(Onze heures trente-sept minutes)
La Modératrice : ...en
matière de santé mentale, Mme Elisabeth Prass, accompagnée de sa collègue,
porte-parole en matière de solidarité sociale et d'action communautaire, Mme Désirée
McGraw. Prendront aussi la parole cet avant-midi Mme Lili Plourde, directrice
générale de la Fédération québécoise de l'autisme, ainsi que M. Steve Dubois,
directeur de l'Alliance des groupes d'intervention pour le rétablissement en
santé mentale de la région 03. Les députés sont accompagnés aussi de
représentants du Réseau communautaire en santé mentale, de la Fédération des
mouvements personne d'abord du Québec, du Regroupement des organismes de
personnes handicapées de la région 03. La parole est à vous.
Mme Prass : Merci. Bonjour.
Je voudrais d'abord remercier la présence de la Fédération québécoise de l'autisme,
l'Alliance des groupes d'intervention pour le rétablissement en santé mentale,
la Fédération des mouvements personne d'abord du Québec, le Regroupement des
organismes de personnes handicapées de la région de la Capitale-Nationale, le
Réseau communautaire en santé mentale, COSME, et ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce,
Désirée McGraw.
Ce matin, j'ai déposé une pétition de 5 264
signatures pour demander au gouvernement et à la ministre responsable de la
Solidarité sociale et l'Action communautaire de réintégrer les diagnostics d'autisme,
de schizophrénie et de bipolarité parmi les diagnostics évidents pour avoir un
accès accéléré à la solidarité sociale, ceux qui ont été retirés en juillet
2022. Je précise que les groupes des personnes avec un TSA ou avec des troubles
de santé mentale graves représentent 43,1 % des prestataires de la
solidarité sociale. Tandis que le nombre de personnes avec un diagnostic d'autisme
augmente d'année en année, ce gouvernement fait marche arrière et de façon à
diminuer leur accès à la solidarité sociale, même si de nombreuses personnes
autistes ou ayant des troubles mentaux graves sont en situation de précarité,
et l'aide sociale est souvent leur seule source de revenus. On voit de plus en
plus de personnes en situation... dans ces situations se retrouver sans abri et
on se demande pourquoi ce gouvernement veut leur rendre la vie encore plus
difficile. La ministre n'a fait aucune consultation avant de prendre ses
décisions avec le milieu et a mandaté un comité, tandis qu'il y a des...
excusez-moi, des corps existants indépendants, comme l'INESSS et l'INSPQ, qui
auraient dû faire cet exercice-là.
Pour vous montrer à quel point ce comité n'était
pas en place de prendre ces décisions, parmi leurs justifications pour le
retrait du diagnostic de l'autisme est la curabilité de l'autisme. En tant que
maman d'un petit garçon autiste moi-même, je trouve ça vraiment... je suis outrée
d'entendre ça de la part de quelqu'un qui prend des décisions à propos de la
vie de ces personnes-là. De plus, lors des crédits, la ministre Rouleau a dit
que l'autisme était... pouvait maintenant être contrôlé. Encore une fois, en
tant que mère d'un petit garçon qui ne sera jamais apte au travail, je
demanderais à la ministre de venir passer une heure dans ma vie et me dire par
la suite ce qu'elle en pense. Parce que, vraiment, pour les familles et les
personnes qui vivent ces situations-là, c'est ignoble d'entendre ces paroles-là.
Ce gouvernement pense-t-il vraiment que
les personnes qui sont aptes au travail voudraient plutôt aller sur la
solidarité sociale avec un revenu de 1 100 $ par mois plutôt que d'avoir
un emploi où ils pourraient gagner davantage d'argent? Donc, clairement, il y a
quelque chose qui ne marche pas dans la justification de la ministre, qui
accuse quasiment les personnes dont le seuil de revenus serait la solidarité
sociale d'essayer de frauder le gouvernement en recueillant la solidarité
sociale quand ils sont aptes au travail. On parle de populations vulnérables
qui n'ont pas d'autre recours pour un revenu.
