(Onze heures quarante-six minutes)
Mme LeBel : Alors, merci
beaucoup. Merci, tout le monde, d'être présents. Donc, maintenant, c'est à
titre de ministre responsable du Secrétariat à l'accès à l'information et à la
réforme des institutions que je vous adresse la parole, et je suis heureuse
d'annoncer une entente de financement avec le Mouvement pour une démocratie
nouvelle, communément appelé le MDN, qui s'inscrit naturellement dans la
volonté du gouvernement d'améliorer la démocratie québécoise.
Vous le savez, l'instauration d'un mode de
scrutin mixte compensatoire régional, il faut bien le dire, est l'un des
principaux engagements du gouvernement. C'est un engagement qu'avait pris notre
gouvernement avant les dernières élections, conjointement, entre autres, avec
le Parti québécois, Québec solidaire et le Parti vert du Québec. Nous entendons
aller de l'avant avec cette réforme et présenter un projet de loi avant le
1er octobre 2019, tel qu'on s'est engagés de le faire. En ce sens, nous
sommes à l'écoute des Québécois et des Québécoises qui souhaitent un changement
de culture politique, moins de partisanerie et plus de collaboration. La
réforme du mode de scrutin est un effort en ce sens.
Le nouveau mode de scrutin que nous
souhaitons mettre de l'avant saura mieux refléter le vote exprimé tout en
préservant la représentation des régions et en tenant compte de la stabilité
des futurs gouvernements. Nous nous assurerons également qu'il tient compte des
principes que sont notamment la proportionnalité des voix, le pluralisme
politique et la proximité des élus.
Dans les derniers mois, nous avons
rencontré de nombreux acteurs de la société civile ainsi que les partis
d'opposition pour discuter de leurs attentes. Lors de ces rencontres, de
nombreux acteurs nous ont fait part du rôle important qu'a joué le MDN dans
leurs démarches visant la réforme du mode de scrutin. Même si nous constatons
qu'un consensus se dessine autour de la nécessité de réformer nos institutions
politiques, nous cherchons tout de même à construire le plus large consensus
possible.
Ceci dit, un vaste consensus requiert des
efforts d'information et d'éducation auprès de la population et des acteurs
civils de la société. Le Mouvement pour une démocratie nouvelle a d'ailleurs
joué un rôle important qui date de plusieurs années et qui nous a menés
jusqu'ici aujourd'hui. Au cours des 20 dernières années, le MDN a développé une
expertise en matière de mode de scrutin. Il possède une grande expérience pour
rendre accessibles au public les effets des différents modes de scrutin. Pour
notre gouvernement, il est important de pouvoir compter sur des partenaires
compétents et crédibles pour contribuer à la réforme de ce mode de scrutin.
Nous sommes donc heureux de pouvoir compter sur la participation du MDN.
Je suis donc fière d'annoncer un appui
financier du gouvernement à la hauteur de 225 000 $ pour deux ans,
qui servira à mieux outiller le MDN afin qu'il poursuive son travail
d'éducation auprès de la population et des acteurs de la société civile. Cette
campagne du MDN aura pour objectif de mieux faire comprendre les différentes
modalités du mode de scrutin envisagé ainsi que les tenants et aboutissants de
la réforme. Elle permettra aux citoyennes et aux citoyens de se faire une idée
plus claire de la réforme proposée.
Le MDN est un organisme qui a fait ses
preuves. À notre sens, c'est le meilleur acteur pour informer la population sur
le nouveau mode de scrutin. Il participe activement, depuis maintenant une
vingtaine d'années, au débat public sur ce sujet. Avec cette annonce, notre
gouvernement met de l'avant des mesures afin d'engager les citoyens et les
citoyennes dans la réforme du mode de scrutin. Je suis convaincue que cette
participation active du MDN contribuera à la réussite du projet de réforme.
Sur une dernière note, je me réjouis
également de collaborer de manière constructive avec mes collègues
parlementaires et tous les acteurs de la société civile qui sont concernés. Je
souhaite au MDN le meilleur des succès dans l'accomplissement de cette réforme,
et je vous passe maintenant la parole.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Bien, merci beaucoup, Mme la ministre. Vous
avez remarqué que je suis accompagné d'une autre vétérante de l'Assemblée nationale,
jeune fille ici, à mes côtés, Françoise David, qui est vice-présidente du
Mouvement démocratie nouvelle. Alors, tous les deux, on est au conseil
d'administration depuis deux ans, mais on a travaillé... moi, disons, d'une
façon un peu particulière, comme ancien ministre au dossier, et puis comme
étant le premier à avoir financé le MDN, jadis, quand j'étais président de l'Assemblée
nationale.
Et, pour ceux qui se disent :
Qu'est-ce que c'est, le 20 ans? C'est qu'en 1998 il y a eu une élection où le
parti auquel j'appartenais a pris le pouvoir avec moins d'appuis populaires que
l'autre parti et qui a formé finalement, malgré ça, le gouvernement de façon
très majoritaire. Et, à partir de ce moment-là, pour la première fois dans l'histoire,
parce que le dossier de la réforme du mode de scrutin date de 1900, mais, pour
la première fois, un groupe de citoyennes et de citoyens se sont mobilisés,
organisés pour faire en sorte que, maintenant, à l'agenda politique, ça
devienne un élément majeur. Ça a pris beaucoup de temps, mais finalement on est
arrivés à une étape où non seulement des parties ont accepté de s'asseoir
ensemble, ce qui n'a pas toujours été le cas, mais éventuellement de signer une
entente et de s'engager électoralement dans le même sens avec la même proposition
de base, c'est ce dont la ministre faisait allusion il y a quelques instants.
