Définition
Recueil de règles écrites adoptées par l'Assemblée nationale pour régir ses travaux et ceux de ses commissions parlementaires.
Les modalités du processus législatif et du processus budgétaire, le déroulement d'une séance, les règles des débats et des temps de parole, de même que les divers contrôles parlementaires y sont prévus. Le règlement et ses règles de fonctionnement sont des ordres permanents que se donne l'Assemblée. Ils demeurent donc en vigueur malgré sa prorogation ou sa dissolution.
Pouvoir réglementaire de l'Assemblée
Les assemblées législatives, comme l'Assemblée nationale, ont le pouvoir de régir leurs affaires internes sans ingérence extérieure. Elles peuvent établir leurs propres règles de procédure et ont le pouvoir exclusif de les interpréter. Ce pouvoir de l'Assemblée est codifié dans la Loi sur l'Assemblée nationale1.
La Commission de l'Assemblée nationale a le mandat d'établir le règlement de l'Assemblée nationale. Le règlement est ensuite soumis à l'approbation des membres de l'Assemblée. Pour permettre un équilibre démocratique lors des délibérations parlementaires, la tradition fait en sorte que les règles de procédure parlementaire sont le fruit d'un consensus. Selon l'usage, les modifications au règlement sont adoptées à l'unanimité des membres de l'Assemblée.
En application de ce pouvoir qu'elle possède, l'Assemblée nationale a adopté le 13 mars 1984 le règlement qui régit ses travaux aujourd'hui. Ce nouveau règlement est devenu permanent le 16 avril 1985. Il a subi de nombreuses modifications avant de faire l'objet d'une réforme parlementaire majeure le 21 avril 2009.
Historique
Règlement de la Chambre d'assemblée du Bas-Canada, 1792-1838
Le 20 décembre 1792, le lieutenant-gouverneur Alured Clarke demande aux députés d'adopter un règlement « pour l'expédition régulière des affaires » de la Chambre d'assemblée2. Deux jours plus tard, un comité spécial de neuf membres est formé à cette fin. On compte parmi eux Joseph Papineau et William Grant. Ce dernier connaît très bien la procédure parlementaire, car il a siégé au Conseil législatif de la Province de Québec de 1777 à 1791. Selon Papineau, « M. Grant de Québec était l'homme le plus fort de l'Assemblée. Ses livres et ses lumières mises à la disposition de ses collègues leur furent éminemment utiles.3 »
Le 11 janvier 1793, le comité spécial dépose son rapport. Ce jour-là et au cours des séances suivantes, un à un, les articles du règlement sont étudiés, débattus et adoptés. C'est d'ailleurs pendant cet exercice que se déroule le célèbre débat sur les langues; le 23 janvier 1793, la Chambre statue sur la reconnaissance du français comme langue parlementaire.
Par ordre de la Chambre, le 27 mars 1793, ces articles de règlement sont compilés et publiés dans un recueil de règlements bilingue. Ce règlement s'inspire des us, des traditions et des pratiques des Communes anglaises. En 75 articles regroupés sous 14 chapitres, ces règles de procédure bas-canadiennes traitent, entre autres choses, du quorum, de l'orateur, des comités, des bills, des motions, etc4.
D'autres règles de procédure s'ajoutent peu à peu : on dénombre 79 articles en 1802, 100 en 1825 et 101 en 18375. Cependant, dans son essence, les règles de fonctionnement de la Chambre d'assemblée du Bas-Canada demeurent intactes jusqu'à la fin du régime constitutionnel de 1791. La question du quorum fait exception, celui-ci ayant été modifié à de multiples reprises au fil du temps6.
À titre comparatif, le Règlement de la Chambre d'assemblée du Haut-Canada connaît davantage de modifications : composé de 7 articles en 1792, il en compte 27 en 1802, 47 en 1825 et 64 en 1840. En revanche, au cours de la même période, les règles de procédure du Bas-Canada demeurent plus développées et plus restrictives que celles du Haut-Canada.
Règlement du Conseil spécial, 1838-1841
À Londres, le 10 février 1838, l'Acte pourvoyant à des mesures temporaires pour le gouvernement du Bas-Canada est sanctionné et vient suspendre la Constitution parlementaire de 17917. Par une proclamation en date du 27 mars 1838, le gouvernement colonial est remplacé par un régime d'exception limité à trois années.
