(Dix-sept heures vingt et une minutes)
M.
Turcotte
:
Donc, nous sommes réunis aujourd'hui, avec ma collègue Françoise David, pour un
point important dans l'étude du projet de loi n° 70 sur la réforme de
l'aide sociale, pour dire tout d'abord que nous sommes fiers du travail que
nous avons accompli, bon, les membres de l'opposition officielle. Avec
Françoise, nous avons collaboré depuis le début de l'étude du projet de loi. Et,
rendu au stade où nous sommes, je crois que nous pouvons dire que nous entrons
dans une autre étape de l'étude du projet de loi, l'étape qui est d'avoir évité
un bâillon, un bâillon où personne ne gagne et tout le monde perd. Dans le cas
de ce projet de loi, un projet de loi qui affecte la vie, le quotidien, le portefeuille
de milliers de personnes les plus démunies du Québec, à nos yeux, un bâillon n'était
pas une bonne chose pour eux parce que, dans un bâillon, nous ne pouvons pas
obtenir de gains, c'est le projet de loi et les décisions du gouvernement, donc
l'imposition du gouvernement. Déjà que le gouvernement impose beaucoup dans sa
loi, nous ne voulions pas être contraints de voter contre le projet de loi en
bâillon sans pouvoir obtenir des gains supplémentaires pour les gens.
Donc, avec la discussion qu'il y a eue aujourd'hui,
nous considérons que, pour les gens, pour les citoyens, ça nous donne encore du
temps pour obtenir des gains supplémentaires pour les gens et faire en sorte
surtout qu'on puisse enfin s'asseoir, rencontrer le ministre pour lui présenter
les éléments qui, à nos yeux, posent problème dans son projet de loi et tenter
de trouver des voies de passage ou des solutions. Déjà que le ministre nous a
dit à un certain nombre de nos amendements : Je suis d'accord, mais pas maintenant,
etc. Donc, nous allons pouvoir clarifier tout ça et faire en sorte de régler
ces problèmes-là. Exemple, hein, depuis hier, nous sommes sur un amendement, et
le ministre nous a dit qu'il était d'accord avec cet amendement-là. Il y a un processus
de révision d'une demande, là, d'une imposition d'un programme à l'aide sociale.
En ce moment, les gens qui feraient une demande de révision de ce parcours-là soit
de formation ou soit d'emploi, bien, seraient sanctionnés avant même la fin du
délai prescrit par la loi pour aller en appel, donc en révision. Donc, le ministre
a dit : Oui, c'est un problème, un grand problème, on va trouver une
solution. Donc, c'est le genre d'amendement que nous voudrions voir adopter
dans le projet de loi pour rendre le projet de loi le moins pire possible pour
les plus démunis.
Mme David (Gouin) : Alors,
j'ajouterais à ça que, depuis le début, on travaille ensemble, le collègue et
moi, avec d'autres collègues aussi, pour vraiment essayer de faire entendre
raison au ministre et lui dire que les sanctions qu'il propose sont
inacceptables. Ça doit faire dans les 60 heures, à peu près, là, qu'on est
sur le même article. Le ministre ne veut pas entendre raison. Donc, on savait
qu'un bâillon était imminent, puis je pense que plein de gens soupçonnaient ça.
Les organismes de défense des personnes assistées sociales regroupées dans
Coalition Objectif Dignité, déjà, il y a 10 jours, ont proposé ce qui
était pour eux un compromis important, c'est-à-dire que, dans la démarche
d'obtention de l'aide sociale, le primodemandeur, la personne, autrement dit,
qui demande l'aide sociale pour une première fois, doive avoir une rencontre
avec un agent d'aide sociale pour faire un peu le tour de sa vie, de son projet
de vie et déterminer des parcours, etc., avant de recevoir son chèque. Ça
faisait partie de la démarche d'obtention de l'aide sociale. Ça, c'est les
groupes, là, qui ont proposé ça eux-mêmes il y a 10 jours. Le ministre a
dit : Il n'y a rien là, c'est du statu quo.
À partir de là, ce que nous avons essayé
de faire, je résume, là, c'est vraiment d'avoir une discussion avec le ministre,
d'une part, en commission, mais aussi avec le leader du gouvernement, bien sûr,
pour essayer de faire débloquer la situation. On a dit : Regardez, là, ça
fait autour de 60 heures qu'on est sur le même article, puis cet
article-là, là, on ne l'aime pas plus. Les sanctions, on ne sera jamais d'accord
avec ça, mais on convient que, là — on l'a dit ici même, d'ailleurs — on
peut passer à une autre étape. Mais ces discussions-là sont toujours longues et
elles ont abouti aujourd'hui.
Alors, ce à quoi ça a abouti, c'est que
nous avons demandé et obtenu deux choses. Premièrement, qu'il soit clairement
indiqué dans la loi que cette loi ne s'applique qu'aux primodemandeurs, parce
qu'on s'est rendu compte que la loi ne l'indiquait pas, ce qui veut dire
qu'elle pouvait s'appliquer à l'ensemble des personnes à l'aide sociale, donc
les sanctions aussi, là. Donc, ça, ça sera dans la loi. C'est un minimum, franchement.
