Point de presse de M. Yves-François Blanchet, whip en chef du gouvernement
Version finale
Le jeudi 22 novembre 2012, 14 h 15
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Quatorze heures vingt-six minutes)
M. Blanchet: Bien le bonjour, messieurs dames. Si jamais vous me brassez un peu, je vais comprendre que c'est parce que vous voulez tester Frédéric. C'est sa première fois.
La rencontre qui avait été demandée avec les whips des deux autres formations - on avait aussi invité M. Khadir, qui était occupé, je pense, à l'UQAM - a eu lieu ce midi. Je vous indique d'emblée que les whips ont une tradition de... peut-être pas dans le salon bleu, mais les whips ont une tradition de cordialité à laquelle on est tenus par nos fonctions parce que nous participons ensemble et de façon collégiale à certains aspects de la gestion du Parlement. Et d'ailleurs c'est une des raisons pour lesquelles je ne voulais pas qu'on aille au Bureau de l'Assemblée nationale avec cette question-là: parce qu'il n'y a pas de vote comme tel au Bureau de l'Assemblée nationale, les décisions s'y prennent de façon consensuelle.
Donc, je ne vous révélerai pas le détail de ce qu'on a dit, mais, de façon générale, évidemment vous allez comprendre ce qui s'est passé dans cette rencontre. Elle a une grande vertu, cette rencontre: c'est qu'elle permet de bien camper là où loge chacun des partis politiques.
L'argumentaire que moi, j'ai mis de l'avant depuis le tout début est un argumentaire non partisan. Le drapeau du Québec est un symbole national qui appartient à tous les Québécois de toutes allégeances politiques et de toutes origines. Ce débat-là a eu le mauvais effet, qui n'était pas souhaité, d'en faire, dans la bouche de certains parlementaires, un symbole souverainiste, ce qu'il n'est pas. Bien sûr, les souverainistes sont très attachés au drapeau du Québec, mais ils n'en n'ont pas le monopole, évidemment.
Et ça a évidemment mené à une certaine dérive. Et je vous rappellerai aussi que j'avais demandé au président de l'Assemblée nationale, par voie de lettre, de se pencher sur la question justement pour éviter d'en faire d'emblée un enjeu abusivement partisan. Donc, les positions sont restées simplement campées.
Dans un premier temps, je vous dirai aussi... ou dans un second temps, que, si on savait tous, on sait tous à quoi s'attendre d'un député du Parti québécois sur cette question-là, bien, on sait aussi pas mal tous à quoi s'attendre d'un député du Parti libéral sur cette question-là. Il y avait une espèce de zone d'ombre: comment allait réagir la Coalition avenir Québec sur la question du drapeau, puisqu'il est supposé de s'agir d'une coalition de gens dont les opinions originales peuvent être différents?
Je déplore que la Coalition avenir Québec ait imposé... mais le Parti libéral peut-être aussi, mais c'était peut-être plus prévisible en termes de position, mais je déplore que la ligne de parti ait été imposée sur une question comme ça. Je pense que d'emblée chaque élu devrait pouvoir s'exprimer sur une question comme celle-là en son âme et conscience puisqu'il donne simplement un avis, une opinion, une directive à la limite, au président de l'Assemblée nationale.
Et là je vous dirai que ça va par niveaux. Si, dans un premier niveau, qui est d'avoir demandé au président de l'Assemblée nationale, le président de l'Assemblée nationale, avec sagesse, a dit: Non, non, je vais demander aux whips, d'abord, de se rencontrer... Deuxième niveau, les whips se rencontrent et ne trouvent pas de plus petit dénominateur commun qui soit fonctionnel sur cette question-là. On arrive à l'étape suivante. L'étape suivante, c'est bien sûr les 124 élus de l'Assemblée nationale, à l'exception du président.
Et il y a un autre niveau après ça. Il y a celui de l'opinion publique. Et je doute, je doute que l'opinion publique soit insensible au fait que ce que nous disons, fondamentalement, c'est que le drapeau du Québec appartient à tout le monde.
Je vous rappelle très sommairement les étapes historiques de ce débat. Lorsque l'unifolié est devenu le drapeau canadien, en 1965, Jean Lesage l'a fait ici, sur un des mâts extérieurs de l'Assemblée nationale du Québec, où il n'est resté que momentanément avant d'en être retiré. Et il n'a plus été présent à l'Assemblée nationale du Québec avant 1985. C'est M. Bourassa qui l'avait fait mettre au salon rouge.
Cela dit, je vous dirai aussi que tous les députés, tous les partis présents à l'Assemblée nationale... ils peuvent être fédéralistes, là, mais tous les partis à l'Assemblée nationale se disent nationalistes. Et, dans ce contexte-là, il est assez étonnant qu'ils ne mettent même pas de l'avant, qu'ils ne soient pas sensibles à une question qui est très révélatrice.
À la Chambre des communes, à Ottawa, il n'y a aucun drapeau du Québec. Pourtant, à l'Assemblée nationale du Québec, on devrait souhaiter la présence du drapeau canadien, et ça, à l'encontre de la tradition, à l'encontre de l'histoire, à l'encontre des règles de pavoisement. Le Parlement fédéral est supposé nous avoir reconnus comme nation. Manifestement, une fois qu'on ouvre le cadeau, la boîte est vide puisqu'on n'existe pas davantage à Ottawa. Mais ici les deux autres partis sont à ce point fédéralistes, et ça, la population devra en prendre acte.
