ou présenter un enjeu économique, on a toujours pris soin de mettre en place des mesures de mitigation, des mesures de remplacement, des mesures de diversification.
Je vous rappelle et je rappelle aux groupes environnementaux que notre gouvernement a réglé la question de Gentilly, a annulé le prêt à la Jeffrey dans le dossier de l'amiante, a complété les ententes pour la mise en place d'un marché du carbone entre la Californie et le Québec, a mis un terme au programme des minicentrales, vient de respecter son engagement en matière de gaz de schiste. Et nous avons déjà rendu public que nous allons déposer une intervention, dont le détail n'est pas encore réglé, mais sur la question des distances séparatrices par rapport à l'eau potable et aux eaux souterraines et que nous allons aussi déposer un plan pour la réduction des gaz à effet de serre du Québec de 25 % à l'horizon 2020.
Donc, je pense que, sans avoir compromis les intérêts économiques et même en ayant fait en sorte de positionner le Québec économiquement pour l'avenir, nous avons un gouvernement qui est hautement crédible en matière environnementale, ce qui devrait faire en sorte que la suite de nos démarches sera l'objet de partenariats et d'une appréciation de ces milieux-là, que je veillerai à encourager.
M. Dutrisac (Robert): M. Blanchet, dans la situation actuelle...
La Modératrice: S'il vous plaît, vous nommer.
M. Dutrisac (Robert): Robert Dutrisac, du Devoir.
M. Blanchet: Ah! C'est vous, ça.
M. Dutrisac (Robert): C'est ça. Il y a, dans les faits, un moratoire de facto. Pourquoi un projet de loi qui va formaliser le moratoire? Parce que, bon, dans les faits, là, on ne peut pas exploiter... faire de la fracturation.
M. Blanchet: Deux raisons. Le premier, c'est que le moratoire de facto semble efficace, essentiellement, parce qu'il n'y a aucune raison économique d'exploiter les gaz de schiste présentement. Il pourrait y avoir encore des activités à caractère plutôt scientifique, mais, comment dire, il n'y a pas un grand intérêt, il n'y a pas un grand appétit, parce que les cours du gaz sur le marché américain sont tels qu'il n'y a pas une volonté, il n'y a pas un appui économique significatif pour l'exploitation.
Et le deuxième élément, c'est que je ne veux pas que, par voie strictement réglementaire, un hypothétique gouvernement, un jour, bien qu'en principe ça va être réglé bien avant, puisse inverser ce genre de décision là. C'est un processus... L'imposition du moratoire est un processus qui va se faire par voie législative, donc c'est un vote de l'Assemblée nationale. Et d'ailleurs je vous mentionne que j'ai l'intention de consulter et de rencontrer les oppositions, parce que notre volonté est que ce vote-là sur le moratoire soit le plus consensuel possible. Évidemment, il y a, dans le Centre-du-Québec et dans les circonscriptions qui sont les plus touchées par cet enjeu-là, bien, ces circonscriptions-là sont représentées par des gens de tous les partis présents à l'Assemblée nationale, à l'exception de Québec solidaire, et donc il est tout à fait souhaitable, puisque c'est définitivement un intérêt convergent, que nous nous rencontrions et que nous sollicitions nos collègues pour que le vote soit, oserais-je espérer, unanime, assurément majoritaire.
M. Dutrisac (Robert): Le rapport de l'évaluation stratégique était prévu pour la fin 2013, je crois. C'est ça? Là, ce rapport-là va être remis au BAPE. On parle de quelle sorte de délai, là? Autrement dit, on reporte l'action sur la filière de combien de temps?
M. Blanchet: Ce n'est pas un rapport qui va être remis au BAPE. Les études vont être transférées au BAPE. Le comité n'aura pas à déposer de rapport. Le BAPE va entreprendre les consultations élargies. On peut s'attendre à un délai plus long que le premier BAPE qui, lui, avait essentiellement dit: Donnez-nous des études. Donc, ça avait été à peu près quatre mois. On peut parler d'une consultation qui devrait durer, selon nos évaluations, entre quatre et huit mois.
M. Dutrisac (Robert): Avant, et la production du rapport par la suite?
M. Blanchet: Oui, bien, c'est ça. On est dans cette échéance-là, puis après ça, évidemment, il y a les décisions à caractère législatif qui devront être prises pour encadrer l'hypothétique exploitation du gaz de schiste dans les basses-terres du Saint-Laurent.
M. Corbeil (Michel): Ça va porter sur les gaz de schiste uniquement ou sur le procédé, c'est-à-dire la fracturation?
M. Blanchet: Ça va porter... En fait, je pense que l'un et l'autre sont passablement indissociables, parce que le seul procédé d'extraction de gaz de schiste est la fracturation, donc c'est passablement indissociable. On parle aussi d'une circonscription géographique. On parle d'un phénomène qui se concentre, en termes d'acceptabilité sociale au moins, dans les basses-terres du Saint-Laurent qui couvrent une grande partie des terres du Québec.