Le retrait de ces diagnostics sur la liste
de ceux évidents complexifie l'accès aux solidarités sociales. Une personne
doit maintenant passer par un processus qui peut prendre des mois, avoir un
refus et devoir refaire une demande. Pendant ces mois-là, ces personnes n'ont
pas de revenu et possiblement peuvent se retrouver en situation d'itinérance.
Donc, ce gouvernement-là, encore une fois, attaque les personnes les plus
vulnérables de notre société, et plutôt que de leur tendre la main, il leur
enlève carrément le chèque de la main.
Plutôt que de dépenser 7 millions de
dollars sur les Kings de Los Angeles, le gouvernement pourrait mieux dépenser
son argent et le faire en ayant une approche avec dignité envers les personnes
vulnérables. Donc, nous demandons la réintégration des diagnostics d'autisme,
de bipolarité et de schizophrénie dans la liste des diagnostics évidents et de
revoir le mode d'évaluation, plutôt que de façon biomédicale, que ce soit de
façon psychosociale. Et je passe la parole à mes collègues. Merci.
Mme McGraw : Alors, bonjour,
tout le monde. Je suis très fière et vraiment contente d'accompagner ma
collègue, mon amie, ma voisine dans des comtés avoisinants, D'Arcy-McGee et Notre-Dame-de-Grâce,
Elisabeth Prass, aussi non seulement comme collègue, mais aussi à cause de son
expérience vécue, qui nous touche beaucoup au sein de notre caucus et la société
québécoise dans son entier. Alors, merci, Elisabeth, pour tout ton travail
acharné, et les collègues, les groupes sur le terrain qui militent à voix haute
et forte pour les plus vulnérables et les plus démunis de notre société
québécoise.
Et là je suis là en tant que porte-parole
en matière de solidarité sociale. Et on sait que, depuis 2022, le gouvernement
caquiste a modifié la liste des diagnostics évidents qui permettrait un accès
accéléré et simplifié à la solidarité sociale pour des personnes avec des
contraintes sévères à l'emploi. Plus de 50 diagnostics ont été alors
retirés, y compris l'autisme, y compris la bipolarité, y compris la
schizophrénie, y compris l'absence de vue aux deux yeux, et d'autres conditions
permanentes et irréversibles. La CAQ ne simplifie pas la vie des plus
vulnérables. La CAQ complique ainsi la vie des personnes ayant déjà des
troubles de santé mentale ou d'autres conditions incapacitantes. La CAQ
abandonne les Québécois, abandonne les plus démunis et les plus vulnérables de
notre société. Est-ce qu'il s'agit d'un exercice financier de la CAQ qui
cherche à les exclure de façon injuste au programme de solidarité sociale? Je
vous confirme qu'on va dans la mauvaise direction.
D'ailleurs, ainsi que le nombre de
personnes avec des incapacités augmente au Québec, les plus récentes
statistiques sur le recours à l'aide sociale pour les personnes ayant des
contraintes sévères à l'emploi révèle une diminution constante du nombre de
prestataires au programme de solidarité sociale et au programme de revenu de
base. Donc, on va dans le sens contraire.
Et là la ministre, ce matin, elle a déposé
son projet de loi n° 70, qu'on va étudier très sérieusement. On prend
notre rôle d'opposition... opposition... on va faire l'analyse, mais je vous
dis juste le titre, la loi qui vise à améliorer l'accompagnement, c'est le
contraire. Ce qu'on vit maintenant, c'est... on n'améliore pas
l'accompagnement, c'est l'abandon, l'abandon et même la négligence vis-à-vis
les plus vulnérables. Et le titre continue : des personnes à simplifier le
régime d'assistance sociale. Et ça, ça démontre que ce n'est pas la
simplification, ça rend la vie... le processus plus complexe et plus lourd pour
les plus démunis. Donc, voici.
Alors, encore une fois, je suis très contente
et très fière d'être ici avec ma collègue, Elisabeth Prass, et les groupes et
les représentants que vous allez maintenant... qui vont maintenant prendre la
parole. Merci.
