(Treize heures une minute)
M. Barrette : Alors, mesdames
et messieurs, la population québécoise est insatisfaite de la performance de
notre système de santé et de services sociaux, non pas quant à la qualité des
services fournis, mais plutôt quant à l'accès à ses services et à son
cheminement dans le système. La population attend, de la part de son
gouvernement, des actions et elle a raison.
Quelques faits. En comparaison avec
l'Ontario, le Québec dispose 20 % de plus de médecins de famille et
15 % de plus de médecins spécialistes. Les médecins québécois répondent
eux-mêmes à des sondages qu'ils travaillent moins d'heures que leurs confrères
canadiens. L'analyse sur la dernière période de 15 ans montre une diminution
constante du nombre de jours travaillés et du nombre de patients vus par jour
au Québec. Cet état de fait touche autant les médecins de famille que les
médecins spécialistes, mais la situation est un peu plus marquée chez les
médecins de famille que chez les spécialistes, les médecins de famille étant,
évidemment, la porte d'entrée du réseau.
Aujourd'hui, les statistiques montrent que
59 % des médecins de famille travaillent moins de 175 jours, pour une
moyenne annuelle, pour ces 59 %, de 117 jours. Du côté des médecins
spécialistes, cette diminution est beaucoup moins grande mais existe, mais la
gestion de leur pratique ne favorise pas la performance du réseau ni
l'intégration avec la première ligne.
Je l'ai dit, pour améliorer la situation,
une seule mesure ne suffira pas, il faudra plusieurs mesures. C'est dans cet esprit
que nous avons déposé le projet de loi n° 10, lequel porte sur la
gouvernance et l'organisation du réseau. C'est dans ce même esprit que nous
présentons aujourd'hui le projet de loi n° 20, lequel s'adresse aux
médecins et concerne plus particulièrement l'accès à ceux-ci, leur capacité de
donner des services et la fluidité entre les médecins de famille et les
spécialistes.
Le projet de loi n° 10 organise les
soins, le projet de loi n° 20 augmente les soins. Ainsi, deux séries de
mesures sont proposées, l'une pour les médecins de famille et l'une pour les
médecins spécialistes. Alors, allons-y d'abord avec les médecins de famille. Actuellement,
les médecins de famille sont assujettis à des activités médicales particulières,
c'est-à-dire à un nombre minimal d'heures à être exercées en institution. Par
une institution, on entend l'hôpital, l'urgence par exemple, les CHSLD, les
soins palliatifs et ainsi de suite. Mais, dans le régime actuel, aucun médecin,
en plus de ses AMP, n'a l'obligation de prendre en charge les patients, aucun.
En fait, un médecin peut exercer majoritairement ou totalement à l'hôpital s'il
le désire. Dans les faits, on observe donc un déséquilibre dans la pratique, un
déséquilibre patent en faveur de l'hôpital. La cause? Une rémunération, en
général, nettement plus favorable à l'hôpital qu'en cabinet.
Le projet de loi n° 20 viendrait
changer cette donne en permettant au gouvernement, par voie réglementaire,
d'imposer à chaque médecin la prise en charge d'un nombre minimal de patients
et en établissant des paramètres stricts l'incitant à voir ses patients sous
peine de sanction pécuniaire.
Prenons l'exemple d'un médecin qui en est
à sa 10e année de pratique. Aujourd'hui, on exige de lui 12 heures d'AMP par semaine.
Avec le projet de loi n° 20, cette obligation réglementaire demeurerait
telle quelle, mais ce médecin aurait en plus l'obligation réglementaire de
prendre en charge, par exemple, 1 000 patients. C'est un chiffre réaliste.
À titre indicatif, le nombre moyen de patients pris en charge par un médecin
ayant 10 ans de pratique, aujourd'hui, est de 564. Avec le projet de loi
n° 20, une obligation réglementaire l'amènerait à 1 000.
Évidemment, ceci ne serait pas suffisant
comme règle puisque la prise en charge, c'est-à-dire l'inscription ne garantit
pas — l'expérience des dernières années l'a montré
clairement — ne garantit pas une visite chez son médecin de famille.
Conséquemment, pour inciter ce médecin à développer une pratique garantissant
un accès accru pour ses patients, un outil de gestion permanente de son profil
de pratique serait mis en place. Cet outil lierait directement le niveau de
rémunération de ce médecin à son profil de pratique.
Je m'explique. Ce que l'on veut ici, c'est
que le patient voie d'abord et majoritairement son médecin de famille plutôt
que d'aller attendre des heures et des heures dans une salle d'urgence. Pour
que ça arrive, le médecin doit se rendre accessible pour ses patients, et c'est
là qu'entre en compte l'outil en question qui s'appelle le taux d'assiduité.
Pour établir un taux d'assiduité, la RAMQ
est capable de le faire dès maintenant, en direct, et le taux d'assiduité est
essentiellement le ratio, le rapport entre le nombre de fois où un patient voit
son médecin de famille où il est inscrit sur le nombre de fois où il a vu des
médecins, le sien ou un autre.
Je vous donne un exemple. Prenez un
patient qui est inscrit chez un médecin x, et imaginons que ce patient-là voit
son médecin de famille quatre fois dans l'année, mais, dans la même année, il
va cinq fois dans le réseau. Alors, il va voir son médecin quatre fois et il a
vu cinq fois un médecin : quatre fois le sien; un autre, mettons, à
l'urgence ou ailleurs. Le taux d'assiduité calculé, déterminé par la RAMQ, dans
cet exemple-là, serait de 80 %, quatre sur cinq. Il a vu quatre fois son
médecin de famille sur cinq fois où il a vu un médecin dans le réseau dans une
année. Ces données-là sont obtenables maintenant, en direct. Ce sont des données
blindées.
Or, j'ai dit que la rémunération du
médecin serait liée directement à ce taux d'assiduité. Le projet de loi
n° 20 permettra au gouvernement de déterminer par voie de règlement le
taux d'assiduité à partir duquel le médecin recevrait sa pleine rémunération.
Dans l'exemple que je viens de donner, un médecin qui aurait un taux
d'assiduité de 80 % ou plus recevrait sa pleine rémunération prévue dans
les ententes signées entre les fédérations et le gouvernement. Mais, si son
taux d'assiduité était inférieur à 80 %, dans l'exemple actuel, sa
rémunération serait dégrevée. Il aurait une diminution de la rémunération en
paliers jusqu'à concurrence d'une diminution totale de 30 % de sa
rémunération si le taux d'assiduité se retrouvait inférieur à 60 %.
Je reprends l'exemple que j'ai donné
initialement. Et, pour le bénéfice des journalistes, mon allocution vous sera
rendue disponible entièrement en fin de présentation. Je reprends mon exemple,
sauf que, dans ce cas-ci, le patient verrait son médecin de famille où il est
inscrit deux fois et il irait trois fois ailleurs : dans une clinique sans
rendez-vous, dans l'urgence, un autre médecin. La RAMQ, à ce moment-là,
déterminerait son taux d'assiduité à deux sur cinq parce qu'il est inscrit chez
le docteur X, mais son docteur X n'avait pas la disposition pour le voir
suffisamment. Alors, ça fait deux fois sur cinq pour ce médecin, ça veut dire
que son taux d'assiduité serait de 40 %. Et, comme il est de 40 %, le
règlement ferait en sorte que sa rémunération serait diminuée de 30 %, pas
juste la rémunération liée aux visites, là, mais la rémunération complète, les
AMP, tout le reste. Alors, la conséquence de ça, évidemment, fait en sorte que
le médecin a intérêt à changer son profil de pratique pour se rendre disponible,
ce qui n'est pas, évidemment, le cas actuellement.
La même mécanique dégressive
s'appliquerait pour le nombre de patients inscrits, soit une pleine
rémunération si on a 100 % du nombre requis de patients à être pris en
charge. On a dit 1 000, il en a 1 000 : 100 %. Par contre,
il y aurait là aussi une diminution dégressive, jusqu'à concurrence de
30 %, pour les inscriptions qui seraient inférieures à 80 % du nombre
requis.
Finalement, la non-observance des AMP
entraînerait exactement la même chose, mais ça, c'est tout ou rien. On ne fait
pas 12 heures, c'est… on perd le 30 %.
Conséquemment, pour avoir un accès à sa
pleine rémunération, le médecin aurait donc :
1° l'obligation de faire son nombre
requis d'AMP dans la semaine;
2° l'obligation de prendre en charge
un minimum de patients;
3° l'incitation effective de
développer une pratique qui favorise l'accès à ses patients pour éviter une
perte monétaire significative.
On comprendra que le régime actuel de
prime à l'inscription tel qu'il existe aujourd'hui, ayant fait la démonstration
de son inefficacité, serait aboli.
Selon nos prévisions, nous estimons que la
moitié des médecins à temps partiel choisiraient le temps plutôt que l'argent
et assumeraient la pénalité, laquelle, évidemment, compenserait pour ceux qui
choisiraient l'argent plutôt que le temps puisqu'eux coûteraient plus cher.
Bref, cette mesure serait à coût nul.
Selon nos prévisions, cette technique
ferait aussi en sorte qu'il serait possible d'inscrire plus de 8 millions
de patients au Québec — alors, ça, c'est la totalité de la population
qui pourrait être inscrite à un médecin de famille — et nous estimons
également que le nombre de visites, au minimum, serait augmenté de 3 millions
rapidement, à la limite dès la première année.
