Définition
Membre du Conseil exécutif choisi par le premier ministre bien que sa nomination officielle relève du lieutenant-gouverneur.
Les nouveaux ministres doivent prêter un serment d'office et un serment de discrétion relatif au secret des délibérations du Conseil exécutif. Pour occuper une telle fonction, ils doivent d'abord avoir été élus à titre de députés ou se faire élire dans des délais raisonnables.
Les ministres sont considérés comme des fonctionnaires. Ils sont nommés selon la formule consacrée du « bon plaisir », ce qui signifie qu'ils peuvent être congédiés sans avis et sans motif.
Bien qu'en théorie les ministres soient tous égaux, y compris le premier ministre, certains détiennent des responsabilités et des fonctions stratégiques plus importantes que d'autres. Pour les distinguer, l'appellation ministre ou ministre en titre est réservée à ceux qui sont à la tête d'un ministère. Le ministre responsable a la charge de l'application d'une loi ou d'une partie de loi alors que le ministre délégué agit généralement comme assistant d'un ministre en titre.
Ministre en titre
L'article 4 de la Loi sur l'exécutif dresse la liste des fonctionnaires qui composent le Conseil exécutif, dont ceux qui sont à la tête d'un ministère. Depuis les années 1960, le nombre moyen des ministères reste stable, autour de 22, avec des fluctuations provoquées par des fusions ou des scissions1.
Le ministre, à titre de chef du ministère, possède de larges pouvoirs administratifs par l'autorité qu'il incarne auprès de ses fonctionnaires et les diverses compétences qui lui sont confiées par les lois, notamment la loi constitutive de son ministère. C'est lui seul, par sa signature, qui peut engager les sommes d'argent accordées par l'Assemblée nationale lors de l'adoption des crédits pour les dépenses de son ministère, de son portefeuille. Il découle de ces pouvoirs des responsabilités individuelles et collectives devant la Chambre.
Bien qu'en théorie les ministres soient sur un même pied d'égalité, des distinctions marquées existent entre ces derniers. Celles-ci relèvent à la fois de la vocation du ministère, de son champ d'intervention, sectoriel ou central, et même de responsabilités parlementaires comme celle de leader du gouvernement.
Les responsabilités ministérielles s'étendent au-delà du seul ministère pour englober des organismes publics. Les dirigeants de ces organismes jouissent d'une plus grande autonomie que ceux des ministères, mais la responsabilité du ministre devant la Chambre reste la même2.
Outre le premier ministre, les ministres peuvent être appelés à répondre aux questions de l'opposition en Chambre, à présenter et à participer à toutes les étapes d'adoption des projets de loi et à défendre annuellement les crédits de leur portefeuille en commission parlementaire.
Ministre responsable
Le ministre responsable et le ministre en titre sont sur un pied d'égalité. Ils exercent les fonctions que leur attribue la loi ou qui sont inscrites dans le décret qui les concerne. Ces ministres peuvent être responsables de l'application d'une loi, d'une partie de loi et des organismes qui en découlent. En outre, ils assument la responsabilité de l'effectif, des activités, des programmes et des crédits afférents à l'égal des ministres en titre. Pour établir l'étendue de leurs responsabilités, il faut se référer aux lois et aux décrets.
Un ministre en titre est aussi à l'occasion considéré comme un ministre responsable. Cela peut se produire lorsque la responsabilité d'un organisme relève d'un ministre autre que celui prévu dans la loi constituante ou lorsque celle-ci précise que son application relève d'un ministre responsable. L'attribution formelle d'une responsabilité à un ministre dépend de l'importance que le gouvernement accorde à cette dernière. À titre d'exemple, le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française est nommément affirmé dans ce rôle alors que le ministre responsable des lois professionnelles, en l'occurrence le ministre de la Justice, n'est pas désigné comme tel dans son titre.
Ministre délégué
Le ministre délégué agit généralement sous la direction d'un ministre en titre pour l'application de certaines lois, certaines parties de lois ou certains programmes. La formule usuelle utilisée dans les décrets définit bien leur rôle : « seconder le ministre en titre et, à ce titre, exercer certaines fonctions sous sa direction ». Le ministre en titre conserve dans ce domaine l'ensemble de ses responsabilités administratives et financières. Avant, le ministre délégué portait le titre de ministre sans portefeuille, ce qui illustre bien les limites de ses responsabilités en matière d'administration et de finances.
Certains ministres délégués peuvent se voir accorder des responsabilités plus étendues. Afin de connaître exactement la nature de leurs responsabilités, il faut pour chacun des postes en référer aux lois et aux décrets qui en précisent le mandat et les responsabilités. Le titre de ministre délégué est apparu pour la première fois dans le cabinet Lévesque de 1976. De 1887 à 1948, il agit comme ministre sans portefeuille, puis, jusqu'en 1976, comme ministre d'État.
Ministre d'État (1976-1982 et 1994-2003)
En 1976, le gouvernement de René Lévesque crée une nouvelle fonction, celle de ministre d'État. Ses responsabilités en matière de coordination et de développement des grandes politiques publiques que le gouvernement voulait mettre en place sont majeures3. Les ministres d'État sont notamment présidents des différents comités ministériels qui assistent le Conseil exécutif. Ils siègent au Comité des priorités. Les titulaires n'assument pas de responsabilités administratives, ce qui leur permet de consacrer l'ensemble de leurs efforts aux grands dossiers. Cette structure a été abandonnée en 19824. Pour Louis Bernard, qui fut secrétaire général du gouvernement pendant cette période :
Sans l'existence des ministres d'État, il aurait été beaucoup plus ardu de donner toute son ampleur au système des comités ministériels et au processus de coordination collective que nous connaissons maintenant. Les habitudes de travail qui se sont alors développées (neutralité du président, analyse technique du secrétariat, médiation en cas d'impasse) ont permis à ce système de survivre au remplacement des ministres d'État par des présidents ayant la direction d'un ministère5.
