Définition
Privilège parlementaire individuel qui permet aux députés de s'exprimer librement et ouvertement sur toute question au cours des délibérations à l'Assemblée ou en commission.
Fondements
La pierre angulaire des privilèges parlementaires est sans contredit la liberté de parole. Selon Arthur Beauchesne, la « liberté de parole est à la fois le plus incontesté et le plus fondamental des droits du député, tant dans l'enceinte de la Chambre qu'aux comités.1 » La liberté de parole est expressément garantie par l'article 9 du Bill of Rights britannique de 1689. Bien que cet article ne s'applique pas expressément au Canada, ses principes sous-jacents font partie de notre droit en vertu du préambule de la Loi constitutionnelle de 18672 qui prévoit que la Constitution canadienne repose sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni. L'origine de ce privilège lui confère ainsi un statut constitutionnel.
En 1982, le privilège de la liberté de parole a été codifié dans la Loi sur l'Assemblée nationale3. L'article 43 édicte qu'un « député jouit d'une entière indépendance dans l'exercice de ses fonctions ». L'article 44 ajoute qu'un « député ne peut être poursuivi, arrêté, ni emprisonné en raison de paroles prononcées, d'un document déposé ou d'un acte parlementaire accompli par lui, dans l'exercice de ses fonctions à l'Assemblée, à une commission ou à une sous-commission. »
En 2006, la Cour d'appel du Québec précise, dans l'arrêt Michaud c. Bissonnette [sic]4, que le privilège de la liberté de parole protège également une opinion exprimée collectivement par ses membres5.
Limites à la liberté de parole
Bien que fondamental, le privilège de la liberté de parole est circonscrit par des limites inhérentes relatives aux paroles prononcées dans le cadre des délibérations parlementaires et par les règles du débat parlementaire.
Les députés jouissent d'abord du privilège de la liberté de parole dans la mesure où les paroles sont prononcées dans le cadre des délibérations parlementaires. Ce privilège ne protège pas un député pour les aspects de ses fonctions qui outrepassent les délibérations parlementaires. La répétition en dehors du Parlement des déclarations prononcées au cours des débats parlementaires n'est donc pas visée par le privilège, car celles-ci ne font alors plus partie des délibérations du Parlement ni des débats.
Le privilège de la liberté de parole est également circonscrit par les règles du débat parlementaire adoptées par l'Assemblée. À titre d'exemple, les députés doivent se conformer à l'article 35 du Règlement, qui traite des propos non parlementaires et des paroles interdites, sous peine d'être rappelés à l'ordre par le président. Un député ne pourrait donc pas invoquer le privilège de la liberté de parole pour se soustraire au pouvoir disciplinaire de l'Assemblée.
Il en est ainsi parce que les règles du débat parlementaire sont adoptées par l'Assemblée en vertu d'un autre privilège parlementaire, soit le privilège collectif de réglementer les affaires internes sans ingérence extérieure. Ce dernier permet d'encadrer le privilège constitutionnel de la liberté de parole. Il revient à l'Assemblée d'établir un équilibre entre les différents privilèges parlementaires dans le but d'assurer la bonne marche de ses travaux.
Pour citer cet article
« Liberté de parole », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 22 juin 2016.
1
Cité dans Alistair Fraser et al., Jurisprudence parlementaire de Beauchesne : règlement annoté et formulaire de la Chambre des communes du Canada, Toronto, Carswell, 1991, p. 23.
2
30 & 31 Victoria, c. 3 (R.-U.) (reproduite dans L.R.C. (1985), app. II, no 5).
4
On aurait plutôt dû lire Bissonnet sur l'arrêt Michaud c. Bissonnette.
5
Michaud c. Bissonnette, [2006] R.J.Q. 1552, 1558 (C.A.).