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Motion de procédure d'exception

Terme(s) anglais :
Motion to introduce an exceptional procedure

Définition

Procédure exceptionnelle à laquelle le gouvernement a parfois recours en vue de faire adopter rapidement une motion ou un projet de loi.

La motion de procédure d'exception a été introduite de façon permanente dans le Règlement de l'Assemblée nationale en avril 2009 au terme d'une réforme parlementaire importante. Elle a ainsi définitivement remplacé la motion de suspension des règles de procédure. Au contraire de celle-ci, elle garantit un temps fixe de débat pour chaque étape non encore complétée du processus législatif.

La présentation de la motion

Le leader du gouvernement peut présenter une motion sans préavis pour établir une procédure d'exception en vue de l'étude d'une affaire inscrite ou non au feuilleton. Dans ce dernier cas, la motion en question doit être distribuée au moment de la présentation de la motion de procédure d'exception. Il en va de même lorsqu'il s'agit d'un projet de loi qui n'a pas encore été présenté (loi spéciale).

Cette procédure d'exception ne peut être inscrite qu'à l'égard d'une seule affaire à la fois, ce qui constitue un changement de premier plan par rapport à la motion de suspension des règles de procédure, qui était souvent utilisée pour l'étude de plusieurs projets de loi à la fois. Autre changement, alors que la motion de suspension des règles nécessitait un préavis au feuilleton, sauf si l'urgence était invoquée, la motion de procédure d'exception peut être présentée sans préavis et sans qu'aucun motif ne soit soulevé. De plus, suivant l'ancienne règle, la motion devait être présentée par un ministre, alors que le règlement actuel prévoit que la motion de procédure d'exception est présentée par le leader du gouvernement. Or, ce dernier peut toujours être remplacé par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement. C'est donc dire qu'un leader adjoint du gouvernement peut présenter une motion de procédure d'exception même s'il n'est pas ministre, contrairement à la situation qui prévalait auparavant.

Le contenu de la motion

Pour le gouvernement, la motion de procédure d'exception, quoique plus contraignante à plusieurs égards, s'avère une procédure plus simple à utiliser que la motion de suspension des règles de procédure. Contrairement à cette dernière, elle n'a pas à faire mention des règles dont l'application sera suspendue. Comme une procédure d'exception ne peut être introduite qu'à l'égard d'une seule affaire à la fois, celle-ci doit évidemment être indiquée dans la motion. En outre, elle peut prévoir toute autre règle que le leader du gouvernement souhaite faire appliquer, à la condition qu'elle ne soit pas incompatible avec les dispositions du Règlement relatives à la procédure d'exception.

Lorsque la motion de procédure d'exception tend à faire adopter une motion, elle doit nécessairement prévoir la durée du débat sur cette motion, à défaut de quoi les temps de parole prévus dans le Règlement s'appliqueront. Par contre, cette précision n'est pas nécessaire lorsque la motion vise à permettre l'étude d'un projet de loi puisque la procédure législative d'exception prévue aux articles 257.1 à 257.10 du Règlement fixe les temps de débat pour chacune des étapes non réalisées de l'étude du projet de loi en question1.

La motion peut aussi fixer d'autres modalités, notamment en ce qui a trait aux heures de séance, sans quoi l'horaire prévu dans le Règlement pour les séances ordinaires devra être respecté même après l'adoption de la motion. Par contre, lorsque la motion de procédure d'exception est présentée au cours d'une séance extraordinaire, le cadre temporel de celle-ci est fixé dans une autre motion présentée par le leader du gouvernement. Elle est mise aux voix avant la motion de procédure d'exception.

Alors qu'avant, la lecture en Chambre d'une motion de suspension des règles pouvait facilement durer 10 minutes, celle d'une motion présentée suivant les présentes règles en vue de faire adopter un projet de loi ne dure normalement pas plus d'une minute, comme en fait foi cette motion présentée le 6 février 2015 :

QU'en vue de compléter l'étude du projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales, l'Assemblée établisse la procédure législative d'exception telle que prévue aux articles 182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du Règlement;

QU'à tout moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement.

