(Neuf heures trente-neuf minutes)
M. Marissal : Alors, bonjour,
tout le monde. Merci d'être là. Vendredi, on a une rare interpellation que je
vais mener aujourd'hui avec le ministre des Finances... non, le ministre de la
Santé. Et je dis rare, parce qu'on n'en a pas beaucoup, puis...
Journaliste : ...
M. Marissal : Oui, c'est ça,
bien, c'est parce que je suis un ancien critique en finances, alors j'ai
confondu... Non, non, je suis tout à fait santé. Vous savez qu'on fait des
batailles ici depuis des années, puis on est pas mal les seuls, d'ailleurs, à s'ériger
contre le privé en santé. Le privé en santé, ce ne sont pas que les
minihôpitaux privés qui s'en viennent, d'ailleurs, on nous l'a confirmé
récemment, l'appel d'offres devrait venir bientôt, ce ne sont pas que les
cliniques médicales spécialisées. Ça, c'est le côté un peu plus visible, un peu
plus spectaculaire. Mais, de façon insidieuse, se développe, au Québec, de plus
en plus, un réseau, un véritable réseau privé en première ligne. C'est
différent de la chirurgie.
Donc, en première ligne, il y a de plus en
plus de patients au Québec, de contribuables qui n'ont pas le choix, parce qu'il
n'y a pas d'autres offres disponibles dans leur région, qui sont donc
contraints d'aller vers une clinique privée pour des soins qui, normalement,
seraient assurés. Et là on parle d'urgence mineure, on parle de dépistage, la
fameuse otite du bébé, une infection urinaire qui risque de dégénérer. Ces
gens-là n'ont pas le choix, parce qu'ils cherchent ailleurs, leur médecin ne
les rappelle plus, ils n'ont plus de médecin, ils sont sur le fameux GAP, mais,
dans le fond, ils n'ont pas de médecin. Comme par hasard, il y a une clinique
privée qui vient d'ouvrir à côté, ils y vont. Le problème avec ça, c'est qu'on
est en train de déshabiller le public, ça, c'est une chose. Mais, dans l'immédiat,
dans l'immédiat, il n'y a pas de grille tarifaire.
Et on parle beaucoup du coût de la vie ces
temps-ci, là, bien, s'ajoutent, au coût de la vie des familles, des coûts
inattendus qui n'existaient pas avant, c'est-à-dire de payer, ne serait-ce que
pour entrer dans la , et puis, après ça, il y a toutes sortes de frais. On a
fait des recherches là-dessus, au cours des derniers mois, pour se rendre
compte que c'est le Far West. C'est le Far West dans les tarifs, il n'y a pas
de grille. Les médecins ou les cliniques, parce que ça peut aussi être des
infirmières praticiennes, il n'y a pas de tarif. Alors, évidemment, pour
certains groupes privés qui possèdent ces cliniques-là, s'il y a une piastre à
faire, ils vont faire une piastre et demie. Il n'y a pas de tarif. Et on l'a
fait, d'ailleurs, l'exercice, on a fait beaucoup de téléphones, on a fait
beaucoup de recherches, on a fait beaucoup de simulations. Ça peut aller du
simple au double. Par exemple, pour un dépistage d'ITSS, mais aussi pour l'otite
du bébé, il n'y en a pas, de tarif. Alors, qu'on se comprenne bien, là, nous,
nous sommes contre le développement du privé. On pense que ça devrait être de
façon universelle et on paie déjà des impôts pour ça. Ça devrait se faire par
le réseau public, mais on est poignés pour le moment avec ce réseau qui est en
train de se développer, avec la complicité du gouvernement, on va se le dire,
là, ils sont assez dogmatiques, eux autres aussi, de leur bord, sur la question
du privé. Alors, on se dit : Bien, dans l'immédiat, qu'est ce qu'on peut
faire, c'est au moins protéger les contribuables, au moins protéger les
patients qui, déjà, sont mal pris parce qu'ils n'ont pas de médecin puis ils
sont désespérés, puis, en plus, ils ne savent jamais, quand ils rentrent dans
une clinique, si ça va leur coûter 50 $, 100 $, 150 $,
200 $. Il n'y en a pas, de tarif. Alors, évidemment, il y a de l'abus.
