(Onze heures quarante-neuf minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour. Je
vais intervenir en premier sur la question du salaire minimum, le vote qui
vient d'avoir lieu, et ensuite Françoise, sur le cafouillage qui se passe présentement
au PLQ, et je vais vous devoir vous laisser. Donc, si toutefois vous avez des questions
qui s'adressent plus à moi, Françoise va se faire un plaisir de répondre.
Alors, comme vous l'avez vu, bien sûr,
notre motion a été battue ce matin, sur la question du salaire minimum et de se
donner un projet de loi d'ici la fin de la législature pour légiférer autour du
salaire minimum. Ceci étant dit, pour nous, c'est plutôt intéressant parce que,
trois semaines plus tard du dépôt de notre motion, on se retrouve avec un parti
de plus qui adhère à cette idée qu'il est temps de faire en sorte que la
répartition de la richesse se fasse aussi par le bas auprès des salariés à
petit salaire. Et donc ça veut dire que nos arguments portent. Ça veut dire que
Québec solidaire, depuis un mois, avec les mouvements sociaux, côte à côte,
rappelle que le salaire minimum, c'est possible. C'est possible de l'augmenter.
C'est possible de l'augmenter si c'est fait intelligemment. Et c'est pourquoi
on a forcé le débat hier en utilisant notre seule motion du mercredi de
l'année, notre seule motion, pour s'assurer d'entendre les autres partis sur
cette question-là, et, à preuve, bien, on a réussi à rassembler un des trois
partis qui n'avait pas pris cette posture depuis trois semaines. Et sachez que
nous allons continuer, parce qu'à Québec solidaire, vous le savez, la question
que le gouvernement du Québec s'occupe des plus appauvris de notre société, que
ce soient des travailleurs, travailleuses qui travaillent 40 heures-semaine
et qui n'arrivent même pas à se sortir la tête de l'eau pour atteindre le seuil
de pauvreté, que ce soient les personnes à l'aide sociale, qui, avec le projet
de loi n° 70... est en train de faire en sorte qu'on va encore appauvrir
les plus pauvres, bien, les gens dans la rue savent très bien que Québec
solidaire va être là et va être là pour continuer à convaincre d'autres de
venir nous rejoindre dans ces luttes-là.
Mme David (Gouin) : Merci,
Manon. Alors, le sujet du jour, n'est-ce pas, ce cafouillage libéral... mais ce
n'est pas le premier, hein? Depuis deux ans, on a vu l'arrestation, par
exemple, de Mme Normandeau, on a vu tout ce qui s'est passé avec M. Sam
Hamad, il y a une enquête en cours, des problèmes de primes de départ. M. Bolduc,
c'était légal, il est parti avec une méga prime de départ, mais mon Dieu que ça
n'avait pas de bon sens! Bref, on se rend compte que, deux ans plus tard, on
est encore dans le cafouillage; non seulement on est dans le cafouillage, mais
on est dans le déni.
Alors, de deux choses l'une, je vais être
très claire, là : ou bien M. Couillard savait, et il n'a pas agi, et
il nous ment, c'est-à-dire qu'il nous dit qu'il ne savait pas, mais, au fond,
il savait, ou M. Couillard ne savait pas, mais là il a un sacré problème.
Est-ce qu'il a demandé à ce qu'on ne le mette pas au courant de ce genre de
choses parce qu'il préfère s'en tenir loin et que ça soit réglé ailleurs ou
alors est-ce que c'est son chef de cabinet, son secrétaire général qui ont
décidé de ne pas l'informer? Dans les deux cas, c'est vraiment problématique,
vraiment problématique, et je pense que M. Couillard doit assumer son rôle
de chef de gouvernement, de premier ministre.
Il doit, premièrement, exiger que toute
irrégularité portée à la connaissance de son personnel le plus proche lui
soit... qu'il en soit informé. Ça, c'est la première chose, c'est superimportant,
et particulièrement s'il y a des irrégularités constatées au ministère des
Transports ou au ministère des Affaires municipales. Ce sont deux ministères
cruciaux, là, dans toutes les questions d'attribution de contrats. Donc, il
doit, le premier ministre, nous annoncer que, désormais, il exige d'être
informé de la moindre irrégularité portée à l'attention de son personnel soit
par un ministre ou par quelqu'un d'autre.
