(Neuf heures trente-deux)
M. Leitão : Alors,
bonjour. Bonjour. Alors, ce matin, dans à peu près une demi-heure, il y a une
interpellation avec le ministre des Finances, où nous allons discuter, bien
sûr, du budget. On en a beaucoup parlé depuis quelques jours. Ce que je vais
aborder avec le ministre des Finances, c'est l'aspect de la prévisibilité et
les risques auxquels le Québec fait face.
Parce qu'un budget, comme vous savez, c'est
toujours un document très technique. Il y a plein de graphiques et plein d'analyses
techniques, et c'est très bien, et le ministère des Finances le fait toujours
très bien. Ce n'est pas ça la question. Mais un budget doit aussi être un
document politique, et je dis «politique» au sens noble du terme, c'est-à-dire
qu'il doit nous donner... doit nous présenter une feuille de route, où est-ce
qu'on s'en va, où est-ce que la société québécoise, l'économie québécoise s'en
va dans les années à venir. Et c'est ça qui, à mon avis, fait cruellement
défaut. Il n'y a pas grand-chose dans ce budget pour nous dire comment on va s'adapter
à cette nouvelle économie qui est en train d'émerger à nos yeux, une nouvelle
économie postpandémique et une nouvelle économie fortement marquée par la
guerre en Europe. Ça change complètement nos perceptions quant à l'avenir, ça
change beaucoup les risques auxquels on fait face. Et je n'ai rien vu de
particulier dans le budget à cet égard-là. Donc, on va continuer de marteler
que c'est un budget vraiment à courte vue.
La mesure-phare du budget, c'est les
fameux 500 $ à 6,4 millions de Québécois. C'est vraiment une mesure à
courte vue, qui soulage à peine l'inquiétude de beaucoup de ménages québécois,
et soulage à peine, malgré les 3 milliards que cela coûte, parce que cette
mesure n'est pas ciblée. Elle aurait dû être ciblée à ceux qui en ont vraiment
besoin et elle aurait dû être plus élevée que les 500 $ pour ceux qui en
ont vraiment besoin, et... une composante aussi structurante et qui se
répéterait dans le temps, ce qui n'arrive pas avec cette mesure. Ça arrive une
fois, comme ça, et puis, l'année prochaine, on verra. Voilà, c'est un peu de ça
qu'on va parler ce matin avec le ministre des Finances.
Mme Prince (Véronique) :
Est-ce que vous trouvez quand même que le budget... Parce que vous avez dit :
On a une économie qui est particulière, et tout ça, là. Est-ce que vous trouvez
quand même le budget relativement prudent au niveau de ses prévisions puis au
niveau de ses provisions?
M. Leitão : Merci. Vous
avez dit deux choses, et les deux sont très importantes, provisions et
prévisions. Les provisions, oui, d'ailleurs, peut-être vous vous rappellerez qu'une
ou deux semaines avant le budget on avait dit, j'avais dit ici, à l'Assemblée,
que le gouvernement devrait se donner des provisions pour éventualités
significatives parce que le niveau de risque auquel on fait face, c'est très
élevé. Et il l'a fait, le ministre l'a fait, 2,5 milliards pour cette
année et puis 1,5 milliard par année pour les quatre années suivantes, donc
un niveau de provisions pour risques qui est raisonnable. Donc, pas de question
là-dessus.
Maintenant, pour ce qui est des prévisions,
les prévisions économiques derrière le budget, bon, sont très techniques, et,
en effet, ça reflète le consensus du secteur privé. Vous regarderez les
prévisions des banques, c'est à peu près dans le même ordre d'idées. Cependant,
et c'est là où je dis le manque de vision, c'est parce que l'amplitude des
risques auxquels nous faisons face est tellement élevée qu'il me semble que le
gouvernement aurait dû être plus prudent, aurait dû être plus... faire face...
avoir une plus grande... se donner une plus grande marge de manoeuvre en se
donnant des prévisions un peu plus loin de celles du secteur privé, donc plus
conservatrices, si on peut utiliser un tel terme.
L'enjeu principal, à mon avis, c'est l'inflation.
Le gouvernement, dans ses prévisions, et, encore une fois, ça reflète le
consensus du secteur privé, prévoit qu'on... anticipe qu'on revienne tout de
suite à 2,3 % d'inflation en 2023. Écoutez, peut-être, mais il y a
beaucoup d'incertitudes liées à cette prévision parce que, si ça n'arrive pas,
si l'inflation demeure, en 2023, à 3 %, 4 %, ce qui... moi, je pense
qu'il y a une forte probabilité que cela arrive, alors là, c'est... on est dans
un tout autre environnement, là.
Mme Prince (Véronique) : Mais
vous me corrigerez si je me trompe, mais il me semble que c'est une moyenne sur
l'année, ça fait que peut-être qu'on pourrait commencer l'année avec une
inflation très, très élevée, mais la terminer, en 2023, avec de quoi de plus
bas. Donc, à ce moment-là, est-ce que la moyenne fait quand même du sens?
M. Leitão : La moyenne
fait du sens. Je n'ai pas de problème avec ça. Et, comme je vous ai dit, c'est
la moyenne aussi du secteur privé, les banques et tout ça, tout le monde est
dans ce même ordre de grandeur. Le risque que je vois, c'est, comme vous avez
mentionné, qu'on anticipe... — «on», ça veut dire presque tout le
monde, là, le gouvernement comme le secteur privé — on anticipe qu'en
2023 l'inflation va diminuer rapidement pendant l'année et qu'à la fin de 2023
on sera déjà de retour à un taux d'inflation à l'intérieur de la fourchette à
laquelle la Banque du Canada cible. Et ça, je trouve très risqué. Je trouve
que... Et, si ça arrive et si vraiment on arrive à 2 % à la fin de 2023,
comment est ce qu'on y arriverait? On y arriverait parce que les banques
centrales auraient haussé le taux d'intérêt de façon plus agressive que ce
qu'on pense. Donc, ça veut dire que la croissance économique serait beaucoup
plus lente que ce qu'on anticipe aussi.
Donc, c'est ce genre de risques que je
pense qu'on aurait dû incorporer dans le budget, avec des scénarios un peu plus
conservateurs, pour qu'on ne se trouve pas devant une situation qui demanderait
des mesures extraordinaires quelque part au milieu de 2023.
(Fin à 9 h 38)