Et, deuxièmement, on a obtenu que, deux ans après la mise en application de la
loi, il y ait une étude qui soit faite en commission parlementaire pour
vérifier les allégations du ministre, dans le fond, qui nous dit que ça va être
formidable, puis qu'il y a bien plus de gens qui vont réussir à en sortir, de
l'aide sociale, puis que plein de gens vont participer aux mesures, etc., mais
on va pouvoir le vérifier. Et, si, dans deux ans, une commission parlementaire
se rend compte que ce que nous prétendons aujourd'hui est la vérité,
c'est-à-dire qu'on n'a pas besoin de sanctions pour que les gens participent et
sortent de l'aide sociale, bien, à ce moment-là, il sera encore possible, donc,
de modifier la loi. Alors, on est heureux d'avoir obtenu ces deux gains aujourd'hui.
Tout à l'heure, M. Fournier a aussi
dit ici même que, oui, on aurait — alors, quelque chose qu'on demande
aussi depuis longtemps — une rencontre avec le ministre, le ministre
de l'Emploi et de la Solidarité sociale, pour, de part et d'autre, comme le
collègue le disait, parler des amendements que l'on veut apporter — il
en a, nous en avons — quelles sont nos priorités, comment on veut
travailler dans le prochain mois. Ça, c'est une bonne façon de travailler. Il
était temps que ça se fasse. Alors, ça aussi, il semblerait que ça va pouvoir
se faire à court terme.
M. Robitaille (Antoine) : D'ailleurs,
pourquoi il n'était pas à l'annonce, selon vous?
Mme David (Gouin) : Qui ça?
M. Robitaille (Antoine) : Tout
à l'heure, il n'était pas à l'annonce.
Mme David (Gouin) : Le ministre
Blais?
M. Robitaille (Antoine) :
Oui. C'est quand même son projet de loi.
Mme David (Gouin) : Il
faudrait le demander au gouvernement. Hier et aujourd'hui, les discussions ont
eu lieu entre leaders parce que, là, on est vraiment dans un débat de
procédures, O.K., un débat de fonctionnement. Cela dit, ce matin, en commission,
nous sommes intervenus tous les deux chacun notre tour pour essayer de dire au ministre :
Écoutez, vous le savez qu'il y a des discussions, là, ça serait intéressant,
là, si vous acceptiez de jeter du lest un peu. Mais ce matin encore, vous
pouvez regarder le verbatim de la commission, c'était assez fermé.
M. Laforest (Alain) : Au
fond, Mme David et M. Turcotte, ce que vous avez obtenu, c'est un projet
de loi en libération conditionnelle de deux ans. C'est ça?
M.
Turcotte
:
Bien, le projet de loi, ce n'est pas juste Objectif emploi, là, c'est une bonne
partie, là, c'est la deuxième partie, mais ce n'est pas...
M. Laforest (Alain) : Mais
c'est ce qui pose problème.
M.
Turcotte
:
Oui, bien, la première partie aussi, mais ça, c'est une autre histoire, elle
est réglée, là. Mais effectivement, donc, on a l'appui des groupes, on a de la documentation
sur le terrain de d'autres expérimentations du genre qui ont été faites
ailleurs puis qui n'ont pas porté fruit. Donc, ce qu'on dit : Donnons une
chance au coureur...
M. Laforest (Alain) : C'est
ça. Vous concédez au gouvernement qu'il puisse appliquer son projet de loi
pendant deux ans.
Mme David (Gouin) : Non, mais
soyons clairs, là, on ne concède rien du tout.
M.
Turcotte
: Il
l'aurait imposé par la force, là, parce qu'il est majoritaire, le gouvernement,
là. Donc, confrontés à un bâillon où personne ne gagne et que tout le monde
perd, notamment les plus démunis, on s'est dit : Bon, bien, est-ce qu'on
peut trouver un terrain d'entente pour au moins rendre le projet de loi le moins
pire possible pour les gens?
Mme Lajoie (Geneviève) : Après
deux ans, là, il va revenir. Vous allez avoir une étude après ça pour voir si
ça a fonctionné ou si ça n'a pas fonctionné, mais est-ce qu'il va être... Vous
dites que ça va être possible, après ça, de remodifier le projet de loi si
jamais...
Mme David (Gouin) : C'est
toujours possible.
Mme Lajoie (Geneviève) : Mais
la loi va être adoptée, je veux dire. Si vous n'avez pas de garantie...
M. Vigneault (Nicolas) : Vous
n'avez pas de garantie.
Mme David (Gouin) : Non,
attendez, la loi va être adoptée d'ici Noël. Ça, c'est clair, bon.
Mme Lajoie (Geneviève) : Oui,
oui, oui, mais elle va être adoptée, mais pour plus que deux ans.