Ce qu'on entend faire avec les fonds qui
nous sont accordés, c'est essentiellement deux choses, comme la ministre le
dit, d'abord, de continuer de faire ce qu'on fait depuis un certain nombre
d'années, et particulièrement depuis 2016, c'est-à-dire des facilitateurs avec
les partis politiques et les acteurs politiques dans ce dossier-là pour faire
en sorte que le dialogue se poursuive, que la collaboration s'intensifie et que
le consensus qui est recherché, qui existe déjà... parce que n'oublions pas que
75 % des citoyens, aux dernières élections, ont voté pour des partis qui
appuyaient l'entente intervenue dont on a fait allusion. Ça, c'est la première
action qu'on va continuer de faire. Et la deuxième, bien, c'est aussi
effectivement une action d'éducation, d'information des citoyens, des
citoyennes et des organisations de la société civile pour que les gens
s'approprient le dossier, le comprennent mieux et l'appuient. Plus les citoyens
s'approprieront le dossier de la réforme du mode de scrutin, plus le mode de
scrutin sera réformé dans les délais que tout le monde espère. Alors, essentiellement,
c'est ce qu'on voudrait vous dire aujourd'hui.
Alors, ce matin, on nous a présentés comme
un groupe de pression. Oui, on est un groupe de pression, dans le sens où ça
fait 20 ans qu'on fait des pressions pour que la classe politique au Québec
mette ça à son agenda, et je crois que nos pressions ont eu gain de cause. Maintenant,
le travail n'est pas terminé, on voit poindre la lumière au bout du tunnel. On
n'est pas naïfs, personne, et on sait encore qu'il y a beaucoup de travail, beaucoup
de résistance et beaucoup de récifs devant nous, mais on est confiants, on est
confiants que le gouvernement a confié le dossier à une ministre senior, une ministre
qui a une approche consensuelle, qui a déjà fait ses preuves dans un autre
dossier, qui a ébahi tout le monde, alors, pour nous, c'est des éléments qui,
finalement, nous rassurent et nous confortent. Son équipe travaille avec nous,
et nous, on a un dialogue constant avec les gens de son équipe autant qu'avec
les gens des autres partis politiques.
Alors, essentiellement, ce matin, c'est ce
qu'on voulait vous dire, et on est très contents. Pour la première fois depuis
20 ans, on va peut-être pouvoir payer nos factures et faire en sorte qu'on
puisse avoir une action à la hauteur du professionnalisme qu'on a réussi à
développer uniquement avec de l'action bénévole depuis 20 ans. Merci
beaucoup.
La Modératrice
: On va
passer aux questions sur le sujet du jour.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. Une question pour la ministre de la Justice. Le nouveau mode de scrutin
que vous proposez sera-t-il en vigueur le 1er octobre 2022?
Mme LeBel : L'objectif est
celui-là, hein, si vous regardez... je vais toujours vous ramener à la base de
la lettre d'entente qui a été signée par les quatre partis politiques, là, que
j'ai mentionnés plus tôt, et l'objectif est de déposer, donc, un projet de loi
pour 2019, effectivement. Mais, quand on regarde les attendus de la lettre, l'objectif
est de faire la 43e législature, donc... étant dans la 42e, présentement,
donc la prochaine législature, sous le nouveau mode de scrutin. C'est un objectif
qu'on partage, et on travaille de bonne foi dans ce sens-là. Maintenant, c'est
pour cette raison-là, comme vous avez vu, qu'on est en action également avec le
DGEQ. Un décret a été passé par le Conseil des ministres pour me permettre
d'avoir un dialogue. Le DGEQ étant indépendant, on veut respecter naturellement
son indépendance, mais il est important de travailler de concert également avec
lui, parce qu'il aura à mettre en place — une fois le projet de loi
adopté, je l'espère — il aura à mettre en place les nouvelles
modalités et à dessiner une nouvelle carte, donc ça lui prend quand même un
certain temps d'action, et on veut s'assurer de lui laisser l'espace nécessaire
pour travailler. Mais c'est l'objectif que l'on vise, effectivement.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Plusieurs
ne voient pas, dans ce projet de loi là, un projet de loi comme les autres. M.
Legault a laissé entendre que l'adoption par, à la fois la Coalition avenir
Québec, le Parti québécois et Québec solidaire, serait suffisante pour mettre
en place un nouveau mode de scrutin. Vous nous parlez aujourd'hui de la
nécessité ou du souhait que vous avez que ce nouveau mode de scrutin là
bénéficie d'un vaste consensus. Vous, quel est, dans le fond, le seuil minimal
d'adhésion à ce nouveau mode de scrutin là, pour qu'il voie le jour et qu'il
ait une certaine légitimité?
Mme LeBel : Bon, vous avez
bien fait de faire la distinction entre la nécessité et le souhait que je
recherche. C'est sûr que, plus on aura un vaste consensus, mieux ça va aller
pour la société, parce que c'est quand même une transformation de nos façons de
faire pour les prochaines années, un nouveau paradigme de politique au Québec
vers lequel on se dirige. Mais je pense que, présentement, nous bénéficions du
consensus nécessaire pour aller de l'avant, surtout avec l'adhésion de deux
partis politiques. Avec le gouvernement, la CAQ, je pense que ça nous fait
autour de 95 députés. Donc, je pense qu'on a présentement le consensus
nécessaire pour aller de l'avant et être légitimés dans notre démarche.
Maintenant, ça ne veut pas dire qu'il faut
s'abriter de ça, s'enrober de ça et ne pas essayer de voir avec les acteurs de
la société civile. On a rencontré d'ailleurs plusieurs groupes. On a vu, je
pense, qu'il y a une lettre ouverte qui a été signée par quelques syndicats ce
matin qui nous donnaient un certain appui. Ils mentionnaient, dans la
lettre — donc, c'est pour cette raison-là que je me permets de le
mentionner — qu'on avait eu effectivement une rencontre constructive.
Donc, on rencontre les gens, on fait nos devoirs, on essaie de rallier le plus
de gens possible, on essaie de comprendre aussi quelles sont les craintes,
quelles sont les incertitudes, les zones grises. Souvent, c'est une question
d'incompréhension de ce vers quoi on s'en va.
Donc, je souhaite le plus large consensus
possible, mais je crois que nous avons le consensus nécessaire, au moment où on
se parle, pour avancer.
La Modératrice
: Juste
vous présenter pour le bénéfice de tous.
M. Bergeron (Patrice) :
Patrice Bergeron, LaPresse canadienne. Bonjour à vous tous.
Je pense qu'on voit l'éléphant dans la pièce, là, actuellement. Il y a un
enjeu, c'est la position de l'opposition officielle, qui avait manifesté son
opposition assez catégorique et claire. Est-ce qu'il y a des pourparlers qui se
poursuivent avec l'opposition officielle? Est-ce qu'il y a des contacts? Est-ce
qu'il y a des... Est-ce que vous remarquez, par exemple, que la position a pu
évoluer depuis?