Les pénalités seraient mises en
application à partir du 1er janvier 2016, ce qui inciterait les médecins, dès
2015, un, à inscrire des patients; deux, à modifier leur pratique
progressivement pour éviter les pénalités à partir de janvier 2016, ce qui ferait
en sorte que normalement, dès 2015, la population verrait un changement
significatif quant à l'accès aux médecins de famille.
Maintenant, pour assurer la fluidité et la
performance du système, notamment pour assurer la performance du travail du médecin
de famille et du réseau en lui-même, d'autres mesures seraient mises en place
pour les médecins spécialistes qui, comme on le sait, pratiquent
essentiellement à l'hôpital.
Les paramètres qui s'appliqueraient sont
les suivants. Un, recevoir en consultation, c'est-à-dire hors de l'urgence, un
nombre minimal de patients référés par un médecin de famille, tel que déterminé
par règlement du gouvernement. Les médecins de famille auraient à libérer et
garantir des plages de rendez-vous provenant exclusivement des médecins de
famille. On comprend ici l'effet sur la fluidité et sur le travail du médecin
de famille.
Assurer le suivi d'une consultation
demandée à l'urgence entre 7 heures et 17 heures dans un délai
prescrit par règlement. Le délai visé est de trois heures. Pourquoi? Parce
qu'au Québec on vit des problématiques répétitives dans les urgences. Les
médecins spécialistes commencent leur journée le matin, à 7 heures,
prennent leurs demandes de consultation qui viennent de l'urgence, souvent font
d'autres activités et viennent faire la consultation à 17 heures,
18 heures, 19 heures, prescrivent des examens qui sont faits le
lendemain, reviennent voir le patient, donnent une réponse. Si la consultation
était exercée et conclue en dedans de trois heures, le patient dans lequel je viens
de vous donner un exemple resterait possiblement à l'urgence une demi-journée
plutôt qu'une journée et demie. Et ça, c'est courant dans notre réseau.
Trois, assurer la prise en charge et le
suivi médical des patients hospitalisés, à titre de médecin traitant, lorsque
la masse critique de médecins de famille dans le centre hospitalier est
insuffisante. On vise à ce que les médecins de famille travaillent plus en
cabinet, ce qui fait qu'il va y en avoir moins à l'hôpital. S'il y en a moins à
l'hôpital, bien, il faut un médecin traitant. Historiquement, les médecins
traitants, à l'hôpital, étaient des médecins spécialistes. Ça a changé avec le
temps parce que les médecins spécialistes sont tous devenus consultants. Cette
mesure vise à revenir un peu à l'époque du médecin traitant spécialiste. Il y
aura encore des médecins de famille traitants, mais l'équilibre doit revenir
entre les spécialistes et les médecins de famille.
Quatre, assurer une gestion adéquate des
listes d'attente chirurgicales en priorisant les patients en attente depuis
plus de six mois. Nous visons à ce que, dans aucun de vos journaux, on n'ait
encore, dans la prochaine année, des listes d'attente de plus d'un an ou de
plus de six mois significatives. Il y a des gens qui peuvent refuser de se
faire opérer à une date, mais nous visons à ce qu'il n'y ait plus de listes
d'attente — qui ont été rapportées récemment — de milliers
de patients en attente de chirurgies d'un an. C'est une question pure de gestion
de listes d'attente qui fait en sorte qu'on ne devrait plus voir ça.
Comme c'est le cas pour les médecins de
famille, la non-observance d'au moins une de ces mesures entraînerait la
diminution de 30 % de la rémunération de l'ensemble de la pratique des
médecins visés. Finalement, pour les deux groupes, le gouvernement aurait la
possibilité, de façon exceptionnelle, de réaménager les grilles tarifaires
actuellement négociées tout en respectant les masses salariales négociées. En
français. Il arrive que certaines pratiques soient influencées par des tarifs.
Si on le constate… et on demande aux fédérations, actuellement, qui sont en
train de le faire à faire leur ménage, mais, si on constate qu'il reste des
irritants, on veut avoir le pouvoir de moduler la grille tarifaire, mais en ne
changeant pas les masses qui ont été négociées précédemment.
Maintenant, du côté de la procréation
médicalement assistée, le projet de loi n° 20 propose également des
dispositions visant à encadrer la pratique de la procréation assistée. Ce
programme a été abondamment questionné, tant en raison du manque de balises que
du volume d'activité et des coûts qu'il a entraînés, lesquels sont largement
supérieurs aux coûts anticipés. Je rappelle qu'au total les contribuables ont
financé ce programme à hauteur de 216 millions en date d'aujourd'hui. Ces
critiques sont d'ailleurs bien documentées dans le rapport du Commissaire à la
santé et au bien-être paru en juin 2014.
Ce projet de loi vise à mieux encadrer ce
programme et à resserrer certaines pratiques médicales, et ce, dans l'objectif
d'assurer la protection de la santé de la femme et des enfants à naître. En
effet, une croissance rapide du taux de césariennes chez les femmes ayant subi…
ayant eu recours, pardon, à la procréation assistée a été constatée par le
commissaire. 37 % d'entre elles ont subi cette intervention, contre
22 % dans les cas de procréation spontanée. Les bébés issus de procréation
assistée sont aussi plus petits et séjournent plus longtemps aux soins intensifs.
Ces séjours prolongés ont occasionné des coûts supérieurs de 42 % au
trésor public comparativement aux bébés issus d'une procréation spontanée.
Le projet de loi
n° 20 vise aussi à participer évidemment aux efforts de redressement des
finances publiques. Nous jugeons donc important de proposer de nouvelles
balises. Ainsi, le projet de loi n° 20 propose les balises suivantes.
Le programme serait ouvert à toutes et à tous, donc tant aux couples
hétérosexuels, qu'aux femmes seules, qu'aux couples de même sexe, hommes ou
femmes. L'âge d'accès : la fécondation in vitro proprement dite serait
accessible seulement aux femmes âgées de 18 à 42 ans révolus inclusivement. Une
période minimale de relations sexuelles ou d'insémination artificielle serait
exigée avant tout traitement de fécondation in vitro. En fait, la femme
souhaitant bénéficier du programme devrait le faire suivant une séquence
définie et hiérarchiquement croissante, commençant par la stimulation ovarienne
suivie de séquences, au pluriel, d'insémination artificielle, pour finalement,
si les deux premières méthodes échouent, accéder à la fécondation in vitro
proprement dite.
Une évaluation
psychosociale des parents serait requise dans le cas du recours à des gamètes
de donneurs ou si le médecin traitant le juge pertinent. Alors, on parle de
gamètes qui viennent de l'extérieur du couple parental. Un diagnostic génétique
préimplantatoire ne pourrait être effectué sur des embryons aux fins
d'identifier des maladies monogéniques graves ou des anomalies chromosomiques.
À propos du transfert d'embryons, un seul transfert serait autorisé chez les
femmes de moins de 37 ans et deux par la suite.
Il serait
interdit aux professionnels de la santé et des services sociaux de diriger une
personne hors du Québec pour y recevoir des services de procréation assistée
qui ne sont pas conformes aux normes prévues par le présent projet de loi. Un
médecin qui enverrait une patiente, là, pour que ce soit clair, ailleurs, à
l'extérieur du Québec pour avoir trois, quatre, cinq implantations serait en
défaut face à cette loi. Tout projet… et ça existe, en passant. Tout
projet de recherche sur l'ensemble de la procréation médicalement assistée
serait encadré par un comité central d'éthique et de recherche en
application de l'article 21 du Code civil du Québec. Afin de relever le niveau
de qualité, et de sécurité, et d'éthique, la loi permettrait au ministre de
demander à un organisme compétent, tel le Collège des médecins du Québec,
d'élaborer des lignes directrices en matière de procréation assistée. Et
finalement des amendes pouvant aller jusqu'à 50 000 $ seraient
prévues pour toute personne qui contreviendrait à certaines dispositions de la
loi, notamment dans le cas d'un transfert d'un nombre excédentaire d'embryons.
Alors, les implantations à six, sept, là, ça, ça sera passible d'amendes
substantielles.
Par ailleurs, je vous annonce que notre
gouvernement a également décidé de mettre fin à la couverture publique de ces
actes. Toutefois, la gratuité serait maintenue lorsque médicalement indiquée,
par exemple dans les cas où la fertilité serait compromise comme lors de
traitements de chimiothérapie. La gratuité serait aussi maintenue pour les
services d'insémination artificielle rendus par le médecin.
Afin de garantir un accès raisonnable à ce
programme, nous avons fait le choix d'attribuer un crédit d'impôt variable aux
familles selon les paramètres suivants : un seul cycle serait payé jusqu'à
l'âge de 37 ans, mais deux cycles pourraient être payés… un deuxième cycle
pourrait être… pardon, je m'excuse, pourrait être payé de 38 à 42 ans. Seraient
exclus du crédit d'impôt les ménages dont l'homme a été préalablement vasectomisé
ou la femme ligaturée; seraient aussi exclus les gens qui ont déjà eu un
enfant, l'expérience parentale ayant déjà été vécue. Ainsi, un crédit d'impôt
remboursable à hauteur de 80 % des coûts liés aux traitements serait
octroyé aux familles ayant un revenu de 50 000 $ ou moins, et ce même
crédit d'impôt diminuerait graduellement et linéairement, jusqu'à concurrence
de 20 % des coûts liés aux traitements pour les ménages ayant un salaire
combiné… un revenu combiné de 120 000 $ et plus et serait évidemment
maintenu à 20 % au-delà du 120 000 $.