Deuxièmement, nous aimerions, nous, entendre
l'ex-ministre des Transports et le nouveau ministre des Transports en
commission parlementaire. Moi, je pense qu'il y aurait bien des questions à
poser à M. Poëti. Nous avons lu très attentivement sa lettre. Nous
aimerions avoir plus de détails. Nous aimerions mieux comprendre ce qui s'est
passé et que M. Poëti a voulu apporter à l'attention du nouveau ministre
et du premier ministre. Donc, on aimerait savoir ça, mais en plus une
commission parlementaire permettrait de savoir si, oui ou non, les irrégularités
constatées ont toutes été corrigées. Alors, moi, je pense que ce serait
important.
Troisièmement, il faut que le projet de loi
sur les lanceurs d'alerte aille plus loin que ce qui est prévu — nous
l'avons dit à maintes reprises — couvrir non seulement les employés
de la fonction publique, mais les municipalités, les employés d'entreprises
privées. Il faut que, désormais, parce que, hein, on a entendu dire qu'il y a
eu des cas d'intimidation au ministère des Transports, une personne qui décide
de lancer l'alerte, qu'elle le fasse auprès de son supérieur immédiat ou même
qu'elle le fasse en contactant la presse, il faut que cette personne soit
protégée, c'est absolument essentiel. Mais c'est sûr qu'aujourd'hui un lanceur
d'alerte, même, mettons, se sentant protégé, va se dire : Mais ça sert à
quoi si je lance l'alerte, puisqu'il n'y a personne au bout du fil, il n'y a
personne qui ne fait rien, une sous-ministre qui retient de l'information, un
ministre démissionnaire qui essaie d'informer, il n'y a rien qui se passe? Donc
là, aujourd'hui, l'accent doit être mis sur la responsabilité du premier
ministre et de son cabinet.
M. Caron (Régys) :
Approuvez-vous le départ de Mme Savoie au ministère des Transports?
Mme David (Gouin) : Je pense
que, dans les circonstances, c'est un geste sage.
M. Caron (Régys) : Pourquoi?
Mme David (Gouin) : Tout
simplement parce que, même si Mme Savoie a, selon toutes les apparences,
une bonne feuille de route, là, dans toutes ces années où elle a travaillé au
sein de ministères, il reste que, là, il y a vraiment un doute important qui
est semé, là, et, lorsqu'on doute aussi profondément de l'attitude d'un ou une
sous-ministre à un moment précis, je pense qu'il vaut mieux que cette personne
continue de travailler, là, pour l'État, mais le fasse ailleurs parce que,
sinon, ce qui se serait passé, ce qui se passerait dans les prochaines
semaines, c'est que, tous les jours, tout le monde se demanderait : Bon,
est-ce qu'il y a d'autres informations qui sont retenues? Qu'est-ce qui se
passe? Donc, je pense que c'est un geste sage, oui.
M. Caron (Régys) : Quel est
ce doute dont vous parlez?
Mme David (Gouin) : Bien, c'est
le fait, quand on lit la lettre de M. Poëti, que visiblement... et
Mme Savoie s'en est à peine cachée hier. Elle a décidé ou bien de retenir
de l'information ou bien de s'occuper du ministère à son goût à elle et pas
tellement en tenant compte des directives du ministre. Il y a quand même un
problème, là, et Mme Savoie, hier, le confirmait, en tout cas, assez
clairement.
M. Bellerose (Patrick) : Vous
n'avez pas l'impression qu'on essaie de faire porter une grosse part du blâme à
Mme Savoie?
Mme David (Gouin) : Bien, il y
a elle qui porte une part du blâme. Le chef de cabinet de M. Daoust, si
j'ai bien compris, aussi quitte son poste. Ça, c'est toujours le danger, j'en
conviens avec vous, hein, que, finalement, le premier ministre et son cabinet
se déchargent de leur responsabilité en la faisant porter à d'autres. Donc, il
faut qu'il y ait un équilibre. Là, il y a des personnes qui, aujourd'hui, se
voient mutées à d'autres fonctions. Bien, le premier ministre, lui, il va faire
quoi avec son chef de cabinet, là? Il va lui dire quoi? Est-ce qu'il va lui
dire : Écoute, là, tu t'es vraiment trompé, et j'attends d'autres choses
de toi? Puis, est-ce qu'il pourrait nous le dire à nous clairement, là,
qu'est-ce qu'il va faire? Et est-ce qu'il pourrait dire, le premier ministre? J'assume
une bonne partie de ce cafouillage-là, parce que, si mon personnel ne m'a pas
informé, c'est de deux choses l'une : Ou il pensait qu'il fallait me
protéger ou il pensait que je ne voulais pas le savoir. M. Couillard doit
assumer, absolument, là, et il doit faire des déclarations publiques claires.
M. Bellerose (Patrick) : La
CAQ demande que le chef de cabinet de M. Couillard et le ministre des
Transports soient démis de leurs fonctions. Est-ce que vous demandez la même
chose?