Cette formule a été reprise partiellement en 1994 (cabinet Parizeau) et s'est étendue à compter de 1996 (cabinets Bouchard et Landry). Toutefois, à la différence de 1976, ces ministres d'État exercent également des responsabilités administratives et budgétaires étendues puisqu'ils occupent simultanément un poste de ministre en titre ou se voient confier par décret des fonctions administratives qui relèvent d'un ministre en titre. Ils exercent donc les fonctions les plus importantes et occupent les premiers rangs dans l'ordre protocolaire. Cette structure a été abandonnée en 2003.
Historique de la fonction
Depuis toujours, celui qui incarne l'autorité suprême dans une société s'entoure de personnes de confiance pour le conseiller et accomplir certaines tâches. Ceux qui occupent ces fonctions auprès d'un souverain sont appelés ministres.
C'est avec l'Acte d'Union (1841-1867) que les tâches des conseillers du gouverneur se spécialiseront et que certains des membres du Conseil exécutif seront désignés comme chef, premier fonctionnaire, d'une responsabilité administrative précise. Le terme générique ministre ne sera toutefois pas utilisé, à une exception près, au profit du nom de la charge telle que celle de procureur général, de solliciteur général, de secrétaire provincial, de receveur général et inspecteur général, des fonctions habituelles d'une administration. Les responsables des terres de la Couronne et des travaux publics portent le titre de commissaire, alors que celui qui s'occupe de l'agriculture est désigné comme ministre.
Le titre de « commissaire », qui se définit comme étant le représentant de l'autorité suprême, révèle assez bien le fonctionnement du Conseil exécutif dans la période de l'Union, où le pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil limite les responsabilités individuelles des membres du conseil6. Au Canada, le titre de commissaire est abandonné au profit de ministre dès 18677.
Pour le Québec et l'Ontario, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique détermine les fonctionnaires responsables des « départements » qui pourront être nommés jusqu'au moment où ces provinces en ordonneront autrement. Dans cette nomenclature, aucun ne porte le titre de ministre. En 1868, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau fait adopter une loi créant la fonction de ministre de l'Instruction publique, poste qu'il se réserve afin de bien marquer la valeur qu'il accorde à l'éducation8. Cependant, ce poste sera aboli en 1876, soit durant la période où la province de l'Ontario se dote d'un ministère de l'Éducation.
Le titre de ministre est souvent utilisé en Chambre lors des débats. C'est à l'occasion d'une réforme administrative en 1901, que la loi précise que le Conseil exécutif est composé de ministres et non, comme dans l'ancienne formulation, de « commissaires »9. Au fil des ans, le terme ministre s'est généralisé à l'ensemble des fonctions. À titre d'exemple, le ministre qui occupait le poste de trésorier est devenu ministre des Finances à compter de 1951 alors que le titre de secrétaire provincial a été abandonné en 1970 et que le ministre de la Justice, poste créé en 1960, est devenu d'office procureur général en 1965.
Pour citer cet article
« Ministre », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 28 août 2013.
1
Observatoire de l'administration publique, « Les ministères », L'État québécois en perspective, L'Observatoire de l'administration publique, hiver 2012, p. 3.
3
« Comme nos voisins [Ontariens], nous aurons des ministres d'État, c'est-à-dire des ministres sans ministères. Choisis parmi les poids lourds, ils seront chargés de planifier autant que faire se peut et de coordonner le travail dans ces grands secteurs de développement, l'économique, le social, le culturel, le territorial. Étiquettes fragiles recouvrant des contenus qui ne cesseront jamais de se (?) chevaucher. Pour coordonner [...] les coordonnateurs, on créera donc un comité des priorités. Et pour éviter la frustration qui est apparue en Ontario, où les superministres subissent le pire de tous les malheurs politiciens, l'invisibilité, nous allons donner aux nôtres des mandats précis [...] », René Lévesque, Attendez que je me rappelle..., Montréal, Québec-Amérique, 1986. p. 376.
4
Lévesque explique les raisons de l'abandon en 1982 de cette structure : « Mais rien ne saurait à la longue remplacer cette jouissance palpable, analogue à celle du chef d'entreprise, que confère quotidiennement la direction d'un ministère. En dépit de remarquables réalisations, il nous faudra par conséquent laisser tomber cette structure et revenir au bout de quelques années au système traditionnel où chacun détient son morceau d'autorité administrative aussi bien que politique. ». Ibid., p. 377.
5
Louis Bernard, Réflexions sur l'art de se gouverner : essai d'un praticien, Montréal, ENAP-Québec Amérique, 1987, p. 84.
6
« One of the interesting differences between British and Canadian legislative practices has been the tendency for Canadian statues to confer a discretionary powers on the "Governor General in Council" (i.e., the cabinet) rather than, as in England, to confer such powers on individual ministers. » J. E. Hodgetts, Pioneer Public Service an Administrative History of the United Canada, 1841-1867, Toronto, University of Toronto Press, 1955, p. 86.
9
« Le lieutenant-gouverneur peut nommer, sous le grand sceau de la province, parmi les membres qui composent le Conseil exécutif, les ministres suivants, lesquels restent en charge durant bon plaisir, savoir : 1. Un ministre chargé de l'administration de la justice, désigné sous le nom de procureur général; etc. », Loi amendant la loi concernant l'organisation des départements, S.Q. 1901, c. 8.