Je tiens également à rassurer les
personnes qui ont déjà commencé le processus de procréation assistée dans le
régime actuel que des mesures transitoires sont prévues dans le projet de loi
pour leur permettre de terminer leur cycle dans le cadre du régime actuel.
En conclusion, le projet de loi n° 20
déposé aujourd'hui s'inscrit en complémentarité du projet de loi n° 10 qui
propose une réforme importante de notre réseau. Ce sont des projets de loi
complémentaires. Une mesure, je l'ai déjà dit, ne résoudra pas nos problèmes,
la combinaison de mesures le fera. Il s'inscrit donc dans la volonté ferme de
notre gouvernement d'améliorer l'accessibilité aux services de santé et
services sociaux du Québec tout en contrôlant la croissance des coûts du
réseau. Également, des économies appréciables seront réalisées à la suite de
l'adoption de ce projet de loi.
J'invite donc aujourd'hui, et je termine
là-dessus, nos collègues parlementaires et la population de soutenir notre
gouvernement dans ses démarches visant à améliorer l'accessibilité et la
qualité des soins et services de santé offerts au Québec.
Je suis actuellement, aujourd'hui, en
compagnie de deux de mes collègues : M. Daniel Riverin, qui est
directeur des services mère-enfant, et de M. Louis Couture… Dr Louis
Couture, qui est sous-ministre adjoint et responsable de la Direction générale
des services médicaux et de la médecine universitaire, qui, sur le plan
technique, pourront m'accompagner dans la période de questions pour répondre à
des questions plus techniques. Merci.
La Modératrice
: Alors,
merci beaucoup. On va passer à la période de questions, en français puis en
anglais ensuite. Davide Gentile, Radio-Canada.
M. Gentile (Davide) :
M. Barrette, quant aux pénalités aux médecins délinquants, entre
guillemets, par rapport au taux, au ratio, là…
M. Barrette : Oui, le taux
d'assiduité.
M. Gentile (Davide) : …taux
d'assiduité, merci, pourquoi pénaliser les médecins, alors que ça peut être une
décision du patient de ne pas prendre rendez-vous et de se lancer à l'urgence?
M. Barrette : Alors, il faut
comprendre ici que, quand on regarde ce que la population demande, la
population ne demande pas d'aller à l'urgence. La population demande d'avoir
accès à son médecin de famille. La population demande d'abord d'avoir un
médecin de famille et d'y avoir accès. Le taux d'assiduité est basé sur une
disponibilité accrue. Le citoyen, aujourd'hui… vous, moi, là, si on a la chance
de ne pas aller à l'urgence parce qu'on a un accès qui est accru chez le
médecin de famille, on va aller là.
La question… Il ne faut pas voir la
question ici comme étant une question de pénalité. Ici, la règle qui est mise
en place, elle est simple. On dit aux médecins : Ou bien vous changez vos
profils de pratique, vos façons de fonctionner, ou bien vous avez effectivement
une diminution de votre rémunération. Si vous changez vos profils de pratique,
vous avez accès à une pleine rémunération, et le citoyen s'en retrouve
favorisé.
La question ici n'est pas de punir qui que
ce soit. Si les médecins décident de garder le même profil, ils choisissent le
temps plutôt qu'un revenu à 100 %, c'est leur choix, mais cette
conséquence-là ne provient pas du choix du citoyen. Le citoyen, lui, là, on le
sait, là… vous ne trouverez pas personne qui est heureux d'aller attendre
12 heures à l'urgence. Ils veulent avoir accès à leurs médecins de
famille, dans leurs cabinets, et ils ne l'ont pas. Ils ne l'ont pas parce que
les profils de pratique sont démontrés comme étant inefficaces, réduits, sous
ce qui est requis. On met en place des mesures qui ont une visée
comportementale pour le bénéfice des citoyens. Alors, ce n'est pas une question
de punition, là, c'est une question de responsabilité sociale.
M. Gentile (Davide) : Ça veut
dire que les médecins à temps partiel qui veulent le demeurer doivent essuyer
une perte de revenus.
M. Barrette : Exactement.
Alors, je vais répéter ce que j'ai déjà dit.
M. Gentile (Davide) : Ça fait
que c'est interdit d'être médecin à temps partiel aujourd'hui.
M. Barrette : Non, non, pas du
tout. C'est qu'être médecin... O.K. Je vais vous donner une réponse plus
claire, M. Gentile.
La médecine est le seul programme de
formation où on limite à l'entrée le nombre d'entrées en fonction des besoins à
la sortie. C'est une profession où il y a une lourdeur qui est certainement
plus grande qu'ailleurs. La compensation de la lourdeur est la rémunération.
Mais, en même temps, les investissements que l'on fait là sont faits en
fonction de travail requis. Nous avons, dans les dernières années, tenté quoi?
On a tenté d'augmenter le nombre, ça n'a pas marché. On a tenté de
négocier — et ça a été fait, là, l'ayant fait
moi-même — des augmentations substantielles, ça n'a pas marché. On a
essayé des incitatifs, ça n'a pas marché. Alors, là-dessus, là, sur les
incitatifs, compte tenu d'où on est rendu dans la situation budgétaire du
Québec, et c'est la même chose dans le Canada, ailleurs, là, l'approche de la
problématique de l'accès à la première ligne ne peut plus passer par des
incitatifs, ne peut plus passer par des dépenses supplémentaires. Le Québec
dépense per capita en rémunération médicale autant que la moyenne canadienne
maintenant. On a fait la preuve que seul le nombre, seul l'incitatif avec la
dépense supplémentaire ne donnaient pas de résultats. Il faut changer la donne.
Il faut changer la donne parce que la population a le droit d'en avoir pour son
argent, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Alors, en fait, il est éminemment responsable
pour un gouvernement de prendre cette décision-là face à la situation
budgétaire actuelle. Dit différemment, nous ne dépenserons plus plus d'argent
sans garantie de résultat. L'argent dépensé en rémunération actuellement est
équivalent à la moyenne canadienne, si on actualise les augmentations qui sont
étalées. Conséquemment, si le service n'est pas là, la seule... une des
solutions possibles est celle que l'on met sur la table, et, si ça, ça ne
fonctionne pas, ce levier-là, bien, on peut resserrer la vis du levier par la
hauteur de la pénalité. Je pense et je suis convaincu que la
population — et je l'ai dit dans ma deuxième
phrase — s'attend à ce qu'on fasse quelque chose. C'est ce que l'on
fait.
Maintenant, si les gens choisissent d'être
à temps partiel, bien, il y a des conséquences. Comme je l'ai dit, à la case
départ, les gens qui entrent en médecine, on s'attend à un volume d'activité à
la fin, et c'est comme ça que la planification a toujours été faite. Si elle n'est
pas là, bien, à un moment donné, il y a une conséquence.
Prenez-le différemment. Vous pouvez faire
équivaloir ça à des échelons dans un autre domaine du travail. Dans n'importe
quel domaine du travail, là, il y a des échelons, puis les échelons peuvent
être basés sur un certain nombre de choses. Ici, si vous voulez faire le
parallèle, les échelons sont basés sur le temps partiel, le temps moins
partiel, le temps pas très partiel et le temps plein. Et le temps plein qu'on
définit, là, il n'est pas... ce n'est pas la fin du monde, là, ce n'est pas
l'esclavage, là.
La Modératrice
: Julie
Dufresne, Radio-Canada.
Mme Dufresne (Julie)
:
Bonjour, Dr Barrette. J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous allez
faire ce qu'on pourrait qualifier de miracle, c'est-à-dire assurer à tous les
patients d'avoir un médecin de famille et, deux, de pouvoir voir un
urgentologue en trois heures, s'il arrive en 7 et 17 heures, alors qu'à l'heure
actuelle on parle de délais parfois qui vont jusqu'à neuf, 10, 11, 12 heures.
M. Barrette : Alors, Mme
Dufresne, votre question est vraiment très pertinente, là, parce que manifestement
je me suis mal exprimé, puis ça arrive des fois que je ne suis pas clair.
Alors, pour ce qui est de l'urgence et du
trois heures, la mesure qui est proposée, c'est une mesure qui vise le médecin
spécialiste qui reçoit une demande de consultation du médecin de famille qui
est à l'urgence. Ce n'est pas une mesure qui vise à baisser... Ça vise ça, là,
dans l'effet ultime, mais ce n'est pas une mesure qui vise à garantir l'accès à
un urgentologue en dedans de trois heures. Ce que la mesure fait, ça dit :
Le patient qui est couché sur une civière à l'urgence, qui attend plus d'une
journée pour avoir le résultat d'une consultation du médecin spécialiste, bien
là, on va s'organiser pour que la consultation soit faite en dedans de trois
heures. En étant faite en dedans de trois heures, le patient couché sur une
civière ne va pas attendre au lendemain matin.
