(Douze heures quarante-trois minutes)
M. Roy
: Bien, merci
beaucoup. Merci à Martin d'être présent. Écoutez, ça va vite. Beaucoup de
choses se sont passé depuis ce matin, depuis, bon, la présentation du rapport
de la Protectrice du citoyen qui est venue nous annoncer que le ministère avait
géré d'une manière très maladroite, pour être poli, mais d'une manière... écoutez,
a dénoncé, là, le dossier de Louis Robert.
Donc, ça soulève beaucoup de questions, entre
autres celui des responsables du suivi de divulgation. Bon, la madame qui nous
a présenté, bon, l'état de fait nous a dit que la confidentialité n'avait pas
été assurée, qu'il n'y avait pas eu de suivi professionnel du dossier du
lanceur d'alerte et que, bon, la responsable du suivi de divulgation, qui est
la personne pivot, semble avoir fait ça d'une manière... je dirais, a dénoncé,
mais avec beaucoup d'amateurisme. Donc, c'est à se demander si la loi des
lanceurs d'alerte, qui a été... bon, qui a été déposée par les libéraux à l'époque,
n'a pas été construite d'une manière à ne pas permettre une efficience et une
réelle protection des lanceurs d'alerte, mais plutôt de transformer les
lanceurs d'alerte en traîtres et en personnes à dénoncer à l'intérieur des
ministères.
Donc, ce qu'on voit, c'est que… Écoutez, c'est
presque… Je retiens mes mots, mais ça ressemble à du sabotage opérationnel de
la loi sur les lanceurs d'alerte dans le sens où Louis Robert, son nom a été
divulgué rapidement, n'a pas été protégé, et la Protectrice du citoyen n'en
revient pas non plus. Et là c'est le cas du MAPAQ. Là, on a eu le sous-ministre
qui vient de démissionner, qui semble prendre une partie de la responsabilité,
même si on dit qu'il est parti de son propre chef. On a le ministre qui dit que :
Bon, on va s'assurer que les rapports de la responsable de suivi de
divulgations s'en aillent directement à la Protectrice du citoyen. Mais est-ce
que le message qui est lancé va permettre à tous les lanceurs d'alerte des
différents ministères d'oser aller parler aux responsables de suivi de
divulgations? Actuellement, là, ça nous oblige à demander la réouverture de la
loi et de permettre à tous les autres ministères et toutes les personnes des
autres ministères à faire leur travail et à dénoncer des situations
inacceptables.
Donc, est-ce que le ministre est
responsable? Moi, je pense qu'il savait. Le sous-ministre est parti, ça règle
un problème pour le cabinet du ministre, mais il n'en demeure pas moins que la
séquence des événements, les dates, les dénonciations, tout ça, ça a été géré
de manière extrêmement maladroite et qui fait en sorte qu'on a quelqu'un, qui
s'appelle Louis Robert, dont la réputation a été salie, qui a perdu son emploi.
On vient d'annoncer, à ma connaissance, qu'il va être réintégré, mais il n'en
demeure pas moins que ça a été toute une aventure pour lui. Et, pour les autres
personnes qui voudraient dénoncer des situations inacceptables, bien là, on est
dans le flou artistique.
Ça fait que, écoutez, on va avoir beaucoup
de réflexions à avoir là-dessus par la suite, parce qu'il y a des zones d'ombre
qui existent encore. Ça fait que je laisserais la parole à Martin.
M. Ouellet : Merci, Sylvain.
Aujourd'hui, on a un état de fait, mais je pense que c'est important que je
vous fasse un peu la genèse du passé. Ma collègue Nicole Léger, à l'époque,
avait travaillé sur le projet de loi pour justement protéger les lanceurs
d'alerte. Et je ne sais pas si vous vous souvenez, mais on cherchait
effectivement à donner une seconde voie à la protection des lanceurs d'alerte,
à savoir que ce n'est pas juste à l'intérieur même du ministère qu'on puisse
dénoncer, mais qu'on puisse dénoncer aussi à l'intérieur d'autres paramètres,
et la Protectrice du citoyen avait été soulevée. On avait cette même
problématique-là du côté des municipalités.