M. Corbeil (Michel): Il y a des travaux de prospection qui ont lieu, importants, à Anticosti, pour le pétrole. Le pétrole qu'on va extraire là-bas est en fracturation. Est-ce que votre moratoire va s'appliquer à ça? Est-ce que...
M. Blanchet: Le moratoire s'applique exclusivement au gaz de schiste...
M. Corbeil (Michel): Le pétrole, c'est à part?
M. Blanchet: ...et aux basses-terres du Saint-Laurent et ne touche pas le pétrole.
M. Robillard (Alexandre): Puis ça va durer combien de temps? Est-ce que, dans le projet de loi, vous allez prévoir une durée pour le moratoire ou c'est illimité?
M. Blanchet: Le moratoire va être en vigueur jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait adopté un cadre législatif allant gérer, disposer de la question des gaz de schiste.
M. Robillard (Alexandre): ...avait soulevé des doutes sur les risques de conflit d'intérêts au sein du comité de suivi de l'EES. Est-ce que ça, c'est un élément qui a été pris en considération dans votre décision d'aujourd'hui?
M. Blanchet: L'élément que j'ai pris en considération, c'est que, clairement, les Québécois font confiance à l'institution qu'est le BAPE. Notre gouvernement fait confiance à l'institution qu'est le BAPE. Il fallait aller vers une consultation plus large, qui allait s'alimenter à même les études qui avaient été faites. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi de transférer les études au BAPE avec un mandat de consultation élargi.
M. Robillard (Alexandre): Donc, il n'y a pas de notion de conflit d'intérêts?
M. Blanchet: Il n'y a pas de notion de... Il n'y a pas de jugement sur le travail ou les nominations. Ce n'est pas l'essence de notre démarche. Notre démarche regarde vers l'avant. Comment encadre-t-on le phénomène? Comment, je dirais, obtient-on ou pas... parce qu'il n'y a absolument rien qui nous permet de croire que le BAPE va aboutir avec des recommandations favorables, là. Ce n'est pas ce à quoi on s'attend nécessairement. Mais on ne peut pas présumer du résultat d'une démarche avant de l'avoir faite.
M. Robillard (Alexandre): Mme Ouellet s'était trompée en disant ça, là?
M. Blanchet: Mme Ouellet a émis une opinion qu'à bien des égards je partage. Mais, comme gouvernement, notre responsabilité est de faire en sorte que l'évaluation, et la consultation, et le traitement des études se fasse de façon objective et scientifique, et ce sera le mandat du BAPE.
M. Séguin (Rhéal): À quel moment, M. le ministre, l'industrie pourrait entrevoir la possibilité d'entamer ou de poursuivre l'exploration? Est-ce que vous avez un horizon?
M. Blanchet: Je ne présume pas que l'industrie pourra entamer ou entrevoir la suite de l'exploration parce que je ne sais pas ce que va donner le BAPE. Mais, si on fait une évaluation, on suppose qu'un rapport serait déposé au cours de l'année 2014, et là, après ça, il y a la durée que prend un processus législatif. Et on ne contrôle pas tout de la durée d'un processus législatif. Évidemment, ça dépend de la détermination que la ou les oppositions déploient pour y faire obstacle.
La Modératrice: M. Gentile...
Journaliste: ...
M. Gentile (Davide): Oui. Excuse, je vais y aller, là. M. Blanchet, dites-moi, pour le commun des mortels ou les néophytes, on avait l'impression qu'il y avait déjà un moratoire, comment vous pourriez expliquer à quelqu'un qui n'est pas au fait de ce dossier-là, là, ce qui se passe aujourd'hui? Quelle est la nuance entre votre moratoire et un prémoratoire?
M. Blanchet: C'est simple. Il y avait un ensemble de restrictions réglementaires qui rendaient l'exploitation ou encore davantage l'exploration complexe. Nous transformons cet assortiment de contraintes en une décision à caractère législatif. Tant que l'Assemblée nationale n'aura pas disposé de la question des gaz de schiste, il y aura une interdiction de procéder à l'exploration et à l'exploitation. Dans l'intervalle, une consultation très large et très documentée aura lieu, de telle sorte que chacun puisse s'exprimer, et que la science et des données claires, vérifiables, comment dire, éclairent le débat.
M. Gentile (Davide): Donc, le comité d'évaluation existe toujours. Il y a toujours un comité de...
M. Blanchet: Il existe encore un comité qui va avoir pour mandat de transférer les études au BAPE.
M. Journet (Paul): Par rapport à la loi, dans le fond, la loi, elle ne changerait rien par rapport au statut actuel à part d'offrir une protection si le gouvernement devait être défait, hein, parce que c'est... Le seul objectif de la loi, c'est de vous protéger si vous êtes défaits, non?
