(Onze heures dix-sept minutes)
M. Arcand : Alors,
bonjour, tout le monde. On vient de finir une période de questions qui a été
particulièrement, disons, difficile vers la fin. J'ai été un peu, disons,
troublé par les propos du premier ministre, c'est le moins qu'on puisse dire,
troublé dans le sens que ça dépassait l'entendement.
Vous savez, dans le domaine politique, on
est là, on se bat, on se bat pour des idées, on se bat pour un certain nombre
de convictions. Et la semaine dernière, comme vous le savez, le premier
ministre était à une célébration que nous faisions tous parce que plusieurs d'entre
nous avaient un bon nombre d'années en politique. Et il me semblait, en tout
cas, qu'il y avait un respect qui est nécessaire, particulièrement pour ceux
qui ont oeuvré en politique pendant nombre d'années.
Aujourd'hui, j'entends les propos du
premier ministre et je me suis dit : Écoutez, ça sert à quoi, tout ce qu'on
a fait, si on est traités comme ça, de la façon dont il m'a traité? Alors, je
voulais juste vous dire simplement que je suis ébranlé très fortement par ses
propos.
Et je me dis : On a un chef de l'État...
Vous savez, à quelques fois, j'ai posé des questions au premier ministre sur
certains de ses propos à propos d'individus, quand j'étais chef intérimaire à l'époque.
Et je me rappelle, à quelques reprises, j'ai dit : Ce premier ministre qu'on
a actuellement, sur plusieurs enjeux, sur plusieurs cas particuliers, n'était
pas digne d'être premier ministre. Et aujourd'hui je peux simplement vous dire
qu'il n'était pas digne d'être premier ministre par rapport à cela.
M. Lecavalier (Charles) : Acceptez-vous
ses excuses, M. Arcand?
M. Arcand : J'accepte
les excuses, mais je suis quand même ébranlé fortement par ça. Et même si j'accepte
les excuses, ça ne demeure pas moins que je pense que les Québécois doivent
prendre note, à un moment donné, qu'il y a une limite à l'arrogance. Je
comprends qu'il y a une joute parlementaire qui doit se faire, mais, à un
moment donné, là, pour employer une expression, c'est un coup en bas de la
ceinture.
M. Lecavalier (Charles) : Est-ce
que ça symbolise... donc vous en faites un peu le symbole du, quoi, du manque
de respect de M. Legault pour les institutions?
M. Arcand : C'est un
manque de respect. Vous savez, entre nous, il faut avoir un minimum de respect.
On peut attaquer des gens, on peut dire : Tel ministre n'a pas fait le
travail, tel député s'est trompé, on peut aller quand même assez loin. Mais là,
là, disons que celle-là… et surtout, surtout, surtout que ce n'était pas
quelque chose qui était pertinent au débat d'aucune façon.
M. Robitaille (Antoine) :
L'avez-vous entendu personnellement?
M. Arcand : Bien, je
l'ai entendu de loin. J'ai été un peu abasourdi et, écoutez, je me
disais : Non, ça ne se peut pas qu'il ait dit ça. Ça a été la première
chose qui m'a surpris. Puis j'ai dit : Écoutez, ça n'a aucun sens. Et là,
j'ai demandé à mes collègues autour, j'ai dit : Est-ce que j'ai... il y
avait Enrico Ciccone, j'ai dit : Est-ce que j'ai bien compris ce qui a été
dit?
M. Lacroix (Louis) : Qu'est-ce
qu'on vous a… Pouvez-vous répéter ce que vous avez entendu, s'il vous plaît?
M. Arcand : Non, non,
c'est ça, j'ai entendu, écoute : Il est-u mort, celui… il n'est pas mort
encore, celui-là? J'ai dit...
Journaliste
: …
M.
Arcand
:
Quelque chose comme ça. Et là, Enrico s'est retourné vers moi puis il m'a
dit : Je pense, tu es mieux de ne pas l'entendre. Alors, juste pour vous
montrer jusqu'à quel point, là… et… Bon, alors, c'est ça.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que ça vous donne le goût, ça, une sortie comme ça, du premier ministre, d'y
aller pour un autre quatre ans pour montrer que ce n'est pas le cas?
M. Arcand : J'aurai
l'occasion de vous revenir là-dessus.
M. Laforest (Alain) : Non,
mais ça vous stimule-tu, ça, quelque chose comme ça?