Ainsi rédigée, la recevabilité de la motion est devenue plus difficile à contester. Contrairement à l'ancienne motion de suspension des règles, qui a généré une jurisprudence parlementaire impressionnante.

Pour le gouvernement, la motion de procédure d'exception s'avère donc une procédure très efficace lorsqu'il veut faire adopter rapidement un projet de loi. C'est d'autant plus vrai lorsqu'elle est présentée dans le cadre d'une séance extraordinaire, puisque celle-ci prend fin seulement lorsque l'Assemblée a réglé la ou les affaires pour lesquelles elle a été convoquée. C'est sans doute ce qui explique pourquoi, depuis l'entrée en vigueur de la réforme parlementaire en 2009, le gouvernement a jusqu'ici toujours eu recours à la procédure d'exception dans un tel cadre plutôt que dans celui d'une séance ordinaire.

Le débat sur la motion

La motion de procédure d'exception fait l'objet d'un débat restreint de deux heures au cours duquel elle ne peut être amendée ni scindée. Le débat a préséance sur toute autre affaire et l'Assemblée ne peut entamer aucune autre affaire tant que la procédure d'exception n'est pas terminée.

L'adoption de la motion

Dès l'adoption de la motion de procédure d'exception, les dispositions du Règlement incompatibles avec la procédure prévue dans la motion sont implicitement suspendues aux fins de l'étude de l'affaire faisant l'objet de la motion, sous réserve des dispositions relatives à la procédure d'exception. S'il s'agit d'un projet de loi, la procédure législative d'exception prévue aux articles 257.1 à 257.10 du Règlement s'applique.

Comme le débat restreint sur la motion de procédure d'exception, tout débat à l'Assemblée portant sur l'affaire faisant l'objet de la motion a préséance sur toute autre affaire, y compris les affaires prioritaires prévues au premier alinéa de l'article 87.

Historique

L'ouvrage La procédure parlementaire au Québec dresse l'historique de la motion de suspension des règles de procédure et de son remplacement en 2009 par la motion de procédure d'exception2. Nous avons choisi de le reproduire intégralement :

Comme son nom l'indique, la motion de suspension des règles de procédure permettait au leader du gouvernement de proposer à l'Assemblée de suspendre certaines règles de procédures permanentes et de les remplacer temporairement par d'autres règles fixées dans la motion. Le recours à une telle motion n'étant soumis à aucune balise, ses effets étaient à peu près sans limite, puisque, à la rigueur, presque tout le Règlement pouvait être suspendu le temps pour le gouvernement de faire adopter les mesures prévues dans sa motion. Cette situation pouvait parfois conduire à l'adoption de mesures importantes sans que cela fasse l'objet d'un véritable débat à l'Assemblée, d'où l'emploi fréquent du terme « bâillon » pour désigner la motion.

Pourtant, à l'origine, la motion de suspension des règles de procédure, loin d'être un moyen pour bâillonner l'opposition, ne pouvait être adoptée qu'à l'unanimité des membres de l'Assemblée afin de faire face à une situation particulière. En 1941, cette exigence de l'unanimité est disparue, mais, si l'urgence était invoquée, la motion de suspension devait être précédée d'une autre motion, laquelle devait contenir un exposé de motifs prouvant l'urgence et justifiant la suspension des règles3.

En 1972, la règle fut assouplie de sorte que la motion de suspension n'avait plus à être précédée d'une motion contenant un exposé de motifs, ce dernier étant plutôt inclus dans le texte même de la motion4. En 1984, la règle était de nouveau assouplie : la motion n'avait plus à contenir un exposé de motifs, l'urgence devant simplement être mentionnée dans la motion sans préavis du leader du gouvernement.