Pour voir aux affaires publiques, le gouverneur intérimaire John Colborne assermente 22 conseillers le 18 avril 1838. Deux jours plus tard, le Conseil spécial adopte 25 articles de règlement pour régir son fonctionnement8. Des suspensions au règlement peuvent néanmoins être proposées, par deux conseillers, pour répondre à certaines circonstances9.
Règlement à l'Assemblée législative de la province du Canada, 1841-1867
Pour régir le déroulement de leurs travaux législatifs, les députés adoptent les Règles et règlements pour le gouvernement de l'Assemblée législative le 19 juin 1841. Dans la forme et dans le fond, ces règles ressemblent de près à la procédure en usage précédemment à la Chambre d'assemblée du Bas-Canada10.
Ce premier règlement contient 91 articles qui encadrent les ajournements, le quorum, l'orateur, les motions, les questions, les subsides, les bills publics, les bills privés, les pétitions, le dépôt de documents, les comités, l'ordre du jour, la bibliothèque, etc. Pour les cas imprévus, l'article 34 énonce que la Chambre « aura recours aux règles, usages et formes du Parlement [de la Grande-Bretagne]; lesquels seront suivis jusqu'à ce que cette Chambre juge à propos de faire une règle ou des règles applicables à tels cas imprévus ».
Une première réforme parlementaire est entreprise à la session de 1852-1853. Sous l'impulsion de Louis-Hippolyte LaFontaine et de Robert Baldwin, la Chambre nomme un comité spécial « pour examiner et trouver les moyens propres à hâter l'expédition des affaires11 ». Son mandat est non seulement de « simplifier la pratique dans les matières ordinaires de routine12 », mais aussi de rescinder les modifications permanentes adoptées depuis 1841. Certaines de ces modifications sont relatives à l'implantation graduelle du gouvernement responsable ou à la reconnaissance du statut réglementaire et légal de la langue française13 ; mais ces réformes touchent surtout la question des projets de loi privés. Au total, le nouveau règlement de 1853 compte 96 règles et 23 ordres permanents.
Une seconde réforme parlementaire est enclenchée durant la session de 1860. À la séance du 4 mai, l'orateur Henry Smith note que ce « nouveau code de règlement » contient 166 articles et trois ordres permanents et il précise que celui-ci entrera en vigueur après la clôture de la session14. En résumé, « afin de faciliter l'expédition des affaires », le règlement modernise les travaux de la Chambre en restreignant les débats. À titre d'exemple, la première lecture des projets de loi et certaines motions seront dorénavant « mises aux voix sans débats, ni amendement ». Il en était déjà ainsi à la Chambre des communes de Londres15. Or, cette nouvelle manière de procéder résulte d'une meilleure organisation des partis politiques et, par le fait même, de la volonté des groupes majoritaires de mieux contrôler les débats à l'Assemblée législative.
Le règlement de 1860 améliore également l'organisation des travaux de la Chambre, car, à l'époque, les séances sont de plus en plus longues. Dans le nouveau règlement, le déroulement des séances - les « Affaires de la Chambre » - est ordonné en six rubriques devant être prises en considération l'une après l'autre par l'Assemblée. Les séances débutent par les « affaires de routine », que l'on désigne aujourd'hui comme les affaires courantes (présentation des pétitions; lecture et réception des pétitions; présentation des rapports par les comités; motions; questions [écrites] posées par les députés). On passe enfin à l'« ordre du jour », qui correspond aujourd'hui aux affaires du jour. En tout cela, par contre, le nouveau règlement ne faisait que codifier des pratiques instaurées progressivement depuis 1841.
Règlements de l'Assemblée législative de la province de Québec, 1867-1972
Le 28 décembre 1867, à titre intérimaire, les députés de l'Assemblée législative décident de conduire leurs débats en suivant les règles de procédure de la Chambre des communes du Canada16. La même séance, par résolution de la Chambre, un comité spécial, présidé par l'orateur Joseph-Godric Blanchet, est formé pour rédiger un projet de « règles, règlements et ordres permanents pour le gouvernement de cette Chambre ».
