Définition
De 1841 à 1867, les anciennes provinces du Bas et du Haut-Canada, réunies dans la province du Canada, sont parfois appelés « Canada-Est » et « Canada-Ouest ». Or, l'Acte d'Union de 1840 ne fait aucune mention de ces appellations, de sorte que celles-ci n'ont rien d'officiel.
Sous l'Union, ces deux toponymes sont quand même utilisés dans la correspondance personnelle, dans les journaux et dans quelques documents officiels. Par contre, en 1849, le Parlement adopte une loi qui consacre les noms géographiques « Bas-Canada » et « Haut-Canada ».
De 1841 à 1849
Dans l'Acte d'Union, on utilise les expressions « les parties de la dite Province qui forment actuellement les Provinces respectives du Haut et du Bas-Canada », « les dites provinces du Haut et du Bas-Canada » ou tout simplement « les provinces du Haut-Canada et du Bas-Canada »1.
Selon toute vraisemblance, les désignations « Canada-Est » et « Canada-Ouest » dérivent de la création des secrétariats de la province, en 1841, par le gouverneur Charles Edward Poulett Thomson, Lord Sydenham. Calqué sur le British Home Secretary's Departement, qui compte un secrétaire d'État pour le Département du Nord et un autre pour le Département du Sud, la province du Canada compte également deux secrétariats (ministères) distincts pour chaque section : un pour l'Est, un pour l'Ouest2.
Du 10 février 1841 au 25 avril 1849, il n'y a pas d'uniformité dans la terminologie officielle. Durant les premières années du régime de l'Union, les législateurs et les administrateurs coloniaux utilisent plusieurs appellations pour désigner les deux parties constituant la province du Canada. Par exemple, dans les Statuts de la province du Canada de 1841, on trouve les énoncés suivants : « cette partie de la Province ci-devant appelée Bas-Canada », « la ci-devant Province du Bas-Canada », « cette partie de la Province, qui constituait ci-devant la Province du Bas-Canada », etc3. Pareilles expressions sont utilisées pour le Haut-Canada.
Lorsque les toponymes « Canada-Est » ou « Canada-Ouest » sont utilisés dans les lois, une clause interprétative est généralement inscrite4. L'ajout de cette clause est lié vraisemblablement au fait que ces noms n'ont aucun fondement légal5. Après 1843, on privilégie avant tout l'usage des désignations « Bas-Canada » et « Haut-Canada » dans le libellé des lois. Or, puisque cette terminologie n'a pas non plus de statut constitutionnel, elle doit être accompagnée de certaines dispositions et expressions ayant pour objet d'en préciser le sens. Par exemple, au lieu d'écrire simplement « Bas-Canada » on continue d'écrire : « cette partie de la province du Canada constituant ci-devant la province du Bas-Canada ».
Dans les Journaux de l'Assemblée législative, « Canada-Est » et « Canada-Ouest » sont également utilisés durant les trois premières années du régime, mais tendent à disparaître à partir de 1843. Il en est de même avec les appendices des Journaux. Par exemple, en 1843, des documents sont intitulés: Table des Écoles Élémentaires en opération dans le Canada-Est, Rapport Statistique sur l'Éducation dans le Canada-Est pour 1842, Rapport du Député Surintendant de l'Éducation dans le Canada-Est pour l'année 1842, État de la Dette publique du Canada-Est, etc6.
« Canada-Est » et « Canada-Ouest » apparaissent occasionnellement dans la Gazette du Canada. Or, lorsqu'on annonce les nominations faites par le gouverneur général, cette terminologie n'est jamais utilisée.
De 1849 à 1867
Le 25 avril 1849, les parlementaires adoptent officiellement les toponymes « Bas-Canada » et « Haut-Canada » dans l'Acte pour donner une interprétation législative à certains mots employés dans les Actes du Parlement, et pour se dispenser de la répétition de certaines dispositions et expressions y contenues, et constater la date et le jour où ils prendront effet, et pour d'autres fins7. Dans cette loi, on édicte que :
Les mots « Bas-Canada » signifieront toute la partie de cette province qui constituait ci-devant la province du Bas-Canada. Les mots « Haut-Canada » signifieront toute la partie de cette province qui constituait ci-devant la province du Haut-Canada8.
L'effet de l'adoption de cette loi se fait sentir dans l'immédiat dans les documents officiels. Les longues expressions sont abandonnées et on utilise seulement « Bas-Canada » et « Haut-Canada ». Cette pratique se poursuit jusqu'à la fin de l'Union. C'est d'ailleurs dans ce cadre législatif que le Code civil du Bas-Canada est adopté en 1866.
Si, après 1849, « Canada-Est » et « Canada-Ouest » sont de moins en moins employés par les contemporains, en revanche, l'historiographie canadienne, tant anglophone que francophone, a longtemps privilégié ces deux noms géographiques9.
Pour citer cet article
« Canada-Est, Canada-Ouest », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 19 janvier 2015.
1
Acte pour réunir les Provinces du Haut et du Bas-Canada et pour le Gouvernement du Canada, 3 & 4 Vict., c. 35 (R.-U.).
2
J. E. Hodgetts, Pioneer Public Service. An Administrative History of the United Canadas, 1841-1867, Toronto, University of Toronto Press, 1955, p. 30.
3
Statuts de la province du Canada, 16 & 20 Vict., c. 6 (R.-U.). En contrepartie, on retrouve également : « that part of this Province formerly constituting the Province of Upper Canada », « the late Province of Upper Canada » ou « that part of this Province which was formerly comprised within the limits of Upper Canada ».
4
Par exemple, dans Statuts de la province du Canada, 4 & 5 Vict., c.3, s. 62 (R.-U.), il est inscrit : « Et qu'il soit statué, que dans l'interprétation du présent Acte, [...] les mots "Canada-Ouest" signifieront cette partie de la Province constituant ci-devant la Province du Haut-Canada. »
5
Margaret A. Banks, « Upper and Lower Canada or Canada West and East, 1841-67? », Canadian Historical Review, vol. 54, no 4, 1973, p. 474.
6
Journaux de l'Assemblée législative de la province du Canada, 1843, Appendix z.
7
Statuts de la province du Canada, 12 Vict., c. 10 (R.-U.).
9
Selon Banks, cette interprétation des historiens est liée au fait qu'ils utilisent peu les documents officiels, préférant la correspondance personnelle et les journaux.