Mme LeBel : Bien qu'il ne soit
pas de façon officielle en accord avec le projet de loi, nous, la porte est
toujours ouverte, les canaux de communication sont toujours présents. J'ai
rencontré le leader de l'opposition officielle pour en discuter. On est
toujours prêts. On leur a dit que, s'ils avaient des questions, on leur donne
le plus d'information possible. Donc, oui, les canaux de communication sont
toujours ouverts. Maintenant, je ne suis pas tributaire de leur position, je
vais les laisser faire leurs devoirs et faire ce qu'ils ont à faire. Mais, ceci
étant dit, il n'y a personne qui est exclu de la table, il n'y a personne qui
sont exclus des discussions. S'ils le souhaitent, on les rencontre au besoin.
Quand ils ont des questions, on leur répond. Donc, ça fait... ils font partie
des discussions, mais effectivement leur position officielle présentement est
ce qu'elle est. Mais je pense qu'on a le consensus nécessaire pour avancer.
Oui, peut-être le MDN...
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Bien, comme vous avez utilisé l'expression
«l'opposition officielle», il y a une thèse qui a été développée par certains
qui fait que... qui laisse entendre que l'opposition officielle devrait être
partie prenante de l'adoption du projet de loi. Et la réplique qu'on a faite,
nous, au MDN, c'est que ce n'est pas exact. Et d'ailleurs Louis Massicotte, qui
est probablement le plus grand spécialiste au Québec de cette question-là, a
fait une démonstration assez éclatante, il y a quelques années, dans un texte.
Rappelons-nous une chose : S'il y a un élément majeur dans le système
électoral, c'est le droit de vote. Et le droit de vote des femmes, en 1944, a
été accordé et voté à l'Assemblée nationale malgré l'opposition de l'opposition
officielle de l'époque, qui était l'Union nationale.
Mme David (Françoise) : 1940.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : 1940. Voilà, alors, quelqu'un qui connaît encore
mieux le dossier que moi. Donc, évidemment, tout le monde souhaite... Nous, on
a des contacts avec les gens du Parti libéral. On a même des membres du MDN sur
le conseil d'administration. L'an dernier, il y avait des anciens députés du
Parti libéral, comme il y avait aussi... Et on est en contact avec des anciens
députés de la CAQ. Il y en a moins, mais on avait Hélène Daneault, entre
autres, qui était sur notre conseil. Donc, on a des gens de tous les partis
politiques, mais... Et on a eu encore récemment des contacts avec des députés
libéraux. Mais, je veux dire, on n'est pas... Tu sais, on essaie de les
amener... Et incidemment, peut-être que vous l'ignoriez, mais l'avant-projet de
loi... en fait, pas l'avant-projet de loi, mais le texte de l'entente, les
grands paramètres de l'entente, quand les gens ont discuté des principes qui
sont arrivés à ça, ils se sont rendu compte qu'essentiellement c'était à peu
près ce que l'avant-projet de loi du Parti libéral, du gouvernement Charest
avait proposé en 2004. Alors, finalement, on reprend la balle au bond.
Et, d'une certaine façon, peut-être que
les gens du Parti libéral pourraient reconsidérer le fait qu'en bout de
piste... Ils avaient fait une promesse en 2003, ils sont allés jusqu'à faire un
avant-projet de loi puis une commission parlementaire, et nous, on poursuit le
chemin à partir, non pas de réinventer les boutons à quatre trous, mais à
partir du texte même qu'ils ont présenté et qui avait été, à ce moment-là,
étudié, et qu'il y a eu une... en fait, un avis positif du Directeur général
des élections en 2007.
Mme LeBel : J'aimerais avoir
cette mémoire-là.
M. Bergeron (Patrice) : Si
vous me permettez une petite complémentaire, Mme LeBel? Donc, on a parlé, donc,
que c'était l'objectif du gouvernement de faire adopter le projet de loi. Et on
a compris que le gouvernement avait une grande détermination à faire adopter
certains de ses projets de loi. Est-ce que vous allez afficher la même
détermination à faire adopter ce projet de loi là que, par exemple, d'autres
projets de loi, que je ne nommerai pas actuellement, mais donc qui semblent
être vraiment déterminants pour vous, là?
Mme LeBel : Il y a beaucoup de
«déterminants» puis de «détermination» dans votre phrase. Oui, bien, écoutez,
moi, je vais parler de mon projet de loi, si vous voulez, puis je vais parler
du mandat qu'on m'a donné, effectivement, et je travaille dans ce sens-là, pour
faire adopter. Je pense que, quand on dépose un projet de loi, l'objectif,
habituellement, est de le faire adopter. En tout cas, je vais parler pour moi.
Donc, oui. Donc, c'est pour cette raison-là qu'on travaille en amont le plus
possible, pour avoir un projet de loi qui va avoir un consensus le plus large
possible. Puis on pourra voir par la suite, en commission parlementaire,
comment on peut l'améliorer. Mais, oui, effectivement, si je dépose un projet
de loi, mon objectif est de le faire adopter.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour,
Mme Lebel, M. Charbonneau, Mme David. Je comprends le consensus, en termes de
députés, ici, à l'Assemblée nationale, qui sont dans des formations qui sont
plutôt favorables. Est-ce que, pour une réforme aussi importante que le mode de
scrutin, qui est la base de la démocratie, est-ce qu'on ne devrait pas aller,
par exemple, en référendum une fois que le projet de loi pourrait être adopté?
La Colombie-Britannique a opté pour cette option-là considérant justement que
c'était suffisamment important. Et l'Île-du-Prince-Édouard également, oui. Est-ce
que vous, vous ne pensez pas qu'on devrait soumettre à la population, par voie
de référendum, une décision aussi importante?
Mme LeBel : Cette décision-là
est suffisamment importante pour qu'on consulte la population. Maintenant, ce
n'est pas par le biais d'un référendum, et ce n'est pas l'outil unique pour
consulter la population. Puis je pense que, d'entrée de jeu, nous avons écarté
l'option du référendum au sens classique du terme.
Maintenant, est-ce qu'on va consulter la population?