L'année 1992 représente un tournant dans l'histoire de la motion de suspension des règles lorsque le gouvernement l'a utilisée pour faire adopter de façon accélérée 28 de ses projets de loi en une demi-journée avant que l'Assemblée ajourne ses travaux pour la période estivale. C'était alors la première fois que la motion de suspension des règles était employée en vue de faire adopter rapidement plusieurs projets de loi. Par la suite, cette façon de faire est devenue pratique courante pendant les périodes de travaux intensifs de juin ou de décembre, où le gouvernement devait se dépêcher pour faire adopter l'ensemble de son programme législatif avant la date prévue dans le Règlement pour l'ajournement des travaux de l'Assemblée.

Le 19 décembre 2000, la présidence de l'Assemblée a rendu une décision importante sur le recours à la motion de suspension des règles de procédure. La motion, qui touchait quatre projets de loi, prévoyait des temps de débat très courts pour chaque étape non terminée ou restante de l'étude de chacun des projets de loi. L'opposition a fait valoir que la motion était irrecevable, notamment parce qu'elle équivalait à un déni du droit de parole du député et que, par conséquent, elle constituait une atteinte à son privilège constitutionnel de la liberté de parole. Le président de l'Assemblée a rejeté cette argumentation, faisant une distinction entre le privilège constitutionnel de la liberté de parole et le temps de parole en tant que tel.

Ainsi, rappelait-il, même si le privilège constitutionnel de la liberté de parole était à la fois le plus incontesté et le plus fondamental des droits des députés dans l'enceinte de l'Assemblée, ce privilège était circonscrit par les règles du débat parlementaire auxquels s'étaient astreints unanimement les députés au moment de l'adoption du Règlement. La motion de suspension des règles faisait partie de ces règles et le président ne pouvait pas la modifier de son propre chef, même s'il reconnaissait qu'elle n'était pas « le meilleur outil parlementaire dont pourrait disposer l'Assemblée pour encadrer temporellement l'étude d'un projet de loi avec crédibilité et dans le respect des principes démocratiques fondamentaux »5.

Dans cette décision, le président invitait l'ensemble des députés à prendre les choses en mains pour remplacer la motion de suspension des règles par une procédure garantissant aux députés un temps minimal de débat pour l'étude d'un projet de loi tel que proposé dans son projet de réforme parlementaire déposé à l'Assemblée en 1998. Un an plus tard, soit le 6 décembre 2001, l'Assemblée adoptait des modifications temporaires au Règlement et aux Règles de fonctionnement. L'un des éléments majeurs de ces modifications était le remplacement de la motion de suspension des règles de procédure par la motion de procédure d'exception. L'article 182 du Règlement était modifié de façon à permettre au leader du gouvernement de présenter une motion sans préavis établissant une procédure d'exception en vue de l'étude d'une affaire inscrite ou non au feuilleton.

Ces règles ont été reconduites deux fois, soit le 5 juin 2002 et le 19 décembre 2002, mais n'ont pas été reprises au début de la 37e législature. Toutefois, dans le cadre du processus continu de réforme parlementaire, les discussions se sont poursuivies, au cours des législatures, sur la possibilité de remplacer de façon permanente la motion de suspension des règles de procédure. C'est ainsi que le 21 avril 2009 l'Assemblée nationale adoptait une réforme permanente de son règlement comportant, entre autres choses, le remplacement immédiat de la motion de suspension des règles de procédure par une nouvelle procédure d'exception semblable à celle qui fut temporairement en vigueur lors de la 36e législature, à quelques différences près.

Depuis son entrée en vigueur le 21 avril 2009 jusqu'à décembre 2015 inclusivement, le gouvernement a eu recours à la motion de procédure d'exception à 10 reprises, toujours dans le cadre d'une séance extraordinaire. À l'exception d'un cas6, la motion visait à faire adopter un projet de loi, dont quatre fois pour un projet de loi non inscrit au feuilleton, c'est-à-dire une loi spéciale.