M. Arcand : Bien, disons
que j'ai le goût parfois de dire, premièrement, je suis en pleine forme, j'ai...
Et, encore une fois, comme vous le savez, dans certaines sociétés, les gens qui
ont un certain âge, on les respecte beaucoup. Je suis surpris de voir qu'au
Québec la personne la plus importante à la tête de l'État ne semble pas le
faire. Je pense que c'est inquiétant.
M. Lecavalier (Charles) : M. Legault
dit que vous êtes un ami. Est-ce que c'est comme ça que vous caractérisez votre
relation? Puis est-ce que ça vous fait plus mal?
M. Arcand : Disons qu'il
y a pas mal moins d'amitié qu'il y en avait auparavant. Disons qu'on s'est
respectés, on a travaillé ensemble, particulièrement pendant les deux, trois
premiers mois de la COVID, où on a eu des échanges presque quotidiens sur ces
questions-là. Donc, on était solidaires, à ce moment-là, ensemble, sur la
nécessité d'aider les Québécois puis de trouver les meilleures solutions. Puis
il n'était pas question de faire de la politique partisane à ce moment-là, alors...
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Est-ce que ça reflétait le fond de sa pensée ou
est-ce que c'était juste pour être méchant, selon vous?
M. Arcand : Regardez, là,
je ne le sais pas, mais si vous me permettez l'expression, c'était vraiment un
«cheap shot».
M. Robitaille (Antoine) :
Comment vous comprenez… Mme Anglade, comment vous comprenez ce qui s'est
passé? Parce que vous-même, vous vous êtes déjà plainte, là, d'un aspect
paternaliste de sa part.
Mme Anglade : Premièrement,
là, je vais vous dire, là, je suis profondément, là... moi, ça m'a vraiment
troublée, ce qui a été dit, là. Le premier ministre, il a vraiment dit,
là : Aïe, il n'est pas mort, lui? C'est ça qu'il a dit dit. Moi, ça m'a...
Je sais que Pierre est deux rangées en arrière, là, puis je me suis dit : C'est
sûr qu'il va être ébranlé, c'est sûr qu'il va être touché par ça. Vous le
voyez, là, je le connais, Pierre, il est ébranlé par ce qui a été dit par le
premier ministre. Parce que c'est une question de respect. On met des heures et
des heures de travail, toute formation confondue, à venir ici, à essayer de
trouver des solutions. On peut ne pas s'entendre sur des idées, mais le respect…
On dirait que l'arrogance du premier ministre n'a aucune limite. Mais cette
arrogance-là, il ne la montre pas à la caméra, c'est quand les micros sont
fermés, il se permet de faire ce genre de commentaire, comment est-ce qu'on
peut accepter ça?
M. Duval (Alexandre) : Mais
tous les deux, vous le connaissez beaucoup, M. Legault. Est-ce qu'il n'y a
pas une part de ça qui est peut-être due au fait que, pendant deux ans, il a
gouverné seul, par décret, avec son gouvernement et là, c'est le retour de
l'opposition et des vrais débats?
Mme Anglade : Tu sais, à
chaque fois qu'on pose des questions, vous voyez comment il répond. Bien là, ça
dépasse les bornes, c'est de l'arrogance. Elle s'arrête quand, l'arrogance? Une
fois que tu as enterré la personne, elle s'arrête quand, l'arrogance?
M. Bellerose (Patrick) :
M. Arcand, M. Legeault va dire, tu sais : C'est une blague, je
veux dire…
M. Arcand : Bien, ce
n'était pas une blague drôle en tout cas.
M. Bellerose (Patrick) : Qu'est-ce
vous en avez compris? Quand il a dit : Il n'est pas mort, lui?, pour vous,
ça veut dire quoi?
M. Arcand : Je ne le
sais pas, j'essaie de l'interpréter. Je dois dire que je suis un peu encore
sous le choc de ce qui s'est passé. C'est une mauvaise blague, si ça en est
une, mais ça ne se fait pas; le point, là-dedans, fondamentalement, c'est que
ça ne se fait pas. Et en plus de ça, j'avais une question quand même qui
m'apparaissait très pertinente, hein? J'avais une question sur les dépenses en
publicité.
M. Bellerose (Patrick) : ...Bien,
pour vous, c'est sur votre âge qu'il vous attaquait en disant ça?
