Définition
Engagement solennel prononcé par les parlementaires au début de leur mandat.
Depuis le 9 décembre 2022, les députés de l'Assemblée nationale du Québec ont la seule obligation de prêter un serment de loyauté envers le peuple du Québec.
Historique
Le serment constitue une « véritable parole sacrée » qui scelle la cohésion et l'appartenance au Parlement. L'assermentation est tout à la fois « énonciation performative », « acte d'institution » et « procédure légale »#1 .
Dans le Lex Parlementaria, recueil de droit parlementaire publié à Londres en 1690, on indique que le serment est une exigence à laquelle les députés de la Chambre des communes anglaise doivent se conformer depuis la 5e année du règne d'Elizabeth Ière2.
Après la Loi d'uniformité de 1558 et la Loi de Suprématie de 1559, le Parlement de Westminster adopte une série de lois établissant les différents serments politiques, attribuant des droits civils et politiques selon les confessions religieuses. Puis, à compter de 1673, le serment du test oblige les personnes assermentées, dans une déclaration dûment enregistrée, à nier toute transsubstantiation de l'eucharistie.
Une loi britannique, adoptée à la session de 1714-1715, exige ensuite quatre serments d'office à ceux qui souhaitent occuper une charge publique3. Ces serments sont constitués d'une déclaration de fidélité au souverain, d'une déclaration d'abjuration à la puissance du pape, d'une déclaration rejetant les prétentions du fils catholique de Jacques II sur la couronne et d'une déclaration niant la transsubstantiation4.
Cet ensemble de serments de fidélité à la couronne britannique, comportant des déclarations contre le pape et contre la transsubstantiation, a pour objet d'exclure les catholiques du service civil et militaire. Ceux-ci sont transposés dans la Province de Québec, à la suite de la Conquête de la Nouvelle-France. De 1764 à 1775, les membres du Conseil de Québec doivent prêter ces serments, de telle sorte que tous les conseillers sont protestants.
L'Acte de Québec de 1774 dispense les catholiques du serment du test. Ils peuvent dorénavant accéder à la charge de conseiller législatif et de juge, en prêtant ce serment d'allégeance au roi :
Je, A. B., promets et jure sincèrement que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté le roi George, que je le défendrai de tout mon pouvoir contre toutes conspirations perfides et tous attentats quelconques, dirigés contre sa personne, sa couronne ou sa dignité; et que je ferai tous mes efforts pour découvrir et faire connaître à Sa Majesté, ses héritiers et successeurs, toutes trahisons et conspirations perfides et tous attentats que je saurai dirigés contre lui ou chacun d'eux; et tout cela, je le jure sans aucune équivoque, subterfuge mental ou restriction secrète, renonçant pour m'en relever à tous pardons et dispenses de personnes ou pouvoir quelconques.
Ainsi Dieu me soit en aide5.
De 1775 à 1791, les conseillers législatifs protestants, quant à eux, continuent à prêter le serment du test.
La prestation du serment d'allégeance (pour les catholiques) et du serment du test (pour les protestants) sont les mêmes au Parlement du Bas-Canada, de 1792 à 1838. Les membres du Conseil spécial du Bas-Canada, de 1838 à 1841, sont assermentés de la même façon.
Dans le texte de l'Acte d'Union de 1840, il n'y a pas de référence au serment du test. Les membres de l'Assemblée législative et du Conseil législatif de la province du Canada prononcent désormais ce serment :
Je, A. B. promets sincèrement et jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté, la Reine Victoria, comme légitime Souveraine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, et de cette Province du Canada, dépendant du dit Royaume-Uni et lui appartenant; et que je la défendrai de tout mon pouvoir contre toutes conspirations et attentats perfides quelconques qui pourront être trames contre Sa Personne, Sa Couronne et Sa Dignité; et que je ferai tout en mon pouvoir pour découvrir et faire connaître à Sa Majesté, Ses Héritiers et Successeurs, toutes trahisons et conspirations et attentats perfides que je saurai avoir été tramés contre Elle ou aucun d'eux; et tout ceci je le jure sans aucune équivoque, subterfuge mental ou restriction secrète, et renonçant à tous pardons et dispenses d'aucunes personne ou personnes quelconques à ce contraires.