Donc, on a réussi, parce que, dans le
projet de loi en question, celui dont on fait mention aujourd'hui, il n'en est
pas question, d'utiliser la Protectrice du citoyen. Ça a pris l'intervention du
ministre pour faire une enquête sur ce qui s'est passé et ce qui nous donne les
constats aujourd'hui. Mais déjà, dans les municipalités du Québec, on avait
levé le drapeau et on avait convenu, dans les dernières modifications, que, si
je suis un employé municipal et que je pouvais effectivement être mal à l'aise
de dénoncer à mon organisation... parce qu'on faisait la référence que, dans
certaines municipalités, il n'y a pas beaucoup d'employés, c'est facile de les
cibler, que c'est important d'avoir une deuxième porte pour sécuriser ces
lanceurs d'alerte là, et la Protectrice du citoyen était celle-là.
Donc, force est de constater aujourd'hui
que la loi qui a été adoptée et pour laquelle on a voté pour, la dernière fois,
manque de mordant. Et je pense que, comme mon collègue Sylvain le disait, il
faut la réouvrir pour s'assurer de donner une deuxième voie de confiance à nos
lanceurs d'alerte, c'est-à-dire d'utiliser la Protectrice du citoyen.
Lorsqu'on voit les recommandations qui
sont annoncées par le ministre Lamontagne, on parle que, bon, pendant six mois,
présentement, au MAPAQ, on va pouvoir faire les divulgations auprès de la
Protectrice du citoyen. Ça pourrait effectivement être reporté dans le temps
si, effectivement, elle le juge nécessaire. Là, on a un constat direct, patent,
qu'il y a quelqu'un qui a perdu sa job, qui a été lynché dans l'espace public,
sa crédibilité a été mise à mal. Et là les mesures temporaires pour le MAPAQ,
pour nous, ce n'est pas suffisant, ça prend des mesures permanentes. Il faut
permettre à la Protectrice du citoyen de recueillir les divulgations des actes
répréhensibles. Ça, c'est un premier fait. Et la deuxième, on ne veut pas juste
ça pour le MAPAQ, on veut ça pour tous les organismes et tous les ministères.
Alors, si on ne fait pas ça, on n'apprendra pas de la situation malheureuse
dans laquelle M. Robert s'est placé et pour lequel, depuis six mois,
malheureusement, on est plongés dans ce théâtre caquiste présentement, à savoir :
Qui en est la faute aujourd'hui? Et je crois comprendre que le ministre n'en
porte aucun blâme.
Mais je tiens juste à rappeler que
peut-être, quand ça s'est passé, les faits en question, M. Lamontagne n'était
pas le ministre, mais lorsqu'on fait la genèse des événements, et on arrive
après sa nomination, et on voit qu'il y a des discussions au sein du ministère,
il est inconcevable que, dans le cas du congédiement, le ministre en question
ne connaissait pas toutes les causes et que, s'il les connaît et
qu'effectivement il y avait des répréhensibles qui étaient effectivement
reprochés pour mener à son devoir de loyauté jusqu'à son congédiement, je pense
que le ministre a mal agi. Et d'accepter aujourd'hui la démission du sous-ministre,
pour nous, ce n'est pas suffisant.
Il y a un examen de conscience qui doit
être fait, et les prochaines étapes à suivre seront assurément importantes.
Parce que là on est en train de lancer un signal à tous les lanceurs d'alerte,
dans tous les ministères, dans tous les organismes : Pour l'instant, vous
n'êtes pas protégés. L'Assemblée nationale doit faire un pas supplémentaire, et
comptez sur mon collègue et moi-même à l'Assemblée nationale pour faire ce pas
supplémentaire pour les protéger.
Journaliste
: Est-ce
que vous appelez justement M. Lamontagne à démissionner, à quitter son poste?
M. Ouellet : Bien, M.
Lamontagne doit répondre de ses actes aujourd'hui et il semble s'en dénaturer.
Ce n'était pas lui, il n'était pas là. Donc, moi, là... un ministre, là, c'est
un homme d'État. Il doit assumer sa partie de responsabilité, il doit corriger
le tir. Est-ce qu'il doit démissionner aujourd'hui? Il doit donner la véritable
version, et, encore aujourd'hui, on n'a pas tous les détails.
