(Neuf heures quatorze minutes)
Le Modérateur : Donc, bonjour
et bienvenue à ce point de presse pour souligner la première journée québécoise
de sensibilisation au deuil périnatal. Donc, on a en première... en premier
lieu, la députée de Notre-Dame-de-Grâce, Désirée McGraw; et ensuite prendront
la parole, Annick Robinson, qui est une mère endeuillée; ensuite, on a Anie
Grondin, qui est la présidente de Parents orphelins; et ensuite Marie-Claude
Dufour, la directrice générale du Réseau des centres de ressources périnatales
du Québec. Donc, ensuite, on pourra prendre vos questions en français et en
anglais.
Mme McGraw : Merci. Et d'ailleurs
on est très bien entouré aujourd'hui de femmes fortes, de militantes et aussi
de mères endeuillées, qui travaillent pour améliorer la situation pour les 23 000 familles
québécoises qui vivent à chaque année un deuil périnatal. Mais on comprend bien
qu'il y a beaucoup de membres de ces familles-là. Le deuil périnatal, ça n'arrête
jamais. Ça fait qu'on parle de centaines de millions de Québécois, et c'est
vraiment aujourd'hui, avec beaucoup de fierté, d'émotion, que je prends la
parole en vue de la première journée québécoise de sensibilisation au deuil
périnatal, qui a été rendue possible suite à l'adoption unanime de mon projet
de loi en février dernier.
Et c'est une journée qui a une importance
toute particulière pour moi. Comme beaucoup d'entre bien... bien, comme
beaucoup d'autres mamans, j'ai perdu plusieurs, plusieurs bébés, de six
semaines à 36 semaines. Je suis fière maman de trois garçons, mais aussi
je suis aussi une maman d'une fille, Catherine, qui aurait... qui aurait eu
huit ans cette année, si elle aurait été encore vivante. Et, pour moi et ma
famille, cette loi, c'est la loi de Catherine. Mais pour les 23 000 familles
québécoises par année qui vivent un deuil périnatal, c'est leur loi en honneur
de leur petit ou petite perdue à jamais.
Et tout ça, ça sort d'une initiative
communautaire dans mon comté de Notre-Dame-de-Grâce. Et je veux saluer la
présence de Rosa Caporicci, une experte en deuil périnatal, qui est avec nous
aujourd'hui. Son projet inattendu, ça a été l'inspiration pour le projet de loi
et ultimement la loi. On a aussi, avec nous, Laura Aguilar, qui est la
directrice exécutive du Centre de soutien à la perte reproductive, et vous avez
aussi Karine Burelle, la fondatrice et la présidente de fa fondation Berceuse.
Bien que commun, le deuil périnatal et le
décès périnatal, c'est un sujet tabou. Même le terme nous... est choquant, même
contradictoire, ce sont deux mots qu'on n'imaginerait jamais jumelés. Trop
souvent, les familles se retrouvent seules. C'est tellement malaisant que
beaucoup de parents endeuillés apprennent qu'il vaut mieux ne pas parler.
Alors, trop souvent, ils souffrent en silence et seuls. Et, au lieu de recevoir
la compassion et la compréhension qui accompagnent normalement un décès, leurs
expériences sont trop souvent isolées, ignorées, blâmées, banalisées. Encore
plus, ils sont confrontés à des exigences de trop rapidement reprendre la vie
normale dont leur travail.
Alors, la motion, aujourd'hui, ça va aller
dans ce sens-là pour donner suite à la loi sur le deuil périnatal, pour passer
à l'action. Entre autres, on regarde le régime québécois d'assurance parentale
pour reconnaître cette réalité pénible, mais qui arrive de deuil ou de décès
périnatal autour de la naissance.
Alors, en terminant, puis avant de passer
la parole à mes collègues, je suis fière que le Québec puisse, enfin,
collectivement, reconnaître le 15 octobre, à chaque année, pour avoir une
pensée toute particulière pour ces familles. Et au-delà de la pensée, de la
sensibilisation, on va maintenant passer à l'action, parce que c'est un premier
pas important, mais non suffisant pour appuyer ces familles endeuillées. Merci.
Mme Robinson (Annick) : Merci,
Mme la députée, que j'appelle aussi mon amie Désirée, que je remercie aujourd'hui.
Nous avons une histoire bien partagée. En fait, nos bébés, à Désirée et moi,
demeurent dans le même cimetière, à quelques mètres l'un de l'autre. En 2010,
mon fils est décédé après la naissance, et je suis rentrée à la maison, le
matin de l'Action de grâces, en 2010, les mains vides, les bras vides, le cœur
brisé.