Ainsi que Dieu me soit en aide6.
Mais, en vertu de leurs instructions royales, les gouverneurs de la province du Canada doivent prêter - et faire prêter aux protestants seulement - le serment du test.
Ce n'est qu'avec les nouvelles instructions du gouverneur Charles Stanley Monk, en 1861, que disparaissent toutes références aux anciens serments. Ceux-ci avaient été remplacés par un seul serment, prescrit par la Loi substituant un seul serment aux serments d'allégeance, de suprématie et d'abjuration et pour faire droit au sujet de Sa Majesté professant la religion juive, sanctionnée à Londres le 23 juillet 18587 :
I A.B. do swear, That I will be faithful and bear true Allegiance to Her Majesty Queen Victoria, and will defend Her to the utmost of my Power against all Conspiracies and Attempts whatever which shall be made against Her Person, Crown, or Dignity, and I will do my utmost Endeavour to disclose and make known to Her Majesty, Her Heirs and Successors, all Treasons and traitorous Conspiracies which may be formed against Her or them; and I do faithfully promise to maintain, support, and defend, to the utmost of my Power, the Succession of the Crown, which Succession, by an Act intituled "An Act for the further Limitation of the Crown, and better securing the Rights and Liberties of the Subject," is and stands limited to the Princess Sophia Electress of Hanover, and the Heirs of Her Body being Protestants, hereby utterly renouncing and abjuring any Obedience or Allegiance unto any other Person claiming or pretending a Right to the Crown of this Realm; and I do declare, that no Foreign Prince, Person, Prelate, State, or Potentate hath or ought to have any Jurisdiction, Power, Superiority, Pre-eminence, or Authority, ecclesiastical or spiritual, within this Realm: And I make this Declaration upon the true Faith of a Christian.
So help me GOD8.
Après la Confédération de 1867
Les députés de l'Assemblée législative et les conseillers législatifs prêtent, en vertu de l'article 128 de la Loi constitutionnelle, un serment d'allégeance au souverain. Ce serment a finalement été aboli au Québec en 2022.
Par ailleurs, la thématique même du serment faisait l'objet d'une tradition parlementaire: celle du « bill 1 », dit pro forma. De 1867 à 1969, juste avant d'entamer le débat sur l'adresse en réponse au discours du trône, le premier ministre présente le « bill 1 » relatif à la prestation des serments d'office.
L'adoption en première lecture du bill pro forma était une tradition parlementaire rappelant que, dans l'ordonnancement des pouvoirs, le législatif se situe au-dessus de l'exécutif.
En 2012, au début de la 40e législature, dans le contexte particulier marqué par un gouvernement minoritaire, le président Jacques Chagnon, issu du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, souhaite réitérer formellement son engagement à accomplir ses fonctions de président avec neutralité et impartialité.
C'est donc dans cet esprit qu'après avoir livré son discours d'acceptation, il a choisi de prêter ce serment spécial à titre de président de l'Assemblée;
CONSIDÉRANT le rôle joué par l'Assemblée nationale au sein de nos institutions démocratiques et les valeurs qu'elle incarne;
CONSIDÉRANT que son autonomie doit être préservée afin qu'elle puisse accomplir ses fonctions à l'abri de toute ingérence extérieure;
CONSIDÉRANT les attentes élevées et légitimes des députés et des citoyens envers nos délibérations parlementaires;
CONSIDÉRANT que notre droit parlementaire est issu d'une longue tradition qui doit se perpétuer et continuer d'évoluer en conformité avec les principes qui le caractérisent;
CONSIDÉRANT ce que symbolise la fonction de président et l'importance accordée à son devoir d'impartialité;
CONSIDÉRANT la confiance qui est témoignée envers la personne à qui est confié le rôle de président de l'Assemblée;
Je, (prénom et nom), déclare solennellement que j'assumerai, avec dignité et en toute neutralité, les fonctions de président de l'Assemblée nationale du Québec et que je veillerai au respect et à la défense des droits et privilèges de l'Assemblée et de chacun de ses membres de manière à ce que leurs fonctions puissent s'exercer en toute liberté et sans aucune entrave extérieure;
De même, j'agirai comme gardien des droits démocratiques des citoyens représentés à l'Assemblée et, à ce titre, je serai, de manière constante et au mieux de ma capacité, à la recherche du maintien du meilleur équilibre dans les délibérations parlementaires, conformément aux principes de notre droit parlementaire;
Enfin, je m'engage à remplir les devoirs de ma charge avec conscience et à être juste envers tous.
