Définition
Motion ayant pour objet de mettre un terme prématurément au débat sur la motion en discussion. En effet, si aucun amendement n'est proposé à une motion, tout député qui a la parole peut proposer qu'elle soit immédiatement mise aux voix.
Sous l'égide des anciens règlements, cette motion était appelée la « question préalable ». Elle devait alors être formulée en ces termes : « Que la question soit maintenant mise aux voix.1 »
Présentation
Un député peut soumettre une motion de mise aux voix immédiate au moment de son intervention sur la motion en discussion2. Celui qui a déjà pris la parole sur la motion en discussion ne peut intervenir de nouveau pour proposer la mise aux voix immédiate. Toutefois, un député peut parler sur la motion de mise aux voix immédiate bien qu'il se soit précédemment exprimé sur la motion principale.
Rôle du président
Le président peut d'office rejeter une telle motion s'il estime que le débat sur la motion en discussion ne s'est pas indûment prolongé ou que les droits des députés seraient lésés par une mise aux voix immédiate. Cette motion étant une atteinte à la liberté de parole des députés, il faut en user « avec modération et uniquement dans les cas extrêmes »3. Si le débat suit un rythme normal, le président peut donc refuser la motion.
Dès que la motion de mise aux voix immédiate est adoptée, la motion principale sur laquelle elle a été proposée doit être mise aux voix sur-le-champ, sans amendement ni débat.
Il ressort de la jurisprudence parlementaire qu'une motion de mise aux voix immédiate pourrait être présentée dans le cadre de tout débat, même lors d'un débat sur une affaire inscrite par les députés de l'opposition4. Toutefois, cette procédure est très peu utilisée. Lorsqu'elle l'est, le président a un rôle essentiel à jouer afin de prévenir les abus. Aussi doit-il veiller à la protection des droits des députés en évitant que la majorité mette fin prématurément à un débat sans motifs valables.
Au Parlement canadien
À la Chambre des communes canadienne, la motion que l'on désigne toujours sous le nom de « question préalable » est formulée dans les mêmes termes, soit « Que cette question soit maintenant mise aux voix »5 ou, en anglais, « That the question be now put ».
Elle peut être proposée pour toute motion de fond faisant l'objet d'un débat à condition qu'aucun amendement ne soit encore à l'étude. La motion étant considérée comme une nouvelle question soumise à la Chambre, elle est sujette à débat. Comme à l'Assemblée nationale, un député qui est déjà intervenu sur la motion principale ou sur un amendement antérieur peut prendre la parole de nouveau.
Comme à l'Assemblée nationale aussi, tous les députés peuvent proposer la question préalable. Par exemple, les députés de l'opposition peuvent s'en servir lorsqu'ils cherchent à empêcher l'adoption d'une motion. Mais il semble qu'elle soit surtout utilisée par le gouvernement pour limiter le débat6 et accélérer le vote, même si on l'a décrite comme le moyen « le plus inefficace » à cet égard7. Par ailleurs, à la différence de la motion de mise aux voix immédiate à l'Assemblée nationale, le président n'a pas le pouvoir de refuser une motion qu'il jugerait abusive.
Si la motion présentant la question préalable est adoptée, la motion principale est aussitôt mise aux voix. Si, au contraire, elle est rejetée, non seulement la motion ne peut être mise aux voix, mais la Chambre doit passer à une autre affaire. En effet, si la question est rejetée, « c'est-à-dire si la question n'est pas maintenant mise aux voix, le Président se trouve dans l'impossibilité de mettre aux voix la motion principale à ce moment-là et la Chambre passe au prochain point à l'ordre du jour »8. La motion est alors rayée du feuilleton. Elle ne sera pas débattue de nouveau, à moins que la Chambre n'y revienne un jour et qu'elle soit réinscrite au feuilleton9.
Peu utilisée dans les années suivant la Confédération, la question préalable l'a été assez régulièrement à la fin des années 1920 et, plus tard, dans les années 1940 et au début des années 1950. Après décembre 1964, elle a disparu des délibérations jusqu'en février 1983. Depuis, elle est utilisée fréquemment, parfois par des députés de l'opposition10. Il est même arrivé quelquefois qu'on utilise une motion de clôture pour mettre fin au débat sur une question préalable.
Au Parlement britannique
À la Chambre des communes britannique, la question préalable (previous question) est plutôt libellée sous une forme négative : « That the question be not now put ». À l'origine, la formulation était identique à celle en usage à la Chambre des communes canadienne, mais elle a été modifiée en 1888 afin d'éviter toute confusion avec la motion de clôture11, qui, encore aujourd'hui, est la même, soit « That the question be now put ».
Il est vrai que, d'un point de vue extérieur, la distinction entre ces deux motions est loin d'être évidente, car leurs effets sont les mêmes12. Toutefois, contrairement à la motion de clôture, la question préalable fait l'objet d'un débat. Elle peut être alors sujette à une motion de clôture13.
Si le vote sur la question préalable est positif, la présidence ne peut mettre la motion principale aux voix et la Chambre ne peut continuer d'en débattre, celle-ci n'étant cependant liée par cette décision que pour la journée même. Si, au contraire, le vote est négatif, la question préalable est immédiatement mise aux voix sans autre débat ni amendement.
À la Chambre des lords, l'équivalent de la motion de clôture est la « Next Business motion »14.
Pour citer cet article
« Motion de mise aux voix immédiates », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 10 juin 2015.
1
Règlement annoté de l'Assemblée législative (Geoffrion 1941), art. 211.
2
Règlement de l'Assemblée nationale, art. 202.
3
Journal des débats, 30 novembre 2001, p. 4139 (Claude Pinard) / Recueil de décisions concernant la procédure parlementaire, no 202/2.
4
Journal des débats, 22 mai 1991 (Roger Lefebvre) / Recueil de décisions concernant la procédure parlementaire, no 202/1.
5
Règlement de la Chambre des communes, art. 61.
6
Audrey O'Brien et Marc Bosc, La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 652.
10
Ibid., p. 535-536. Voir aussi François Plante, « La limitation des débats à la Chambre des communes », Revue parlementaire canadienne, printemps 2013, vol. 36, no 1, p. 30.
11
Thomas Erskine May, Erskine May's Treatise on The Law, Privileges and Usage of Parliament, 24e éd., Londres, Butterworths, 2011, p. 404, note 98.
14
Robert Rogers et Rhody Walters, How Parliament works, 7e éd., Londres, Routledge, 2015, p. 398.