Les durées moyennes de séjour sur civière
sont augmentées par cette manière-là. Cette manière-là, elle est celle que je
vous ai décrite, que je vous redécris. Le médecin de famille qui est l'urgence
demande une consultation, mettons, au cardiologue; le cardiologue, lui, là,
s'il la faisait le matin, en dedans de trois heures, par exemple, le médecin
urgentologue aurait sa réponse à midi et, à midi, il pourrait prendre sa
décision de le congédier, le retourner à la maison ou de l'hospitaliser. Quand
on fait ça, là, la durée moyenne de séjour devient une demi-journée au lieu
d'une journée et demie.
Mme Dufresne (Julie)
:
Sauf que ça ne limite pas, par contre, l'attente pour accéder au système, quand
on entre à l'urgence.
M. Barrette : Non, mais oui,
un peu et même beaucoup, parce que si la fluidité existe... parce que les
médecins de famille à l'urgence, là, passent beaucoup de temps à s'occuper des
patients qui sont là, sur des civières, en attente de résultats. En diminuant
cette attente-là, le flot s'améliore, et, si le flot s'améliore, ça libère du temps
pour l'urgentologue pour voir des patients qui sont dans la salle d'attente.
Alors, juste pour vous donner un exemple,
là, dans la vie des salles… des urgences, quand j'étais plus jeune, là, il y
avait une ou deux personnes à l'urgence. Il y a tellement de monde sur des
civières aujourd'hui qu'on est obligés de mettre un, deux, parfois trois autres
urgentologues pour s'occuper de tout ce qui n'est pas la salle d'attente. Alors,
ça a un impact, ça, majeur, majeur, majeur. Alors, on va demander aux spécialistes
de répondre rapidement à ces consultations provenant d'un urgentologue lorsque
les consultations sont demandées entre 7 et 17 heures.
Mme Dufresne (Julie)
:
Mais ce que je veux dire, c'est que vous n'êtes pas en mesure de dire
aujourd'hui aux gens : Écoutez, dorénavant, votre temps d'attente à
l'urgence va vraiment être diminué de tant d'heures.
M. Barrette : O.K. Alors, Mme
Dufresne, ce que je suis en mesure de vous dire aujourd'hui, c'est que, si vous
êtes prise pour aller à l'urgence et vous avez le désagrément d'être couchée
sur une civière, votre sort va s'améliorer grandement. Et, pour les autres,
bien, vous n'aurez pas à aller à l'urgence parce que vous allez avoir accès à
votre médecin de famille.
Ça, ce sont deux bénéfices qui sont
substantiels, et, si le hasard de la vie faisait que vous deviez aller à
l'urgence, bien, normalement, l'urgence, à ce moment-là, sera en meilleur mode
de fonctionnement, il y aura moins de monde en attente parce que les patients
qui normalement sont à l'urgence devraient être dans un cabinet. Et là vous
comprenez la mécanique, là, la cascade, avec le taux d'assiduité.
Mme Dufresne (Julie)
: Est-ce
que vous me permettez une question sur la procréation assistée…
La Modératrice
: Il y a
pas mal de questions.
Mme Dufresne (Julie)
:
Une petite question.
La Modératrice
: …on va
accélérer.
Mme Dufresne (Julie)
:
Combien vous espérez en couvrir des fécondations in vitro, avec vos nouveaux
critère, parce que vous resserrez les critères d'accessibilité.
M. Barrette : Ah! O.K. Après,
oui, d'accord. Alors, je comprends bien votre question. Alors, on s'attend à…
les estimés que l'on fait sont à l'effet que le nombre de procédures devrait
diminuer de moitié dans le public ou… dans le public, dans le giron
gouvernemental, parce que vous comprendrez qu'il y aura des gens qui pourront y
avoir accès de façon totalement privée, là.
La Modératrice
: Alors,
Tommy Chouinard, LaPresse.
M. Chouinard (Tommy)
:
J'ai des questions assez précises, là, juste… Le crédit d'impôt, vous pensez
que ça va… C'était 70 millions à peu près, le programme, que ça a coûté
l'année passée pour la procréation assistée. Ça va coûter combien? Oui.
M. Barrette : Les économies
estimées sont de 48 millions de dollars.
M. Chouinard (Tommy)
:
48 millions. Donc, ça va coûter, si je vous suis bien, 22 millions.
M. Barrette : Pardon?
M. Chouinard (Tommy)
:
Ça va être 22 millions ou à peu près que ça va coûter, le crédit d'impôt.
Si vous estimez les économies à 48 millions, le… vous pensez que le crédit
va vous coûter combien?
M. Barrette : Oui. Bien, je
pourrai… si vous voulez, après, là.
M. Chouinard (Tommy)
:
O.K. Bon, très bien. Maintenant, sur le taux d'assiduité, vous soulignez que
vous avez déjà toutes les données pour le nombre de jours, tout ça. Bien, il
est à combien, le taux d'assiduité moyen?
M. Barrette : Non, le taux
d'assiduité, actuellement, ce n'est pas un outil qui est utilisé.
M. Chouinard (Tommy)
:
Je comprends, mais les données… Vous dites : Les données sont disponibles
pour fixer…
M. Barrette : Là, je ne sais
pas si on a cette réponse-là, là.
M. Chouinard (Tommy)
:
Bien, c'est assez… Vous avez dit que la RAMQ avait déjà tout en main, là, pour…
M. Barrette : Non, c'est-à-dire
que la RAMQ a la capacité d'avoir… de déterminer le numérateur et le
dénominateur. O.K.? Elle a accès à cette donnée-là, mais actuellement, les taux
d'assiduité ne sont pas calculés comme tels. Ce n'est pas une chose qui a été
faite, mais il y a eu des estimés.
M. Chouinard (Tommy)
: Maintenant,
si, par exemple…
M. Barrette : Actuellement, on
me dit que le taux d'assiduité observé est de 77 %.
M. Couture (Louis) : Il varie
d'une région à l'autre.
M. Chouinard (Tommy)
:
77 %, en moyenne, au Québec. C'est bien ça?
M. Barrette : Oui, mais ça
varie.
M. Chouinard (Tommy)
:
Merci. Donc, vous voulez 80 % avant qu'il y ait des pénalités?
M. Barrette : Bien,
c'est-à-dire que là, actuellement, c'est par voie réglementaire. Je vous donne
un exemple à 80 %, ça tourne effectivement autour de ça, là.
M. Chouinard (Tommy)
:
O.K. Très bien. Maintenant, mon médecin de famille… J'ai un médecin de famille
à Québec, je prends des vacances dans Charlevoix, j'ai une commotion cérébrale,
je vais à l'urgence de l'hôpital. Est-ce que, ça, ça compte comme quoi mon
médecin de famille n'a pas voulu me voir ou…
M. Barrette : Oui, mais
évidemment, le taux d'assiduité du médecin, c'est un taux d'assiduité qui est
calculé pour la totalité des patients inscrits. Alors, si vous prenez l'exemple
d'un seul individu, évidemment que ça pénalise le médecin, mais le scénario que
vous exprimez est un scénario exceptionnel, d'une part, et que je ne vous
souhaite pas, et qui aurait peu d'impact sur votre médecin parce qu'on peut
estimer que tous les autres, les 999 autres, ne vous suivraient pas dans
Charlevoix.
M. Chouinard (Tommy)
:
Une dernière question, je fais ça vite. Les mères porteuses, qu'est-ce qu'on
fait?
M. Barrette : Pardon?
M. Chouinard (Tommy)
:
Qu'est-ce que le gouvernement fait au sujet des mères porteuses?
M. Barrette : Bon, la… bien,
la problématique, la question des mères porteuses n'est pas encore résolue,
parce qu'actuellement, il y a un comité, au ministre de la Justice, qui s'y
adresse. Alors, la mère porteuse, actuellement, aurait accès aux programmes dans
les mêmes conditions, mais la question légale, qui est parent, la relation avec
les demandeurs… parce que mère porteuse, là, on fait le lien automatiquement
avec le couple de même sexe masculin. Alors là, la question juridique qui est
là n'est pas encore résolue. Aujourd'hui, si un couple de même sexe homme
faisait affaire avec une mère porteuse, tout le calcul que je viens de décrire,
toute la procédure qui est dans le projet de loi seraient faits en fonction de
la mère. Alors, c'est la fertilité de la mère qui doit être démontrée, c'est
son revenu à elle qui est pris en considération pour le calcul du crédit
d'impôt remboursable et ainsi de suite.
Maintenant, cette situation-là pourrait
changer en fonction des conclusions du comité qui est en place pour faire
l'analyse de ça et prendre les décisions législatives nécessaires, le cas
échéant, au ministère de la Justice, mais les conclusions, actuellement, ne
sont pas tirées encore.
La Modératrice
:
Jocelyne Richer, La Presse canadienne.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Oui, bonjour, M. Barrette. Combien ça peut coûter en moyenne, pour une femme ou
un couple, de faire un traitement?
M. Barrette : Alors, si je
vous donne l'exemple… Bien, le moins cher, évidemment, c'est l'insémination
artificielle, là, c'est quelques centaines de dollars. Mais si on va au plus
complexe, qui est la fécondation in vitro, alors ce sont des coûts qui
peuvent aller de 4 000 $ à 5 000 $.
Mme Richer (Jocelyne)
:
L'évaluation… Oui, continuez, oui.