Adoptés le 22 février 1868, les Règles et règlements de l'Assemblée législative de Québec sont constitués de 116 articles, divisés en 7 sections. Celles-ci sont ainsi réparties :I. Gouvernement de la Chambre; II. Débats; III. Conduite des membres; IV. Affaires de la Chambre; V. Relations entre les deux Chambres; VI. Officiers et serviteurs de la Chambre; VII. Bibliothèque. Le dernier article concerne les cas imprévus et statue que « les règles, usages et formalités de la Chambre des communes du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande » devront alors être suivis17.
À l'origine, le Règlement de l'Assemblée législative du Québec est à peu de mots près identique à celui de la Chambre des communes d'Ottawa. À noter que Christopher Dunkin, député de Brome à Québec et à Ottawa - un des huit membres du comité spécial ayant préparé le Règlement de l'Assemblée -, a précédemment siégé au sein du comité spécial chargé de rédiger le Règlement de la Chambre des communes. À Ottawa, Dunkin a, en particulier, annoncé que ce dernier comité porterait une attention particulière à la question de l'étude des projets de loi privés, « pour guider les Assemblées législatives locales dont une bonne partie des travaux consistera[it] en des bills privés ». Précisons que cette réforme des bills privés, entreprise en 1865, n'avait pas pu alors être menée à terme18. C'est donc chose faite après la Confédération.
À Québec, le règlement de 1868 connaît 11 modifications avant d'être refondu19. Le 9 mai 1885, le nouveau règlement est adopté par la Chambre20. En 123 articles, ces ordres permanents sont regroupés en 14 sections. Les nouvelles rubriques concernent : le Journal des débats; les impressions et la distribution des bills; les abonnements aux journaux et la salle de lecture de la bibliothèque; la vérification touchant l'élection d'un député; la corruption et l'offre d'argent. Le règlement de 1885 est modifié à 14 reprises par la suite. On y précise, au surplus, que le texte français prévaudra sur la traduction anglaise en cas de divergence.
En 1912, un comité spécial de l'Assemblée estime que les « règles de pratiques non écrites » devraient être incorporées au règlement21. Cette tâche est confiée à Louis-Philippe Geoffrion, greffier de l'Assemblée législative. Le 18 février 1914, la Chambre adopte le Règlement de l'Assemblée législative de la province de Québec. Mis en vigueur le lendemain, le « code Geoffrion » comporte 688 articles, regroupés en 18 titres et 77 chapitres, auxquels s'ajoutent 40 appendices relatifs aux motions22. Il s'agit alors du plus long règlement parlementaire de tout l'Empire britannique23.
Fait nouveau, pour les cas imprévus, l'Assemblée observera « les formes qui étaient reconnues à la Chambre des communes du Canada le premier janvier 1904 » et, si nécessaire, les règles des Communes anglaises de 1868. Le règlement est modifié cinq fois avant 1941. Notamment, en 1939, le temps de parole des députés est limité pour la première fois, la durée des discours étant réduite à une heure, sauf ceux du premier ministre et du chef de l'opposition.
Une refonte du règlement est entérinée par l'Assemblée le 8 mai 1941 pour prendre effet après la prorogation de la session en cours. La structure de la nouvelle édition est sensiblement la même, sauf que la refonte du règlement de l'Assemblée législative de Québec compte 812 articles et 89 appendices. Dans l'avant-propos, l'orateur Bernard Bissonnette, son prédécesseur Télesphore-Damien Bouchard et le greffier Louis-Philippe Geoffrion qualifient ce règlement de « complet, démesuré même », comparé à ceux des autres corps législatifs canadiens; cependant, « malgré son ampleur, il s'en faut de beaucoup qu'il contienne toutes les règles indispensables ». Pour eux, la refonte devait « rectifier certains articles de façon à les mettre d'accord avec la pratique habituelle, et de sanctionner par des textes formels nos règles non écrites, nos usages bien établis [...], de faire de notre règlement un code de procédure parlementaire aussi complet, aussi parfait que possible »24.