M. Blanchet: L'essence d'une démarche n'est pas que sa finalité, là. Ça a l'air un peu vague comme énoncé, mais ce que nous faisons, c'est établir comment nous allons encadrer et gérer un débat, parce qu'auparavant ça s'est fait, évidemment, d'une façon qui a suscité beaucoup, beaucoup de grogne dans la population. Et notre volonté, conformément à nos engagements, conformément à ce à quoi on s'est engagé lors de la campagne électorale et dans les mois qui ont précédé, c'est d'avoir une démarche claire, scientifique, ouverte, des consultations larges qui vont mener à un processus législatif pour qu'une fois pour toutes on puisse disposer de la question des gaz de schiste, quel que soit le résultat des études.
La Modératrice: Une dernière question.
M. Séguin (Rhéal): Avez-vous consulté les partis d'opposition pour voir si ça...
M. Blanchet: Je n'ai pas encore consulté les partis d'opposition, mais soyez assurés que, dans les prochaines heures, en particulier les collègues de la région du Centre-du-Québec et de la Montérégie vont être consultés dans le but que nous puissions, et je le souhaite très sincèrement, arriver à un consensus qui sera amené dans chacun des caucus des partis politiques pour que l'Assemblée nationale endosse une démarche qui fait largement consensus au sein de la population.
M. Séguin (Rhéal): Est-ce donc dire que cette loi-là ne s'appliquerait pas dans d'autres régions ou que ça va s'appliquer simplement au Centre-du-Québec?
M. Blanchet: Le moratoire est destiné à gérer cette question-là dans les basses-terres du Saint-Laurent.
M. Séguin (Rhéal): Est-ce que l'exploration va pouvoir continuer dans les autres régions pendant ce temps-là? Est-ce que vous allez permettre, par exemple...
M. Blanchet: Dans les autres régions, une démarche qui aurait pour objectif d'aller voir s'il y a du gaz de schiste ou comment on peut extraire du gaz de schiste à l'extérieur de la vallée ou des basses-terres du Saint-Laurent serait l'objet d'un processus normal et demanderait l'émission d'un certificat d'autorisation. Mais ce n'est pas un enjeu dans l'immédiat. Encore une fois, on a une convergence de critères, à la fois économiques et environnementaux, dans ce dossier-ci. Il n'y a pas d'intérêt économique, il n'y a pas un appétit économique important pour aller chercher du gaz de schiste ailleurs au Québec non plus.
M. Corbeil (Michel): Pour revenir au dossier de l'île d'Anticosti, est-ce que c'est... est-ce qu'on est sûr que c'est du pétrole? Ça pourrait être aussi du gaz naturel. Or, si on... que ce soit un ou l'autre, ça va être par fracturation de la roche qu'on va l'exploiter. Est-ce que vous... Pourquoi c'est compatible là-bas et pas ici?
M. Blanchet: Pour une raison fort simple: La controverse est apparue dans les zones habitées des basses-terres du Saint-Laurent. Le dossier Anticosti a deux caractéristiques fondamentales: D'une part, ce n'est assurément pas une zone largement habitée, c'est un environnement géographique très différent, mais aussi, Anticosti, et on ne s'en cache pas, Anticosti est l'objet d'une volonté du gouvernement d'envisager que l'extraction et l'exploitation se fassent. Le gouvernement du Québec n'est pas opposé à l'exploitation du pétrole, veut, au contraire, s'inscrire dans la démarche.
Alors, s'il fallait qu'à des fins d'élargissement purement politiques j'inclus Anticosti dans la réflexion ou dans la procédure, bien, je me trouverais à être en contradiction par rapport à mon propre gouvernement.
M. Séguin (Rhéal): Est-ce qu'on peut s'attendre à un projet de loi pour encadrer, justement, l'exploration et l'exploitation d'Anticosti également? Est-ce que ça, ça va venir bientôt?
M. Blanchet: Vous pouvez vous attendre à un projet de loi sur le pétrole mais qui ne relèvera pas de mon ministère.
La Modératrice: Une dernière question.
M. Lecavalier (Charles): Vous dites que vous partagez un peu l'opinion de Mme Ouellet sur le gaz de schiste. Est-ce que vous pourriez nous dire un peu plus c'est quoi, votre opinion, qu'a priori vous ne voyez pas le jour de...
M. Blanchet: Toute la démarche que je vous annonce aujourd'hui, au risque de vous décevoir, est de ne pas avancer sur mon opinion, mais bien d'avancer sur la base de données scientifiques.
M. Lecavalier (Charles): Mais vous partagez l'opinion de Mme Ouellet.
M. Blanchet: Je vous répète ma réponse: Toute la démarche que j'annonce aujourd'hui a pour but d'extraire le subjectif du débat et de faire en sorte qu'on puisse avancer sur la base de données scientifiques, dans le meilleur intérêt de la population des basses-terres du Saint-Laurent.
La Modératrice: Merci.
(Fin à 16 h 23)