Oui, et on le fait déjà. On ne le fait pas juste à travers les partis
politiques, qui ont quand même des députés sur le terrain, qui ont quand même
l'oreille des citoyens, on le fait à travers les syndicats, on le fait à
travers l'Union des municipalités du Québec, on le fait à travers les MRC, on
le fait à travers... Je pourrais vous nommer la liste des gens qu'on rencontre
et qui sont pertinents d'être rencontrés. Donc, on consulte, oui, la population
à travers tous ces gens-là qui ont l'écoute et le pouls du terrain.
Maintenant, une fois ceci étant dit, de
consulter la population de façon plus large, le MDN est là également pour
consulter, éduquer, avoir le pouls du terrain. Donc, oui, c'est suffisamment
important pour qu'on consulte la population, mais je ne pense pas et nous ne
croyons pas, à ce stade-ci, que le référendum est la façon de consulter la population.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que vous pourriez...
Mme LeBel : Oui. Excusez.
Mme David.
Mme David (Françoise) : Juste
un petit instant.
M. Lacroix (Louis) : Oui,
allez-y, Mme David.
Mme David (Françoise) :
J'ajouterais que le MDN a la même position, mais il faut comprendre que... Moi,
j'y suis arrivée il y a un an, mais il y a des gens qui y travaillent depuis plusieurs
années et qui ont constamment fait du travail avec des groupes terrain, des
groupes de la base. Le MDN, bénévolement, a parcouru le Québec, discuté avec
des gens, il y a eu des tournées qui ont été organisées. Là, maintenant, avec
les moyens dont nous allons disposer, c'est assez unique dans l'histoire du MDN,
on va pouvoir construire... bâtir des instruments, se donner des outils. On en
a déjà, mais on va multiplier nos outils d'animation, d'éducation, etc. On va
utiliser tous les moyens technologiques qui sont à notre disposition, mais on
n'exclut pas du tout non plus de repartir dans l'ensemble des régions, de
refaire une tournée nationale. On va continuer de rencontrer, en fait, des
organismes un peu comme ceux que la ministre a mentionnés, on a rencontré les
mêmes et davantage. Donc, il y a tout un travail terrain qui va se faire par le
MDN dans les prochains mois, je dirais même dans les prochaines années, donc je
ne voudrais pas qu'on sous-estime non plus ce travail-là — je sais
que vous ne le sous-estimez pas — et moi, je crois que c'est de cette
façon-là que ce consensus, on va le sentir de plus en plus.
Et je rappelle ce que mon collègue a dit
tout à l'heure. Il y a d'autres réformes très importantes qui se sont faites au
Québec, entre autres, finalement, l'obtention — et il était
temps — du droit de vote par les femmes, en 1940, sans qu'il y ait de
référendum, et, depuis ce temps-là, il y a eu beaucoup d'autres questions qui
ont été discutées à l'Assemblée nationale, adoptées souvent de façon assez
consensuelle, je dirais, par les députés, et des questions qui touchaient les
Québécois et les Québécoises au coeur, hein, des questions qui venaient toucher
les gens, par exemple, dans leurs valeurs. Je pense, entre autres, à l'aide
médicale à mourir, je pense au mariage gai, et tout ça, ça s'est fait sans
référendum.
Donc, je pense qu'on est des gens très
démocratiques, c'est pour ça qu'on veut améliorer le mode de scrutin, en fait,
et qu'étant des gens démocratiques on veut vraiment travailler à l'obtention de
consensus.
M. Lacroix (Louis) : Dans, entre
autres, la proposition que faisait la Colombie-Britannique, il y avait ce qu'on
appelle un «way out», dans la proposition de réforme du mode de scrutin, en ce
sens qu'eux disaient, par exemple : On pourrait changer le mode de
scrutin, adopter la proportionnelle, et si, au bout, par exemple, de deux
mandats, on se rend compte que ça ne sert pas la démocratie comme on le
pensait, on pourrait revenir en arrière et revenir au mode de scrutin
précédent. Est-ce que ça, c'est une possibilité?
Mme LeBel : Bon, naturellement,
je ne m'engagerai pas ou je ne m'attacherai pas à une option particulière
aujourd'hui parce que justement on est en train de faire des... de discuter, de
parler, de voir toutes les options. Donc, je ne veux pas attacher quoi que ce
soit, mais on connaît l'option que la Colombie-Britannique a mise de l'avant,
on connaît les options qu'il y a eues aussi en Écosse, on connaît les options
qu'il y a eues dans d'autres pays...
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : En Nouvelle-Zélande.
Mme LeBel : En
Nouvelle-Zélande, également. Donc, oui, ça fait partie de tout ce qui est sur
la table de discussion, effectivement. Maintenant, est-ce que ça va faire
partie du projet de loi? Je ne m'engagerai pas aujourd'hui à le faire, mais
est-ce que ça fait partie des options qu'on évalue? Toutes les options sont sur
la table.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Incidemment, en Nouvelle-Zélande, non seulement
c'était dans la loi, mais ça a été mis en application, et les citoyens, après
quatre élections générales, ont décidé qu'ils maintenaient la réforme.
M. Lecavalier (Charles) :
Bonjour. Charles Lecavalier. François Legault, pendant la campagne
électorale, a beaucoup placé la CAQ en opposition face aux vieux partis, a dit
qu'il fallait mettre fin au cynisme. Mais il y en a eu beaucoup, de promesses
sur la réforme du mode de scrutin, puis on sent beaucoup de cynisme, dans la population,
les gens disent : Bien, voyons donc, tu sais, ça n'arrivera pas, on a vu
ce qui est arrivé, au fédéral, avec Justin Trudeau. Est-ce que vous êtes
consciente de ce cynisme-là? Est-ce que vous avez l'impression que vous ne
pouvez pas l'échapper, là, celle-là, là?
Mme LeBel : Bien, je suis très
consciente de ce cynisme-là. D'ailleurs, l'effet du vote des citoyens dans le mode
de scrutin actuel fait partie aussi du cynisme, hein? Pourquoi les gens se
désengagent, pourquoi les gens ne vont plus voter? On entend souvent :
Bien, c'est parce que ça ne donne rien. Donc, pour moi, ça fait partie de ma
façon de combattre le cynisme. Oui, j'en suis consciente. Je suis consciente de
ce fait-là, mais j'avance, moi, avec le mandat qu'on m'a donné puis avec une intention
sincère d'aller jusqu'au bout.