Le Règlement de l'Assemblée nationale du Québec, 1972 à 1984
La Révolution tranquille et les réformes qui la caractérisent ont pour effet d'accroître considérablement le travail des députés en Chambre. En 1963, l'Assemblée législative enclenche un processus de réflexion pour moderniser le déroulement de ses travaux. Le Comité de refonte des règlements est créé en février 196425. Ce comité spécial est formé de parlementaires d'expérience et de Jean-Charles Bonenfant, directeur de la Bibliothèque de l'Assemblée de 1952 à 1969 et professeur de droit à l'Université Laval. Un nouveau comité formé en février 1967 siège jusqu'en 196926. Dans l'intervalle, l'abolition du Conseil législatif (1968) est suivie d'une série de réformes qui ont des incidences sur le règlement.
Après dix années d'étude, le Règlement de l'Assemblée nationale du Québec est adopté le 13 mars 197327. Appelé communément « code Lavoie », ce règlement est d'abord adopté comme règlement provisoire le 27 mars 1972. Le président Jean-Noël Lavoie précise qu'il vise « l'obtention d'un Parlement moderne et efficace permettant à la majorité de faire adopter sa législation, à l'opposition de s'exprimer en toute liberté et d'éveiller l'opinion publique et à tous les députés de remplir pleinement le rôle de législateur28 ».
L'allégement souhaité de la procédure parlementaire fait passer le nombre d'articles de 812 à 179, regroupés en 15 chapitres. Le Règlement limite notamment la durée des discours et des débats. Qui plus est, les commissions permanentes (ou commissions élues appropriées) pourront siéger pendant l'ajournement des travaux et même entre deux sessions29.
En 1976, durant la présidence de Clément Richard, l'Assemblée applique l'article 32 du règlement voulant qu'à l'ouverture d'une séance un moment de recueillement soit observé, remplaçant ainsi la prière, une coutume qui remontait à 1922.
Le règlement de l'Assemblée nationale du Québec, 1984 nos jours
En 1982, il est question de réforme parlementaire. D'aucuns reprochaient au « code Lavoie » de réduire l'importance politique de l'Assemblée nationale en limitant les débats importants dans son enceinte. L'objectif de la nouvelle réforme est, en somme, de moderniser le travail au sein de l'Assemblée de façon à accroître son autonomie à l'égard du pouvoir exécutif.
À titre provisoire, le 13 mars 1984, l'Assemblée nationale adopte un nouveau règlement qui devient permanent à compter du 16 avril 198530. Celui-ci est constitué de 6 titres, de 19 chapitres et de 319 articles.
Il s'agit d'une réforme majeure de la procédure parlementaire qui, selon le président Richard Guay, permet de
rehausser le rôle du Parlement en fournissant aux députés des moyens nouveaux d'assumer efficacement leurs importantes fonctions parlementaires. De manière à mieux consacrer le principe de la séparation des pouvoirs législatif et exécutif, poursuit-il, la réforme privilégie la fonction de « contrôle » par l'Assemblée, tant des dépenses publiques que des actes du gouvernement et de l'administration31.
En l'occurrence, le fonctionnement des travaux en commission parlementaire est modernisé : les membres des commissions ont la possibilité d'examiner, de leur propre initiative, la réglementation, les engagements financiers, la gestion des organismes publics et toute autre matière d'intérêt public. De plus, cette restructuration majeure du système des commissions parlementaires favorisera un meilleur contrôle du pouvoir exécutif, de l'administration et des finances publiques et donnera également une existence et une culture propres à chacune des commissions. Un autre élément novateur de la réforme parlementaire est l'adoption d'un calendrier de travail à date fixe32.
Bien que ce règlement module aujourd'hui encore les travaux de l'Assemblée nationale, la réforme parlementaire est, en soi, un exercice continu. Suivant ce modus operandi, un nouveau processus de réforme, tablé sur les acquis de 1984, est mis en branle en 1996. Des modifications provisoires, adoptées l'année suivante relativement à l'horaire et à l'organisation des commissions, deviennent permanentes en 1998. Une nouvelle commission voit le jour, la Commission de l'administration publique.
En avril 1998, le président Jean-Pierre Charbonneau dépose une proposition de réforme regroupée en 11 thèmes. L'année suivante, le 2 mars 1999, l'Assemblée met à l'essai, pour la première fois, des règles de procédure concernant le premier thème, soit l'élection du président au scrutin secret. Le même jour, une modification apportée à la Loi sur l'Assemblée nationale permet l'élection d'un troisième vice-président choisi parmi les députés formant l'opposition officielle. En 2001, l'Assemblée adopte ensuite des règles temporaires relatives à deux des thèmes abordés dans le projet de réforme de 1998, soit la présentation et le suivi des pétitions ainsi que l'introduction d'une nouvelle procédure d'exception plus contraignante pour le gouvernement.
