(Onze heures vingt-huit minutes)
La Modératrice : Bienvenue au
point de presse. On va commencer avec une petite prière. Ensuite interviendront,
dans l'ordre, Émilise Lessard-Therrien, députée de Rouyn-Noranda Témiscamingue
et responsable solidaire en matière d'environnement, Yenny Vega Cardenas,
présidente de l'Observatoire international des droits de la nature, et Uapukun Mestokosho,
leader innue de l'Observatoire international des droits de la nature.
Mme Mestokosho (Rita) : (S'exprime
dans une langue autochtone).
Mme Lessard-Therrien : Wow!
C'est dur de prendre la parole après ça. Merci, «tshinashkumitin». Je pense que
ces sons-là devraient résonner plus souvent dans les murs de l'Assemblée
nationale.
Aujourd'hui, j'ai déposé le projet de loi
n° 990, Loi conférant des droits au fleuve Saint-Laurent. C'est à la
demande de l'Observatoire international des droits de la nature et de
l'Alliance Saint-Laurent, qui sont ici derrière moi aujourd'hui. Un projet de
loi pour donner des droits au fleuve Saint-Laurent, constituer un conseil des
gardiens du fleuve et un comité d'experts pour assurer sa protection.
Quand on parle de droits, on parle de
droits, comme le droit de couler, le droit au maintien de sa biodiversité
naturelle, de son intégrité, de remplir ses fonctions essentielles au sein de
son écosystème, de nourrir et d'être nourri par des aquifères et affluents,
d'être à l'abri de toute contamination. Ça voudrait dire que déverser des eaux
usées, rejeter des contaminants ou même surpêcher des espèces aquatiques
seraient des infractions à la loi.
Qu'est-ce que serait le Québec sans son
fleuve qui traverse le pays de bord en bord, qui transporte, dans ses flots,
des millénaires d'histoire? C'est notre bijou national, et on se doit de le
protéger. Notre Saint-Laurent, c'est un pays en soi, avec ses habitants, avec
la vie qui grouille en dedans, qui grouille en dehors, avec ses bélugas blancs
immenses, ses oies qui s'y déposent au tournant des différentes saisons, cette
vie magnifique, mais qui est menacée. Le projet de loi que j'ai déposé ce
matin, s'il est adopté, va créer un précédent historique et décisif pour la
protection environnementale. Nous nous devons de protéger ce fleuve pour que
toutes ses richesses nous survivent longtemps. Merci.
Mme Vega Cárdenas (Yenny) : Bonjour
à toutes et à tous. Merci beaucoup, Émilise, d'avoir porté ce projet de loi.
Merci beaucoup à Québec solidaire qui soutiennent cette initiative, à la
députée Ruba Ghazal qui a cru en nous depuis 2018, qu'on avait cette idée et ce
rêve. C'est émouvant, c'est vraiment historique d'avoir le projet... Bien
non... Merci. C'est vraiment le... qui nous... qui nous apprend à voir qu'on
est interdépendants avec le fleuve, qu'on peut changer le paradigme. On peut
changer le paradigme. Le fleuve, ce n'est pas une poubelle. Le fleuve est
vivant, vivant, et on fait partie de ce fleuve.
On a les enfants, aujourd'hui, avec nous,
qui sont les gardiens en herbe, avant les gardiens légaux, les gardiens
ancestraux qui ont veillé pour garder ce fleuve vivant depuis des millénaires.
Et puis on a aussi une alliance qu'on a construite, on a bâtie… comme avec des
chercheurs qui vont devenir la voix du fleuve avec les savoirs ancestraux,
parce qu'ils vont aller de l'avant et vont travailler de la main pour avoir une
protection holistique du fleuve, pas séparée, parce qu'on n'en a pas un, ou
deux, ou trois, ou quatre fleuves, on en a un avec tous ses bras. Et c'est
ça que les Innus nous ont appris, à voir la nature avec d'autres yeux. Et
toutes les différentes nations y voient une entité vivante.
Je souligne aussi la présence d'Eau Secours!,
de Rébecca Pétrin qui est une guerrière qui milite pour l'accès à l'eau à
toutes et à tous, le droit à l'eau et à l'assainissement, et toutes les
municipalités qui se sont jointes à cette alliance, 15 municipalités
riveraines qui demandent au gouvernement d'avoir les moyens pour assainir les
eaux, donc de respecter ses responsabilités avec le fleuve. Certains disent que
le fleuve, il devrait avoir des responsabilités aussi, eh oui!, il a des
responsabilités, il nous abreuve. C'est la maison pour milliers des espèces
vivantes. Il régule le climat. C'est la moindre des choses de nous… d'assumer
comme humains nos responsabilités vis-à-vis cette entité vivante.