M. Lecavalier (Charles) : Il
y a un argument, qu'on entend souvent qui dit que les députés ne vont jamais
voter pour une réforme qui risque de leur faire perdre leur travail, parce que,
bon, il y a des circonscriptions qui vont disparaître. Est-ce que, ça, est-ce
que vous en entendez parler? Est-ce que vos collègues, là, dans le caucus, est-ce
qu'il y a des gens qui sont inquiets de ça, de changer le mode de scrutin, et
de risquer de perdre son emploi?
Mme LeBel : Bien, cette inquiétude-là
est partagée également par les citoyens hein? Le lien avec le député,
l'identité que les citoyens ont, la circonscription, les régions... Donc, ça
fait partie de tout ce qu'on a à regarder et ça fait partie aussi de l'éducation
qu'on a à faire chacun de notre côté, dans nos partis respectifs — là,
je m'adresse à mes collègues des autres partis — que le MDN a à faire
aussi dans la société civile, dans la population. Oui, ça fait partie des
craintes, mais je pense qu'on est au-delà de ça. Il faut avancer.
M. Lecavalier (Charles) :
Spécifiquement, sur les élus, est-ce qu'il y a des élus qui vous ont fait part
de ces craintes-là?
Mme LeBel : De tous les partis
confondus, c'est une crainte qui peut circuler, oui.
M. Croteau (Martin) :
Bonjour, tout le monde. Martin Croteau, de La Presse. Mme David, M.
Charbonneau, ma question est pour vous. Vous vous êtes décrits comme un groupe
de pression, je reprends vos mots. Vous avez dit que vous menez depuis...
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : On nous a décrits ce matin — nuance.
M. Croteau (Martin) : Vous
êtes un groupe de pression, vous menez une campagne depuis des années auprès de
décideurs, vous avez parlé des MRC, des décideurs. Pourquoi avez-vous peur de
poser la question directement à la population?
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Nous, on n'est pas a priori contre. La seule
chose, c'est que j'entends bien ce que la ministre dit, et ce qu'on constate par
ailleurs, c'est que dans la plupart des endroits, en particulier au Canada, où
on a voulu faire un changement, les partisans du statu quo étaient des
partisans du référendum. Et le processus qu'on a choisi de faire au Québec,
après deux échecs, d'abord du gouvernement Lévesque, puis, après ça, du gouvernement
Charest, c'est de dire : On va faire ce qui n'a été fait nulle part
ailleurs, c'est d'asseoir les partis politiques ensemble. Et, au début de cette
démarche-là, même des libéraux étaient avec nous. On a discuté sur d'abord des
principes; les gens se sont entendus sur ces principes-là, si je peux vous
lire... on peut vous les reciter aujourd'hui, et, à partir de ça, finalement,
ils ont élagué, ils ont choisi un modèle qui allait de soi en fonction des
principes qu'ils ont adoptés ni en Colombie-Britannique, ni en Ontario, ni dans
l'est du... dans les Maritimes, je pense que c'était...
Mme David (Françoise) : L'Île-du-Prince-Édouard.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : ...l'Île-du-Prince-Édouard, on a utilisé cette
approche-là, ni ailleurs.
Nous, on a dit : Il y a eu deux
échecs de deux gouvernements qui, pour toutes sortes de raisons, n'ont pas
fonctionné, y compris pour la raison qui a été mentionnée tantôt, la résistance
de certains députés et l'incompréhension aussi. Les gens, souvent, je veux
dire, se faisaient des peurs inutiles, mais, je veux dire, la peur est un
sentiment très puissant.
M. Croteau (Martin) : Alors,
pourquoi vous ne voulez pas de référendum?
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) :Parce que les gens qui...
Pour le moment, on a pris une autre approche, et l'autre approche qu'on
suggère, c'est une approche où les partis à l'Assemblée nationale, qui sont
allés chercher une très grosse majorité de l'appui populaire, vont pouvoir
procéder; autrement, on va se retrouver comme en Colombie-Britannique. Et je ne
sais pas si vous vous rappelez, en Colombie-Britannique...
M. Croteau (Martin) : Vous
avez peur de vous faire dire non, vous avez peur de perdre.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Non, non, parce qu'en Colombie-Britannique,
savez-vous, la première fois, ce qui est arrivé? C'est que les citoyens ont dit
oui.
M. Croteau (Martin) : À 57 %.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : À 57 %.
M. Croteau (Martin) : ...le
gouvernement a renoncé au résultat parce que le taux de participation n'était
pas élevé.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Oui, mais, moi, je pense qu'au Québec, là, les
gens qui, actuellement, demandent un référendum, c'est ceux qui sont pour...
Journaliste
: ...
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : ... — laissez-moi terminer, là — pour
le statu quo. Est-ce que le gouvernement, éventuellement, décidera de donner, par
exemple, gain de cause à l'approche qui a été suggérée tantôt? On ne le sait
pas. Nous, au départ, on trouve qu'il y a une légitimité, et ça fait 20 ans
que notre organisation puis les citoyens se battent pour un changement. Et là
on voit la lumière au bout du tunnel, et des gens prétendent qu'on n'a pas la
légitimité d'agir?
M. Croteau (Martin) : Vous
êtes des observateurs aguerris, vous avez un oeil entraîné pour la politique. Quelle
place a occupé la réforme du mode de scrutin dans la dernière élection?
Diriez-vous que ça a été un thème dominant, important, majeur? Comment
qualifieriez-vous la place qu'a occupée le débat sur la réforme du mode de scrutin
dans la dernière élection?
Mme David (Françoise) : Le
mode de scrutin a occupé la même place que tant d'autres questions fondamentales,
c'est-à-dire pas 100 % tous les jours, parce qu'on sait ce que c'est, une
campagne électorale, il y a des thèmes qui ressortent constamment et d'autres,
parce qu'on pourrait, tant à ça, se parler d'environnement, qui ressortent un
peu moins. Ça n'en fait pas moins des thèmes extrêmement importants.