Au cours de ces années, la motion de procédure d'exception s'est imposée comme le seul moyen de limitation du débat à l'Assemblée nationale, puisque la motion de clôture et la motion de mise aux voix immédiate n'ont pas été utilisées depuis respectivement 1996 et 2001, et ce, bien qu'elles figurent toujours dans le Règlement.

Au Parlement du Canada

À la Chambre des communes canadienne, il n'y a pas de procédure équivalente à la motion de procédure d'exception. Cependant, plusieurs moyens s'offrent au gouvernement pour limiter la durée du débat :

• La question préalable. Cette motion peut être présentée par tout député à l'égard de toute motion de fond. Elle est formulée en ces termes : « Que cette question soit maintenant mise aux voix. » À la différence de la motion de mise aux voix immédiate de l'Assemblée nationale, les députés y ont fréquemment recours.

• La clôture. Elle donne au gouvernement le moyen d'empêcher tout nouvel ajournement du débat sur une question donnée et d'exiger que cette dernière soit mise aux voix à la fin de la séance au cours de laquelle la motion de clôture a été adoptée.

• L'attribution de temps. Elle permet d'imposer des limites de temps strictes à un débat sur un projet de loi d'intérêt public.

• La motion pour affaire courante proposée par un ministre. Par cette procédure, le gouvernement peut demander au président de mettre aux voix sans débat ni amendement une motion dont avis écrit n'a pas été donné et dont l'étude n'a pas obtenu le consentement unanime exigé. Le président met alors la motion aux voix en demandant aux députés qui s'y opposent de se lever de leur place. Si 25 députés ou plus se lèvent, elle est réputée retirée; sinon, elle est adoptée. Ces motions, présentées à la rubrique « Motions » des affaires courantes, peuvent toucher notamment l'administration des affaires de la Chambre et l'agencement de ses travaux. Elles ont déjà été utilisées par le gouvernement pour faire adopter un projet de loi, malgré les réserves exprimées par la présidence à cet égard7.

• La suspension d'articles du Règlement pour des questions de nature urgente. Lorsque surgit une situation que le gouvernement estime urgente, un ministre peut, en tout temps lorsque le président occupe le fauteuil, présenter une motion sans préavis en vue de la suspension de tout article du Règlement ou de tout ordre de la Chambre ayant trait à la nécessité d'un préavis de même qu'aux heures et jours de séance. Le président peut permettre un débat d'au plus une heure sur la question avant de la mettre aux voix. il demande alors à ceux qui s'y opposent de se lever. Si plus de dix députés se lèvent, la motion est réputée retirée; sinon la motion est adoptée8.

De tous ces moyens, la motion d'attribution du temps s'avère sans doute la plus proche de la motion de procédure d'exception.

La motion d'attribution de temps

La possibilité pour le gouvernement de recourir à une motion d'attribution de temps a été ajoutée au Règlement de la Chambre des communes en 1969, après une période d'essai de 1965 à 19689. Elle est depuis devenue le mécanisme le plus utilisé pour limiter le débat. Le gouvernement peut s'en servir comme d'une guillotine en imposant des limites de temps strictes10.

À l'instar de la motion de procédure d'exception à l'Assemblée nationale, une motion d'attribution de temps peut être présentée à l'une ou l'autre des étapes de l'étude d'un projet de loi public. Elle ne peut cependant l'être que par un ministre dans l'une des trois circonstances suivantes11, soit :

• S'il y a un accord de tous les partis. Si le gouvernement parvient à une entente avec les représentants de tous les autres partis pour attribuer un certain temps à l'une ou à toutes les étapes de l'étude du projet de loi, il doit le mentionner lorsqu'il propose sa motion et préciser les dispositions de l'accord quant au nombre de jours ou d'heures attribués.

• Si le gouvernement détient l'accord de la majorité des représentants des divers partis. Dans ce cas, la motion ne peut viser plus d'une étape du processus législatif. Toutefois, elle peut s'appliquer à la fois à celle du rapport et la troisième lecture, sous réserve de la règle exigeant une journée distincte lorsque le projet de loi fait l'objet d'un débat à l'étape du rapport12.