Puis, en juin 2004, le leader du gouvernement Jacques P. Dupuis et le président Michel Bissonnet déposent, tour à tour, un projet de réforme parlementaire. À la législature suivante, en 2007, le nouveau leader du gouvernement, Jean-Marc Fournier, fait de même. Peu à peu, des consensus se dégagent et, le 21 avril 2009, de nouvelles règles permanentes sont adoptées à l'unanimité à l'Assemblée nationale.
Cette réforme s'inscrit dans la même lignée que la précédente et comprend quatre grands objectifs :
1. Favoriser l'autonomie et l'initiative des députés, entre autres choses, par l'élection du président au scrutin secret et l'énumération dans le Règlement des circonstances où la confiance de l'Assemblée envers le gouvernement peut être mise en cause;
2. Accroître l'efficacité de leur travail, notamment par la modification du calendrier et de l'horaire des travaux parlementaires et par une nouvelle répartition des compétences des commissions;
3. Réaffirmer l'équilibre démocratique dans les délibérations parlementaires, en outre, par le remplacement de la motion de suspension des règles de procédure (bâillon) par une procédure d'exception ne pouvant être appliquée qu'à l'égard d'un seul projet de loi à la fois et imposant des temps fixes de débat pour chaque étape de son étude;
4. Rapprocher l'Assemblée nationale des citoyens en revalorisant le droit de pétitionner, notamment par la possibilité de lancer et signer une pétition électronique sur le site de l'Assemblée et l'obligation du gouvernement de répondre aux pétitions, et en favorisant leur participation aux travaux des commissions parlementaires.
En Grande-Bretagne
Du XIIIe siècle jusqu'au début du XIXe siècle, les usages parlementaires de la Chambre des communes britannique relèvent de la coutume et de la pratique plutôt que de la règle écrite33. Si plusieurs éléments des fondements de la procédure parlementaire sont élaborés au tournant du XIVe siècle, c'est seulement au XVIe siècle que ces « règles » prennent une forme définie qui, par l'usage, deviennent coutumières34. Il n'y a cependant encore aucun règlement officiel écrit pour régir les travaux du Parlement.
En parallèle, plusieurs ouvrages de doctrine parlementaire sont publiés par des auteurs britanniques. Le Order and Usage de John Hooker (1572), le De Republica Anglorum de Thomas Smith (1583), le The Manner How Statutes are Enacted in Parliament by Passing of Bills de William Hakewill (1641)35, le Lex parliamentaria attribué à George Petyt (1689) et les travaux de John Hatsell, dont le Precedents of Proceedings in the House of Commons (1781), font longtemps figure d'autorité.
Un manuscrit de procédure parlementaire est également à l'usage des députés et des greffiers de la Chambre des communes. Dans cette collection de précédents intitulée Observations, Rules and Orders of the House of Commons, Together with the Manner and Method of Debating in the House36, la plus ancienne règle qui s'y trouve date de 1581 et rares sont les précédents postérieurs à 162837. Cet ouvrage est mis à jour périodiquement jusqu'en 1685.
La notion même de « règles parlementaires » apparaît pour la première fois le 26 mars 1604 dans le Journal de la Chambre38. Trois ans après, un comité des privilèges compile les ordres de la Chambre, mais ce travail n'est ni publié ni consigné. Les députés craignent, comme l'exprime l'un d'eux en 1621, « to reduce our priviledges into writing »39. Le fait de définir la procédure aurait, par défaut, limité le droit parlementaire.
Charles Ier gouverne ensuite sans convoquer le Parlement (1629-1640). L'affirmation du Parlement vis-à-vis de la Couronne - faisant suite à la Pétition de droit (Petition of Right) de 1628, à la Grande Remontrance et au Triennal Act de 1641 - est suivie par un mouvement prônant des réformes démocratiques. Le gouvernement aristocratique et la classe politique aux commandes résistent toutefois à ces pressions. Il en est de même après la Glorieuse révolution de 1688 et la Déclaration des droits (Bill of Rights) de 1689.