Et je répète que, dans un des deux cas, les électeurs ont voté, les électeurs ont voté en se faisant dire qu'il y avait un ensemble de nuances, un certain nationalisme, une volonté d'affirmation et qu'aujourd'hui, bien, ces gens-là vont regarder le vote nominal, évidemment, lors de cette décision de l'Assemblée nationale, ils vont regarder 125 députés se lever un par un, et en particulier 19 députés se lever un par un, et affirmer, par leurs votes, que la Coalition avenir Québec est un parti résolument canadien et fédéraliste. C'est ce dont les gens devront prendre acte, et, à la limite, l'exercice auquel on se sera prêté aura été un exercice de démocratie très révélateur.
M. Salvet (Jean-Marc): On a l'impression, M. Blanchet, que vous voulez mettre la CAQ dans l'embarras, là, par vos propos.
M. Blanchet: Moi, je pense que les gens qui refusent cette espèce de dignité nationale qu'on se donne par le respect de notre drapeau se mettent eux-mêmes dans l'embarras.
M. Salvet (Jean-Marc): Parce que la mathématique est implacable. C'est un vote que vous allez perdre, vous le savez.
M. Blanchet: Dans la mesure où les lignes de parti seront imposées, c'est normalement un vote que l'on va perdre. Mais, dès le début de l'exercice, on savait que, si on arrivait à un vote, nos chances de gagner ce vote-là n'étaient pas excellentes. Cela dit, nous sommes quand même le gouvernement et, sous le dernier gouvernement du Parti québécois, le drapeau du Canada ne siégeait pas au salon rouge.
M. Salvet (Jean-Marc): Peut-être une précision sur Québec solidaire. Est-ce que vous avez l'assurance que Québec solidaire va voter avec le gouvernement sur cette question-là?
M. Blanchet: Je n'ai aucune assurance que Québec solidaire va voter avec le gouvernement, mais il y a, sur les questions nationales, une certaine proximité qui me rend optimiste.
M. Pépin (Michel): Quelle est, à votre avis, la véritable importance de ce débat?
M. Blanchet: La révélation que ça donne aux citoyens du Québec d'où logent les différents partis politiques et peut-être de lever cette espèce de voile sur une prétention de coalition d'un parti qui s'est fortement enligné comme parti résolument de droite et résolument fédéraliste.
M. Pépin (Michel): Question de précision. Vous dites: Le drapeau québécois n'est pas à la Chambre des communes. Certes. Certes. N'est-il pas au Parlement, au Sénat, si je ne me trompe pas? Non?
M. Blanchet: Non, le drapeau du Québec ne siège nulle part.
M. Pépin (Michel): ...n'est pas au Parlement.
M. Blanchet: ...n'est pas au Parlement fédéral.
Mme Nadeau (Jessica): Vous dites qu'il y a un autre niveau après ça, qui est celui de l'opinion publique. Vous attendez quoi de l'opinion publique?
M. Blanchet: L'opinion publique va se faire une opinion, va porter un jugement, ultimement, quels que soient les choix que nous faisons. Moi, quels que soient les votes que je prends à l'Assemblée nationale au nom de ma circonscription, bien, les gens me jugent dans ma circonscription.
Alors, je pense à un certain nombre de circonscriptions qui ont élu des députés de la coalition, qui sont des circonscriptions qui, à bien des moments de l'histoire, ont tenu des positions et élu des députés soit nationalistes, soit souverainistes, qui doivent se dire: Oh! Ce n'est pas nécessairement ça qu'on avait compris quand on a voté, le 4 septembre.
Mme Nadeau (Jessica): Mais vous faites quoi, là, une fois que le vote est passé? On oublie ça? On se réessaie une autre fois? C'est quoi, la suite des choses?
M. Blanchet: Ah! Bien, vous savez, entre deux scrutins, on accumule des informations, hein, les gens portent des jugements, se préparent au vote suivant. C'est vrai pour chacun des dossiers qui est débattu à l'Assemblée nationale du Québec. Les gens voient leurs opinions évoluer.
Mme Nadeau (Jessica): Mais il n'y aura pas de suite à cette histoire-là.
M. Blanchet: Il n'y aura vraisemblablement pas de suite, sauf bien sûr dans l'espoir qu'on forme un gouvernement majoritaire la prochaine fois.
M. Séguin (Rhéal): Quels sont les arguments que les deux autres partis vous ont donnés pour refuser, pour voter contre ou ne pas arriver à un compromis?
M. Blanchet: Encore une fois, je ne veux pas rentrer dans le détail de ce qui s'est discuté entre les whips, mais on comprend bien que, du côté du Parti libéral, il n'y a pas d'ambiguïté. Il y a eu des moments, dans l'histoire du Parti libéral, où ils ont été plus nationalistes. Parce que, même si M. Bourassa est le premier ministre qui a fait rentrer le drapeau canadien au salon rouge, il est aussi le premier ministre de la société distincte et d'un certain nombre de demandes franchement nationalistes au bénéfice du Québec.
Donc là, on voit que le Parti libéral post-Charest est resté un parti résolument fédéraliste, quitte à ce que ça puisse être, mais dans des dossiers autres, au détriment des intérêts du Québec.
Dans le cas de la coalition, bien, il fallait que la question soit posée pour qu'on finisse par avoir une réponse. Bien, aujourd'hui on a la réponse... en tout cas, on va l'avoir lors du vote. Mais ce qu'on me laisse entendre puis ce que M. Legault a révélé très clairement hier, c'est: le chef a donné un coup de poing sur la table puis il a dit à la Coalition avenir Québec: On chante l'Ô Canada.
Le Modérateur: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Merci.
(Fin à 14 h 36)