C'est un projet de loi rassembleur. C'est
un projet de loi aussi qui invite la science, c'est pour ça qu'il va y avoir un
comité scientifique. Nathalie Gravel, de CentrEau, est ici avec nous, qui nous
a appuyés depuis le début, qui a une grande sensibilité pour protéger le fleuve,
EcotoQ, avec son directeur, également, qui protège les écosystèmes aquatiques, qui
nous illustre et nous illumine avec... face aux menaces que doit subir cette
entité vivante, Isbath qui est venue avec lui aussi, c'est la coordinatrice d'EcotoQ,
et puis mon équipe, Louis Gabriel qui nous parle de son expérience vivante
comme biologiste et géographe, et Alexandra, avec... de rencontrer différentes
nations, et Inès qu'on a commencé le projet au Costa Rica depuis 2018. Et puis
toutes, toutes ces personnes-là, Rébecca et puis Rita, Uapukun, qui nous a
vraiment appris ce lien intrinsèque qui existe entre l'eau et nous.
Donc, vous avez vu des enfants aujourd'hui.
Ils sont les gardiens en herbe. C'est un projet du Semoir et d'Arbre-Évolution
qui les ont amenés et qui vont probablement travailler avec aussi d'autres
communautés pour faire un échange d'enfants, un échange de visions, un échange
des cultures.
M. André Stainier plaidait, en son vivant,
pour un véritable statut pour le fleuve Saint-Laurent. Et le voilà, voilà le
statut qui peut élever et le mettre sur un pied d'égalité. On souhaite
sincèrement que ce projet de loi soit appuyé par les autres partis politiques
pour qu'il devienne un sujet de droit qui doit être respecté et considéré.
Et même il y a le rapporteur des Nations
unies sur les droits humains et l'environnement, M. David Boyd, que je me
permets de citer aujourd'hui. Il nous envoie une citation pour vous : «Le
fleuve Saint-Laurent est le coeur vivant ou battant du Québec, mais il a été
ravagé par des siècles d'exploitation. Une loi reconnaissant les droits du
fleuve Saint-Laurent marquerait un tournant révolutionnaire dans l'histoire du
Canada en reconnaissant que notre avenir dépend de notre capacité à vivre en
harmonie avec la nature».
Maintenant, je passe la parole à ma
collègue, Uapukun, qui m'a permis de me calmer et de pouvoir vous adresser la
parole. Merci beaucoup.
Mme Mestokosho (Uapukun) : Je
m'appelle Uapukun Mestokosho, je suis Innue d'Ekuanitshit. Je pense, c'est le
temps de décoloniser notre manière de voir l'eau, notre relation à l'eau, et le
système aussi en entier. Je vais essayer de me calmer.
Le fleuve recueille le sang des veines de
la terre, les rivières. Il est le coeur du vaste corps où nous vivons. Sans coeur,
pas de vie. Le fleuve Saint-Laurent abrite notre grand-mère, «mishtamek», la
baleine, celle qui nous connaît depuis l'origine. Plus qu'un être vivant, le
fleuve est la vie. Nous dépendons de lui. Nous devons l'honorer comme un aîné,
un être vivant sacré.
Il y a ma nièce Zélia aussi qui veut
partager quelque chose, qui voudrait dire quelque chose.
L'eau, c'est la vie.
Une voix : L'eau, c'est la
vie.
Mme Mestokosho (Uapukun) :
Merci.
Mme Lessard-Therrien : Bien,
merci infiniment à tout le monde de vous être déplacés. Merci de nous avoir
accompagnés, de nous avoir poussés pour le dépôt de ce projet de loi là. Je
vous l'ai dit tantôt, je le répète, les gens comme ceux sur le terrain, les
citoyens qui sont là, qui nous poussent, ça donne beaucoup de sens à notre
engagement politique. Et, si nous, on peut, en retour, donner du sens à votre
engagement militant, ça va toujours nous faire plaisir de le faire. Je pense
qu'on vient de poser un geste important aujourd'hui puis je vous en remercie
infiniment.
Merci.
La Modératrice
: Merci.
(Fin à 11 h 41)