Mme Plourde (Lili) : Bonjour.
Je tiens à remercier mes collègues qui sont présents aujourd'hui pour nous
soutenir dans cette cause importante. Merci à Mme Prass et Mme McGraw pour leur
soutien dans le dépôt de cette pétition.
Je m'appelle Lili Plourde. Je suis
directrice générale de la Fédération québécoise de l'autisme. Nous sommes
réunis aujourd'hui pour demander à la ministre de la Solidarité sociale et de
l'Action communautaire, Chantal Rouleau, de renverser la décision de son
ministère et de réintégrer les diagnostics d'autisme, de schizophrénie et de
bipolarité dans la liste des diagnostics évidents donnant droit à un accès
direct au programme de solidarité sociale. Nous sommes soutenus moralement dans
cette démarche par plus de 5 000 signataires de la pétition.
Depuis presque deux ans maintenant qu'avec
le COSME nous multiplions les démarches afin de convaincre le gouvernement des
impacts de leurs décisions sur les conditions de vie des personnes :
Incompréhension du processus et des demandes gouvernementales, manque de
soutien pour compléter les formulaires, absence d'un médecin de famille,
difficulté d'accès à des services spécialisés à l'âge adulte. Les embûches sont
nombreuses et pénalisent les personnes que nous représentons. Plusieurs d'entre
elles cessent les démarches à la suite d'un premier refus, car elles ne
comprennent pas les démarches à compléter pour le... pour recevoir la
solidarité sociale. Même les parents qui complètent le formulaire pour leur
enfant ayant un besoin important se butent à des défis de taille pour faire
reconnaître la contrainte sévère à l'emploi de leur adulte.
Les personnes autistes ont de la
difficulté à obtenir leur diplôme, perdent leur emploi à répétition, vivent
dans la précarité financière et finissent même par perdre leur logement. Elles
sont aussi victimes de préjugés... de préjugés dans la population et dans
plusieurs ministères. À titre d'exemple, un membre du comité d'évaluation
médicale du ministère de la Solidarité sociale... du ministère de l'Emploi et
de la Solidarité sociale, comité qui évalue les contraintes sévères à l'emploi,
croit que l'autisme est une maladie traitable et curable. On peut donc se
questionner sur la capacité de ce comité à analyser les demandes déterminant
l'accès au programme de solidarité sociale.
Le ministère ne semble d'ailleurs pas
avoir les... monitoré les impacts de cette décision sur l'accès au programme de
solidarité sociale. Dans son dernier plan de lutte à la pauvreté et à
l'exclusion sociale, le ministère vient de se donner cinq ans pour trouver une
nouvelle façon de déterminer les contraintes sévères à l'emploi. Si on ajoute
deux ans, puisque la nouvelle liste date de juillet 2022, les personnes auront
donc à se battre pendant sept ans pour faire reconnaître leurs besoins et leurs
contraintes sévères à l'emploi, sept ans à acculer les gens dans une pauvreté
extrême et à causer du stress et de l'anxiété à des personnes vulnérables.
C'est la preuve d'un grand manque de compassion et de compréhension.
Dans les dernières années, la montée de
l'itinérance est fulgurante chez les personnes autistes. Le maintien dans cette
pauvreté extrême en est-elle la cause? La pauvreté et l'itinérance sont des
facteurs de risque pour la judiciarisation des personnes en situation de
handicap, et elles sont déjà représentées de façon beaucoup trop importante
dans les prisons québécoises.
Si nous ne voulons pas que la situation
dégénère et que des drames surviennent, c'est maintenant qu'il faut prendre les
moyens nécessaires pour soutenir les personnes vulnérables, c'est maintenant
qu'il faut réintégrer l'autisme, la bipolarité et la schizophrénie dans la
liste des diagnostics évidents afin de permettre un accès plus rapide au
programme de solidarité sociale. Merci.