Puis je demande au ministre ce matin, puis
on va commencer par ça, là, au moins, avez-vous le courage de protéger la
population? Parce que si vous laissez ça aller, on va se ramasser comme on se
ramasse, par exemple en dentisterie, où il n'y en a pas vraiment, de grille, il
n'y en a pas, de limite, et puis il y a de l'abus de toute façon parce qu'il y
a des gens qui ont vu qu'il y a beaucoup d'argent à faire avec ça. Puis les
gens sont désespérés. Quand ça fait deux jours que la petite, elle pleure, là,
puis qu'elle fait 39 de fièvre, là, ce n'est pas vrai que vous avez le choix
puis que les gens font le choix d'aller vers une clinique privée. Quand c'est
la seule option, vous le faites. Puis on a des témoignages de gens qui
disent : La santé, ça n'a pas de prix, je ne peux pas laisser mon enfant
mal pris, je ne peux pas laisser ma vieille mère mal prise, on va payer pour
ça.
Alors, minimalement, là, pour stopper
cette hémorragie-là, là, de fonds des contribuables, est-ce qu'on peut au moins
se dire qu'il va y avoir une grille? Les prix, on les connaît, la RAMQ les
connaît. Alors, c'est immoral et ce n'est pas normal qu'on laisse aller des
prix du simple au double au triple et, qui sait, peut être même encore
davantage.
Journaliste : Il y a une
entente avec... une entente de principe avec la FIQ, là. Est-ce que ça, c'est
une bonne chose? Est-ce que ça va permettre au ministre, entre autres,
peut-être, de faire en sorte que ça baisse la pression sur le privé, là,
c'est-à-dire ouvrir plus de salles d'opération? On vous a offert le privé parce
qu'on n'était pas capable de vous opérer dans le public rapidement, là. Est-ce
que le fait qu'on ait une entente qu'on ramène les infirmières, ça, ça peut
baisser la pression?
M. Marissal : Je n'ai pas vu
l'entente. C'est une bonne chose qu'il y ait une entente, cela dit. Ça
traînait, ça faisait trop longtemps que ça traînait. Alors, oui, tant mieux
s'il y a une entente, tant mieux aussi si, de fait, ça ramène les infirmières
et le personnel soignant dans le réseau public. Moi, c'est ce que je souhaite,
de tous mes vœux, c'est ce que je souhaite. Je pense que la FIQ, c'est ce
qu'elle souhaite aussi.
Maintenant, on ne peut pas parler des deux
côtés de la bouche en même temps. On ne peut pas dire : Eurêka! j'ai
trouvé la solution, on va donner des meilleures conditions de travail, on va
ramener notre monde, puis, d'un autre côté, lancer les deux appels d'offres
pour les minihôpitaux privés. Et je vous dis, on nous a confirmé la semaine
dernière que ça s'en vient, là, c'est presque fait. On ne peut pas continuer de
développer à tout crin le réseau privé comme ce ministre-là le fait en ce
moment, parce que, si vous faites ça, nécessairement, il y a un effet de vases
communicants, puis les gens que vous voulez ramener, ça se peut qu'ils
choisissent d'aller vers le privé. Alors, on ne peut pas parler des deux côtés
de la bouche. Si le ministre est sérieux, maintenant qu'il y a une entente avec
laquelle il veut travailler puis qu'il veut vraiment que l'État redevienne un
employeur de choix, il va trouver tout mon appui là-dessus. Je lui ai dit et je
lui redis, ça, c'est très, très clair. Mais en attendant, le ministre parle des
deux côtés de la bouche parce qu'il continue d'ouvrir la porte vers le privé.