• Si le gouvernement n'a l'accord d'aucun parti. Le cas échéant, le gouvernement peut proposer unilatéralement une attribution de temps après avoir donné un avis oral de son intention à la séance précédente. Cet avis doit toutefois stipuler qu'il a été impossible d'en arriver à un accord. De plus, il ne peut être donné qu'après que le débat a débuté sur l'étape visée par la motion. Cette dernière ne peut alors concerner que cette étape de l'étude du projet de loi, sauf s'il est rendu à celle du rapport. Auquel cas la motion peut aussi porter sur la troisième lecture à condition que celle-ci ait lieu à une journée de séance distincte que le débat sur le rapport.

Quelles que soient les circonstances où une motion d'attribution de temps est présentée, elle doit, du moins en principe, être précédée de négociations entreprises par le gouvernement pour en arriver à une entente avec les autres partis. Si aucun accord n'est conclu, la présentation de la motion doit être précédée d'un avis donné par un ministre à la séance précédente. Il s'agit donc d'une différence avec la procédure qui a cours à l'Assemblée nationale, puisqu'une motion de procédure d'exception peut être présentée en tout temps sans que le gouvernement n'ait besoin d'en donner préavis.

Cela dit, la présidence de la Chambre des communes a statué qu'elle n'a aucun pouvoir discrétionnaire lui permettant de refuser de mettre à l'étude une motion d'attribution du temps si toutes les exigences sont respectées. De plus, elle n'a pas le pouvoir d'établir si des consultations ont eu lieu ni de se prononcer sur ce qui constitue une consultation entre les représentants des partis13.

C'est probablement ce qui explique pourquoi le recours à la motion d'attribution du temps de façon unilatérale par le gouvernement tend à se multiplier au fil des années14, et ce, souvent, dans un laps de temps de plus en plus court après le début du débat15.

Le Règlement du Sénat prévoit également une procédure permettant d'attribuer un nombre de jours ou d'heures pour terminer un débat sur un projet de loi ou sur une autre affaire, selon qu'il y a un accord ou non entre le gouvernement et les représentants des partis reconnus.

En cas d'accord entre les partis, la motion ne nécessite pas de préavis et peut viser une ou plusieurs étapes de l'étude d'un projet de loi16.

Par contre, en l'absence d'accord, le leader ou le leader adjoint du gouvernement doit donner un préavis de la motion qu'il désire présenter. La motion est inscrite à l'ordre du jour de la séance suivante. Si elle concerne une autre affaire qu'un projet de loi, elle doit fixer un délai minimum de six heures pour terminer le débat sur la motion de fond. Cependant, dans le cas d'un projet de loi, elle ne peut viser qu'à terminer le débat ajourné à l'étape où il était rendu, une seule période étant cependant prévue pour compléter la prise en considération du rapport du comité qui a étudié le projet de loi et procéder au débat sur la troisième lecture. La motion doit prévoir un délai d'au moins :

• six heures pour la deuxième lecture du projet de loi;

• un jour civil (du lundi au vendredi) pour que le comité chargé de son étude termine ses travaux et fasse rapport;

• six heures pour compléter le débat sur le rapport et procéder à la troisième lecture; ou

• six heures pour mettre fin au débat ajourné sur la troisième lecture17.

Les autres moyens

Parmi les autres moyens auxquels le gouvernement peut recourir à la Chambre des communes pour limiter le débat, la motion de clôture, la motion pour affaire courante et la motion de suspension d'articles du Règlement s'apparentent aussi en partie à la motion de procédure d'exception. Toutefois, à la différence de celle-ci, la première doit être précédée d'un avis verbal donné par un ministre à une séance antérieure. Quant aux deux autres moyens, il suffit qu'une minorité de députés, soit respectivement 25 et 10 sur plus de 300, se prononcent à l'encontre de la motion pour qu'elle soit réputée retirée, alors qu'une motion de procédure d'exception peut être adoptée à la simple majorité des membres de l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, une autre disposition de son règlement permet à la Chambre des communes de passer outre à la règle voulant qu'un projet de loi soit soumis à trois lectures, en des jours différents, avant d'être adopté. En vertu de cet article, un projet de loi peut, en cas de circonstances urgentes ou extraordinaires, faire l'objet de deux ou trois lectures le même jour 18. Il incombe alors à la Chambre de décider s'il y a urgence. Cette disposition, qui s'applique uniquement aux étapes dites de lecture en Chambre, peut faciliter l'adoption rapide d'un projet de loi puisque plusieurs étapes du processus législatif peuvent être franchies le même jour.