Ce mouvement réformiste et démocratique s'exprime davantage sous le règne de George III (1760-1820). En revanche, la Révolution américaine (1776-1783) et la Révolution française (1789) ont pour effet de freiner les premières velléités réformistes du premier ministre William Pitt (1783-1801)40.
C'est dans ce même contexte pourtant que s'amorce une modernisation de la procédure parlementaire41. Dans la décennie de 1770, l'augmentation des travaux parlementaires ayant trait aux affaires publiques de l'Empire a en contrepartie pour conséquence de compresser le temps alloué aux affaires privées, elles aussi en croissance.
La révolution industrielle, l'Union avec l'Irlande (1800) et les guerres napoléoniennes (1805-1815) suscitent également une attention plus soutenue des parlementaires sur les affaires publiques de l'État. La gestion du temps consacré aux affaires publiques et, ensuite, aux affaires privées oblige un meilleur encadrement des travaux de la Chambre des communes.
Si jadis la tradition (les usages, les pratiques et les principes) et les auteurs (la doctrine) suffisaient à assurer le bon déroulement des travaux parlementaires, tel ne serait plus le cas au tournant du XIXe siècle42. De 1802 à 1810, comme le note l'agent parlementaire Charles Thomas Ellis, « the Standing Orders of both Houses of Parliament have been materially altered and considerably multiplied43 ».
Pour la première fois en 1810, la Chambre des communes collige officiellement quelques-uns de ses ordres permanents44. Il ne s'agit pour lors que de six articles relatifs aux affaires publiques. L'année suivante, les Communes adoptent une série de nouveaux règlements. Le 21 juin 1811, la Chambre ordonne d'imprimer le rapport de ce comité45.
Luke Hansard, éditeur privé, publie « by permission » les Standing orders of the House of Commons, Relating to Privates Bills and Other Matters with Table of Fees. Hansard publie ensuite en 1826, avec l'autorisation du Speaker Charles Manner Sutton, une compilation des ordres permanents en vigueur depuis 1685 jusqu'en 182246.
Avec le retour des whigs au pouvoir en 1830 s'enclenche une réforme parlementaire en profondeur, après plus d'un siècle de réflexion et de tentatives avortées. L'adoption du Reform Act en 1832 est à la source même du parlementarisme moderne au Royaume-Uni. Il s'agit d'abord d'une réforme démocratique qui a pour effet d'étendre le droit de vote à une plus grande partie de la population. À noter que John George Lambton, lord Durham, est l'un des principaux chefs de file de cette réforme.
Au milieu du XIXe siècle, les principaux cadres qui définissent le parlementarisme britannique (gouvernement responsable, séparation souple des pouvoirs, bipartisme, etc.) sont tels que nous les connaissons aujourd'hui. C'est dans ce contexte que Thomas Erskine May publie, en 1844, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament. Greffier des Communes de 1871 à 1886, May est alors déjà considéré comme la plus grande autorité en la matière.
De 1844 à nos jours, les 24 éditions du traité de May ont fait état des nombreux changements apportés à la procédure parlementaire ainsi que des précédents. Cet ouvrage constitue encore aujourd'hui la plus importante source doctrinale en matière de procédure dans les parlements de type britannique. Il ne saurait toutefois faire office de règlement. De fait, ni les Standings Orders de la Chambre des communes ni ceux de la Chambre des lords ne sont reproduits dans cet ouvrage.
Les ordres permanents sont publiés et mis à jour par les deux chambres respectivement. Le Règlement actuel de la Chambre des communes de Londres compte un total de 163 articles pour les affaires publiques et de 248 articles pour les affaires privées. Toutes ces règles en vigueur ont été adoptées après le Reform Act de 1832, sauf exception pour les articles 48 et 49 relatifs à l'engagement des deniers publics (qui datent originellement de 1713 et de 1707 respectivement) et l'article 81 sur les lois temporaires (1797). La Chambre des lords, quant à elle, compte 86 articles pour les affaires publiques et 217 articles pour les affaires privées47.
Pour citer cet article
« Règlement de l'Assemblée nationale », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 7 juillet 2015.