Alors, on aura le prochain rapport dans,
quoi... au mois de juillet pour ce qui est du dossier de M. Robert. On
attendra, mais on aurait aimé effectivement que M. Lamontagne prenne une partie
du blâme en disant : Ça s'est passé, j'en suis conscient, voici dorénavant
de quelle façon je vais fonctionner. Mais malheureusement, aujourd'hui, c'est
très mou et ce n'est pas en train de donner la confiance à nos lanceurs
d'alerte.
M. Roy
: J'aimerais
soulever une incohérence. La Protectrice du citoyen nous a dit ce matin que
c'est elle, de son propre chef, qui avait initié l'enquête, et le ministre nous
dit que c'est sous sa demande. Ça fait que là je pense qu'il va y avoir des
questions à poser. Ça vient d'où, la demande d'enquête? Le ministre dit que
c'est lui, puis la protectrice, dans son rapport, dit que c'est elle-même qui a
décidé de faire l'enquête. Donc, première incohérence.
Mme Crête (Mylène) :
Juste pour être certaine que je comprenne bien, est-ce que vous demandez
que ça ne soit plus des responsables au sein des ministères qui traitent les
plaintes des divulgateurs, mais que ce soit directement à la Protectrice du
citoyen?
M. Ouellet : On peut avoir
les deux. Il faut que... Pour que le processus fonctionne, il faut que les gens
aient confiance, et, dans certains cas, peut-être que le divulgateur
d'alerte... le divulgateur, pardon, le lanceur d'alerte aura des informations à
transmettre, va se sentir en confiance avec l'organisation et la personne qui
sera attitrée dans le ministère. Mais, si ce n'est pas le cas, ça lui prend une
deuxième porte de sortie pour s'assurer que les divulgations se fassent.
Mme Crête (Mylène) :
Elle existe déjà, cette porte de sortie là.
M. Ouellet : Oui, c'est
laquelle?
Mme Crête (Mylène) :
Bien, les gens peuvent choisir d'aller directement au Protecteur du citoyen
pour faire ce genre de divulgation là, à l'heure actuelle.
M. Ouellet : Mais pas dans la
loi proprement dite.
M. Roy
: Écoutez, quand
la ou le responsable de suivi de divulgation vient d'un ministère, son devoir
de loyauté est où? Envers la protection du lanceur d'alerte ou envers des sous-ministres
qui veulent tout savoir? C'est des gens qui veulent avoir l'information, hein?
Ça fait que là on a une problématique d'un
sentiment d'appartenance de la personne qui doit gérer ces dossiers-là. Ça fait
que, si la responsable ou le responsable du suivi de divulgation vient dans la
machine et a une imputabilité puis un respect d'une loyauté envers les
sous-ministres, bien, c'est évident que, de temps en temps, ça va se parler, et
les choses vont... Il y a des gens qui vont aller conter aux sous-ministres ou
expliquer aux sous-ministres qu'il y a un dossier qu'ils ne savent pas trop
quoi faire avec, avec le sentiment de loyauté qu'ils doivent avoir envers les sous-ministres.
La question, c'est : Est-ce que les
gens doivent venir des ministères et sous la gouverne des ministères?
Mme Crête (Mylène) :
Mais c'est ça, pourquoi vous ne demandez pas que ce soit le bureau du Protecteur
du citoyen qui gère ce genre de plainte là à l'avenir, gère l'ensemble des
divulgations?
M. Roy
: Bien, à ma connaissance,
c'est ce que Nicole Léger, à l'époque, avait demandé.
Mme Crête (Mylène) :Est-ce que vous demandez ça aujourd'hui?
M. Ouellet : Vas-y, Sylvain.
M. Roy
: Bien, là, c'est
le premier test de la loi, là. On vient de voir que la loi de la protection des
lanceurs d'alerte ne fonctionne pas de la manière que ça a été structuré.