Pour ce faire, à défaut d'un consentement unanime, la Chambre doit d'abord adopter un ordre spécial suivant une simple motion présentée par le gouvernement dans la période réservée aux initiatives ministérielles. Bien que cette procédure ne soit pas, à proprement parler, considérée comme un moyen pour limiter le débat, elle peut en avoir les mêmes effets. C'est du moins le constat qui se dégage d'une étude faite par un stagiaire parlementaire publiée en 2013 dans la Revue parlementaire canadienne :

Or, le 22 mars 1999, le leader du gouvernement à la Chambre a utilisé les subtilités du Règlement pour limiter les délibérations d'une toute nouvelle manière. Il a présenté une motion d'initiative ministérielle dont le contenu annonçait les modalités du débat à toutes les étapes d'un projet de loi de retour au travail [...]19.

La motion en question prévoyait que dès la première lecture « dudit projet de loi [Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux] et jusqu'à ce que le projet de loi soit lu une troisième fois, la Chambre ne s'ajournera pas, sauf en conformité d'une motion présentée par le ministre de la Couronne ». Plus loin, l'auteur écrit ceci :

Un avis de clôture visant cette motion a été donné plus tard dans la journée, puis, le lendemain, son adoption a forcé le débat et le vote de toutes les étapes du projet de loi à la Chambre des communes, qui a siégé de 2 h à 8 h 32 le lendemain matin. Depuis ce précédent, la stratégie de recourir à la clôture par une motion énonçant les modalités de toutes les étapes de débat d'un projet de loi a été employée à sept reprises. Quatre d'entre elles ont visé un projet de loi de retour au travail20.

Dans chacun de ces sept cas de 1999 à 2013, le gouvernement a donc eu recours à la clôture pour mettre fin au débat sur une motion permettant de procéder à l'étude complète d'un projet de loi en une seule séance. Dans l'un d'eux, la motion visait à faire adopter une loi spéciale afin de forcer le retour au travail dans un conflit opposant Postes Canada à ses employés. La motion, rédigée suivant le modèle de celle présentée le 22 mars 1999, ne précisait cependant aucune limite de temps aux délibérations des étapes de la deuxième à la troisième lecture. Si bien que, une fois la motion adoptée le 23 juin 2011, la Chambre a dû siéger sans interruption jusqu'au 25 juin où elle a pu ajourner ses travaux à 20 heures, soit aussitôt après l'adoption du projet de loi.

Sans vouloir présumer de rien, on ne s'étonnera sans doute pas que, plusieurs mois plus tard, une motion fixant les modalités de l'étude d'un projet de loi visant à forcer le retour au travail des employés d'Air Canada prévoyait une limite de temps aux délibérations à chacune des étapes, soit deux heures pour la deuxième lecture, une heure pour l'étude du projet de loi par le comité plénier et une demi-heure pour la troisième lecture. Et ce, sans qu'aucune question de règlement ne mette en doute la recevabilité de la motion.

Au Parlement du Royaume-Uni

À la Chambre des communes britannique, plusieurs procédures ou méthodes peuvent être utilisées pour restreindre le débat21.