M. Arcand : Bien, moi,
je pense qu'il commence à sentir, par rapport à ce qui s'est passé la dernière
fois, là, depuis les derniers... je dirais, les derniers mois, les questions,
essentiellement, dans la période de questions, ont porté sur la santé. Là,
aujourd'hui, on analyse et on travaille sur l'ensemble du travail
gouvernemental en éducation, en santé, en matière économique beaucoup plus que
les 90 % du temps qu'on a passé, je dirais, sur la santé. Et là, je pense
qu'il sent une certaine pression et c'est sa façon de répondre. Mais moi, je
trouve que ce n'est pas une façon acceptable.
M. Lacroix (Louis) : Mais,
au fond, est-ce qu'il ne voulait pas faire une boutade pour dire que vous êtes…
qu'on vous a écarté du Parti libéral puis qu'on vous a mis de côté? Est-ce que
ce n'était pas ça, un peu, la référence qu'il faisait?
M. Arcand : Bien,
écoutez, M. Lacroix, je suis président du caucus, je suis porte-parole en
matière de Conseil du trésor, je suis passablement actif dans toutes les
réunions, je n'appelle pas ça quelqu'un qui est écarté.
M. Bellerose (Patrick) : ...Vous
avez dit que vous étiez ébranlé, mais est-ce que vous pouvez nous qualifier
comment vous vous sentez? vous êtes indigné? Vous êtes triste…
M. Arcand : Bien, un
mélange de tout ça, un mélange de tristesse, d'indignation. Et, comme je vous
dis, c'est quelque chose que j'ai de la misère à absorber parce que je n'en
reviens pas. Je n'en reviens pas de la part de quelqu'un qui occupe les plus
hautes fonctions de l'État. Voilà.
M. Duval (Alexandre) : M. Legault,
il y a quelques minutes, là, je ne sais pas si vous l'avez vu, là, mais il a
dit que vous étiez un ami, que c'était une mauvaise blague et qu'il s'est excusé.
Un ami.
M. Arcand : Oui, oui, il
s'est excusé en Chambre, je sais qu'il l'a fait. Mais c'est une mauvaise
blague, là, c'est le moins qu'on puisse dire.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : C'est vrai que c'est votre ami?
M. Arcand : Écoutez, ce n'est
pas… c'est quelqu'un que je connais bien depuis nombre d'années, depuis 2007,
même à l'époque où il était au Parti québécois, alors je le connais depuis
longtemps. Est-ce que c'est un ami avec lequel on se voit régulièrement? Non.
M. Laforest (Alain) : C'est
un ami politique, là, c'est…
M. Arcand : C'est une
connaissance politique avec qui, quand on a eu des échanges, c'était cordial.
M. Lacroix (Louis) : Mais
vous avez des passés d'hommes d'affaires, là, les deux, alors, ça, ça vous…
M.
Arcand
:
C'est ça.
M. Lacroix (Louis) : J'ai
déjà entendu des conversations où vous aviez quand même certaines affinités
avec lui, en tout cas, sur le plan des... économique.
M. Arcand : Oui, oui, sur
le plan économique, sur la nécessité d'avoir un Québec économiquement fort, oui,
on a des objectifs communs en ce sens-là, oui, ça existe. Mais, ceci étant dit,
évidemment, je n'ai pas besoin de vous dire, depuis nombre d'années, qu'on ne
s'est pas vus beaucoup, autre que lors des différentes rencontres qu'on a pu
avoir depuis quelques années. Voilà.
M. Laforest (Alain) : Mais
je reviens avec ma question, qui va revenir jusqu'au 10 juin, là :
Ça, est-ce que ça vous stimule pour dire...
M. Arcand : Oui, je le
sais, je le sais, j'aurai l'occasion de vous revenir…
M. Laforest (Alain) : …il
reste quatre ans encore?
M.
Arcand
:
M. Laforest, je vais vous revenir le plus rapidement possible.
M. Laforest (Alain) : Il
me semble que ça devrait vous stimuler, ça?
M.
Arcand
:
Oui.
M. Laforest (Alain) : ...dire :
Je vais vous montrer que je suis encore bien vivant.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Vous auriez un slogan, Je suis vivant, Pierre
Arcand : Je suis vivant.
M. Arcand : Oui, oui,
c'est ça, c'est ça. Non, non, bien, je suis comme je suis, puis comme vous
pouvez voir, je suis en pleine forme.
(Fin à 11 h 27)