J'ajouterais ceci : je suis impliquée
donc au MDN depuis un an, et j'ai eu l'occasion de participer à des événements
publics où M. Legault, lui-même, en personne, était présent. Je me rappelle
d'un événement autour du 8 mars, l'année dernière, 300 femmes
d'affaires dans la salle, et M. Legault de dire devant tout le monde et à côté
de moi : Je ne ferai pas un Justin Trudeau de moi-même. Je vais faire la
réforme du mode de scrutin, je veux qu'on ait un mode de scrutin plus
proportionnel et je veux changer la culture politique au Québec, je veux une
culture de collaboration.
Donc, si des personnes n'ont jamais
entendu parler du mode de scrutin, n'ont jamais entendu M. Legault, depuis
un an, prendre toutes les tribunes possibles et imaginables pour dire : Je
veux le faire, bien, je pense que là, honnêtement, ce sont des personnes qui ne
suivent pas du tout la vie politique.
Mais moi, je veux y répondre carré à votre
question : Est-ce qu'on a peur de perdre? Non. Dans les années 80,
quand le Parti libéral est allé de l'avant avec un avant-projet de loi, il y a
eu une énorme commission parlementaire, une des plus longues qu'on a pu
connaître au Québec; 80 % des mémoires allaient dans le sens d'une réforme
du mode de scrutin, tous milieux confondus. Il y a un appétit pour un mode de
scrutin proportionnel dans la population québécoise. Moi, j'en suis certaine,
ayant été, dans un passé récent, dans un parti politique qui en faisait la
promotion. J'en ai parlé dans toutes les régions du Québec. Ça ne prenait pas
10 minutes d'explications et tout le monde disait : Oui, qu'est-ce
qu'on attend pour le faire?
Alors, ce sur quoi on mise au MDN, c'est
la consultation, l'éducation, l'information. Puis regardez, là, on n'est pas complètement
fous. Si, au terme de tout ça, dans un an, un an et demi, on se rendait tous
compte, vous, nous, les partis politiques, la société civile, qu'il y a un
mouvement de résistance extraordinaire contre le mode de scrutin, je pense
qu'on réfléchirait. Mais moi, je fais un pari avec vous, là, ça n'arrivera pas,
parce que l'appétit pour plus de démocratie, il est grand au Québec, très
grand.
M. Croteau (Martin) :
Mme la ministre, permettez-moi, je m'excuse de monopoliser le micro, mais
quelle légitimité a une réforme de cette importance qui n'est pas approuvée
directement par la population, alors que, comme le disent les promoteurs de
cette réforme, ça a été finalement un enjeu secondaire dans les élections?
Mme LeBel : Pouvez-vous
reprendre juste le début de votre question, parce que je l'ai échappé, je
l'avoue.
M. Croteau (Martin) :
Quelle légitimité a une réforme qui ne serait pas approuvée directement par la
population, alors que les promoteurs de cette réforme admettent eux-mêmes que
ça a été un enjeu somme toute secondaire dans l'élection?
Mme LeBel : Bon, je
n'aime pas la prémisse de base de votre question, alors je vais y répondre à la
façon suivante, effectivement.
M. Croteau (Martin) :
Corrigez-moi, je vous encourage à le faire.
Mme LeBel : Non, je n'ai
pas l'intention de vous corriger, mais je vous dire ce que j'en pense. Je pense
que cette option-là de la réforme du mode de scrutin n'a pas été un enjeu caché
des élections. Maintenant, si elle n'a pas pris la première place, bon, on peut
s'en réjouir ou non, on peut le commenter ou non, mais je pense que ça n'a pas
été un enjeu caché. Cet engagement-là qui a été pris par quatre partis politiques
a été clair. M. Legault, effectivement, l'a dit sur toutes les tribunes.
Et on a eu l'adhésion, avec l'ensemble des députés qui ont signé, de
95 députés sur 125 à l'Assemblée nationale. Ceci étant dit, je pense que
ça nous donne la légitimité nécessaire pour aller de l'avant tel que nous le
faisons présentement et de déposer un projet de loi. Et je tiens à le
réitérer : De penser qu'un référendum n'est pas nécessaire ou n'est pas la
meilleure façon d'avancer ne veut pas dire qu'on n'est pas à l'écoute de la
population et qu'on ne consulte pas. Et je veux que ça soit très clair dans ce
sens-là. Merci.
M. Dion (Mathieu) :
Mme Lebel, ce serait quoi l'obstacle principal à la mise en place de la
réforme d'ici 2022?
Mme LeBel : Je ne suis
pas sûre de comprendre votre question, honnêtement.
M. Dion (Mathieu) : Ce
serait quoi l'obstacle principal à la mise en place de la réforme d'ici 2022? Qu'est-ce
qui pourrait faire en sorte qu'on n'y arriverait pas, on ne pourrait pas le
faire?
Mme LeBel : Mon Dieu,
c'est une question qui est assez compliquée à répondre, parce que je pense
qu'on a tous un bout de chemin à parcourir là-dedans. Donc, mon bout de chemin
à moi est de faire en sorte d'obtenir le consensus et de travailler sur un
projet de loi qui va être adopté.
M. Dion (Mathieu) : Mais,
vous voyez quoi à l'horizon qui pourrait bloquer?
Mme LeBel : Bien,
j'essaie de répondre à votre question. Parce que j'essaie de voir les étapes
puis qui sont les acteurs de tout ça. Donc, le seul... Je n'y vois pas
d'obstacle particulier. Ce que j'ai mentionné d'entrée de jeu, c'est qu'il faut
donner l'espace nécessaire au DGEQ de travailler. Mais là je ne peux pas
travailler pour lui, je ne peux pas répondre pour lui. Il s'est déjà engagé
publiquement dans une certaine évaluation du temps qu'il lui serait nécessaire
pour mettre en place une réforme; il a parlé d'environ deux ans. Par contre,
les discussions que nous devons avoir avec le DGEQ sur le sujet sont justement
pour être capable de dégager le plus d'espace possible.
Maintenant, ma responsabilité est de
déposer un projet de loi dans les paramètres. Notre responsabilité de parlementaires
est de travailler de bonne foi, main dans la main, pour le faire adopter le
plus rapidement possible. Et par la suite, bien, on pourra... on aura fait ce
qu'on a à faire.
