Définition
On dit « grossoyer un bill ». Action de transcrire un projet de loi sur un rouleau de parchemin.
De nos jours, dans certaines législatures canadiennes, l'adresse en réponse au discours du trône est grossoyée sur support papier. Au Québec, cette adresse a été grossoyée de 1867 à 1913.
Historique
Dans le Lex Parliamentaria, il est écrit qu'en Angleterre, en 1601, durant le règne d'Elizabeth Ire, par ordre de la Chambre des communes, il a été convenu que lorsqu'un bill était rapporté d'un comité, les termes amendés devaient être lus deux fois « avant qu'il soit grossoyé1 ». Dit autrement, après l'étude du ou des articles d'un projet de loi en comité, le bill était retranscrit sur un rouleau de parchemin en y intégrant les amendements adoptés.
À la troisième lecture, avant de passer au vote, l'orateur devait tenir ce bill grossoyé entre ses mains de manière à n'être vu que par lui-même. Une fois adopté, ce document était envoyé à la Chambre haute. Quant aux bills ayant d'abord été étudiés à la Chambre des lords, ils étaient grossoyés d'office avant d'être transmis à la Chambre basse. Au Parlement de Westminster, cette pratique a été en usage jusqu'en 1849-18502.
Dans les procès-verbaux du Conseil de Québec (1764-1775), le greffier rapporte, en 1767 et en 1771, que des ordonnances ont été grossoyées. De 1775 à 1791, sous le régime mis en place par l'Acte de Québec, les ordonnances du Conseil législatif sont également grossoyées. Il y a toutefois des exceptions : en 1777, le gouverneur Guy Carleton écrit au secrétaire des colonies, Lord George Sackville Germain, qu'une ordonnance « aurait dû être transcrite sur du parchemin, mais, précise-t-il, nous n'en avons pas dans la province3 ».
Fac-similé de l'Acte de Québec grossoyé sur parchemin.
Collection Assemblée nationale
À la Chambre d'assemblée du Bas-Canada, les lois sont grossoyées systématiquement. Il en va de même jusqu'en 1837 avec l'adresse en réponse au discours du trône. Un « grossoyeur » est d'ailleurs employé au Parlement à cet effet4. En 1831, un comité permanent « des bills à grossoyer », composé de 11 membres, est même d'ailleurs institué « pour faire rapport de ses opinions et de ses observations sur iceux, avec pouvoir d'envoyer quérir personnes, papiers et records, et de faire rapport de temps à autre5 ».
Au Conseil spécial du Bas-Canada (1838-1841), les bills des ordonnances étaient plutôt copiés au propre (fairly transcribed) sur un parchemin6.
La pratique de grossoyer les projets de loi s'est poursuivie, en 1841, au Parlement de la province du Canada, puis abandonnée après la 4e session de la 3e législature, en 1851. Les bills seront imprimés, par la suite, sur un parchemin coupé en page standard.
Après 1867, le terme « grossoyé » demeure en usage au Québec. Dans les Journaux de l'Assemblée législative de la province de Québec, on inscrit que l'adresse en réponse au discours du trône doit être grossoyée et présentée par les membres du Conseil exécutif, et ce, jusqu'en 1913. Encore en 1941, les cas où les adresses doivent être grossoyées sont indiqués dans le Règlement annoté de l'Assemblée législative. À l'article 742, il est écrit que toute adresse « autre qu'une adresse demandant communication de rapports ou de documents est grossoyée7 ».
Pratique dans certains parlements canadiens
Actuellement, en Ontario, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba, l'adresse en réponse au discours du trône est grossoyée, sur papier, avant d'être remise au lieutenant-gouverneur. Au Yukon, l'adresse est grossoyée avant d'être remise au commissionnaire territorial. En Nouvelle-Écosse, les projets de loi sont grossoyés après la troisième lecture et le lieutenant-gouverneur sanctionne les lois en apposant sa signature sur cet engrossed bill, certifié par le président et le greffier de l'Assemblée législative8.
À la Chambre des communes du Canada, après la troisième lecture d'un projet de loi, celui-ci est transmis au Sénat, « sous forme de parchemin » (grossoyé), avec un message lui demandant de l'adopter9. Au Parlement du Canada, on désigne aussi par « adresse grossoyée », un message officiel adressé à la couronne qui, une fois adoptée, est imprimée en caractère calligraphique sur du papier spécial et sur lequel le ou les présidents apposent leur signature10. L'adresse en réponse au discours du trône est grossoyée avant d'être présentée au gouverneur général par le président. Il en est de même pour les adresses envoyées à la famille royale11.
Pour citer cet article
« Grossoyer », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 24 février 2016.
2
Norman Wilding et Philip Laundy, An Encyclopaedia of Parliament, 4e éd., Londres, Cassell, 1972, p. 250; réf. du 25 février 2011, http://www.parliament.uk/documents/upload/lareyne.pdf
3
Carleton à Germain, Québec, 9 mai 1777, dans Adam Shortt et Arthur G. Doughty (dir.), Documents relatifs à l'histoire constitutionnelle du Canada, 1759-1791, vol. 2, Ottawa, imprimé par T. Mulvey, 1921, p. 664.
4
Journaux du Conseil législatif de la province du Bas-Canada [...] 1926, Québec, P. E. Desbarats, 1926, p. 151.
5
Journal de la Chambre d'assemblée du Bas-Canada, Québec, John Neilson, 1831, p. 29.
6
Les proclamations et les ordonnances des gouverneurs de la Province de Québec (1764-1791), du Bas-Canada (1791-1841) et de la province du Canada (1841-1856) ont été grossoyées sur parchemin ou sur papier
7
Louis-Philippe Geoffrion, Règlement annoté de l'Assemblée législative, Québec, Assemblée législative, 1941, p. 219.
8
« The Lieutenant Governor does not sign the original bill but rather an "engrossed" bill certified by the Speaker and by the Clerk of the House of Assembly to be the bill as passed by the House. Engrossing a bill means making a new copy with all the amendments incorporated. », réf. du 23 février 2011, http://nslegislature.ca/legc/process.htm
9
Audrey O'Brien et Marc Bosc, La procédure et les usages de la Chambre des communes, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 789.
10
Chambre des communes, Vocabulaire de procédure parlementaire, 7e éd., juin 2011.
11
Aux États-Unis, engrossing est usité par la plupart des corps législatifs, sauf exceptions pour le Sénat du Connecticut, l'Assemblée de l'État du Delaware, le Sénat et l'Assemblée de l'État du Nouveau-Mexique, l'Assemblée de l'État de New York et le Sénat de l'Utah, réf. du 23 février 2011, http://www.ncsl.org/documents/legismgt/ILP/98Tab3Pt4.pdf