M. Barrette : Alors, je vais
peut-être répondre plus précisément, là. Alors, avant que ça devienne public,
le marché établissait ce coût-là à 7 000 $ et plus, O.K., entre
7 000 $ et 8 000 $. Quand il a été mis en application, il a
été baissé à un certain montant, et ça a fini à 4 300 $.
Maintenant, il y aura évidemment des
négociations à faire et des décisions à prendre pour ce qui est du montant qui
sera le montant de référence à partir duquel on calculera le pourcentage, et ce
montant-là devrait être, à vue de nez aujourd'hui, entre 4 000 $ et
5 000 $.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Qu'est-ce que vous répondrez aux gens qui, sans doute, vont dire que le
gouvernement cherche à rétablir l'équilibre budgétaire sur le dos de femmes
infertiles, de couples infertiles?
M. Barrette : Non. Ça, je ne
suis pas d'accord, évidemment, avec ça. Alors, le projet de loi n° 20,
hein, je vous rappelle la première chose qu'il fait, la première, c'est mettre
des balises. Et ces balises-là sont les balises qui ont été recommandées par le
Commissaire à la santé et au bien-être, et il a recommandé ces balises-là pour
un certain nombre de raisons. La première, la sécurité de la mère et de
l'enfant à naître; la deuxième, éviter certains dérapages. Les balises qui sont
mises en place, il n'y en a aucune qui a une portée budgétaire, aucune. Ce sont
des balises de pratique médicale. On les aurait mises, là, même si le régime
était resté totalement public. Je m'excuse, là, je vais le dire au bon terme…
au bon temps de verbe : ces balises-là seraient mises en place si le projet
de loi n'était pas adopté parce que ce sont des balises de qualité de l'acte.
Maintenant, pour ce qui est de la question
de l'économie budgétaire, bien là, écoutez, on répond essentiellement à l'appel
de la population. Le Commissaire à la santé et au bien-être l'a dit lui-même,
là, il a fait des «focus groups», il a fait des sondages, il a établi lui-même
que, dans la société, il y avait une légère majorité qui n'était pas en faveur.
Bon, on adapte la situation à la perception sociétale, à l'acceptabilité
sociétale d'aujourd'hui.
Je vous rappelle que le gouvernement ne se
désengage pas totalement de la procréation médicalement assistée. On met des
balises, des balises qui ont une finalité de qualité de l'acte, et on met des
paramètres qui ont une finalité budgétaire mais qui ont aussi la responsabilité
de permettre l'accès aux gens en fonction de leur situation économique. Et ça,
je pense que c'est ce que la population désire et qu'à cet égard on a agi de
façon responsable.
La Modératrice
:
Charles… Oui.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Une dernière. L'évaluation psychosociale, ça va être laissé à l'arbitraire des
médecins?
M. Barrette : Non, il y a une
circonstance obligatoire : lorsque les gamètes viennent d'ailleurs, c'est-à-dire
que ça ne vient pas d'un membre du couple. Alors là, c'est obligatoire.
Maintenant, dans les situations où, à l'évaluation
clinique faite par le médecin, le médecin pense qu'on devrait faire cette
évaluation-là, bien, l'évaluation peut être demandée ou, je dirais même, doit
être demandée par le médecin traitant. Alors, on peut imaginer… Et le
Commissaire à la santé et au bien-être en a vu, des exemples comme ça, ça fait
partie des dérapages. On connaît le cas, là, qui a été largement médiatisé, de
la personne… la femme qui a eu un enfant, et la DPJ est venue le chercher à la
naissance. Bon, là, peut-être que, dans cette circonstance-là, il aurait dû y
avoir une évaluation psychosociale.
Dernièrement, il y a eu un cas que je vous
raconte, là, qui… dont je ne connais pas le détail, mais, à sa face même, est quand
même particulier : une jeune fille a attendu l'âge de 18 ans pour
avoir une fécondation in vitro; pas une insémination, pas une stimulation,
là, directement la fécondation in vitro, et elle l'a eu. C'est surprenant.
Ça va être permis, là, mais c'est surprenant. Alors, peut-être que, dans cette
circonstance-là, on peut imaginer qu'il aurait peut-être dû y avoir une évaluation.
Alors, l'évaluation est à la discrétion du
médecin traitant dans les cas, entre guillemets, réguliers, puis, dans les cas
plus exceptionnels, devient obligatoire, notamment quand les gamètes viennent
de l'extérieur.
La Modératrice
:
Charles Lecavalier, Journal de Québec.
M. Lecavalier (Charles)
:
Bonjour, M. Barrette. L'article 8 du projet de loi, on dit que l'agence
peut modifier l'autorisation en fonction du besoin de la région. Est-ce qu'on
peut croire que, dans une région où il y a… disons, qui a moins de médecins,
les médecins vont être appelés à travailler plus? Ou…
M. Barrette : Attendez une
minute, là, je n'ai pas l'article 8 avec moi. Vous dites : L'agence…
M. Lecavalier (Charles)
:
Bien, l'agence… j'imagine que ça va être le CSSS… CISSS, là, mais… CISSS.
M. Barrette : Oui, O.K. Bien,
il est là, le… Vas-y.
M. Couture (Louis) : En fait,
le médecin demande à l'agence… le médecin émet une offre de service, et
l'agence doit émettre sa recommandation, donc son acceptation. Et le besoin de
la population peut varier d'une agence à l'autre, et effectivement l'offre de
service médical est sous la coordination, et la supervision, et l'autorisation
des agences.
M. Barrette : Ça, juste pour
clarifier, là, vous êtes dans le chapitre des activités médicales particulières,
et les activités médicales particulières sont des activités qui sont sous
l'égide de l'agence. Les activités médicales particulières ne sont pas
nécessairement les mêmes d'une place à l'autre.
Alors, on peut avoir plus besoin de
médecins dans des activités médicales particulières en CHSLD dans une région ou
dans une urgence d'un petit hôpital dans une autre région et ainsi de suite. Il
y a toujours eu — c'est déjà comme ça maintenant — une
flexibilité régionale pour déterminer l'endroit où se font, où s'exercent les
activités médicales particulières. Ça, c'est essentiellement comme avant, là.
M. Lecavalier (Charles)
:
Et ensuite, juste après, quand on dit que «tout médecin omnipraticien […] avant
de cesser d'assurer le suivi médical d'un patient, [doit] prendre les
dispositions nécessaires [pour] qu'un autre médecin assure ce suivi», est-ce
qu'il va y avoir des pertes financières si le médecin ne fait pas ce suivi?
M. Barrette : Non, mais on
indique ici la direction que l'on veut prendre, là. À un moment donné, il doit…
les gens doivent se responsabiliser.
M. Lecavalier (Charles)
:
Mais ça veut dire quoi, qu'ils doivent se responsabiliser?
M. Couture (Louis) : Ça veut
dire que le médecin a l'obligation… de toute façon, il a l'obligation
déontologique de transférer ses patients à un autre collègue. S'il ne peut pas
le faire, il doit aviser l'agence, et l'agence a la responsabilité, à ce
moment-là, d'offrir l'offre de services d'un autre médecin à ce patient-là en
remplacement. Donc, l'agence va se charger de trouver un médecin dans la même
région, mais le médecin a l'obligation de transférer, si possible. Bien sûr,
s'il n'y a pas d'autre médecin disponible, là, c'est l'agence qui doit
supporter le médecin pour trouver un remplaçant.
La Modératrice
:
Antoine Robitaille, Le Devoir.
M. Robitaille (Antoine)
:
Je regarde la liste de mesures qui ont été prises dans les 11 dernières années :
les primes, les augmentations salariales, les augmentations du nombre de
médecins formés, la procréation assistée, bon, ça aussi, et, au fond, là, ce projet
de loi là, c'est un constat d'échec total des années Couillard, Bolduc.
M. Barrette : Absolument pas. Absolument
pas. Les années Couillard, Bolduc sont des années où on s'est adressés d'abord
et essentiellement à deux choses.
La première, rappelez-vous que, dans les
années que vous qualifiez de Couillard, mon premier ministre était alors, à ce
moment-là, ministre de la Santé et il faisait face à la pire pénurie
d'effectifs médicaux de l'histoire du Québec, qui était le résultat des
décisions prises par le Parti québécois, on s'en rappelle. Et d'ailleurs — juste
pour amuser tout le monde — en commission parlementaire, j'ai eu le
plaisir d'entendre M. Lisée nous expliquer qu'il était le conseiller principal
de M. Bouchard pour la mise en place de la réforme Rochon. Gros succès!
Alors, on était à la fin de ça en 2003. La
première chose qui devait être faite était d'imposer aux universités une augmentation
des entrées en médecine, et c'est ce que le premier ministre actuel, alors
qu'il était ministre de la Santé, a fait. Il a imposé au réseau une augmentation
des entrées tout en sachant qu'il n'en récolterait pas les fruits, les fruits
arrivant à maturité sept ans plus tard pour la médecine de famille, 10, 11, 12
ans plus tard pour la médecine spécialisée. Ça, ça devait être fait. Avant de
mettre un levier comme ça... Tu sais, à un moment donné, là, avant de mettre de
l'essence dans... avant que le moteur marche, il faut qu'il y ait de l'essence
dedans, là. Alors là, il n'y avait pas, à la limite, même de moteur. Alors, ça,
c'est la première chose qui a été faite.