Mme David (Gouin) : Nous
n'allons pas aussi loin, mais ce que nous demandons clairement, c'est une
commission parlementaire où on l'entendra, le ministre des Transports, mais il
serait intéressant d'entendre aussi l'ex-ministre des Transports. Ça, c'est une
chose. Quant au cabinet du premier ministre, moi, je pense qu'il y a eu faute,
ça, c'est clair. Ce à quoi je m'attends, c'est que M. Couillard l'assume,
lui, et que lui vienne vous dire, dans le fond, comment il va l'assumer, quel
geste il va poser pour que ça ne se répète jamais.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais en même temps, là, vous dites que ça discrédite, au fond, la gestion du
bureau du premier ministre, là. C'est ce que vous dites?
Mme David (Gouin) : Bien, moi,
je pense qu'il y a un réel problème, mais ce que je ne puis pas départager,
n'étant pas dans le secret du bureau du premier ministre, c'est : Qui doit
porter la principale responsabilité? Moi, j'ai tendance à dire : Le
premier ministre, lui-même... C'est le premier ministre, là, qui doit assumer
le fait qu'il n'a pas été au courant — dit-il, dit-il — pendant
un certain nombre de semaines, de choses quand même graves.
M. Robillard (Alexandre) : Ne
pas donner cette information-là au premier ministre, est-ce que c'est un manque
de jugement de la part de son directeur de cabinet?
Mme David (Gouin) : Alors, si
c'est exact, oui, c'est un manque de jugement. Et je peux imaginer que le
premier ministre et son chef de cabinet vont certainement avoir une
conversation importante.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais vous êtes à l'aise avec le fait de maintenir, dans l'entourage du premier
ministre, des gens dont vous trouvez qu'ils manquent de jugement?
Mme David (Gouin) : Vous
savez, il y a des gens qui peuvent manquer de jugement dans tous les cabinets
de ministres, dans tous les partis, dans tous les gouvernements. Ça peut
arriver, un manque de jugement. On ne va pas, chaque fois qu'il y a un manque
de jugement, vouloir, je ne sais pas moi, condamner à mort cette
personne — c'est une image.
M. Robillard (Alexandre) :
...ce n'est pas grave?
Mme David (Gouin) : Je ne dis
pas que ce n'est pas grave. Je pense qu'il y a eu réel manque de jugement. Le
premier ministre, ce matin, en Chambre, vous l'aurez peut-être remarqué, a
voulu répondre, d'ailleurs, un peu à cette question en disant : Désormais,
je vais m'assurer que l'information circule, ce qui est une manière très
diplomatique, en langage de premier ministre, de dire : J'ai parlé avec
mon chef de cabinet, et ça ne se reproduira plus jamais. Moi, j'aimerais que le
premier ministre soit plus clair. Je pense qu'il doit venir devant vous, donc
devant la population, quelque part, là, pour dire : Mon chef de cabinet a
manqué de jugement, ou alors pour dire : J'ai, moi, fauté en n'exigeant
pas que, dans tous les cas d'irrégularités, mon chef de cabinet me parle. C'est
lui, là, qui doit assumer. Et après, bien, ils régleront leurs affaires entre eux.
M. Caron (Régys) : Mais,
Mme David, est-ce qu'on n'est pas devant une situation où on peut se
demander : Qui gouverne, est-ce que c'est la machine administrative ou le gouvernement?
Le premier ministre a dit, au salon bleu : Oui, l'information a circulé
trois semaines avant que je le sache. Et là on avait commencé à créer le bureau
d'inspecteur général des transports a l'insu du premier ministre. C'est une
décision importante. Alors, c'est la machine qui a décidé ça? Qui a décidé ça? Est-ce
que... Qui gouverne au Québec, finalement?
Mme David (Gouin) : Bien, vous
avez assez d'expérience pour savoir que la machine administrative, dans un gouvernement,
elle est extrêmement importante et elle est puissante. Ceci dit, je pense...
M. Caron (Régys) : Bien, ce
n'était pas ça que ça... Est-ce que ce n'est pas le message que ça envoie — pardonnez-moi
si je vous interromps, Mme David — que, dans le fond, le premier
ministre est tenu dans l'ignorance de choses décrites comme troublantes par un
ancien ministre?