M. Dion (Mathieu) : Parce que
vous avez évoqué tantôt qu'il y a une crainte qui peut être là chez certains
députés de perdre un peu leur rôle, leur position avec la réforme du mode de
scrutin. Puis c'est bien connu que, nécessairement, avec les listes régionales,
etc., ça se peut qu'il y ait des députés dans votre formation politique qui ne
pourront pas être élus quand on va regarder les chiffres factuellement.
Allez-vous être prêts à sacrifier des députés au nom de cette réforme-là?
Mme LeBel : Ah, je n'aime pas
la façon dont vous... Encore une fois...
M. Dion (Mathieu) : Bien, peut-être
pas sacrifier...
Mme LeBel : Non.
M. Dion (Mathieu) : ...mais
allez-vous être prêts à quand même dire à un député : C'est vrai qu'il va
falloir travailler fort pour toi parce que ça se peut que ça ne fonctionne pas?
Mme LeBel : Moi, quand je me
suis engagée en politique, c'est pour travailler dans l'intérêt public. Alors,
je suis prête à travailler pour faire en sorte que le vote des citoyens compte
un peu plus.
M. Dion (Mathieu) : Donc, vous
allez être prêts à laisser de côté un des vôtres pour la réforme?
Mme LeBel : Je suis prête à
travailler dans l'intérêt public et de faire en sorte que le vote des citoyens
compte, ait un impact. Et je travaille...
M. Dion (Mathieu) : Répondez à
ma question, là.
Mme LeBel : Bien, je réponds à
votre question : c'est ça, mon objectif. Mon objectif n'est pas de bafouer
des collègues, de laisser tomber des collègues ou de... Mon objectif est de
travailler dans l'intérêt public et d'avancer dans ce sens-là. Et c'est le
mandat qu'on m'a donné.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Mais la proposition, là... Il y a actuellement
125 députés à l'Assemblée nationale. Quand on aura un système mixte
compensatoire, il va avoir…
Mme LeBel : Il va y avoir
125 députés.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Il va avoir encore 125 députés. Il y aura
des députés de circonscriptions locales, mais il y aura aussi des députés de
liste. Le total à l'Assemblée nationale sera 125 malgré tout.
M. Dion (Mathieu) : Mme
David, peut-être juste vous entendre là-dessus, vu que vous avez été dans une
formation politique récente de l'autre côté du spectre, est-ce que vous croyez
que, si une formation politique réalise qu'elle perd des députés, que ça
pourrait faire tout dérailler?
Mme David (Françoise) :
Bien, c'est drôle, hein, mais je ne le pense pas. Évidemment, je ne peux pas me
prononcer pour les gens de la Coalition avenir Québec. Je veux juste rappeler
ce que je disais tout à l'heure. Ça va me permettre d'ailleurs de revenir sur
une affirmation récente, là, d'un de vos collègues. Ça n'est pas parce qu'un
enjeu n'est pas le principal en campagne électorale que ça n'est pas un enjeu
connu de l'immense majorité des citoyens. M. Legault, depuis un an, répète à
qui veut bien l'entendre que, pour lui, c'est une question cruciale. Je présume
que les candidates et candidats qui se sont présentés pour la Coalition avenir
Québec avaient pris connaissance de la plateforme de leur chef et savaient que
leur chef allait donc mettre en place une réforme du mode de scrutin. Je pense
que ça n'est pas trop présumer, quand même.
Maintenant, est-ce qu'humainement il peut
y avoir, non seulement à la Coalition avenir Québec, mais dans l'ensemble des
partis, des craintes, tu sais, un petit tremblement intérieur qui fait qu'on
est obligé de sortir de sa zone de confort? Bien, c'est évident, et ça va
arriver à Québec solidaire aussi, je suppose, mais je pense qu'honnêtement, je
pense, pour avoir justement vécu ici pendant quelques années et rencontré tellement
de collègues de tous les partis, l'immense majorité, là, l'immense majorité, on
ne peut jamais dire tout le monde, mais l'immense, immense majorité des collègues
sont des gens qui ont à coeur le bien commun, quelles que soient, après, les
idées différentes, etc. Est-ce que ça veut dire que c'est facile de se
dire : Bon, alors, moi, mon comté est en train de changer, il faudrait
peut-être que je pense à me présenter au niveau du scrutin de liste? Bien non,
ce n'est pas facile, mais ce n'est pas facile, non plus, ou ça n'a pas dû être
facile, à une certaine époque, de retourner dans son comté puis de dire à ses
concitoyens : Bon, bien, là, désormais, on va célébrer des mariages gais.
Vous savez, être dans la vie politique,
être député, c'est être capable d'affronter l'adversité, être capable
d'affronter les préjugés, être capable de faire un travail terrain. Sinon, on
est mieux de ne pas devenir député. L'aide médicale à mourir, ça ne devait pas
être simple tout le temps, quand les gens faisaient des tournées puis que tout
le monde s'exprimait d'un côté, de l'autre. C'est ça, être député, c'est
d'assumer son rôle de défenseur du bien commun, puis des fois, bien, ça veut
dire... ouf! prendre un peu sur soi puis, oui, accepter parfois d'y perdre un
petit peu comme personne, mais d'y gagner comme société. Moi, j'ai encore la
naïveté de penser que ça puisse être possible.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Et un de vos collègues, tantôt, parlait du
cynisme des citoyens, de l'impression qu'ils ont qu'on en parle régulièrement,
depuis longtemps, et que ça ne se fera pas. Mais, si ça se faisait, est-ce que
les citoyens et les députés qui auraient fait l'histoire en faisant ça
n'auraient pas fait en sorte que la politique, au Québec, changerait de niveau,
et que les gens auraient une confiance renouvelée et améliorée sur le
comportement des élus par rapport à leurs engagements politiques et à la façon
dont la représentation politique se fait à notre Assemblée nationale?
La Modératrice
: On va
y aller pour...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Juste une question en français, Mme David, juste pour bien vous
comprendre : Est-ce que le projet de loi qui est devant nous, en fait, qui
sera déposé avant le 1er octobre 2019...