Parmi elles, la clôture (« That the question be now put ») et la question préalable (« That the question be not now put ») ont à peu près le même effet, puisqu'une réponse négative à la seconde entraînera la mise aux voix immédiate de la motion principale22. Cependant, comme à la Chambre des communes canadienne, la procédure qui se rapproche le plus de la motion de procédure d'exception est l'attribution de temps (allocation of time order), aussi appelée « guillotine ». Elle consiste à imposer, au moyen d'un ordre spécial, une période de temps limitée à une ou plusieurs étapes de l'étude d'un projet de loi ou au débat sur une autre affaire.

En effet, contrairement à la procédure du même nom à la Chambre des communes canadienne, qui ne peut s'appliquer qu'à l'égard d'un seul projet de loi public à une étape de son étude, une mesure d'attribution de temps peut aussi bien s'appliquer à l'égard d'une seule affaire qu'à l'égard de plusieurs projets de loi à la fois23. Dans ce dernier cas, la motion doit indiquer en détail les modalités de l'étude de chacun des projets de loi qu'elle vise à faire adopter. Une motion présentée par un ministre portant sur une ou plusieurs étapes de l'étude d'un projet de loi doit être mise aux voix au plus tard trois heures après sa présentation24.

La motion d'attribution de temps est apparue au Royaume-Uni en 1887, dans le cadre du Criminal Law Amendment (Ireland) Bill25. À partir de ce moment, elle a été régulièrement utilisée. Toutefois, depuis l'introduction de la motion de programme (programme motion) dans les années 1990, elle est devenue moins fréquente26, le gouvernement y ayant recours à l'occasion pour faire adopter rapidement un projet de loi27.

Les programme orders, qui font suite à l'adoption d'une programme motion, sont nés de la volonté d'établir une nouvelle procédure à mi-chemin entre un accord informel sur le temps à consacrer au débat et la guillotine, qui ne pourrait alors être utilisée que dans le cas où aucune entente ne pourrait être conclue28. Une recommandation en ce sens a été faite en 1997 dans le premier rapport du comité mis sur pied pour la modernisation de la Chambre des communes. Après une période d'essai, cette nouvelle procédure de limitation du débat est devenue permanente en 200429.

Une motion visant à imposer un ordre de programme, à la différence d'une motion d'attribution du temps, est présentée immédiatement après la seconde lecture du projet de loi et ne fait l'objet d'aucun débat. La motion doit spécifier à quel comité le projet de loi est envoyé et quel jour celui-ci doit faire rapport. Suivant son adoption, un comité de programmation d'au plus huit membres est constitué. Il dispose de deux heures pour décider du temps qui sera attribué à l'étude du projet de loi par le comité plénier, le cas échéant, ainsi qu'à la prise en considération du rapport par la Chambre et, enfin, à la troisième lecture.

En terminant, il est à noter que la Chambre des lords, au contraire de la Chambre des communes, n'a aucune procédure permettant de limiter le temps du débat30.

Pour citer cet article

« Motion de procédure d'exception », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 7 juin 2016.

Faites-nous part de vos commentaires à : encyclopedie@assnat.qc.ca

Pour en savoir plus

Bonsaint, Michel (dir.). La procédure parlementaire du Québec, 3e éd., Québec, Assemblée nationale, 2012, p. 479-489.

May, Thomas Erskine. Erskine May's Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 24e éd., Londres, Butterworths, 2011, p. 468-482.

O'Brien, Audrey et Marc Bosc. La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 647-675.

Notes

1 

Cinq heures pour l'adoption du principe, cinq heures pour l'étude détaillée et une heure pour chacune des deux dernières étapes avant l'adoption du projet de loi.

2 

Michel Bonsaint (dir.), La procédure parlementaire du Québec, 3e éd., Québec, Assemblée nationale, 2012, p. 480-482.

3 

Règlement annoté de l'Assemblée législative, Québec, 1941, art. 219 (2).

4 

Règlement de l'Assemblée nationale du Québec, 1972-1984 (code Lavoie), art. 84 (2).

5 

Journal des débats de l'Assemblée nationale, 19 décembre 2000, p. 8933-8934 (Jean-Pierre Charbonneau).