Par la suite, le président prend brièvement la place du secrétaire général, à la table des greffiers, pour signer un document contenant le texte du serment qu'il vient de lire, et retourne aussitôt à son fauteuil. Les personnes lui ayant succédé à la présidence ont, elles aussi, prêté le même serment. Soulignons qu'il s'agit d'une pratique observée dans plusieurs assemblées dans le monde9.
Évolution de la formule actuelle
L'article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige la prestation d'un serment d'allégeance au souverain. Puisqu'il n'existe pas de version française de la Loi constitutionnelle ayant force de loi, il n'y a pas non plus de version française officielle du serment d'allégeance. Jusqu'en 2022, les députés du Québec prêtaient serment en ces termes :
Je, (nom du député), jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté la Reine (ou Sa Majesté le Roi) (nom du souverain régnant).
La Loi sur l'Assemblée nationale, adoptée en 1982, prévoit en outre l'obligation, pour les députés de l'Assemblée nationale, de prêter un serment de loyauté envers le peuple du Québec. Le texte de ce serment est le suivant :
Je, (nom du député), déclare sous serment que je serai loyal envers le peuple du Québec et que j'exercerai mes fonctions de député avec honnêteté et justice dans le respect de la constitution du Québec.
Le député assermenté devient dès lors assujetti aux diverses règles applicables au contexte parlementaire. Selon l'usage, après son assermentation, le député est invité, par le secrétaire général, à signer le Registre des serments.
L'abolition du serment d'allégeance
Depuis l'adoption de la Loi sur l'Assemblée nationale, les députés de l'Assemblée nationale prêtaient ainsi deux serments distincts avant d'entrer en fonction.
Le 11 octobre 2022, le député de Camille-Laurin, Paul St-Pierre Plamondon, a écrit au secrétaire général pour lui demander l'autorisation d'exercer ses fonctions sans prêter le serment d'allégeance prévu par l'article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Lors de leur cérémonie d'assermentation respective, les 19 et 21 octobre, les députés de Québec solidaire et du Parti québécois ont prêté le serment du député visé à l'article 15 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Ils n'ont toutefois pas prêté le serment d'allégeance prévu par la Loi constitutionnelle de 1867.
Le 1er novembre, le président sortant François Paradis a transmis aux parlementaires une décision dans laquelle il a déclaré que le serment d'allégeance est obligatoire pour prendre part aux travaux parlementaires. En conséquence, il a statué que, à défaut de prêter serment, les députés de Québec solidaire et du Parti québécois ne seraient pas autorisés à prendre place à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire.
À la suite de cette décision, les députés de Québec solidaire ont décidé de prêter serment.
Le 1er décembre, la nouvelle présidente de l'Assemblée nationale, Nathalie Roy, députée de Montarville a annoncé qu'elle entendait faire respecter la décision transmise par son prédécesseur, François Paradis. N'ayant pas prêté serment, les députés du Parti québécois n'ont donc pas été autorisés à prendre place à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire.
Or, le 9 décembre 2022, l'Assemblée nationale adopte la Loi visant à reconnaître le serment prévu par la Loi sur l'Assemblée nationale comme seul serment obligatoire pour y siéger. Sanctionné le jour même, cette loi prévoit que l'article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne s'applique pas au Québec, abolissant ainsi le serment d'allégeance.
Pour citer cet article
« Serment », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 23 février 2024.