L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Histoire > Encyclopédie du parlementarisme québécois > Motion de suspension des règles de procédure

Recherche dans l'Encyclopédie du parlementarisme québécois

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W

Motion de suspension des règles de procédure

Terme(s) anglais :
Motion to suspend rules of procedure

Définition

Motion auparavant utilisée par le gouvernement comme moyen de déroger aux règles de procédure de l'Assemblée nationale afin d'accélérer l'étude et l'adoption d'un ou de plusieurs projets de loi ou de motions.

Dans le langage populaire, elle était fréquemment désignée par le terme « bâillon » en raison de son caractère exceptionnel et de ses effets presque illimités.

Dans le cadre de la réforme parlementaire adoptée le 21 avril 2009, au cours de la 39e législature, la motion de suspension des règles de procédure a été remplacée définitivement par la motion de procédure d'exception. Cette dernière ne peut être employée que pour un seul projet de loi ou une seule motion à la fois.

Présentation de la motion

Selon l'ancien article 182 du Règlement, une motion de suspension des règles de procédure devait être présentée par le leader du gouvernement ou par un ministre. Conformément à la règle générale applicable aux motions, elle nécessitait un préavis au feuilleton. Toutefois, aucun préavis n'était requis si le motif invoqué pour la suspension des règles de procédure était l'urgence, ce qui était à peu près toujours le cas.

Par sa nature et son caractère exceptionnel, la motion de suspension des règles de procédure présentée en cas d'urgence pouvait l'être à tout moment d'une séance, c'est-à-dire aussi bien à l'étape des motions sans préavis des affaires courantes qu'à la période des affaires du jour. De plus, seule l'Assemblée pouvait décider, lors d'un vote à la fin d'un débat restreint sur la motion, s'il y avait urgence ou non. L'urgence n'avait pas à être prouvée par l'auteur de la motion de suspension des règles de procédure; elle n'avait qu'à être invoquée.

Contenu et recevabilité

Après la présentation de la motion de suspension des règles de procédure, la présidence devait décider de sa recevabilité en fonction de divers éléments, sans toutefois se prononcer sur son opportunité. Le rôle de la présidence consistait uniquement à déterminer si la motion était recevable, c'est-à-dire si elle répondait aux exigences de la procédure contenue dans le Règlement, en fonction des critères de forme élaborés au fil du temps par la jurisprudence. La présidence n'avait pas à évaluer le contenu de la motion quant au fond.

La motion de suspension des règles de procédure devait nécessairement comporter deux aspects : le premier était la suspension proprement dite de certaines règles; le second concernait le remplacement des règles suspendues. Ainsi, la motion devait indiquer le motif de la suspension, la règle de procédure suspendue et, s'il y a lieu, la règle qui s'appliquerait.

Une motion de suspension des règles de procédure pouvait proposer la suspension de toute règle régie par le Règlement, les Règles de fonctionnement et les ordres de l'Assemblée. La motion ne pouvait cependant avoir pour objet la suspension d'une règle contenue dans une loi. C'est ainsi qu'une motion de suspension des règles de procédure pouvait écarter l'essentiel des règles régissant les travaux de l'Assemblée. Ce faisant, le recours à une telle motion de suspension des règles de procédure n'était soumis à aucune balise, ce qui faisait dire à certains que ses effets étaient sans limites. À la rigueur, presque tout le Règlement pouvait être suspendu le temps pour le gouvernement de faire adopter les mesures prévues dans sa motion. Cette situation pouvait conduire à l'adoption de mesures importantes sans que cela fasse l'objet d'un véritable débat à l'Assemblée, d'où l'emploi fréquent du terme « bâillon » pour désigner cette motion.

La présidence a eu à confirmer à quelques reprises la portée extraordinaire que pouvait avoir une motion de suspension des règles de procédure. Ainsi a-t-elle rappelé que, même si une motion de suspension pouvait avoir pour effet de mettre de côté des règles de procédure extrêmement importantes pour assurer l'équilibre des forces dans le cadre des délibérations parlementaires, ladite motion, quelle que soit sa portée, ne pouvait constituer une atteinte aux droits et privilèges de l'Assemblée et de ses membres, puisque l'Assemblée elle-même avait adopté unanimement les dispositions qui rendaient possible la présentation d'une telle motion.

Débat sur la motion et adoption

Lorsque la motion de suspension des règles de procédure était déclarée recevable, celle-ci donnait lieu à un débat restreint de deux heures. Elle ne pouvait être ni amendée ni scindée.

Dès son adoption, la motion de suspension des règles de procédure se transformait en ordre de l'Assemblée. Cet ordre devait être exécuté conformément aux modalités qui y étaient prévues jusqu'à ce que l'Assemblée ait disposé des affaires (motions ou projets de loi) prévues dans la motion.

Historique

Plus que toute autre procédure à l'Assemblée, la motion de suspension des règles a été assimilée à un « bâillon » par la presse et les députés eux-mêmes lorsqu'ils siégeaient sur les bancs de l'opposition. Pourtant, à l'origine, loin d'être un moyen pour museler l'opposition, elle « constituait plutôt une procédure vraiment exceptionnelle prévue afin de remédier à une situation particulière »1.

Déjà, en 1868, les Règles et règlements de l'Assemblée législative de Québec prévoyaient que chaque bill devait subir trois lectures, chacune à des jours différents. Mais, dans des circonstances extraordinaires ou urgentes, la Chambre pouvait faire avancer un bill d'une manière plus expéditive et procéder à différentes étapes de son étude le même jour2.