Tout ce que vous pouvez imaginer du deuil,
en fait, la réalité est pire. Et j'ai constaté à quel point il y avait un
manque de ressources, un manque d'accompagnement, et le silence total nous
attend. Et Désirée était là pour m'accompagner. Et, plus tard, lorsqu'elle a
perdu sa fille Catherine, moi aussi j'ai pu être là pour l'accompagner, et on
s'est senties bien seules. Et je te remercie beaucoup de nous aider à briser le
silence et surtout de passer à l'action et de s'assurer que les parents
endeuillés du futur auront les ressources nécessaires et l'accompagnement, et,
comme société, qu'on puisse en parler sans honte et se supporter. Merci.
Mme Grondin (Anie) : Bonjour.
Anie Grondin, présidente de l'Association Parents Orphelins et mère endeuillée
aussi d'une petite fille, Maram, qui est née, décédée en 2006. Elle aurait eu
18 ans le 27 novembre cette année. Mais on n'oublie jamais, c'est un
enfant qui fait partie de notre famille et de nos vies.
Alors, d'abord, je voudrais remercier et
témoigner de notre gratitude à la... à, pardon, la députée Désirée McGraw
d'avoir proposé la reconnaissance du 15 octobre comme étant la journée de
sensibilisation au deuil périnatal au Québec. C'est très important qu'il y ait
une sensibilisation de la population, car c'est un deuil, et je le sais par
expérience, qui est très complexe, qui peut devenir très difficile, qui est
méconnu du grand public, et donc, par sa méconnaissance du grand public, est
peu soutenu ou même sous-estimé dans sa difficulté. J'ai moi-même, comme je le
disais, passé par là, et c'est pourquoi, vu le manque de soutien de l'entourage
élargi, non pas de l'entourage proche, mais plutôt de l'entourage élargi, comme
les collègues de travail, les voisins, les amis, donc vu le soutien qui était
un peu absent ou maladroit, je me suis jointe à trois autres femmes, et nous
avons cofondé en 2008 l'Association Parents Orphelins. Notre but, c'était de
rassembler les parents, donner un espace aux gens pour exprimer leur peine dans
un milieu qui serait adéquat pour le faire et dont les partages pourraient
bénéficier les uns aux autres. Et c'est dans cette optique que nous appuyons
totalement la députée dans sa démarche, et que cette journée de sensibilisation
va permettre de reconnaître tous les parents qui vivent cette dure épreuve.
Alors, encore une fois, merci à la députée.
Mme Dufour (Marie-Claude) : Au
nom du Réseau des centres de ressources périnatales du Québec, je suis fière de
prendre la parole aujourd'hui dans l'enceinte de l'Assemblée nationale sur un
sujet aussi important que le deuil périnatal. Mon nom est Marie-Claude Dufour,
je suis la directrice générale. Notre démarche est non partisane et vise le
soutien aux familles. La perte d'un bébé, qu'elle survienne à n'importe quel
stade de la grossesse, affecte profondément les parents touchés mais aussi leur
entourage. Plusieurs d'entre eux ont besoin d'être accompagnés, je pense que
mes collègues ici l'ont bien exprimé, pour traverser cette épreuve. Et moi, je
suis ici pour vous dire que les ressources, elles existent, elles sont là sur
le terrain.
Les centres de ressources périnatales, les
CRP, font partie des organismes qui offrent du soutien gratuit pour les parents
qui vivent un deuil périnatal. Il peut s'agir de groupes de soutien qui
permettent aux parents de discuter avec d'autres, qui vivent la même chose
qu'eux, de normaliser leur vécu et aussi de partager leur expérience, de se
sentir compris aussi. Le soutien peut aussi se faire de façon individuelle, ou
en couple, ou encore via un jumelage avec un autre parent qui a vécu un deuil
périnatal. Les services sont là pour tous. Il ne faut donc pas hésiter à les
utiliser, mais aussi à les référer. Je pense qu'il y a une méconnaissance, là,
au niveau de l'entourage élargi comme Anie l'a dit, mais aussi des
professionnels de la santé.
Donc, il importe de travailler ensemble à
rendre ces services encore plus accessibles aux parents du Québec. Collaborons
ensemble. Je suis heureuse de voir que tout le monde se rassemble autour de cet
enjeu-là important pour bien... accompagner, pardon, les parents et les
familles endeuillés du Québec. Merci.
(Fin à 9 h 23)