Mme David (Gouin) : Oui, mais
avec une obligation, dans deux ans, qui n'était même pas prévue, là, qu'on
vient tout juste d'obtenir aujourd'hui, d'évaluation et d'analyse de ce qui
s'est passé concrètement, ce qui...
M.
Turcotte
: En
commission parlementaire.
Mme David (Gouin) : ...en
commission parlementaire. Donc, les députés des oppositions sont là, là.
M. Laforest (Alain) :
Avez-vous pouvoir de modification ou non?
M. Vigneault (Nicolas) : Mais
est-ce que ça veut dire le dépôt d'un autre projet de loi?
Mme David (Gouin) : Mais vous
savez très bien qu'on peut toujours modifier une loi. Si une commission
parlementaire, par exemple, tous partis confondus — puis on verra
bien dans deux ans aussi, deux ans, c'est très loin — donc, s'entend
pour dire : Il y a des choses qui ont fonctionné, mais il y en a qui n'ont
pas du tout fonctionné, il y a des recommandations qui peuvent être faites au
gouvernement qui sera alors élu, je vous rappelle qu'on sera en 2018 et
peut-être même 2019, et, oui, on peut modifier une loi, certainement, on peut
retirer les sanctions de la loi, par exemple. Ça, c'est clair que ça peut être
fait.
Mme Lajoie (Geneviève) :
...par le gouvernement.
Mme David (Gouin) : Pardon?
Mme Lajoie (Geneviève) : Ça
peut être fait par le gouvernement.
Mme David (Gouin) : Oui, mais
vous comprenez qu'avec une commission parlementaire qui va obligatoirement se
pencher sur l'analyse de ce qui aura été fait pendant deux ans, ça donne bien
plus de forces aux oppositions pour se manifester et dire qu'il faut changer la
loi. Donc, moi, je pense que c'est quand même un gain vraiment intéressant.
L'autre chose, comme mon collègue l'a dit,
je le répète, moi aussi : On n'est pas dans une situation formidable, là.
On sait très bien qu'une loi va être adoptée avec des sanctions, et nous sommes
contre. Ce que nous essayons de faire, c'est de sauver les meubles, d'aller
chercher quelques amendements qui vont amoindrir la portée du projet de loi,
qui vont aider un petit peu les gens à la base, c'est notre...
M. Robillard (Alexandre) :
Mais, par exemple, quels amendements?
Mme David (Gouin) : Bien, mon
collègue vous en a déjà apporté un. Moi, je peux vous en apporter un autre que
je vais certainement apporter. Il y a un certain nombre de groupes, groupes
voulant dire des sortes de personnes, là, à l'aide sociale, qui vont être exclus
de l'application de la loi, dont les femmes victimes de la violence résidant en
maison d'hébergement. Moi, je voudrais qu'on ajoute à ça, qu'au sortir de la
maison d'hébergement les femmes victimes de violence aient une espèce de
sursis, là, ou de moratoire — appelez-le comme vous
voulez — d'au moins six mois parce que ça ne se peut juste pas, pour
beaucoup de ces femmes, demander que, dès la sortie de la maison d'hébergement,
le lendemain on soit tout de suite en processus d'insertion, là. Il faut être
un peu réaliste.
Ça n'a l'air de rien, hein, ce que je dis
là. Je sais que ça ne change pas le monde, comme dirait l'autre, mais, pour les
femmes concernées, c'est très important.
M. Laforest (Alain) :
M. Turcotte, est-ce que vous parlez aux candidats de la direction pour
savoir que le 8, ça va tenir, là, l'engagement que vous avez aujourd'hui, là?
Vous allez avoir un nouveau chef, le 8, là.
M.
Turcotte
:
Oui, mais ce n'est pas une entente de chefs, c'est une entente de partis. Comme
partis politiques, on a pris l'engagement, il y a eu des confirmations de différentes
personnes.
M. Laforest (Alain) : Oui,
mais il y a une candidate qui dit que la ligne de parti ne tient pas après le
8, là.
M.
Turcotte
:
Oui, mais là un instant, là, c'est en commission parlementaire que ça se fait.
Et en ce moment le porte-parole du Parti québécois, c'est moi, et moi, je dis
que c'est l'entente que nous avons. Et je crois que, comme formation politique,
nous avons démontré par le passé que, lorsqu'on prend un engagement du genre
avec, dans ce cas-là, le gouvernement, avec Québec solidaire, on doit respecter
cet engagement-là. Et personnellement je ne vois pas pourquoi un nouveau chef
viendrait revoir ça. C'est la moindre des choses. Sinon, nous sommes confrontés
à un bâillon où personne ne gagne. Donc, on améliore un tant soit peu le sort
des plus démunis, donc je pense qu'il n'y a pas personne qui peut être contre
ça, même le gouvernement. La preuve, c'est qu'ils ont accepté.
Mme David (Gouin) : Merci.
(Fin à 17 h 33)