Mme LeBel : Éventuellement,
oui, avant le 1er, là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...est-ce que ça fait partie de ces projets de loi qui, comme par exemple,
celui qui autorisait le mariage gai au fédéral, celui qui accordait l'aide médicale
à mourir au Québec, ou des grands projets de loi sociaux comme ceux qui ont
octroyé le droit de vote aux femmes n'auraient pas nécessairement passé un
référendum, mais que c'était simplement le projet de loi nécessaire, peut-être
un peu avant-gardiste, puis que les élus ont eu le courage politique de prendre
la décision au nom de la population, de la population qu'ils représentent?
Mme David (Françoise) : Si je
comprends bien le sens de votre question, c'est, sur un certain nombre de
sujets, les députés ont décidé d'aller de l'avant sans référendum, estimant
qu'il était de leur devoir soit de protéger des minorités et, dans certains
cas, c'est absolument vrai, ou soit, parce que les femmes ne sont pas une minorité,
d'accorder le droit de vote aux femmes sans référendum parce que la
sous-question, je pense, qui a été d'ailleurs posée tout à l'heure,
c'est : Ils l'auraient peut-être perdu. Il y a une sous-question
là-dedans, hein?
Dans ce cas-ci, je souscris tout à fait
aux arguments de la ministre et de mon collègue pour dire : On n'est pas
dans ce genre de débat, là. On n'est pas dans un débat où les gens sont
confrontés à leurs propres valeurs, à leurs propres schémas émotifs ou même
spirituels. On n'est pas là-dedans, là. On est en train de discuter d'une
meilleure façon de vivre la démocratie. Il n'y a pas grand monde qui est en
désaccord avec ça. Et dans ce cas-là, quand les trois quarts de l'Assemblée
nationale se sont présentés, lors d'une campagne électorale, en disant que
c'est ça qu'ils allaient faire et qu'après c'est ça qu'ils font, appuyés par la
société civile, des grands, grands pans de la société civile, en fait, ce qu'on
est en train de dire, Jean-Pierre et moi, pour le MDN, c'est : Le
référendum n'est pas nécessaire. Il y a beaucoup d'autres façons de consulter
la population, de s'assurer que le projet de loi soit bien compris, d'aller
chercher l'adhésion populaire. Le référendum, c'est une chose intéressante, là.
En soi, personne n'est contre les référendums, c'est un moyen, et nous estimons
pour l'instant qu'il n'est pas nécessaire, qu'il n'est pas indispensable.
La Modératrice
: On va y
aller pour une dernière question, je pense, en anglais.
Mme Fletcher
(Raquel): .Yes. As just a start in English, can you
simply explain what you are doing here today and what you're announcing?
Mme LeBel: OK,
what I am doing here today: I am announcing that we are going a… some financial
aid to the Mouvement démocratique national, the MDN, which has been working
towards the electoral reform for 20 years now. This is something that
François Legault engaged himself into. He gave me the mandate to go
forward with that reform and the fact that we are according an amount of money today
to the MDN goes into the same objective of succeeding in that reform and make
sure that society understands well why and where we are going with that.
Mme Fletcher (Raquel): …spoken on a number of issues, one being you don't see a need for
there to be a referendum on this issue in the future? I am wondering if you can
comment on that, but also explain… you said you wanted
to have the largest consensus possible?
Mme LeBel: Yes.
Mme Fletcher (Raquel): I'm wondering if you have any measure that you can tell us, how
many… you know, what the populationactually feels
about the MMP system… sorry, MPP system, you know. Do 60% of Quebeckers agree? Do 20% of Quebeckers agree? How do you know
that you have their support without a referendum?
Mme LeBel: Well,
the MDN is a great actor in that sense and gives us a sense of what is going
on. But I can tell you that every time I talk to some people or any actor of
the civil society on that matter, sometimes it's more a matter of not… of
comprehending well where we're going and not being against or for. Because when
you talk to people and you say… you talk to the population and tell them: Do
you want your vote to count? Yes. The answer is yes. So, we're working towards
that. It's just a matter of explaining that. And we think that we have… we're
legitimate in going forward right now. It's not something that was hidden in
the last electoral campaign, it's not something that we didn't discuss, it's
not something that wasn't well known, that if we were elected, this was
something that we intended to do and to go forward with. So, it's just a matter
of educating the population, make them understand and explaining what are the
objectives behind the MPP reform.
Mme Fletcher (Raquel): Why rule out a referendum?
Mme LeBel:
Because… it's not that we rule out the fact that we have to consult, we rule
out this way of consulting. We think that this is something that has to be
explained, discussed, exchanged with the population. It's not a matter of
having a vote and being behind a little box and say yes or no. It's something
that we have to discuss, we have to understand. If they're not comfortable with
it, we have to understand why, and there is a lot of ways in the MPP reform to
address those issues. So, I don't think that a referendum will… going to give
you the enlightenment necessary to address those issues properly, and this is
what we want to do, have a discussion with the population.
Mme Fletcher (Raquel): Mme David, can you comment on that same question, about why,
you said in French, a referendum isn't necessary?
Mme David: Simply
because I think when people… First, Mr. Legault said many times he will do
this reform, and Québec solidaire and the Parti québécois also. So, people knew
that it is a project. The Government will do the
project and two other parties agree with that. And that means 95 Members of
Parliament. It's big, big, big majority.
As MDN, we will do our
job to… we do it since 20 years, but we will do it
more, with more tools, to explain exactly what is the new «réforme du mode de
scrutin, là.»
Une voix:
Electoral reform.
Mme David (Françoise):
Electoral reform. And we will try strongly to have consensus in the population.
So it will not… a work, you know, of 30days with the campaign of the yes, the campaign of the no. It will be a
work during one year, two years. It's very different, but, at the end, I think
it's very interesting as a way to work because all people will be able to
understand, to agree finally. Because what I saw as a Member of Parliament,
when I made many, many trips around Québec, you know, in many regions, people
want that. They don't know exactly the «modalités», the, you know, the…
Une voix
:
Mechanics.
Mme David (Françoise):
Pardon?
Une voix: «La
mécanique», mechanics.
Mme David (Françoise):
…the mechanics, but they want, they really want to have a new electoral reform.
They are not satisfied with the way it is now.
Une voix
:
Merci.
Mme David (Françoise) :
Merci beaucoup.
(Fin à 12 h 32)