La deuxième était la question de
l'organisation de la première ligne. Les CSSS, et ça a été dit en commission
parlementaire dans l'étude du projet de loi n° 10, les CSSS ont donné des
résultats organisationnels. Ils n'ont pas donné tous les résultats escomptés,
mais ont donné des résultats, et, à preuve, tous les groupes, incluant les
usagers et les syndicats, ont répondu non à la question : Voudriez-vous
revenir à avant 2004? Toujours. Alors, l'ère Couillard-Bolduc à laquelle vous
faites référence a été un succès sur la base des choses entreprises qui étaient :
augmenter les entrées en médecine et réorganiser les établissements en première
ligne dans les CSSS.
Nous, on arrive aujourd'hui en récoltant
ça et en appliquant — et là je vais aller plus clairement à votre
question — et en appliquant le levier qui nous permet, parce que
c'est ça qu'il faut dire, là, qui nous permet d'avoir le résultat
escompté, parce que ce à quoi vous faites référence, ce sont des éléments qui
ont été appliqués à une situation améliorée. Dans les dernières années, là, il
y a eu plus de médecins. Ils ont été moins...
M. Robitaille (Antoine)
:
Oui, mais ça paye moins.
M. Barrette : Bien oui, mais
c'est ça que je vous dis.
M. Robitaille (Antoine)
:
Puis on a beau leur donner des carottes, ça ne marche pas. Donc, vous, vous
passez au bâton, dans le fond, de la carotte au bâton.
M. Barrette : Bien oui. Bien,
c'est un petit bâton de rien du tout, c'est un bâton incitatif.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Robitaille (Antoine)
:
Donc, c'est un bâton en forme de carotte.
M. Barrette : Alors, c'est un
bâton qu'on voit arriver. Vous savez, un bâton, ça fait mal quand on ne le voit
pas venir. Alors là, actuellement, ils le voient arriver, et là il y a une
décision adulte, un consentement éclairé qui doit être pris. Le bâton s'en
vient. Décision : J'accepte de me faire frapper ou bien donc je change mon
profil de pratique. Et là, là, à la population qui nous écoute, là, c'est ça,
ma réponse : Moi, je suis pour les 8 millions de personnes qui nous
écoutent, pas pour les 8 000 qui voient le bâton arriver.
M. Robitaille (Antoine)
:
Mais vous, là, si vous étiez aujourd'hui président de la Fédération des
médecins spécialistes du Québec, vous feriez toute une crise, là, face à ce
projet de loi.
M. Barrette : Je ferais zéro
crise, pour une raison simple : la mission des présidents de fédération,
et c'est leur mission actuelle aussi, c'est de défendre un niveau de
rémunération comparable à la moyenne canadienne. C'est fait. Quand j'étais
l'autre bord, je disais toujours la chose suivante et je la dis aujourd'hui :
Un coup que la rémunération est réglée, nous avons la responsabilité collectivement — je
reprends mon chapeau de médecin — de s'occuper de l'organisation des
soins puis de livrer les services. C'est ça, la responsabilité d'un médecin, et
on leur demande de la prendre. Et, en fait, ce n'est juste pas arrivé que… les
mesures que vous avez évoquées, là, il faudrait que ça arrive. Et aujourd'hui,
quand je parle aux deux présidents de fédérations, ils sont en accord avec
chacune des mesures et leurs finalités, sauf évidemment une qui est la
pénalité.
Mais là, c'est parce que la réponse à ça,
c'est : Tout le reste, on l'a fait, puis ça ne marche pas. Les deux
présidents de fédération admettent qu'on a assez de médecins, admettent qu'on
est capables de donner les services, admettent que les mesures récentes n'ont
rien donné, mais évidemment ce n'est pas eux qui vont arriver sur la place
publique ou devant leurs membres puis dire : Dr Barrette, comme ministre
de la Santé, pénalisez… allez donc nous pénaliser, ça va nous aider. Ils ne
vont pas nous demander ça, là, mais moi, je pense qu'on est malheureusement
rendus là.
Alors, la question, encore une fois, n'est
pas de pénaliser les gens, la question est de dire aux médecins : Si vous
faites un choix, là, on n'est plus dans un mode incitatif. On est dans un mode
de conséquences, d'attendu, de livrable. Vous choisissez de ne pas livrer, bien
là, à un moment donné, il faut qu'il y ait un incitatif puis l'incitatif, au sens
pur du terme, qui est d'en rajouter, de l'argent puis d'en rajouter encore.
Bien, on l'a fait, puis ça ne marche pas, puis ça ne marchera pas. Je peux vous
le dire, je l'ai expérimenté moi-même dans le passé à la tête de
9 000 médecins spécialistes, ça ne marche pas. L'argent, ça ne marche
juste pas. Alors là, on est dans une autre ère de responsabilité sociale. Les
impôts que les gens paient, ils paient ce qu'ils peuvent payer, ils ne peuvent
pas payer plus.
M. Robitaille (Antoine)
:
Vous parlez d'impôt. Pourquoi continuer de permettre aux médecins de
s'incorporer?
La Modératrice
: Il
faudrait continuer avec d'autres questions, là.
M. Barrette : Bien, ça, c'est
une question d'équité interprofessionnelle, tout simplement. Les médecins sont
les seuls professionnels qui n'avaient pas le droit de s'incorporer. Tous les
autres professionnels peuvent le faire. À un moment donné, quand on met des
règles dans une société… Vous savez, la lumière rouge, elle est vraie pour tout
le monde, là. Une lumière rouge, il faut qu'on arrête, là, peu importe son
revenu.
La Modératrice
:
Véronique Prince, TVA.
Mme Prince (Véronique)
:
Vous aviez dit aussi que vous vouliez faire en sorte de forcer en quelque sorte
les groupes de médecins de famille à respecter leurs contrats.
M. Barrette : Oui. Ça, je n'ai
pas…
Mme Prince (Véronique)
:
Si je comprends bien, ce n'est pas dans ce projet-là, ça va être dans autre
chose.
M. Barrette : Non, non. Ça, je
n'ai pas besoin d'un projet de loi pour faire ça, j'ai juste à le faire tout
court, là. C'est déjà dans les contrats signés, et ça se fera. Alors, il
fallait un peu que je rassemble tout dans le temps des fêtes, là, le même
cadeau, là, mais les GMF, là, je peux vous le dire, là, on est en train de
s'organiser pour faire honorer les contrats.
Alors, ce sera un élément de plus qui
viendra ajouter de l'accès : projet de loi n° 10, projet de loi
n° 20, financement à l'activité, honorer les contrats, il y en a d'autres.
À un moment donné, là, je vais m'adresser à la place que tout le monde doit
laisser aux infirmières. On va s'adresser à ça aussi, hein, ça aussi, c'est de
l'accès. Et vous le savez tous et toutes, dans la salle, là, on ne réglera pas
notre système de santé avec une mesure, c'est un ensemble. La chose nouvelle, c'est
qu'on met en place des mesures et on les met toutes en même temps, ce qui n'a
jamais été fait. Bon, d'abord, mes prédécesseurs ont… surtout, mon dernier
prédécesseur n'a pas mis en place beaucoup de mesures, alors là il va y en
avoir pour de vrai. Puis, pour citer un mot très, très, très utilisé à
l'Assemblée nationale, on a le courage de faire ce que personne n'a fait. J'en
suis très fier.
Journaliste
: …dans
votre ancien parti?
M. Barrette : Bien, écoutez,
je ne sais pas qui a dit ça, là, ça ne me revient pas, là, mais je l'entends
souvent.
Mme Prince (Véronique)
:
L'autre question : un des objectifs du programme public de procréation
assistée, c'était entre autres d'augmenter le taux de natalité. Vous avez
énuméré pourquoi, entre autres, au-delà du coût… pourquoi, en même temps, ce
programme-là pose des problèmes : les bébés plus petits, les césariennes
et tout ça.
Est-ce que vous avez jugé aussi que le taux
de natalité n'avait pas suffisamment augmenté avec…
M. Barrette : Alors, la
finalité première du programme de procréation médicalement assistée était de
diminuer le nombre d'enfants… de bébés prématurés pour des raisons cliniques,
pour l'enfant, évidemment, parce que ce n'est pas banal en termes d'impacts
pour cet enfant-là, et le coût qui y était associé. C'était la première
finalité.
Il a été évoqué un effet sur la natalité,
mais la finalité première était une question de sécurité et de coûts. Alors,
ça, on s'y est adressé et, évidemment, on le maintient aujourd'hui avec ce
qu'on maintient en place.
La Modératrice
: Marco
Bélair-Cirino, Le Devoir.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, bonjour, M. le ministre. Question générale : Est-ce que les mesures
contenues au projet de loi n° 20 pour améliorer l'accès aux médecins,
est-ce qu'elles s'inspirent de mesures semblables, notamment les pénalités
prévues, dans d'autres provinces canadiennes?