6 

Le 20 mai 2014, l'Assemblée nationale s'est réunie en séance extraordinaire afin de compléter le processus d'étude et d'adoption des crédits budgétaires pour l'année 2014-2015.

7 

« Le gouvernement dispose déjà, en vertu des articles 57 à 78, de plusieurs options pour limiter le débat. L'article 56.1 est censé être réservé aux motions pour affaires courantes, telles que les motions visant l'agencement des travaux de la Chambre. Il n'a jamais été destiné à servir pour l'adoption d'un projet de loi à ses diverses étapes et surtout pas un projet de loi qui n'entre pas dans la catégorie des projets de loi envisagés par le Règlement « dans les cas d'urgence ou de circonstances extraordinaires ». C'est l'article 71 qui, dans de tels cas, prévoit qu'un projet de loi peut franchir plus d'une étape le même jour. » Débats de la Chambre des communes, 18 septembre 2001.

8 

Règlement de la Chambre des communes, art. 53.

9 

François Plante, « La limitation des débats à la Chambre des communes », Revue Parlementaire canadienne, printemps 2013, vol. 36, no 1, p. 30.

10 

Audrey O'Brien et Marc Bosc, La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 660.

11 

Règlement de la Chambre des communes, art. 78.

12 

À titre d'exemple, le 27 juin 2005, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique ont appuyé une motion présentée par le gouvernement libéral en vertu de l'article 78 (2) du Règlement à l'égard du projet de loi C-38, Loi concernant certaines conditions de fond du mariage civil. Elle limitait à une heure les délibérations à l'étape du rapport et à huit heures le débat sur la troisième lecture de ce projet loi visant à permettre le mariage entre personnes de même sexe. Journaux de la Chambre des communes, 27 juin 2015.

13 

A. O'Brien et M. Bosc, op. cit., p. 669-670.

14 

Jusqu'au 23 juin 2012, sur 189 recours à l'attribution du temps, 168 motions ont été adoptées en vertu du paragraphe 78 (3) du Règlement, soit en l'absence d'accord. F. Plante, op. cit., p. 31, note 14.

15 

Si, lors de la 28e législature (1968-1971), le gouvernement avait recours à la motion d'attribution du temps après en moyenne 15 jours de débats à l'étape visée du processus législatif, dès la 34e législature (1988-1993), il y mettait fin prématurément après un ou deux jours de débats. F. Plante, op. cit., p. 34.

16 

Règlement du Sénat, art. 7-1.

17 

Ibid., art. 7-2.

18 

Règlement de la Chambre des communes, art. 71.

19 

F. Plante, op. cit., p. 30.

20 

Loc. cit.

21 

« The principal methods are : (1) by standing orders or occasional orders; (2) selection; (3) closure; (4) programme orders; (5) allocation of time orders (guillotines) ». Thomas Erskine May, Erskine May's Treatise on The Law, Privileges and Usage of Parliament, 24e éd., Londres, Butterworths, 2011, p. 459.

22 

Ibid., p. 468.

23 

Ibid., p. 475.

24 

Standing Orders of the House of Commons, art. 83.

25 

Ibid., p. 481.

26 

À peine utilisée plus de 70 fois pendant 90 ans à partir de 1881, son usage s'est accru dans les années 1970 où les différents gouvernements s'en servaient régulièrement de trois à quatre fois par session (cette dernière correspondant normalement à une année). Dans les années 1990, on note une diminution du recours à cette procédure, soit six fois de 1994 à 1999. Le sommet a cependant été atteint en 1999-2000 lorsque 13 des 39 projets de loi du gouvernement ont été adoptés sous la « guillotine ». Robert Rogers et Rhody Walters, How Parliament works, 7e éd., Londres, Routledge, 2015, p. 179.

27 

T. E. May, op. cit., p. 469.

28 

R. Rogers et R. Walters, op. cit., p. 180.

29 

Standing Orders of the House of Commons, art. 83a à 83l; T. E. May, op. cit., p. 469.