Quand je vous parle de sabotage
opérationnel, là, écoutez, si ça ne fonctionne pas de cette manière-là, il faut
trouver une autre méthode, et la meilleure méthode, c'est de rendre
indépendants les responsables de suivi de divulgation pour leur permettre de
transférer les documents directement ou les informations directement à la Protectrice
du citoyen, qui a les coudées franches pour faire des enquêtes et évaluer les situations.
Mais c'est sûr que les cultures organisationnelles
font en sorte que l'imputabilité de ces gens-là est, en premier lieu, envers
les sous-ministres et non pas envers la protection de lanceurs d'alerte.
Mme Crête (Mylène) :Je ne comprends pas ce qui vous permet de dire qu'il y a un
sabotage opérationnel quand la protectrice nous a dit, tout à l'heure, qu'il ne
semblait pas y avoir de mauvaise foi chez les fonctionnaires qui ont géré, là,
la divulgation de M. Robert.
M. Roy
: Écoutez, quand
on regarde la séquence des événements, là, c'est dur de faire pire. On n'a pas
assuré la confidentialité de M. Robert, absolument pas. Il y a eu une demande
d'accès à l'information qui a été acceptée avec le nom de Louis Robert. Je veux
dire, tu ne peux pas faire pire pour saboter la carrière de quelqu'un qui veut
dénoncer quelque chose.
C'est pour ça que, quand je vous dis :
On transforme les lanceurs d'alerte en traîtres à l'intérieur des
organisations... Ça donne un méchant signal. Et la réputation du monsieur, là,
a été entachée, là, pour longtemps. Lui, il va falloir qu'il se défende. Il va
toujours y avoir une suspicion. Quand il va revenir au ministère, là,
pensez-vous qu'ils vont l'accueillir comme ça? Je pense que c'est... Tu sais,
la nature humaine fait en sorte que, bon, il va y avoir des... pas des
règlements de comptes, mais, en tout cas, il peut y avoir de la pression ou de
l'oppression, mais...
Ce n'est pas simple, mais, en même temps,
il faut s'assurer de... pour que la loi fonctionne, puis qu'on protège les
lanceurs d'alerte. Qui sont là pour quoi? Pour protéger le public, la
population, pour l'éthique gouvernementale. Ça fait que là, moi, je crois qu'il
faut rouvrir la loi et que la Protectrice du citoyen ait du pouvoir, bon, pour
gérer l'ensemble des responsables de suivi de divulgation.
Mme Johnson
(Maya) : M. Ouellet, if I can ask a couple of
questions in English, you're saying that this law clearly does not work.
M. Ouellet : Yes.
Mme Johnson (Maya) : OK,
but... Go ahead.
M. Ouellet : The law just doesn't work. We need more protection and we need to
give choice to the people who do want to tell some information. And the
Protectrice du citoyen can do that, but in the law, they can't allow to do it.
So they have to have the opportunity to do it, but at this moment, the law
can't provide it.
So at this case, we can
fix it here, in the Assemblée nationale, and of course, me and my colleagues,
we will work on it. It's time to make some corrections. We voted this law last
session, but with this case, with that kind of case, it's a clear signal that
we need some changes.
Mme Johnson (Maya) : And Mr. Lamontagne is refusing to apologize, to take any personal
responsibility. He said repeatedly that the CAQ wasn't in power, he wasn't the
Minister.
M. Ouellet : It wasn't me, it wasn't me.
Mme
Johnson (Maya) : Right. So what's your reaction to
that?
M. Ouellet : Well, Mr. Lamontagne is the Minister, OK? And when you look at the
key moment on the event, you know that Mr. Lamontagne has some information, and
they have to do something. And the thing that he will do is just say : OK,
Mr. Robert can go. And I'm sure, when we see what happened in the story, that Mr. Lamontagne have some information that, at the end, he could make a difference and say : Wo!
What's happening with Mr. Robert? They send information and, after that, he loses his job? I think he has a part of responsibility. And of course, today, for
Mr. Robert, I wish that Mr. Lamontagne says : OK, I made a mistake, a big mistake, but you
know what? I will fix that, and, in this case, in the
MAPAQ, there will never be same story again. And they didn't told us this
today. So I'm really disappointed.
Des voix
:
Merci.
(Fin à 12 h 58)