M. Barrette : Je ne connais
pas de province… de mesure de ce type-là ailleurs dans le Canada. En fait, à ma
connaissance, je pense qu'on fait quelque chose d'assez unique, là.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Avec
votre petit bâton de rien du tout, il y a…
M. Barrette : Ce n'est pas le
mien, c'est celui de votre collègue.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Il
n'y a aucunement…
M. Barrette : Ils ne me
prêtent pas des mots, ils me prêtent des bâtons, même s'ils écrivent des
éditoriaux sur les mots.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Bon, avec les pénalités, il n'y a aucune raison de craindre qu'il pourrait y
avoir un exode des médecins, surtout les jeunes, vers le privé ou d'autres
provinces canadiennes, selon vous?
M. Barrette : Alors, le privé,
ça, c'est contrôlable, d'une part, et, pour les autres provinces canadiennes,
ça ne m'inquiète pas du tout. Nous sommes dans une pente ascendante en termes
de nombre de médecins en pratique, et je vous dirais même que, si vous posiez
la question aux autres provinces ou représentants des autres provinces, on vous
dirait qu'on commence à avoir une saturation, à un point tel que, dans les
autres provinces, il y a bien des médecins qui considèrent ne pas être capables
de se trouver des, entre guillemets, emplois. Alors, quitter le Québec pour un
avenir plus sombre, je ne pense pas que ce soit la bonne réponse à donner à ce projet
de loi là, à mon avis.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Puis comment le suivi des clientèles vulnérables, qui nécessitent plus de temps
pour les médecins de famille, pourra-t-il continuer à être assumé, notamment
pour les personnes âgées, les personnes qui souffrent de problèmes de santé
chroniques?
M. Barrette : À cette
problématique-là, la première question et la première réponse à donner, c'est
d'avoir de l'accès, hein? Le premier problème, ce à quoi on s'adresse, ce sont
des plages horaires, du temps. Vous me dites que ça prend du temps. Bien, pour
avoir plus d'accès, il faut plus de temps.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais il faut limiter les interventions, les consultations, non?
M. Barrette : Bien, oui, mais,
encore une fois, là, la première chose à régler, c'est l'accès. Maintenant, pour
ce qui est du temps consacré, le temps consacré ne va pas changer, d'une part,
et, d'autre part, ce projet de loi là, et là je vais... Écoutez bien ce que je
vais vous dire, là : le projet de loi incite les médecins de famille, en
particulier, à changer leur mode de pratique, alors, un, augmenter les heures
présence; deux, changer le mode, et, dans le changement du mode, un médecin,
dans le modèle que je propose, devrait conclure qu'il y a un avantage de
s'allier à des infirmières et autres professionnels, de développer une pratique
multidisciplinaire parce que les patients auxquels vous faites référence, en
grande majorité, devraient être vus par d'autres professionnels.
Le malade chronique, je vais prendre un
exemple, un patient âgé avec un diabète de type 2, à partir du moment où le
diagnostic est fait, c'est un suivi très protocolé qui peut être fait par
d'autres professionnels. Ce n'est pas au médecin de donner le conseil
diététique, ce n'est pas au médecin de faire le suivi de la glycémie, là, ce n'est
pas au médecin de peser le patient, ce n'est pas au médecin de vérifier la
pression artérielle périodiquement...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais ils le font aujourd'hui?
M. Barrette : ...c'est au
médecin de faire des contrôles à certains intervalles, mais le suivi plus
intensif et la longue conversation, par exemple, pour expliquer les impacts
diététiques que peut avoir le diabète, bien, ça, c'est une infirmière ou une
diététicienne qui doit faire ça.
Alors, le médecin a intérêt à travailler
en équipe pour se libérer du temps, et voir d'autres patients, et arriver au
nirvana du taux d'assiduité.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, ils ne le font pas actuellement. Ils ne travaillent pas assez en équipe.
Ils n'atteignent pas le nirvana aujourd'hui.
M. Barrette : Bien, je pense
que ces problèmes-là sont bien démontrés, sont bien dénoncés, et, à date, il
n'y a pas grand-monde qui a essayé de faire quelque chose pour ça.
La Modératrice
: On va
passer en anglais.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Rapidement, est-ce que les médecins spécialistes vont être obligés de voir un
certain nombre de patients hors hôpital, notamment pour les supercliniques, pour
les spécialistes?
M. Barrette : Oui, les... Dans
le texte de loi, là, pour ce qui est de cet élément-là, c'est qu'on demande aux
médecins spécialistes de libérer des... de garantir des plages, selon la
spécialité, selon la région, parce que ce n'est jamais la même chose d'une
place à l'autre, réservées aux médecins de famille. Il y a deux manières de
faire ça : soit on réserve des plages dans leur cabinet ou à la clinique
externe de l'hôpital, soit on se rend disponible dans les supercliniques, comme
vous venez d'y faire référence.
La Modératrice
: On va passer en anglais, si vous le voulez bien.
Max Harrold, CTV.
M. Harrold (Max) :
When you say doctors are either lazy or have not worked to their full
potential, how would you describe that part of the law?
M. Barrette :
It is not about laziness, I... this is not about that at all. And to make that
point clear, if you look at a spectrum of statistics that you can have if you take the whole spectrum of doctors, you see practice profiles
that are quite the same all the time. You see older doctors who have a very
active profile and you see younger doctors who have a less active profile, and
that's what it is... how it is today, it's a choice. Younger doctors do make
the choice today to have a better quality of life, and the issue of giving full
services to the population
seems not to be within the equation, right. And this is the same thing for men
and women.
And what we see today is
that, if nothing is done, well, services will never be rendered available to
the general public, first, and it's going to take 20, 25 years before we have proper
access to a physician. We're saying to doctors, especially younger doctors :
It's not about laziness, it's about a choice. You have the right to make that
choice, but we believe that you need an incentive. If you want to protect your
revenues, you have to be there and provide services in a greater amount, and
this has to happen in some way. If it doesn't, well, we believe that we have
the right to create a set of rules that will make it so that, if you don't go
in that direction, there is a negative compensation, if you wish. If you do,
you have your full compensation as written in the agreements that you have with
the Government.
M. Harrold (Max) : Did you discuss this during negotiations with the doctors?
M. Barrette : Yes.
M. Harrold (Max) : So they knew about all of this?
M. Barrette : Everything that you see here has been previously discussed with
doctors, and we said to them we could have an agreement on this one, and, if
you don't want to have an agreement on this, well, unfortunately, we might go
in a different direction. Everything that you see in Bill 20, everything, has been discussed with doctors.
M. Harrold (Max) : But they don't agree with the penalties.
M. Barrette : They don't agree with the penalties, but they agree with all the
rest.
M. Harrold (Max) :OK. If I could just
ask…
M. Barrette : And I quite understand that. I quite understand that. When I speak
with my «vis-à-vis» at the FMOQ, that's what he says. He says : Look, I
cannot disagree and basically I agree with what you are seeing, OK? The facts are what they are, and what
they see in their books is the same thing that we see in our books. But at the
end of the day, he doesn't have the means to realign things, and those means
are basically what you see in the bill, and, at some point, he himself, he said
to me : Maybe you'll have to go through a bill yourself because it's going
to be hard to sell, because you're asking… we agree, but it's hard to have an
effect because ourselves, as a federation, we don't have that. They're not
following us.
M. Harrold (Max) : On fertility, you said before, the members of your Government… I
believe the Premier had said that he thought the program was considered very generous,
and so now, you're going to do away with about half of the treatments that you
provide… or that you cover, right? So…
M. Barrette : That we cover, because the treatments will still be available for
those who will pay the full fee if they want to.
M. Harrold (Max) : Can you describe the reason… What is the necessity of this program
and what are you doing away with? In English.
M. Barrette : OK. Well, the necessity of the program came from the Commissaire à
la santé et au bien-être's report, OK? The commissioner came out with a report last June 2014, and he came
out and said himself : We have to have… we have to implement some
restrictions in the program because we saw too many things happening, let's
say, in the wrong direction. That's basically what he said. And himself, he
came out with a set of parameters that will correct or redirect some decisions
in that program.
What we did, because we needed
to do that, because himself considered that there was some significant danger
of bad decisions, harm that could happen to both the mother and the child to
worn, to be, so we listened and took those aspects, those conclusions from his
report and put it in our law. That's the first reason. We needed to have… We
thought that… well, actually, we agreed with the commissioner that we needed to
put in place a set of parameters that will guarantee a maximum security for the
patient, the mother, and the child to be. OK? That was the reason, and I think nobody disagrees with that.
We also agreed with the
commissioner that the program, in any form, should be maintained available to everybody.
We agreed on that. So it is available to single mothers, same sex couples,
either women or men, and, of course, man and woman couples. But, in terms of public finances or public investment in that program, we decided that it had to be curb at
some point, and that's basically the reason why we are going in the direction
of going — I'll phrase it differently in a moment — going
the direction for a fully publicly funded program to a program that is
partially publicly funded. And the reason, the basic reason for that is that
there is no way legally. It is impossible… If we keep it publicly funded, there
is no way to restrict the number. It's impossible legally. If the program
remains totally publicly funded, it remains unrestrictable. The restriction
comes from the fact that we have a tax credit that starts at some point and
ends at some point, and it's degressive in numbers. So that's the only reason.
If we weren't to curb the cost, we needed to go in that direction because the
other way was impossible, legally speaking.
La Modératrice
:
Geoffrey Vendeville, The Gazette.
M. Vendeville
(Geoffrey) : Hello, Mr. Barrette. We've
already delayed the pay raise for doctors, for specialists and family doctors.