On a un nombre record au Québec de médecins qui se désaffilient. On est rendu à
plus de 700 — ça, c'est un phénomène purement québécois — parce
qu'on leur a ouvert la porte. Puis ces médecins-là, je doute qu'ils reviennent
dans le réseau.
Alors, oui, tant mieux si on a une entente
avec la FIQ, là, c'était plus que temps qu'on en ait une, mais, maintenant, il
faut aussi que les babines suivent les bottines ou l'inverse, là, pour qu'on
soit capable justement de faire rouler nos salles d'opération. Nos salles
d'opération, en ce moment, là, dans certaines régions roulent, là, à un taux
inacceptable. On est en train de construire des nouveaux hôpitaux, on est en
train de construire des nouvelles salles d'opération, notamment à Santa
Cabrini, dans mon comté. Qui va faire rouler ces salles-là si on n'a pas de
personnel? Alors, il faut être cohérent dans le message.
Journaliste : L'argument du
gouvernement par rapport aux familles, justement, qui paient, là, c'est de
dire : Oui, mais après ça, c'est remboursé par la RAMQ, tu sais. Vous,
dans le fond, votre point, c'est que, même si c'est remboursé par la RAMQ, dans
le fond, eux autres, ils font exprès pour charger cher, finalement?
M. Marissal : Non, mais si
vous allez au privé, le privé, ce n'est pas remboursé par la RAMQ.
Journaliste : Non, mais en
période de questions, ils vous ont souvent donné l'exemple qu'il y avait des
choses qui pouvaient être remboursées par la RAMQ, là, tu sais...
M. Marissal : Bien, qu'ils le
fassent.
Journaliste : ...comme la
clinique Rockland, ce genre d'affaires là.
M. Marissal : Oui, ça, c'est
des contrats de service entre le gouvernement et la clinique Rockland. Si vous
êtes pris pour aller au privé puis vous n'avez pas d'assurance privée, vous
allez payer de votre poche. On a déjà émis l'hypothèse que, dans ces cas-là,
est-ce que la RAMQ devrait rembourser? Je n'ai pas eu de réponse claire de la
part du ministre là-dessus, notamment quand ce sont des sites de référence
associés au gouvernement, Clic Santé, Bonjour-santé et autres, là, qui dirigent
les gens vers le privé. On a même eu des cas documentés où le 8-1-1 disait au
monde : Ne perds pas ton temps. Ne va pas à l'urgence, là, c'est trop
long. Va au privé. Bon. Ça, le ministre, il est contre ça. Très bien. Mais
est-ce qu'il y a une garantie que ces gens-là vont être remboursés? Non,
absolument pas. Puis les cas qu'on a eus puis les cas qu'on a dans nos
circonscriptions, c'est des gens qui disent : Moi, je n'ai pas eu le choix
parce qu'il n'y en avait pas de service. J'ai théoriquement un médecin de
famille, je ne peux pas le voir, je ne peux jamais le voir. Je ne peux même pas
parler à la secrétaire de la clinique de mon médecin de famille parce que,
maintenant, on est dirigé systématiquement vers des services en ligne, alors je
n'ai pas eu le choix, je suis allé au privé. Mais ce n'est pas vrai que c'est
remboursé dans ces cas-là.
Alors, moi, ce que je dis :
Minimalement, là, est-ce qu'on peut au moins mettre un plafond, là, plafonner
rapidement pour qu'on arrête d'arnaquer les gens? Parce qu'en ce moment il n'y
en a pas, de grille. Puis quand il n'y a pas de grille, évidemment, si les gens
peuvent faire de l'argent avec ça, les gens moins scrupuleux qui ont l'argent
facile, bien, c'est presque normal qu'ils vont le faire, mais ce n'est pas
normal que le gouvernement accepte ça.
Journaliste
: Merci.
M. Marissal : Merci.
(Fin à 9 h 48)