En 1914, une nouvelle disposition du règlement de l'Assemblée législative de Québec établit pour la première fois une motion portant suspension des règles3. Sur une motion annoncée, un ou plusieurs articles du règlement permanent ou des règlements de session peuvent être suspendus4. En cas de « nécessité urgente », la suspension peut être proposée sans avis préalable. « La motion doit alors contenir un exposé de motifs qui la rendent urgente et nécessaire. Elle ne peut être adoptée que du consentement unanime de la chambre5 ».

La refonte du Règlement de 1941 amène des changements. L'unanimité n'est plus requise, mais, si l'urgence est invoquée, la motion de suspension doit être précédée d'une autre motion, laquelle doit contenir un exposé de motifs prouvant l'urgence et justifiant la suspension des règles. En 1972, la règle est rendue moins contraignante avec l'élimination de l'étape de la motion contenant un exposé de motifs, ce dernier devant cependant être inclus dans le texte de la motion de suspension. Enfin, en 1984, un nouvel assouplissement : la motion n'a plus à contenir un exposé de motifs lorsque l'urgence est invoquée. Désormais, le leader du gouvernement peut proposer sans préavis la suspension des règles en mentionnant simplement qu'il y a urgence.

Contrairement à la motion de procédure d'exception qui l'a remplacée, la motion de suspension des règles de procédure pouvait être employée à l'égard de plusieurs projets de loi à la fois. En 1992, le gouvernement a utilisé la motion de suspension des règles de procédure pour faire adopter de façon accélérée 28 de ses projets de loi en une demi-journée avant que l'Assemblée ajourne ses travaux pour la période estivale. Par la suite, cette façon de faire est devenue pratique courante pendant les périodes de travaux intensifs de juin ou de décembre, où le gouvernement devait hâter les travaux pour faire adopter l'ensemble de son programme législatif avant la date prévue dans le Règlement pour l'ajournement des travaux de l'Assemblée.

Le 19 décembre 2000, la présidence de l'Assemblée rend une décision importante sur le recours à la motion de suspension des règles de procédure. La motion, qui touchait quatre projets de loi, prévoyait des temps de débat très courts pour chaque étape non terminée ou restante à l'étude de chacun des projets de loi. L'opposition a fait valoir que la motion était irrecevable, notamment parce qu'elle équivalait à un déni du droit de parole du député et que, par conséquent, elle constituait une atteinte à son privilège constitutionnel de la liberté de parole.

Le président a rejeté cette argumentation, faisant une distinction entre le privilège constitutionnel de la liberté de parole et le temps de parole en tant que tel. Il a souligné que ce privilège était circonscrit par les règles du débat parlementaire auxquels s'étaient astreints unanimement les députés au moment de l'adoption du Règlement. La motion de suspension des règles de procédure faisait partie de ces règles et le président ne pouvait les modifier de son propre chef.

Dans sa décision, le président invitait l'ensemble des députés à prendre les choses en mains pour remplacer la motion de suspension des règles par une procédure garantissant aux députés un temps minimal de débat pour l'étude d'un projet de loi tel qu'il était proposé dans son projet de réforme parlementaire à l'Assemblée en 1998. En décembre 2001, l'Assemblée adoptait des modifications temporaires au Règlement et aux Règles de fonctionnement. L'un des éléments majeurs de ces modifications temporaires était le remplacement de la motion de suspension des règles de procédure par la motion de procédure d'exception. L'article 182 du Règlement était modifié de façon à permettre au leader du gouvernement de présenter une motion sans préavis établissant une procédure d'exception en vue de l'étude d'une affaire inscrite ou non au feuilleton. Ces règles ont été reconduites deux fois, soit le 5 juin 2002 et le 19 décembre 2002. Elles n'ont pas été reprises au début de la 37e législature en 2003.

Au cours de la 39e législature, soit le 21 avril 2009, l'Assemblée nationale a adopté une refonte permanente de son Règlement comportant, entre autres choses, le remplacement immédiat de la motion de suspension des règles de procédure par une nouvelle procédure d'exception, semblable à celle qui avait été temporairement en vigueur lors de la 36e législature, à quelques différences près.

Pour citer cet article

« Motion de suspension des règles de procédure », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 27 juin 2016.

Faites-nous part de vos commentaires à : encyclopedie@assnat.qc.ca

Pour en savoir plus

Bonsaint, Michel (dir.). La procédure parlementaire du Québec, 3e éd., Québec, Assemblée nationale, 2012, p. 681-689.

Notes

1 

Lorraine Quevillon, La motion de suspension des règles de procédure : le bâillon constitue-t-il une menace à la démocratie parlementaire?, Québec, Fondation Jean-Charles-Bonenfant, 2006, p. 10.

2 

Règles et règlements du Conseil législatif de la Province de Québec, 1868, art. 43 : « Mais, dans les circonstances extraordinaires ou urgentes, un bill peut en un seul jour subir deux ou trois lectures, ou avancer de deux phases ou plus, le même jour. » Notons que selon l'article 71 du Règlement de la Chambre des communes canadienne, une disposition semblable est toujours en vigueur à Ottawa. Voir à ce sujet Motion de procédure d'exception.

3 

Règlement de l'Assemblée législative de la province de Québec. Texte adopté le 18 février 1914 et mis en vigueur le 19 février 1914.

4 

« Toute motion portant suspension des voix est adoptée à la majorité des voix si elle a été annoncée. Sinon, elle ne peut l'être que du consentement unanime de la chambre. » Geoffrion 1915, art. 198, annotation 9.

5 

Règlement annoté de l'Assemblée législative de Québec, Québec, 1915, art. 200.