Now, we're threatening them with sanctions. Why aren't you worried that some will
leave?
M. Barrette : They will not… No, I'm not worried at all at doctors leaving the
province for the very reason that in any direction, any direction, North,
South, East, West, the practice conditions are less interesting
than what we have in Québec. If you go elsewhere in Canada, what we see, and
that's a fact, doctors are complaining today. Residents, when they are coming
out of their residency program, they are today complaining of the lack of
positions available offered to them.
So it will be quite
interesting to see someone leaving Québec on that basis, if they would face
some harsher times than what they see in Québec. If they were to go in the
U.S., well, they will see that we were quite successful in our negotiation, and
I'm not sure that they will find better conditions than what we have in Québec.
So we all know for a fact that outside Québec the practice of medicine, in
terms of fees and revenues, is not more attractive than we have in Québec.
Mme Plante (Caroline)
:
I have some questions myself, if that's OK.
M. Barrette : Oh! I'm sorry. Yes.
Mme Plante (Caroline)
: But you can still look at cameras. Do you really think that every Quebecker will suddenly have access to a
family doctor?
M. Barrette : I think it will be progressive and I think the doctors will answer
the call. And, as you noticed in the bill, that regime will be fully implemented
by January 1st 2016 and… because what it takes to avoid some… what you call
penalties or fiscal… financial consequences, if you are to avoid that, you
have, as we speak today, to modify your practice, a doctor would have, as of
today, to modify his or her practice.
So, during 2015, it is
more than likely that many, many, many doctors will be chasing patients and, because
of the parameters that we're putting in, they can not only chase patients, just
register patients, they will have to see them. So we should normally see an
increase of availability or access to primary care in 2015, to culminate in 2016.
And, as it is written in the bill, as it has been said in my speech, clearly,
we have enough doctors today to cover each and every citizen in this province.
Mme Plante (Caroline)
: So, if doctors are seeing more patients, won't there be a problem
with quality, quantity versus quality?
M. Barrette : Why would it… This bill will not make it so that doctors will see
patients more quickly, they will see greater numbers of patients. That's what
they're going to have to do, and I don't… I'm not expecting to see anything
like what you are suggesting in the near future.
Mme Plante (Caroline)
: And doctor penalties is a first? You're saying it's a first in Canada?
M. Barrette : Well, I don't see that as penalties, I see that as a different way
to compensate the services that they provide. When you have a fee schedule,
sometimes you have an incentive. For a given service, you give an additional
amount of money that you would have given in a regular situation. There, it's exactly the same thing. In a specific setting you give
less. It's not a penalty. It's just that, in a given situation, you decide to give that amount of money.
Mme Plante (Caroline)
: But this is unique in Québec?
M. Barrette : The difference today is that we are conditioning the full payment
to a specific amount of services to be provided by those physicians. And I
think that recent history has shown that it's probably the only way to go
because everything else has been unsuccessful, flatly unsuccessful.
Mme Plante (Caroline)
: And you're saying this is unique to Québec?
It's not being done elsewhere in Canada, this is unique.
M. Barrette :
This issue, yes.
Mme Plante (Caroline)
:
This model, yes.
M. Barrette :
It is unique to Québec and it relates to the fact that the statistics that we
see is that… I'm just going back to the beginning of my
speech. If you go elsewhere in Canada, the average number of patients seen per day by family physicians
is around 30, OK? In Québec,
it's 14. So, you know, at some point, you need to have measures that will «récompenser»…
gratify those who are working harder. 14 is the lowest number of patients seen
per day in the world, in all… in OCDE.
Mme Plante (Caroline)
:Really?
M. Barrette : That's what it is.
Mme Plante (Caroline)
: Wow! That's crazy.
M. Barrette : It's a choice. It's a choice. The equation is quite simple. With
that amount of money… With that amount of patients seen, it generates that
amount of money and we're satisfied with that. The thing is that we select a
specific number at the entry and we have a specific number at the exit in terms
of training, but we don't have the numbers that are normally coming with it.
Mme Plante (Caroline)
: I have one last question. On fertility, where does that leave same sex
couples and would they have to go through the psychosocial evaluations?
M. Barrette : No, no, no, not necessarily, OK? That's a complicated one, but I
will answer it as simply as possible. OK, if you have two women, those two
women… same sex couple that are women, they will have to have fertility
evaluations, right? Normally, at least one of the two women and normally the
two women should be capable of giving birth, right, or having a pregnancy. If
that's the case, they will have to go through insemination first and, if that
doesn't succeed… multiple cycles of insemination, like any other women and, if
this is not successful, then they have access to IVF, right?
If they are to determine
that… to decide that they would go the whole way like they would have an embryo
coming from somebody else, OK, and that's a possibility,
well, then, they would have to the evaluation because
it comes from outside.
Mme Plante (Caroline)
: So if it's two men and there's a surrogate mother, there's an evaluation that needs to be done because
there's something coming from the outside.
M. Barrette : Exactly. Exactly.
Mme Plante (Caroline)
: OK, got it. Yes. There's one last French question, if you want.
M. Robitaille
(Antoine)
: J'ai un ami médecin, moi, qui m'a raconté que la
rémunération mixte, ça avait beaucoup fait baisser la productivité. Pourquoi?
Parce qu'on donne un forfait au médecin, puis il se dit : Bien, je vais
prendre… Je n'ai pas besoin de prendre autant de patients dans ma journée.
Est-ce que ça, ce n'est pas un problème?
M. Barrette : Tout à fait,
oui. Alors, quand vous regardez dans le projet de loi et que vous constatez que
le ministre a la capacité, dans des circonstances exceptionnelles, de remanier
la grille tarifaire sans toucher à la masse salariale, c'est un exemple
d'application. Alors, la rémunération mixte a été mise en place dans les années
où je présidais cette organisation, et j'avais fait la démonstration que la
productivité avait baissé de 30 %, parce que la rémunération mixte est une
mécanique de rémunération qui permet aux médecins de faire un choix entre trois
possibilités, année sur année : soit, l'année suivante, travailler autant
et gagner plus; soit, l'année suivante, travailler moins et gagner autant, soit
n'importe quoi entre les deux.
Alors, le comportement humain normal des
gens est toujours de vouloir gagner le maximum en travaillant moins, mais ça, c'est
le comportement moyen. Mais il y en a d'autres qui ont un comportement plus à
droite, qui est de gagner le maximum. Et, en général, les médecins, ils
devraient être comme ça, là, mais manifestement les incitatifs n'ont pas montré
ça.
Mme Dufresne (Julie)
:
Juste une précision sur le taux d'assiduité des médecins. Est-ce qu'il est dans
votre intention de rendre ça public pour que les patients y aient accès ou ce
sont des informations qui vont rester pour…
M. Barrette : Actuellement, ce
n'est pas dans mon intention de rendre ça public. Je vais vous avouer que je vois
mal… Je vois l'intérêt, là. C'est parce que, là, ça fait pas mal accusateur,
là, faire ça, mais je ne veux pas m'en aller dans ce type de relation là. Ce n'est
pas comme une liste d'attente, là. Alors, à la réponse de votre… La réponse de
votre question, c'est : aujourd'hui, non. Et le complémentaire à votre
question, c'est que je n'y ai pas réfléchi assez encore.
M. Lecavalier (Charles)
:
Une dernière question sur votre… L'objectif politique de ce projet de loi là, c'est
quoi? Est-ce que c'est que tous les Québécois vont avoir un médecin de famille
d'ici un an, d'ici deux ans?
M. Barrette : L'objectif politique
de cette loi-là ainsi que de la précédente est de répondre à l'appel de la population
qui demande que quelque chose se fasse pour qu'il y ait enfin une amélioration
dans notre système de santé en termes d'accès et de fluidité. Ce n'est pas la
qualité des soins qui est en cause, c'est l'accès et la fluidité. Les gens, là,
qui nous écoutent, savent qu'il y a un paquet de choses qui ont été essayées,
et constatent que ça n'a pas donné les résultats escomptés, et sont
politiquement tannés. Nous répondons à la population.
M. Lecavalier (Charles)
:
Mais est-ce que vous avez un objectif?
M. Barrette : Bien oui, c'est
de répondre à la population, et que les gens aient plus d'accès. Là, vous me
demandez une question caquiste, là, vous voulez que je vous donne un chiffre
avec trois décimales.
M. Lecavalier (Charles)
:
Non, mais ce n'est pas nécessairement un chiffre, mais est-ce que vous avez un
objectif d'ici un an, d'ici deux ans, d'ici trois ans? Est-ce que c'est
possible?
M. Barrette : Oui, alors…
Bien, ce n'est pas une question d'objectif. Comme je vous dis, on met en place
une mesure qui, d'abord, est adaptable à la réaction du corps médical, parce
que le pourcentage, on peut le changer, là. Ça, c'est la première chose. En
2016, ça va être mis en application. Alors, à partir du moment où, comme dirait
votre collègue, l'instrument arrive de façon visible en direction des
individus, bien, à partir de 2015, ils auront à décider s'ils changent ou non
leur pratique, ce que l'on va voir. Et, si on voit qu'on n'a pas d'effet, bien,
il y aura un ajustement. Là, l'ajustement, c'est comme une loupe, là.
L'instrument pourra apparaître plus gros.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
M. Barrette : Merci.
(Fin à 14
h 18)