M. Dubois (Steve) : Bonjour.
Merci à tous ceux qui ont pris la parole. Je suis Steve Dubois, directeur de
l'AGIR, Regroupement des organismes communautaires en santé mentale de la
région de la Capitale-Nationale.
À l'AGIR, dans nos organismes, tous les
jours nous rencontrons de ces personnes avec des diagnostics de schizophrénie
ou de trouble bipolaire, ces personnes qui, justement, sont exclues, hein,
aujourd'hui de cette liste de diagnostics qui autrefois donnait un accès
facilité au programme de solidarité sociale. Ce sont pour ces personnes et pour
leurs proches surtout, aussi, n'oublions pas, que nous joignons notre voix aux
5 000 signataires de la pétition déposée aujourd'hui. Dans nos
organismes, nous sommes à même de constater les souffrances vécues par ces
personnes. Nous constatons les combats qu'elles mènent quotidiennement pour
composer avec leur vulnérabilité. Nous voyons aussi les nombreux défis auxquels
plusieurs sont confrontés. Parmi ces défis, il y a bien sûr l'emploi. Plusieurs
n'arrivent pas à travailler, ou alors ils arrivent plus difficilement à
maintenir leur lien d'emploi. D'autres arrivent difficilement à payer leur
loyer ou à se maintenir en logement et risquent de se retrouver à la rue.
Avons-nous vraiment besoin de dire que l'accès au logement est un besoin de
base, et qu'en ce moment, dans notre contexte socioéconomique qui ne cesse de
se détériorer... Est-ce qu'on a besoin de dire que, dans ce contexte-là, on a
besoin de faire quelque chose pour aider les gens qui en ont le plus besoin,
qui sont les plus vulnérables et qui chutent avec la situation actuelle de la
société?
Dans nos organismes communautaires
oeuvrant en santé mentale, nous sommes aussi témoins que plusieurs personnes
souhaitent accéder à des services d'aide pour mieux avancer dans leur processus
de rétablissement. Cependant, pour un grand nombre d'entre eux,
malheureusement, après avoir payé l'épicerie, le loyer, bien, il ne reste plus
vraiment de sous pour même se rendre dans les organismes. Les services ont beau
être gratuits, si les gens n'ont pas le moyen de prendre l'autobus pour se
rendre vers nos services, ils n'ont simplement pas accès aux services. On
aimerait faire plus, malheureusement on n'a pas le moyen toujours de le faire.
Dans ce contexte, pensons aux membres de
l'entourage, les parents, les frères, les sœurs, les conjoints, conjointes, les
enfants des personnes qui ont des diagnostics en santé mentale. On en rencontre
aussi dans nos organismes. Pour plusieurs, en plus de jouer un rôle de proche
aidant, ils utiliseront leurs propres ressources pour pallier aux difficultés
financières de leurs proches vivant avec une schizophrénie ou un trouble
bipolaire. Ce sont des proches qui sont affectés qui viennent dans nos services,
ce sont des proches qui sont épuisés, souvent découragés, à bout de ressources
et qui, en plus, s'appauvrissent pour compenser le fait que l'accès à des revenus
viables s'avère de plus en plus complexe.
Pour toutes ces personnes en souffrance et
en besoin, il faut poursuivre les travaux. C'est pourquoi nous demandons à la
ministre de la Solidarité sociale et de l'Action communautaire, Mme Chantal
Rouleau, de réintégrer des diagnostics évidents d'autisme, de trouble de la
schizophrénie ou de la bipolarité dans la liste des diagnostics donnant un
accès facilité vers le programme de solidarité sociale. Aussi, nous appuyons
les autres demandes de la pétition, soit que l'évaluation des contraintes à
l'emploi puisse passer par une approche psychosociale plus adaptée aux réalités
liées à la santé mentale, plutôt que de passer par une approche plus
biomédicale et enfin que les prestations des programmes de solidarité sociale
et de revenus de base soient revues à la hausse pour permettre d'atteindre le
seuil de revenu viable. Je vous remercie.
La Modératrice : C'est ce qui
met fin à ce point de presse. Bonne journée.
(Fin à 11 h 52)