Mme David (Gouin) : Alors, ce
que je voulais ajouter, à la première partie de mon intervention, c'est :
Oui — tous les gouvernements le diront — les machines
administratives sont importantes. Mais moi, je pense aussi que les ministres et
les premiers ministres, ils ont du pouvoir et ils assument le pouvoir qu'ils
veulent bien assumer. Qui nous dit que, dans ce cas-ci, comme peut-être dans
d'autres, au fond, le premier ministre a préféré dire à son personnel :
Vous savez, il y a des choses que je n'ai pas besoin de savoir. On ne le sait
pas, là, puis c'est ça qu'on veut savoir. Quelles ont été les consignes du
premier ministre à l'égard d'un personnel en qui il a confiance, et qui est
très près de lui, et qui, oui, a du pouvoir — soyons clairs?
La même chose... M. Poëti, par
exemple, dans sa lettre, montre que, lui, là, il avait décidé d'être un
ministre, un vrai ministre, là, avec du pouvoir. Il disait à sa sous-ministre :
Moi, je veux des choses, là. Et pourquoi est-ce qu'il écrit sa lettre? Bon, il
y a des raisons qu'on ne connaîtra peut-être jamais, mais une des choses qui
l'a frappé, c'est qu'il a eu beau demander, il n'a pas obtenu de réponse.
Autrement dit, la machine a du pouvoir, mais il y a des ministres et des
premiers ministres qui ont parfaitement la possibilité de décider d'en avoir,
du pouvoir et de donner des orientations réelles que la machine doit suivre.
Ça, c'est un choix.
Alors, moi, je demande au premier ministre :
Quel est votre choix? Quel est votre choix, M. Couillard? Vous voulez
continuer de préférer ne pas savoir ou vous exigez de savoir? Puis ça va être
clair, vous allez le dire à votre personnel, mais vous allez nous le dire
aussi, à la population.
Mme Plante (Caroline) :
Mme David, mis à part ce qui se passe ou ce qui ne se passe pas au bureau
du premier ministre, pour les Québécois, il est probablement important de
savoir ce qui se passe au ministère puis ce qui se passe avec leurs sous. Sur
quoi s'appuie-t-on pour dire qu'il y a crise au ministère, qu'il y a d'énormes
problèmes, graves, au ministère des Transports?
Mme David (Gouin) : Bien, je
pense qu'on s'appuie sur la lettre que M. Poëti a écrite, qui, je pense,
de mémoire, là, ne parle pas de crise grave et de dysfonctionnement
épouvantable, mais parle d'irrégularités, donc de problèmes qui doivent être résolus.
Alors, oui, les Québécois ont le droit de savoir ce qui se passe, mais ils ont
surtout le droit d'avoir des solutions. Parce que le ministère des Transports
donne chaque année pour des milliards de dollars de contrats — ça, c'est
l'argent des Québécois, là — alors, oui, il faut savoir ce qui se
passe.
Mme Plante (Caroline) : Est-ce
que M. Poëti est entièrement crédible à vos yeux?
Mme David (Gouin) : Moi, je
n'ai aucune raison de penser que M. Poëti ne dit pas la vérité parce que,
s'il ne disait pas la vérité, ça lui retomberait extrêmement vite sur la tête.
Et je vous ferai remarquer que, depuis 24 heures, là, qu'on est dans ce
dossier-là, personne, personne d'aucun parti ou même de la machine, hein, n'a
remis en question des éléments de la lettre de M. Poëti.
M. Caron (Régys) : Bien,
Mme Savoie a nié en bloc.
Mme Plante (Caroline) :
Mme Savoie l'a nié en bloc, c'est vrai.
Mme David (Gouin) : Oui, vous
avez raison, mais c'est là où Mme Savoie, à mon avis, a un petit déficit
de crédibilité, là. S'il y avait si peu de problèmes que ça, pourquoi a-t-elle
retenu de l'information si longtemps? Si on pouvait régler un certain nombre de
problèmes qui, dit-elle, étaient seulement de nature administrative, qu'est-ce
qui l'empêchait d'en informer le ministre, d'en discuter avec lui puis de
trouver des solutions? C'est un peu étrange, quand même.
M. Caron (Régys) : Elle a dit
hier que l'administratif, ça relève de la sous-ministre.
Mme David (Gouin) : Mais ce
qu'elle appelle l'«administratif»... Je comprends qu'il y a de l'administratif
dans un ministère. Puis c'est évident, là, dans n'importe quel gouvernement, le
ministre n'a pas à se préoccuper de la gestion quotidienne de chacune des
sections de son ministère. On va tous être d'accord avec ça. Mais de juger que,
par exemple, le fractionnement de contrats ou l'attribution de contrats à des
ex-employés du ministère, ça, c'est juste une question administrative, on n'a
pas besoin d'en discuter avec le ministre, je m'excuse, mais là on est devant
des décisions politiques, là, pas seulement devant de la petite administration
quotidienne, pas du tout. Merci.
(Fin à 12 h 5)